Les gants.

Le gant est un accessoire de l’élégance indispensable autrefois. Il tient chaud, protège la main toujours laborieuse et sollicitée de la saleté et par là tout le corps. On y plonge les doigts comme on entre dans une douce société. Parfumé, il fait obstacle aux odeurs malsaines et répand le plaisir. Il est le dernier rempart entre soi et le monde, le premier médiateur. Il doit être fort et fin, confortable et gracieux. Dégantée, la main offre l’âme nue, invite plus chaleureusement, se donne cordialement, caresse. L’esprit qui guide chacun de nos mouvements et se prolonge dans nos yeux, notre visage, notre corps, nos habits, vient mourir dans le gant et s’agite en lui en un chant du cygne (ou signe). Il est l’accessoire de tous les muguets, coquettes, merveilleux, muscadins … Seuls la canne, la badine ou le parapluie marquent la frontière plus avant, pénètrent un peu plus l’univers. La main se dénude pour apprécier, aimer, toucher et partager … Elle ne quitte le confort du gant que pour entrer dans une autre douceur : serrer une main aimable, toucher de la soie, palper … L’habit et le gant sont la véritable compagne du dandy, sa conjointe, celle qui l’enlace constamment ; ainsi paraît-il toujours contenté, concentré et distant. Le monde entier peut s’écrouler sur lui, le dandy mourra en même temps que son apparence, son habit, son gant.

Photographies : Détail d’une gravure d’incroyable (1800) - Peinture polychrome sur porcelaine allemande du Directoire représentant une merveilleuse avec l’accoutrement typique : longue tunique vaporeuse, chapeau avec très longue visière. Signature au dos de Van Recum deFrankenthal (Allemagne), marque utilisée de 1797 à 1799. – Muscadin. Gravure de la première moitié du XIXe siècle. – Détail d’une gravure de 1797 représentant des incroyables.

L’Almanach de Gotha de 1789 qui contient « diverses connaissances curieuses et utiles » a tout un article (pp. 94-96) sur les « Gants » (l’orthographe a été changée car c’est écrit « gand ») : « Les gants sont une pièce d’ajustement très ancienne. Les premiers qu’on fit, étaient sans doigts. Ce ne fut que dans le moyen âge, que les ecclésiastiques commencèrent à en porter. Dans l’ancien temps le don d’un gant, était la ligne de la cession d’une possession ; un gant jeté à une personne était un défi. En France, il était défendu aux juges royaux d’être gantés pendant leurs séances. On fait des gants, de peau, de toile, de laine, de coton, de lin, de fil, de soie etc. & des gants fourrés. […] On coupe ordinairement les gants de femmes tout d’une pièce excepté le pouce qu’on coupe à part dans toutes les espèces de gants, & le bord des gants d’hommes. Pour faciliter la coupe des gants on se sert d’un patron, ou modèle de papier, qu’on étend sur la peau. On dit que pour qu’une paire de gants soit bonne, il faut que trois royaumes y contribuent, c. à d. que l’Espagne doit fournir la peau, la France la coupe & l’Angleterre la façon. Les meilleurs gants blancs de France, se font maintenant à Paris, & à Vendôme. On portait autrefois des gants parfumés, qui venaient des royaumes d’Espagne & de Naples, les plus renommés étaient ceux de Nevoli, & de Franchipane cette mode est presque tombée… ». Pas tout à fait puisqu’en 1801 Jean-Louis Fargeon explique comment parfumer les gants dans L’Art du parfumeur, ou traité complet de la préparation des parfums, cosmétiques, pommades, pastilles, odeurs, huiles antiques, essences, bains aromatiques, et des gants de senteur, etc. Dans son Traité de la distillation avec un traité des odeurs, datant de 1753, Antoine Dejean occupe une partie aux gants. A cette époque, gantiers, poudriers et parfumeurs font partie de la même corporation. Parfumer les gants est même une des bases de l'art du parfumeur.

Voici quatre planches de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot et D'Alembert consacrées à la ‘Ganterie’ et aux gants et quelques passages de textes tirés du même ouvrage : « sous le nom de ganterie, l'on entend l'art de fabriquer toute sorte de gants, espèce de vêtement de main destiné principalement à la défendre du froid pendant l'hiver, & du hâle pendant l'été. ». « Les gants se divisent en deux sortes: les uns qu'on appelle gants proprement dits, & les autres mitaines; les premiers sont aussi de deux espèces: les uns pour hommes sont les plus courts, & enveloppent les quatre doigts de la main & le pouce, chacun séparément, le métacarpe ou la paume & le carpe ou le poignet jusqu'au - dessus seulement; les autres pour femmes sont les plus longs, étant accoutumés à avoir les bras découverts; ils enveloppent comme les précédents non seulement les quatre doigts de la main & le pouce chacun séparément, quelquefois ouverts, & quelquefois fermés, le métacarpe & le carpe, mais même aussi l'avant-bras en entier jusqu'au coude. Les mitaines sont aussi des espèces de gants faits comme les précédents, mais dont les quatre doigts de la main sont ensemble & le pouce séparément; il en est de fermées & d'ouvertes; les unes servent aux paysans pour les garantir des piqures d'épines lorsqu'ils les coupent, & aux enfants pour leur tenir les mains plus chaudement, & les autres servent à presque toutes les femmes, lorsqu'elles vont en ville, en visite, ou en cérémonie, plus souvent par coutume que par besoin. »

Au sujet de la première planche : « De la manière de faire les gants. Les gants sont composés chacun de quatre sortes de pièces principales: la première est l'étavillon, (on appelle ainsi toute espèce de peau taillée ou non taillée, disposée pour faire un gant); la deuxième, qui est le pouce, est un petit morceau de peau préparé pour faire le pouce; la troisième, sont les fourchettes; ce sont aussi des petits morceaux de peaux à deux branches qui se placent entre les doigts pour leur donner l'agilité nécessaire; la quatrième, sont les carreaux. Ce sont de très petits morceaux de peau plutôt losanges que quarrés, qui se placent dans les angles intérieurs des fourchettes pour les empêcher de se déchirer, & en même temps contribuer avec elles à l'agilité des doigts. L'étavillon ainsi préparé, un autre ouvrier entaille les doigts, comme on peut le voir en ABCD, fig. 1. leur donne leur longueur, les rafile, fait les arrières fentes EFG, enlevure H, taille le pouce, fig. 2. les pièces de derrière, fig. 4… » « La fig. 1. Pl. I. représente un étavillon de gant simple, dont le côté I fait le dehors de la main, & le côté K le dedans; ABCD représentent les doigts, A est l'index, BB le medius & son correspondant, CC l'annulaire & son correspondant; EFG, sont les arrières fentes, & H l'enlevure. La fig. 2. représente le morceau de peau disposé pour faire le pouce; A est le haut du pouce, & B le côté qui se coud sur l'enlevure. La fig. 3. représente l'enlevure ou la pièce qui sort de l'enlevure A de l'étavillon (fig. 1.) ce petit morceau s'envoie à la couturière pour en tailler les quarreaux. La fig. 4. représente un morceau de peau en deux pièces A & B, dont on se sert quelquefois pour doubler le haut du gant I & K, fig. 1. La partie supérieure de la gravure montre des ouvriers dans leur atelier. »

Sur la seconde planche sont représentées différentes sortes de gants : « Les gants retroussés ou à l'anglaise, fig. 12. & 13. sont ceux dont le haut A, étant en effet retroussé, l'envers qui devient l'endroit, est de même couleur & de même façon que le reste du gant. » « Les gants brodés, fig. 13. sont des gants dont le dessus de la main, vers la jonction des doigts, le pourtour de l'enlevure du pouce B, les bords du haut A, & presque toutes les coutures sont brodées en fil, soie, or ou argent, selon le goût & la distinction de ceux qui les portent, & les cérémonies où ils sont d'usage. » Quant à la description de la gravure la voici : « La fig. 5. représente la fourchette qui se place entre l'index & le médius, dont les bouts sont à pointe; la fig. 6. celle qui se place entre le médius & l'annulaire; & la fig. 7. celle qui se place entre l'annulaire & l'auriculaire. La fig. 8. représente le quarreau qui se place dans l'angle de la première fourchette; la fig. 9. celui qui se place dans l'angle de la seconde; la fig. 10. celui qui se place dans l'angle de la troisième. La fig. 11. représente un gant simple fait. La fig. 12. représente un gant à l'anglaise ou retrousse, fait; A est la retroussure. La fig. 13. représente un gant à l'anglaise, brodé; A A, &c. sont les broderies. La fig. 14. représente un étavillon de mitaine fermée; A est le dehors de la main; B le dedans; C l'enlevure. La fig. 15. représente un petit morceau de peau disposé pour faire le pouce; A est le haut du pouce; & B le côté qui se coud sur l'enlevure. La fig. 16. représente un morceau de peau en deux pièces A & B, fait pour doubler le haut de la mitaine A & B, fig. 14. La fig. 17. représente la mitaine faite. »

Description de cette troisième planche : « La fig. 18. représente un étavillon de gant de fauconnier, dont le côté I fait le dehors de la main, & le côté K le dedans. ABCD représentent les doigts, A l'index, B B le médius, C C l'annulaire, & D D l'auriculaire; E F G sont les arrières fentes; & H l'enlevure. La fig. 19. représente la peau disposée pour faire le pouce; A est le haut du pouce; & B le côté qui se coud sur l'enlevure. La fig. 20. représente la fourchette qui se place entre l'index & le médius, dont les bouts sont à pointe; la fig. 21. celle qui se place entre le médius & l'annulaire; & la fig. 22. celle qui se place entre l'annulaire & l'auriculaire. La fig. 23. représente le quarreau qui se place dans l'angle de la première fourchette; la fig. 24. celui [p. 795] qui se place dans l'angle de la deuxième fourchette; & la fig. 25. celui qui se place dans l'angle de la dernière fourchette. Les fig. 26. & 27. représentent les deux pièces destinées à doubler le haut du gant. La fig. 28. représente un gant de fauconnier fait. La fig. 29. représente un étavillon de gant de femme à doigts ouverts, dont le côté I fait le dehors de la main, & le côté K le dedans. ABCD en sont les doigts; A les deux côtés de l'index; B B les deux côtés du médius; CC les deux côtés de l'annulaire; & D D les deux côtés de l'auriculaire; E F & G en sont les arrières fentes, & H l'enlevure. »

Description de cette dernière planche : « Avant que de tailler les gants, il faut d'abord en préparer les peaux; pour cet effet on commence par les parer & en supprimer le pelun; si elles sont trop épaisses, ou plus d'un côté que de l'autre, il faut les effleurer, c'est - à - dire en ôter la fleur; ce qui se fait en levant d'abord du côté de la tête une lisière de cette fleur, qu'on appelle aussi canepin, & avec l'ongle on enlève cette petite peau peu-à-peu ; ce qui les rend alors beaucoup plus maniables & plus faciles à s'étendre. Ceci fait, après les avoir bien brossées & nettoyées, on les humecte très - légèrement du côté de la fleur avec une éponge imbibée dans de l'eau fraîche, & on les applique les unes sur les autres, chair sur chair, & fleur sur fleur; on les met ensuite en paquet jusqu'à ce qu'elles aient pris une humidité bien égale, & on les tire ensuite l'une après l'autre sur un palisson, figure 12. Planche V. en longueur, en largeur, & en tout sens; les maniant ainsi tant qu'elles peuvent s'étendre; ensuite on les dépèce, & on les coupe pour en faire des étavillons, pouces, fourchettes, &c.  Lorsque l'on veut faire un gant. ii faut préparer d'abord ses étavillons, ce qu'on appelle étavillonner; si la peau en est encore trop forte & trop épaisse, on l'amincit en la dolant; ce qui se fait en cette manière. On applique l'étavillon sur une table; on pose ensuite sur une de ses extrémités le marbre à doler, figure 5. Planche V. en sorte que son autre extrémité retourne par - dessus, que l'on tient de la main gauche bien étendue sur le marbre en appuyant dessus; on le dole, c'est - à - dire, on l'amincit, & on ôte en même tems toutes les inégalités avec le doloir ou couteau à doler, figure 6. Planche V. qu'on a eu grand soin auparavant d'aiguiser avec une petite pierre, & ensuite d'ôter le morfil avec l'épluchoir, figure première, Planche V. qui n'est autre chose qu'un mauvais couteau; l'on tient pour doler le couteau sur son plat de la main droite, en le faisant aller & venir successivement, jusqu'à ce qu'étant bien dolé partout, la peau en soit égale. Ceci fait, un ouvrier l'étend & le tire sur le palisson, figure 12. Planche V. ou sur la table fortement & à plusieurs reprises sur tous sens pour l'allonger, comme on a fait les peaux, plus ou moins, selon ses différentes épaisseurs, & toujours pour l'égaliser; ensuite il l'épluche & le déborde, c'est - à - dire, en tire les bords & les égalise avec l'épluchoir, figure première, Planche V. le plie en deux pour en faire le dessus & le dessous du gant, taille les deux côtés ensemble & les bouts selon la largeur & la forme convenables; ensuite le met en presse sous un marbre de pierre ou de bois à cet effet, figure 7. & 8. Planche V. jusqu'à ce qu'un autre ouvrier le reprenne pour le tailler, & on en recommence ensuite un autre de la même manière. » Voici la description de cette planche telle qu’on peut la lire dans l’Encyclopédie : « La fig. 1. Pl. V. représente un épluchoir, couteau fait pour servir à éplucher, déborder, &c. les étavillons; A en est la la ne, & B le manche. La fig. 2. représente une paire de ciseaux faite pour tailler les gants; A A en sont les taillans, B la charnière, & C C les anneaux. La fig. 3. représente une paire de forts ciseaux, faite pour couper ou dépecer les peaux; A A en sont les taillans; B la charnière; & CC les boucles. La fig. 4. représente une paire de forces faites pour dépecer les peaux, espèce de ciseaux à deux tranchants A A, & à ressort en B. que l'on prend à pleine main en C pour s'en servir. La fig. 5. représente un marbre à doler, d'environ un pied quarré, poli sur sa surface, sur laquelle on appuie les étavillons pour les doler. La fig. 6. représente un doloir ou couteau à doler, composé d'un fer A, très - large & très - taillant en B, emmanché en C, fait pour doler les étavillons. La fig. 7. représente une presse, pièce de bois simple d'environ deux pieds de long, faite pour mettre en presse les étavillons. La fig. 8. représente une autre presse de marbre d'environ un pied quarré, avec boucle au milieu en A, faite aussi pour mettre en presse les étavillons. La fig. 9. représente deux renformoirs d'environ quinze à dix - huit pouces de longueur chacun, espèce de fuseaux de bois de noyer ou de frêne, faits pour renformer les gants, c'est - à - dire les étendre. La fig. 10. représente une demoiselle, morceau de bois aussi de noyer ou de frêne, en forme de cône, d'environ un pied de hauteur, subdivisé de plusieurs espèces de boucles A A, &c. posées les unes sur les autres, dont le diamètre diminue à proportion qu'elles se lèvent, appuyées toutes sur un plateau B; cet instrument sert avec les renformoirs, fig. 9. à renformer les gants. La fig. 11. représente une petite demoiselle, faite pour servir à renfermer les gants d'enfant. La fig. 12. représente un palisson, fait pour étendre & allonger les peaux, composé d'un fer A, arrondi sur sa partie circulaire, arrêté à l'extrémité d'une plate - forme B, antée par l'autre sur une forte pièce de bois C, servant de pied, & retenue de part & d'autre par des arc - boutants D D; on se sert de cet instrument étant assis sur une chaise ou tabouret, ayant les pieds appuyés sur la machine, & faisant aller & venir sur le fer A, avec ses deux mains, les peaux que l'on étend. Article de M. Lucotte.  »

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La toilette masculine : l'art du rasage.

Les iconographies et les textes anciens nous présentent l’homme de qualité français accordant une certaine importance à son paraître et à la mode. Se raser est un acte de propreté spécifiquement masculin. C’est un art qui a un nom : la pogonotomie, comme nous l’apprend Jean-Jacques Perret dans son ouvrage : La Pogonotomie, ou l’art d’apprendre à se raser soi-même, avec la manière de connaître toutes sortes de Pierres propres à affiler tous les outils ou instruments ; & les moyens de préparer les cuirs pour repasser les rasoirs, la manière d’en faire de très-bons … (1769). Ce livre est consultable sur http://books.google.fr et disponible sur le site de L'Intersigne.

Dans un passage du Discours nouveau sur la mode, poème datant de 1613, Vigier fait dire à la personnification de la Mode :
(l’orthographe a été remaniée)
« Mille fois j’ai changé le blondissant coton
Que l’Avril de leurs ans leur fait croître au menton,
Fait leur barbe tantôt longue, tantôt fourchue,
Tantôt large ; à présent on prise la pointue,
C’est celle maintenant dont plus de cas on fait,
Qui ne la porte ainsi n’est pas homme bien fait ;
Non plus que l’on ne peut être de bonne grâce
Si l’on n’a pas aux sourcils relevé la moustache [écrit ‘moustasse’],
Moustache qu’on avait jadis accoutumé
Porter rase, qui lors voulait être estimé. »

Le plat à barbe est un des objets de toilette de la pogonotomie avec le rasoir, son étui et l’éponge pour la barbe (bien que l’éponge soit un accessoire mixte de toilette). C’est un bassin rond ou ovale, avec un large rebord et une échancrure pour pouvoir emboîter le récipient sous le menton afin de faciliter le savonnage et le rinçage. Certains modèles ont sur l’aile un creux pour loger une boule, en buis ou d’une autre matière, qui une fois placée dans la bouche, aide à un rasage parfait. Nous avons un exemple dans cette photographie de plat à barbe en faïence (objet L M) à décor polychrome d'un semi de barbeaux. Production du milieu du 19ème siècle de Lunéville (marque utilisée de 1836 à 1850).

Tout un nécessaire de toilette est donc indispensable car se raser est une opération délicate. L’antiquaire Le Curieux (http://www.lecurieux.com/) propose sur son site un ensemble de rasage du Premier Empire (France, vers 1815) en argent, métal doublé, ivoire, acier et maroquin à long grain doré aux petits fers. Il est composé d'un bassin, d'uneboîte à éponge, d'une boîte à savon, d'un rasoir, d'un blaireau et d'un cuir.

Le nécessaire se pose près d’un miroir, par exemple sur une table de toilette pour homme, ressemblant à celle pour femme, mais d’aspect plus simple avec un plateau d’un seul tenant. La barbière est un autre meuble propre à l’homme et au rasage. Elle est verticale, avec des tiroirs les uns sur les autres. Les premières apparaissent à la fin du dix-huitième siècle et sont des commodes hautes et étroites dont les tiroirs forment le socle. Parfois, le plateau pivotant est un miroir qui dégage les accessoires nécessaires pour se faire la barbe.

L’élégant se rase lui-même ou le fait faire par un autre (barbier, valet de chambre). Au XVIIIe siècle, le métier de barbier est assimilé à ceux de perruquier, baigneur et étuviste. Dans cette gravure originale (de LM), on rentre dans l’intérieur d’un perruquier/barbier avec des exemples des ustensiles qui sont utilisés. Planche du XVIIIe siècle de la partie consacrée aux 'Arts de l’habillement’ de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences,des arts et des métiers de Diderot et D'Alembert. Voici la description que l’on trouve dans cette encyclopédie : « Le haut de cette Planche représente un atelier ou boutique de perruquier où plusieurs garçons sont occupés à divers ouvrages de cet art ; un en a, à faire la barbe ;  un en b, à accommoder une perruque ; une femme en c, à tresser ; deux ouvriers en d, à monter des perruques ; un autre en e, à faire chauffer les fers à friser, tandis qu'un particulier en f ôte la poudre de dessus son visage. Bas de la Planche . Fig. 1. Bassin à barbe d'étain ou de faïence. A, l'échancrure qui reçoit le menton lorsque l'on rase. 2. Bassin à barbe d'argent ou argenté. A, l'échancrure. 3. Coquemar à faire chauffer l'eau. A, le manche. B, l'anse. C, le couvercle. 4. Bouilloire. A, l'anse. B, le bouchon ou couvercle. 5. Bouteille de fer blanc à porter de l'eau en ville, lorsque l'on y va raser. A, la bouteille. B, le goulot. C, le bouchon. 6. Autre bouteille de fer-blanc destinée au même usage. A, la bouteille. B, le bouchon. 7. Cuir à deux faces à repasser les rasoirs. A, le cuir. B, le manche. 8. Cuir à quatre faces à repasser les rasoirs. Ces faces sont préparées de manière à affiler les rasoirs de plus en plus fin. A, le cuir. B, le manche. 9. Pierre à repasser les rasoirs. 10. Pierre enchâssée à repasser les rasoirs. A, la pierre. B, le châssis. C, le manche. »

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Le beau, la mode et le bonheur.

Cette année, j’ai découvert un nouvel univers : celui de la mode française du XIXe siècle. Pourtant il y a encore peu de temps de cela, les gravures de mode de cette époque qui représentent des modèles féminins à la 'Autant en emporte le vent' et des hommes en habits sombres et hauts-de-forme me semblaient inintéressants. Aujourd’hui mon jugement n’a pas changé ; mais j’ai découvert quelque chose de ‘nouveau’. Ce siècle garde, derrière son opulence bourgeoise au raffinement tout entier pris au siècle précédent, une mode vivante. Les acteurs de ce courant parcourent les jardins des Champs-Elysées ou les boulevards en réinventant constamment la mode et ses plaisirs. J’ai rassemblé ces derniers mois de très nombreux documents du XIXe siècle qui permettent de lire entre les lignes du texte de la mode de cette époque qui reprend le corset et les grandes robes abandonnés par les merveilleuses, et y trouver un cœur qui bat très très fort. Je ne peux pas en dire vraiment plus, car je travaille sur un livre où ce sujet est traité. Alors en attendant, je vais citer le chapitre sur ‘Le beau, la mode et le bonheur’ de Le Peintre de la vie moderne (Curiosités esthétiques) de Charles Baudelaire (1821-1867) datant de 1863.

« J’ai sous les yeux une série de gravures de modes commençant avec la Révolution et finissant à peu près au Consulat. Ces costumes, qui font rire bien des gens irréfléchis, de ces gens graves sans vraie gravité, présentent un charme d’une nature double, artistique et historique. Ils sont très souvent beaux et spirituellement dessinés; mais ce qui m’importe au moins autant, et ce que je suis heureux de retrouver dans tous ou presque tous, c’est la morale et l’esthétique du temps. L’idée que l’homme se fait du beau s’imprime dans tout son ajustement, chiffonne ou raidit son habit, arrondit ou aligne son geste, et même pénètre subtilement, à la longue, les traits de son visage. L’homme finit par ressembler à ce qu’il voudrait être. Ces gravures peuvent être traduites en beau et en laid; en laid, elles deviennent des caricatures; en beau, des statues antiques.

Les femmes qui étaient revêtues de ces costumes ressemblaient plus ou moins aux unes ou aux autres, selon le degré de poésie ou de vulgarité dont elles étaient marquées. La matière vivante rendait ondoyant ce qui nous semble trop rigide. L’imagination du spectateur peut encore aujourd’hui faire marcher et frémir cette tunique et ce schall. Un de ces jours, peut-être, un drame paraîtra sur un théâtre quelconque, où nous verrons la résurrection de ces costumes sous lesquels nos pères se trouvaient tout aussi enchanteurs que nous-mêmes dans nos pauvres vêtements (lesquels ont aussi leur grâce, il est vrai, mais d’une nature plutôt morale et spirituelle), et s’ils sont portés et animés par des comédiennes et des comédiens intelligents, nous nous étonnerons d’en avoir pu rire si étourdiment. Le passé, tout en gardant le piquant du fantôme, reprendra la lumière et le mouvement de la vie, et se fera présent.

Si un homme impartial feuilletait une à une toutes les modes françaises depuis l’origine de la France jusqu’au jour présent, il n’y trouverait rien de choquant ni même de surprenant. Les transitions y seraient aussi abondamment ménagées que dans l’échelle du monde animal. Point de lacune, donc point de surprise. Et s’il ajoutait à la vignette qui représente chaque époque la pensée philosophique dont celle-ci était le plus occupée ou agitée, pensée dont la vignette suggère inévitablement le souvenir, il verrait quelle profonde harmonie régit tous les membres de l’histoire, et que, même dans les siècles qui nous paraissent les plus monstrueux et les plus fous, l’immortel appétit du beau a toujours trouvé sa satisfaction.

C’est ici une belle occasion, en vérité, pour établir une théorie rationnelle et historique du beau, en opposition avec la théorie du beau unique et absolu; pour montrer que le beau est toujours, inévitablement, d’une composition double, bien que l’impression qu’il produit soit une; car la difficulté de discerner les éléments variables du beau dans l’unité de l’impression n’infirme en rien la nécessité de la variété dans sa composition. Le beau est fait d’un élément éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile à déterminer, et d’un élément relatif, circonstanciel, qui sera, si l’on veut, tour à tour ou tout ensemble, l’époque, la mode, la morale, la passion. Sans ce second élément, qui est comme l’enveloppe amusante, titillante, apéritive, du divin gâteau, le premier élément serait indigestible, inappréciable, non adapté et non approprié à la nature humaine. Je défie qu’on découvre un échantillon quelconque de beauté qui ne contienne pas ces deux éléments.

Je choisis, si l’on veut, les deux échelons extrêmes de l’histoire. Dans l’art hiératique, la dualité se fait voir au premier coup d’oeil; la partie de beauté éternelle ne se manifeste qu’avec la permission et sous la règle de la religion à laquelle appartient l’artiste. Dans l’oeuvre la plus frivole d’un artiste raffiné appartenant à une de ces époques que nous qualifions trop vaniteusement de civilisées, la dualité se montre également; la portion éternelle de beauté sera en même temps voilée et exprimée, sinon par la mode, au moins par le tempérament particulier de l’auteur. La dualité de l’art est une conséquence fatale de la dualité de l’homme. Considérez, si cela vous plaît, la partie éternellement subsistante comme l’âme de l’art, et l’élément variable comme son corps. C’est pourquoi Stendhal, esprit impertinent, taquin, répugnant même, mais dont les impertinences provoquent utilement la méditation, s’est rapproché de la vérité, plus que beaucoup d’autres, en disant que le Beau n’est que la promesse du bonheur. Sans doute cette définition dépasse le but; elle soumet beaucoup trop le beau à l’idéal infiniment variable du bonheur; elle dépouille trop lestement le beau de son caractère aristocratique; mais elle a le grand mérite de s’éloigner décidément de l’erreur des académiciens.

J’ai plus d’une fois déjà expliqué ces choses; ces lignes en disent assez pour ceux qui aiment ces jeux de la pensée abstraite; mais je sais que les lecteurs français, pour la plupart, ne s’y complaisent guère, et j’ai hâte moi-même d’entrer dans la partie positive et réelle de mon sujet. »

Photographie : Costume Parisien (planche 147) de l’An 7 (1798). Le modèle porte une tunique à la grecque et un drapé. Seule sa coiffure est décrite : « Coeffure en Tresses ». Estampe originale de LM. Au sujet du Costume Parisien voir l'article du 12 novembre 2007 intitulé : Le Journal des Dames et des Modes.

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Retour vers les lieux enchanteurs !

Photographie : « Je vous salue ô lieux charmants ! » Gravure de J. J. Hubert d’après Queverdo, provenant d’Estelle, Pastorale (troisième édition, Paris, P. Didot l'Aîné, 1793) de Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794).

Voici les vacances et le retour vers les endroits enchanteurs !

C’est aussi le moment de préparer la rentrée avec de nouveaux projets et collaborations. En perspective (si tout se passe bien !) en août ou septembre un site consacré à l’Art sur Internet, et pour décembre la publication d’un premier livre. La collection sur la mode française sera complétée par de nombreux nouveaux documents d’époque du XIXe siècle et du XXe. Dans le blog, je vais faire de mon mieux pour vous présenter de plus en plus de beaux objets et des sites d’antiquaires de qualité. Les choses se mettent en place petit à petit, très doucement, mais avec sérénité ... Si vous souhaitez me contacter, n’hésitez pas.

Je souhaite de bonnes vacances à tous ceux qui en prennent, et aux autres beaucoup de douceur estivale.

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Une histoire de la coiffeuse.

Photographie : Image provenant de Bertall, La Comédie de notre temps, vol. 1, Plon, Paris, 1874.

Le terme de coiffeuse apparaît, semble-t-il au tout début du XXe siècle (je n'ai pas trouvé le mot employé avant), pour désigner un meuble spécifiquement féminin constitué d’une tablette, d'un ou plusieurs miroirs et généralement de tiroirs ou petits étagères permettant à la femme de ranger tout les objets dont elle a besoin pour s'apprêter : se parer, se maquiller, se parfumer et évidemment se coiffer. La coiffeuse évolue avec les styles. On en a de très beaux exemples datant de la période Art déco travaillés avec goût en bois précieux (bois de rose, acajou).

L’ancêtre de la coiffeuse est la table de toilette, devant laquelle l’élégance s’assied depuis qu’on se pomponne. Des exemples datent de l’Antiquité. La femme représentée assise dans la Villa des Mystères à Pompéi semble être devant une table de toilette. Comme son nom l’indique, elle se compose d’une table sur laquelle on dispose une très fine toile (la toilette) qui au Moyen-âge sert à envelopper certains vêtements et objets précieux afin de les protéger. On la dispose le soir dans une cassette de nuit pour la redéployer le matin. Subséquemment, au XVIIe siècle, le sens du mot ‘toilette’ s’élargit pour désigner aussi l’ensemble des objets de la garniture pouvant comprendre un miroir chevalet, une aiguière avec son bassin, des flambeaux, des coffrets, des boîtes à poudre, à éponge, à savon, des flacons, des pots à fard, à onguent, des tablettes à gants, une brosse, une houppette, une baignoire d’yeux, un mortier à fard, un plat à barbe pour les hommes etc. Certaines de ces garnitures sont en matières précieuses : en argent, vermeil ou même en or. De nombreuses gravures de cette époque nous présentent des femmes ou des hommes devant une table juponnée sur laquelle sont disposées la toilette et sa garniture. Ce simple meuble est généralement dans la chambre, près de la ruelle, l’endroit où les précieuses invitent et font salons, allongées sur leur lit.

C’est au siècle des Lumières que le terme de toilette désigne en plus le meuble. Il s’agit le plus souvent d’une table rectangulaire, à quatre pieds, avec en façade une tablette escamotable, des faux et des vrais tiroirs, parfois même certains simulés. Le dessus est plat afin d’accueillir les toiles mais peut se relever pour découvrir chez les hommes un long miroir s’ouvrant sur un plan en marbre ... Chez la femme il est en trois parties, avec un miroir rabattable au centre, et deux vantaux latéraux dissimulant des caves dans lesquelles sont disposés les objets de toilette (boîtes, pots, flacons etc.). Le XVIIIe nous a légué de ces objets fabriqués en porcelaine particulièrement fins et délicatement ouvragés. Certaines de ces tables de toilette sont en bois précieux comme en acajou (voir article : Une table de toilette du XVIIIe siècle) et délicatement marquetées.

La table de toilette est le meuble en particulier de la seconde toilette qui fait suite à celle de propreté qui consiste à prendre un bain ou se laver avec des vinaigres parfumés ou autres lotions. Et si contrairement au Moyen-âge, au XVIIe siècle on se lave un peu moins à l’eau (il existe cependant toujours de nombreuses maisons de bains) on le fait avec des vinaigres parfumés et autres lotions qui garantissent une propreté impeccable. Au XVIIIe, l’usage des bains est fréquent, et les dames et les hommes de qualité passent plusieurs demi-heures voir heures à la première et seconde toilette. La table de toilette qu’on appelle aujourd’hui coiffeuse est le meuble emblématique de la seconde toilette. De nombreuses peintures et gravures du XVIIIe siècle nous présentent la femme ou l’homme de qualité assis face à elle, en train de se parer, se farder, poser des mouches, se coiffer. La deuxième toilette est plus mondaine. On y accueille des visiteurs, des marchands, des courtisans. On y reçoit des billets doux. Le Dictionnaire de L'Académie française de 1762 nous explique qu’on appelle familièrement Pilier de toilette, Un homme qui assiste assidument à la toilette d'une ou de plusieurs femmes.
Après la Révolution, la toilette d’apparat disparaît ; avec elle la fine toile se fait plus rare, bien que souvent présente. De plus en plus, le meuble cesse d’être polyvalent. Le miroir est apparent et prend la place principale. La coiffeuse peut être placée dans le cabinet de toilette, c'est-à-dire dans un lieu d’intimité. Barbières et autres athéniennes (l’ancêtre du lavabo) se généralisent. Si chez les plus riches, la table de toilette peut être d’un grand raffinement, elle peut chez les autres être très simple : une table avec un tiroir et un miroir, sur laquelle on place le bassin et pot à eau. C’est peut-être pour la différencier de ce meuble rustique que le terme de coiffeuse apparaît.
Si la coiffeuse du XXe siècle n’est plus le meuble emblématique autour duquel se joue le spectacle du raffinement des XVIIe et XVIIIe siècles, elle reste celui où on peint sur un miroir, l’éphémère de la journée qui va se dérouler. Elle fait de chacun un artiste total … seul devant sa glace …


DEFINITION DU MOT 'TOILETTE' DU DICTIONNAIRE DE L'ACADEMIE FRANCAISE, QUATRIEME EDITION (1762) :

TOILETTE. subst. f. Toile qu'on étend sur une table, pour y mettre ce qui sert à l'ornement & à l'ajustement des hommes & des femmes. Toilette unie. Toilette à dentelle.

On appelle Toilette de point, Le point préparé pour garnir une toilette. Elle a acheté une belle toilette de point, de point d'Angleterre.

On appelle plus particulièrement Toilette, Les flambeaux, les boîtes, les flacons, les carrés, &c. de la toilette d'une femme. Toilette d'argent. Toilette de bois de sainte Lucie.

On appelle Dessus de Toilette, Une pièce de velours, de damas, bordée de dentelle ou de frange, avec laquelle on couvre tout ce qui est sur la toilette. Dessus de toilette de velours. Dessus de toilette de damas.

On appelle aussi Toilette, Le tout ensemble. Belle toilette. Riche toilette. Sa toilette étoit magnifique. La toilette de ses noces. Mettre la toilette.

On appelle aussi & le plus souvent Toilette, La table même chargée de ce qui sert à la parure d'une femme. La toilette n'est pas bien là. Approchez la toilette de la cheminée.

On dit, Voir une Dame à sa toilette, l'entretenir à sa toilette, pour dire, La voir, l'entretenir pendant qu'elle s'habille.

On appelle familièrement Pilier de toilette, Un homme qui assiste assidument à la toilette d'une ou de plusieurs femmes.

En parlant De certaines femmes accoutumées à porter à la toilette des Dames, des nipes & des étoffes à vendre, on dit, que Ce sont des revendeuses à la toilette: & c'est dans cette acception qu'on dit, Vendre à la toilette. Revendre à la toilette.

On dit proverbialement, Plier la toilette, pour dire, Enlever, emporter les meubles d'un homme, d'une femme. Il plia un beau matin la toilette, & s'en alla. Il se dit aussi d'Un valet qui vole les hardes de son maître. Ce valet plia la toilette de son maître, & prit la fuite.

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Le high-life.

Photo 1 : page de titre du catalogue : Les Embellissements du High Life Tailor, Printemps-été 1923.
Avant de vous proposer un prochain article sur les petites mains de la mode française (grisettes, cousettes, midinettes, mimi-pinsons …), en voici un sur la haute-fashion parisienne : le high-life des lions et autres lionnes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.

La haute bicherie de l’époque se retrouve dans les grands magasins du Louvre, au Bon Marché ou au High-Life Tailor, dans les promenades au bois de Boulogne, les courses à Chantilly, les fêtes organisées par l’aristocratie, les grands restaurants, les orgies … Au début du XXe siècle, Paris est toujours lumineux … une ville de lumières ! La mode se libère là avec Paul Poiret puis Coco Chanel. Elle se mélange aux avant-gardes : constructivisme, futurisme, fauvisme, cubisme … venant de Russie, Italie, France … et d’influences orientales, russes ... C’est encore le copurchic (le pur chic) du XIXe, mais une fashion libérée. La femme s’affranchit du corset, des coiffures élaborées, porte des robes qui semblent prêtes à glisser sur les mollets au moindre coup de vent, impose le féminisme et occupe les mêmes places que les hommes (petit à petit). On danse le charleston sur du hot jazz. C’est le début du swing ! La folie est partout. C’est l’époque du dadaïsme, du surréalisme, du cinéma expressionnisme allemand avec ses clairs-obscurs, ses escaliers interminables ... En même temps, la high-life continue de parader sur les terrains de courses, les promenades des boulevards, dans des cercles (clubs) et autres réunions mondaines, dans des fêtes somptueuses … et voyage : croisières, stations balnéaires … Pendant ce temps, New-York élève ses tours à en perdre haleine. On ne pense pas encore à conquérir la lune … mais bientôt ! Au XIXe siècle on cherche à prendre de la hauteur : haute fashion, haute bicherie, high-life, grandes dames ... et au XXe on se libère et commence à s’envoler dans des avions, en attendant les jets privés, puis les voyages dans l’espace.
Le terme de high-life désigne donc la ‘haute vie’, celle des ‘grands’ de ce monde, s’inspirant comme son nom l’indique du modèle anglo-saxon. L’expression high-life est particulièrement attachée à deux choses :
- Un magasin se nommant le High-Life Tailor dont nous reproduisons ci-dessous des passages du catalogue de 1923.
- Un annuaire ultra mondain, dans le style du Gotha, qui paraît pour la première fois en 1883 sous le nom de La Société et le High-Life et contenant les noms des personnalités françaises. Photo 2 : L’édition que nous présentons (page de titre) est la quatrième (1903).
Photo 3 : Première page du catalogue : Les Embellissements du High Life Tailor. Printemps-été 1923 : « Au coin du Boulevard et de la rue Richelieu, au point précis où s’élèvent aujourd’hui les somptueux Magasins du HIGH LIFE TAILOR, existait autrefois un pavillon fameux appelé Frascati, du nom d’une petite ville d’Italie, célèbre par la beauté de son site. / On était en 1796, sous le Directoire, au lendemain de Thermidor ; le fondateur de Frascati, grâce à son habileté commerciale, avait acquis en peu de temps une très grande prospérité. Sa maison était devenue pour les Parisiens un séjour de prédilection ; toute la jeunesse dorée s’y donnait rendez-vous. / Vêtus d’habits à longues basques, engoncés dans de hautes cravates et armés de lourdes cannes, les Incroyables – on prononçait Incoyables, suivant leur bizarre manie de supprimer les r – s’y rencontraient, chaque jour, avec tout un essaim de jolies Merveilleuses, - les Méveilleuses – aux riches joyaux, aux toilettes vaporeuses, à la vertu peu farouche. On causait, on entendait de la musique, on dégustait des glaces savoureuses, on dansait, on dinait, on soupait et parfois l’on jouait un jeu d’enfer, non sans conspirer bruyamment contre l’ordre établi ; - c’était la mode. / Le soir venu, tout Paris d’alors accourait contempler les superbes feux d’artifice que le maître de céans, pour la distraction de son élégante clientèle, tirait dans ses jardins – des jardins en plein boulevard, ô prodige du passé. / […] Ce furent les beaux jours de Frascati. Aucun établissement de la Capitale ne jouissait d’une vogue comparable à la sienne. Ses salons luxueusement décorés, étincelants de dorures et resplendissants de lumière rappelaient, jusque dans les moindres détails, la bonne tenue, la distinction et le tact des grandes maisons d’avant la tourmente. / Une nuée de valets corrects y assuraient un service irréprochable ; musique joyeuse, danses enivrantes, divertissements sans cesse renouvelés excitaient la curiosité et attiraient la foule. C’était la fête perpétuelle, agrémentée la nuit, par des milliers de lampions de couleurs, accrochés aux branches des arbres, disséminés dans les bosquets et sur les pelouses. / […] Elégantes et gens du monde, hommes de finances et riches étrangers y venaient achever la soirée et, tout en devisant des nouvelles du jour, absorber délicatement du bout des lèvres, thé, chocolat, fruits des tropiques, bonbons, glaces exquises et gâteaux parfumés. / […] Plus de glaces aux parfums du jour, ni de valses tourbillonnantes ; plus de jeux de hasard, plus de lampions bariolés ni de feux d’artifice multicolores. Mais de beaux Messieurs encore, des belles Dames toujours, comme aux grands jours du Directoire. […] Le Temple de la Beauté, suivant l’expression d’autrefois, s’est transformé ; il est devenu aujourd’hui le Temple de l’Elégance et du Bon Goût. Son nom n’est plus Frascati ; il s’appelle HIGH LIFE TAILOR. »
Photo 4 : Une des doubles pages du catalogue : Les Embellissements du High Life Tailor. Printemps-été 1923. Texte : DANS TOUTES LES REUNIONS MONDAINES OU SE FAIT ASSAUT D’ELEGANCES LE H L T [HIGH LIFE TAILOR] SE DISTINGUE PAR LA GRACE DE SES CREATIONS. On remarque le style ‘art-déco’ du dessin, le chic des modèles avec en particulier la tenue des hommes qui reste d’une élégance d’actualité, l’arrière plan avec les joueurs de polo etc.

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Coiffures du 18eme siècle.

La coiffure a une importance toute particulière dans la mode du XVIIIe siècle. La figure gravée de la dame de buste avec le nom de sa coiffure est très fréquente dans les almanachs, les estampes … Certaines dénominations sont particulièrement charmantes. Voici un ensemble de détails de gravures originales toutes du XVIIIe siècle.

Chapeau à la Bostonienne - Chapeau à la Voltaire - Nouveau Casque à la Minerve ou la Pucelle d'Orléans - Bonnet à la Chérubin, vu sur le côté.


Coiffure au Consiteor - Chapeau au Figaro parvenu - Bonnet à la Chérubin, vu par devant - Chapeau à la Saint Domingue – Le même chapeau vu sur le côté – Chapeau à la Minerve Bretonne.


Coiffure de Mme Dugason dans le rôle de Babet, à la Comédie Italienne – Coiffure de Mlle S. Huberti de l’Académie Royale de Musique – Coiffure de Mlle Maillard dans le rôle d’Ariane, opéra – Nouveau Chapeau à la Figaro – Nouveau Chapeau à la Charlottembourg


Coiffure à la nouvelle Charlotte - Coiffure de la Beauté de St James – Coiffure à l’Insurgente - Bonnet à la candeur.


Chapeau à la Theodore - Chapeau de velours noir - Chapeau à la Provençale - Chapeau/bonnet mis sur une baigneuse - Pouf à la Tarare - Coiffure simple - Chapeau/bonnet à créneaux - Bouffant et frisure en crochets - Chapeau à la Théodore - Chapeau avec aigrette esprit de plumes - Autre Chapeau à la Tarare - Bonnet à gueule de Loup - Bonnet à grande gueule de Loup - Chapeau à la Tarare - Autre Chapeau bonnette - Simple chapeau à la Tarare.


Baigneuse d’un nouveau goût - Le Parterre galant - Bonnet dans le Costume Asiatique dit au mystère - Toque à l’Espagnolette.


Toque lisse avec trois boucles détachées - Coiffure en crochets avec une échelle de boucles - Pouf d’un nouveau goût - Coiffure en rouleaux avec une boucle - Bonnet au Levant


Chapeau d’un nouveau goût - Chapeau tigré - Chapeau des Champs Elysées - Chapeau à la Colonie - Coiffure en porc-épic.  

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Les Parfums du 18 e siècle.

Photographie : Sur de l'Eau de Fleur d'Orange, titre d’un des chapitres du livre d'Antoine Torche (1631-1675) : Cassette des bijoux (1668).

Dans l'article du 16 mai 2007 Les Objets de parfums que l'on porte sur soi au XVIIIe siècle, j’ai donné quelques noms de préparations de parfums. Pour en savoir un peu plus, il existe quelques ouvrages d’époque sur ce sujet. Simon Barbe écrit à la fin du XVIIe siècle : le Parfumeur Royal, ou l’art de parfumer avec les fleurs & composer toutes sortes de parfums, tant pour l’Odeur que pour le Goût. L’ouvrage est divisé en neuf traités avec 1. Les gants parfumés, 2. Les poudres de violettes, 3. Les eaux de senteurs, 4. Le tabac, 5. Les essences, 6. Les pommades, 7. Les poudres pour les cheveux, 8. Les savonnettes, 9. Les liqueurs & parfums bons à la bouche. Si ce livre ouvre le XVIIIe siècle sur ce sujet, celui de Jean-Louis Fargeon le referme, puisqu’il date de 1801 : L’Art du parfumeur, ou traité complet de la préparation des parfums, cosmétiques, pommades, pastilles, odeurs, huiles antiques, essences, bains aromatiques, et des gants de senteur, etc. L’ouvrage en deux parties de Joseph-Pierre Buc’hoz (1731-1807) est quant à lui dans le siècle (première publication en 1771) : Toilette et laboratoire de Flore, Réunis en faveur du beau Sexe, ou Essai sur les Plantes qui peuvent servir d’ornement aux Dames, & qui sont utiles dans la distillation, contenant les différentes manières de préparer les Essences, Pommades, Rouges, poudres, Fards, Eaux de senteur, Liqueurs, Ratafias, Huiles, Eaux Cosmétiques & Officinales, & c. On y remarque que, malgré la mauvaise réputation de certains procédés cosmétiques de cette époque, ceux proposés ici, et dans tous les livres de cette période que j'ai lus sur ce sujet, usent d’ingrédients naturels, de formules souvent très simples et bonnes pour le corps et la santé en général. On y rencontre des plantes anodines de nos campagnes et des essences rares venant de loin. Si les recettes concernent avant tout les soins du physique, elles regardent aussi tout le métabolisme. C’est ainsi qu’on trouve de très nombreuses recettes de parfums dans des livres de pharmacie (terme qui comprend aussi l'art du confiseur et celui de la préparation des eaux de senteur & liqueurs de table). C’est le cas dans l’ouvrage d’Antoine Baumé datant de 1762 et intitulé : Eléments de pharmacie théorique et pratique contenant les principes fondamentaux de plusieurs arts tels que ceux du confiseur, distillateur et parfumeur. Il contient de très nombreuses formules : de baumes (du commandeur, tranquille, de la Mecque, hypnotique ... ), du cachou à la violette, des eaux (de chaux d'écailles d'huître, de saturne, de jasmin ...), d’élixirs (antiathmatique, aurisique, de vitriol …), de pommades (en crème, en fleurs de lavande, pour le teint, ....), de poudres (dentifrices, d'or des chartreux ... ), de sirops (de berberis, d'absinthe, de cannelle, de choux rouges ...) … avec quelques principes de distillation. L’art de la distillation est du reste particulièrement développé au XVIIIe siècle. Antoine Dejean (pseudonyme de Hornot) écrit en 1753 un Traité de la distillation avec un traité des odeurs, suivi en 1764 du Traité des odeurs. Suite du Traité de la distillation et Jacques-François Demachy en 1773 L’Art du distillateur liquoriste.  Enfin citons l’ouvrage de Polycarpe Poncelet : Chimie du goût et de l'odorat, ou Principes pour composer facilement, et à peu de frais, les liqueurs à boire et les eaux de senteurs..., datant de 1755.

On le voit, les parfums au XVIIIe siècle ont de très nombreuses formes. Différentes essences, eaux de senteurs, huiles, vinaigres, font office de fragrances. Au sujet des eaux spiritueuses, voir l’article du 16 mai 2007 précité. Mais les senteurs liquides ne sont pas les seules. Certaines pâtes odorantes sont encore utilisées, mais surtout avant le XVIIe siècle quand « l’esprit-de-vin » (l’alcool) ne sert pas encore de véhicule aux odeurs agréables. Ajoutons à cela les poudres parfumées et de nombreuses autres formules. Et puis il y a ce qu’on brûle et qui fleure dans les pièces des demeures (voir article : Les vases à parfums du XVIII ème siècle).

Photographie : Ouvrage d’Antoine Baumé (1728-1804), Eléments de pharmacie théorique et pratique… dans l’édition de 1769 largement augmentée par rapport à la première version de 1766. 

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Pot-pourri : Les lapalissades, la magie, les putti, les "Rôles" des Compagnons, Charles Nicolas Cochin …

Dans plusieurs traditions, les œuvres poétiques sont appelées des ‘fleurs’. Voici plusieurs fleurs mélangées et fermentées assemblées en un pot-pourri qui espérons-le offrira à votre âme une agréable odeur. 

Certaines lapalissades contiennent des vérités : comme dire que ce qui est petit n'est pas obligatoirement le moins grand, ou que ce qui est peu impressionnant n'est pas toujours le moins influent ... Il existe un enseignement tibétain très élaboré (avec de nombreux développements et commentaires) constitué à partir de quelques lignes de poésie. On ne mesure pas toujours le côté ‘anecdotique’ de certains faits influençant durablement la culture. Même le terme de ‘lapilassade’ vient d’une erreur de lecture (voir Wikipedia). Dans un prochain article, nous donnerons l’exemple des contes de fées d’abord publiés d’une façon très discrète et toujours dans des petits formats. Pourtant ils influencent tout un imaginaire occidental. Mais tout cela arrive-t-il vraiment par hasard ? Derrière ‘l’anecdote’ se cache souvent un contexte qui n’attend qu’à s’exprimer. Les choses simples recèlent parfois de grandes vérités. Il suffit de regarder autour de soi. Le Mystère est partout … Il est nécessaire parfois de garder sur le monde une vision douce : re-garder, d’avoir conscience que nous n’appréhendons qu’une toute petite partie de la réalité. Il y a de la relativité dans ce que nous disons ou faisons, ce que nous sommes ; mais aussi de la magie qui nous accompagne tout le temps. Dans l’iconographie des beaux-arts, le putto représente un peu cela. On met en scène cet enfant en train de faire doctement des activités sérieuses d’adulte. Son origine est antique et nous a été transmise par l’Italie. Dès le XVe siècle, ce pays est le modèle de l’Europe et en particulier de la France. Artistes et artisans italiens sont appelés et accueillis, puis imités. Ils apportent avec eux l’usage d’inclure dans nombre de leurs productions des iconographies d’enfants batifolant en se consacrant à différentes occupations qui gardent le nom italien de ‘putti’ (‘putto’ au singulier). Le XVIIIe siècle français en inclut partout. Ils sont plus ou moins indirectement associés à cupidon (Eros) bien que ne portant pas d’ailes.  On les représente parfois appliqués à des tâches humaines « sérieuses », mettant celles-ci en perspective et rappelant peut-être que même si les adultes semblent graves, ils sont avant tout préoccupés par le jeu, le divertissement et l’amour, et qu’au-delà des contingences vitales, c’est cela souvent qu’ils recherchent. 

L’estampe ci-dessus est du XVIIIe siècle. Elle met en scène des putti architectes prenant des mesures. Jean-Michel Mathonière a gentiment écrit pour nous au sujet de cette gravure ce qui suit. Nous l’en remercions vivement. Cela dévoile, si c’est nécessaire, combien certaines choses, plus ou moins anodines d’apparence, peuvent cacher de grandes significations. Avant de le citer je dois dire que c’est vraiment par hasard  que je l’ai rencontré (j’ai été plus prompt que lui à me procurer cette estampe), et que si je suis un passionné de mesures, d’architectures, de banquets, de Platon, de Pythagore et des orphiques, je ne me suis jamais intéressé à la franc-maçonnerie, contrairement à Jean-Michel Mathonière (www.compagnonnage.info) qui est historien des compagnonnages de métier ; comme tel, il s'est penché aussi sur la symbolique de la franc-maçonnerie ancienne et est également collectionneur d'objets d'époque sur ces sujets souvent confondus, au demeurant à tort. « On trouve de nombreux putti tailleurs de pierre et/ou architectes sur certains frontispices des "Rôles" des Compagnons Passants tailleurs de pierre du XVIIIe siècle. Les Rôles sont tout à la fois l'emblème sacré de la société compagnonnique (ils ne sont présentés qu'exceptionnellement à la vue des Compagnons, notamment durant leur initiation), son règlement administratif et le support de la recension des passages des Compagnons dans la ville (chaque ville-siège détient son Rôle). Les quelques Rôles qui nous sont connus pour le XVIIIe siècle possèdent généralement des frontispices illustrés, plus ou moins symboliques. C'est le cas pour les Rôles de Paris de 1726 et 1769 (il s'agit d'archives privées, compagnonniques, et encore "secrètes" car toujours plus ou moins en usage rituel). Sur celui de 1769 notamment, les Compagnons tailleurs de pierre se sont représentés sous les traits de putti. Faute de suffisamment d'archives sur les Compagnons, il est difficile de savoir si cette iconographie est un simple emprunt ou non à l'iconographie architecturale du XVIIe siècle, où l'on trouve très souvent des putti architectes et/ou artisans. On trouve plusieurs beaux exemples dans les gravures des frontispices de traités d'architecture des XVIIe-XVIIIe siècles, et aussi dans l'oeuvre gravée de Sébastien Le Clerc. Il est cependant à noter que cette iconographie architecturale d'origine savante ou artistique, comporte de nombreux clins d'oeil à la symbolique compagnonnique (on pourrait souvent croire qu'il s'agit de symbolique maçonnique... sauf que la franc-maçonnerie spéculative ne naît qu'au début du XVIIIe) : équerre, compas, sphère armiliaire ou globe terrestre (la gnomonique fait partie des connaissances très prisées par les Compagnons tailleurs de pierre), tracés géométriques, Minerve, etc. La gravure reproduite ici est intéressante quant aux éléments géométriques mis en évidence : le théorème de Pythagore (avec les trois carrés de progression 3-4-5) et un des corps platoniciens, le dodécaèdre. »

Pour ce qui est du Pythagorisme, certaines des ‘théories’ de cette secte (durant l’Antiquité on appelle ‘sectes’ les mouvements philosophiques et parfois religieux comme les orphiques, les stoïciens, les épicuriens …) me sont particulièrement chères, comme celles liées à l’harmonie, à la musique et aux rythmes, dont j’ai fait plusieurs fois des allusions. Rappelons encore que les chiffres liés à l’Harmonie n’ont rien de secret. Il faut cependant avoir une certaine réceptivité à l’Intelligence, la Beauté, l’Amour, pour les comprendre et surtout les vivre.

Cochin fils (Charles Nicolas Cochin – 1715-1790) est le dessinateur et graveur de cette estampe anciennement découpée du livre Traité d’Architecture. Au sujet du dessinateur, on peut lire une courte biographie le concernant sur www.artheque.com : « La notice sur Cochin le fils est forte, en effet l’oeuvre dessinée et gravée est considérable, ne relève de la gravure de moeurs et de genre que pendant les premières années de sa longue, brillante et féconde carrière ; ce sont les portraits et surtout les illustrations qui remplissent tout le reste. Encore faut-il, pour représenter ici Cochin le fils, oublier qu’il est le plus souvent son propre graveur (voir, par exemple, l’un de ses types de Paris, le Tailleur pour femme), et que c’est par exception, et surtout dans la période de ses débuts, qu’on le voit travailler d’après les autres (témoin sa planche de la Foire de campagne de Boucher). Né à Paris le 22 février 1715, il avait de qui tenir et taillait le cuivre dès l’âge de 12 ans ; il acheva sa formation chez Le Bas, et l’observateur né, l’excellent dessinateur qu’il était se doubla ainsi d’un graveur possédant à fond toutes les ressources du métier. Remarqué de bonne heure, du reste fort adroit à profiter des occasions et servi par une chance exceptionnelle, Cochin fut nommé, à 24 ans, dessinateur et graveur des Menus Plaisirs (1739), à point nommé pour assister à une série de fêtes qui devaient 1ui fournir l’occasion de plusieurs chef-d'œuvres : il s’agit des vastes et magnifiques compositions commémorant les réjouissances données à Versailles lors des deux mariages du Dauphin, fils de Louis XV, en 1745 et 1747, gravées les unes par son père : les autres par lui-même (Cérémonie du mariage de 1745 dans la chapelle de Versailles. Décoration de la salle de spectacle ; le Jeu du Roi,), et aussi des planches, guère moins importantes, qui conservent le souvenir des pompes funèbres célébrées à la même époque. Désigné par Mme de Pompadour pour être l’un des compagnons de son frère, M. de Vandières (le futur Marquis de Marigny) lors du voyage d’œuvres de 1749-1751, Cochin se révèle, au retour, comme critique et comme apôtre du grand art ; il abandonne l’observation et l’étude de mœurs, il vise au style et ne voit dans ses compositions que matière à d’inépuisables allégories ; en même temps, sans cesser de produire, il conseille, il dirige, et tant par sa place de secrétaire et historiographe de l’Académie que par ses relations d’amitié avec Marigny, il exerce une influence marquée dans le monde de l’art. Agréé à l’Académie le 29 avril 1741, académicien le 4 décembre 1751, secrétaire et historiographe en 1755, conseiller en 1774, Cochin le fils mourut le 29 avril 1790, ayant joué un rôle et tenu une place remarquables dans sa production. «On trouve dans ses ouvrages, écrit l’abbé de Fontenay (Dictionnaire des artistes, 1776), cet esprit, cette pâte, cette harmonie et cette exactitude qui constituent l’excellence de la gravure.»

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Gandineries

Comme vous le savez, le thème des gandins m'est cher. Il s'agit de poser un regard précieux sur notre monde, plein de finesse et de fantaisie. J'ai récolté de nouvelles fleurs sur ce sujet. En histoire de l’art, il suffit d'ouvrir un élément pour découvrir une porte menant à une salle aux trésors où se trouve une autre ouverture débouchant sur un autre filon etc. En me penchant sur la mode française, je savais que je réussirais à y trouver de la délectation ! Pour faire suite à certains articles du blog dont celui du 10 mars 2008 intitulé Définitions de gens à la mode en France : Beaux, Copurchics, Fashionables, Gandins, Gants jaunes, Gommeux, Jeunes France, Lionnes, Lions, Petits crevés, Pommadins, Raffinés …, voici de nouveaux vrais, faux et apprentis précieux, à disposer dans notre dictionnaire : biches, cocottes, cousettes, crevettes, daims, demi-messieurs, grisettes, lorettes, menin(e)s, midinettes, mignon(ne)s, petites dames, petits messieurs et roués. Toutes les définitions présentées ainsi que tous les articles de ce blog sont originaux.

BICHE. Femme entretenue.

COCOTTE. On appelle ainsi au XIXe siècle, une femme aux mœurs légères richement entretenue.

COUSETTE. Mot employé au XIXe siècle et durant la première moitié du XXe pour une jeune ouvrière travaillant dans la couture. A rapprocher d’une grisette.

CREVETTE. Il semblerait que ce soit le féminin de crevé (voir définition de petit-crevé de l’article du 10 mars 2008).

Photographies : Deux caricatures d’une crevette provenant de deux différentes éditions de Le Trombinoscope (voir les photographies de la définition du gommeux) de la fin du XIXe siècle. Sur la première l’ombre de la caricature représente une cocotte (voir définition) en papier. Sur la seconde, on remarque l’usage des mouches sur le visage et du rouge à joues comme au XVIIIe siècle.

DAIM. Homme élégant, plus ou moins riche et mondain, assez prétentieux, plutôt crédule et sot, recherchant le voisinage des biches.

DEMI-MONSIEUR. Homme qui essaie de paraître élégant et digne.

GOMMEUX. Voir Définitions de gens à la mode en France : Beaux, Copurchics, Fashionables, Gandins, Gants jaunes, Gommeux, Jeunes France, Lionnes, Lions, Petits crevés, Pommadins, Raffinés …
Photographies : Deux caricatures d’un gommeux provenant de Le Trombinoscope publié tout d'abord sous la forme d’un journal hebdomadaire, puis semi-hebdomadaire ; parutions rassemblées par la suite en deux volumes parus en 1874 et 1878 puis sans doute réédités. Les articles sont écrits par Touchatout et décrivent de façon fantaisiste des personnalités de l’époque et des figures typiques traitées de façon allégorique avec par exemple Gommeux Angénor ou Pastella Crevette. Chaque article débute généralement par un portrait /caricature. Les deux exemples que nous présentons proviennent de deux différentes éditions de la fin du XIXe siècle. Les caricatures sont différentes mais les textes les mêmes. On remarque que sur la première le gommeux tient en laisse une cocotte (voir la définition de la cocotte) en papier. Sur l’équivalent concernant la crevette, celle-ci a une ombre en forme de cette même cocotte en papier, et le texte enseigne que le gommeux a souvent comme conquête amoureuse des crevettes. Voici des passages du Gommeux : « Les tripotages heureux, les siens et ceux des autres, tuèrent en lui l’amour et le respect du vrai travail. Et bientôt, libertin usé, jeune homme vieilli, fils sans foyer, débauché sans amour, Angénor devint un des spécimens les mieux réussis de cette génération de crevés que le réveil politique de 1868 et 1869 trouva insensibles, engourdis et hébétés, selon la formule napoléonienne. […] Aujourd’hui, Angénor n’est plus le petit crévé de 1869, cet être déjà bien vain, bien puéril et bien triste, mais que sa jeunesse excusait encore. […] Au physique, Angénor Gommeux est un grand garçon aux traits fadasses et bêtes. Il est replet, parce qu’il est bien nourri, mais il est sans muscles. La figure est grasse et jaune ; il se maquille comme une femme, porte la raie sur le milieu de la tête et ramène sur son front d’idiot deux bandeaux de cheveux plats et lisses qui complètent la caricature la plus insensée de l’espèce humaine pour les gens qui ont le bonheur de se souvenir que Vercingétorix en faisait partie… »

Photographie : Petite chromolithographie publicitaire (6,3 x 9,9 cm), sans doute de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe représentant un gommeux. Texte : « Au Bon Génie / Vente à crédit / Lyon 73 Avenue de Saxe / 73 Lyon / Le Gommeux »

GRISETTE. Si dans le Dictionnaire de L'Académie française de 1762 il est écrit qu’il s’agit  « d'Une jeune fille ou d'une jeune femme de médiocre condition. », l’édition de 1832-5 ajoute : « se dit aussi d'Une jeune fille ou d'une jeune femme de médiocre condition; et, plus particulièrement, d'Une jeune ouvrière coquette et galante. Il n'y avait que des grisettes à ce bal. Il ne voit que des grisettes. Ce sens est familier. » Le terme désigne souvent des ouvrières ou employées de maisons de modes et de beautés, coquettes et se laissant courtiser assez facilement : « couturières, modistes, fleuristes ou lingères, enfin tous ces gentils minois en cheveux, chapeaux, bonnets, tabliers à poches, et situés en magasins » (Balzac, Œuvres div., t. 2, 1831, p. 277). « Quand la grisette assise, une aiguille à la main, Soupire, et de côté regardant le chemin, Voudrait aller cueillir des fleurs au lieu de coudre » (Hugo, Châtim., 1853, p. 347). La grisette est un personnage coutumier de la littérature de la première moitié du XIXe siècle : pièces (comédies, vaudevilles …), opérettes, romans, chansons … la mettent en scène. 

LIONNE. Voir Définitions de gens à la mode en France : Beaux, Copurchics, Fashionables, Gandins, Gants jaunes, Gommeux, Jeunes France, Lionnes, Lions, Petits crevés, Pommadins, Raffinés …
Photographie : Page de titre de la pièce de théâtre d’Augier & Foussier, Les Lionnes pauvres, Michel Lévy, 1858, 1ère édition.

LORETTE. Au milieu du XIXe siècle le mot est employé pour désigner une coquette de condition médiocre, un peu vulgaire et impertinente, dont le type se trouve en particulier dans le quartier de Notre-Dame-de-Lorette à Paris. Elle se laisse facilement entretenir. Elle est à associer aux grisettes, midinettes, cousettes.

MENIN(E). «  C'est ainsi qu'on appelle un certain nombre d'hommes de qualité attachés particulièrement à la personne de M. le Dauphin, de M. le Duc de Bourgogne, &c. » Dictionnaire de L'Académie française, Edition de 1762. Le nom peut être employé au féminin comme au masculin pour une jeune personne noble au service d'un membre d'une famille royale. Il désigne aussi de jeunes gens extrêmement élégants et dignes de respect.

MIDINETTE. Jeune employée de maison de mode. Ce nom apparaît à la fin du XIXe siècle et est en usage pendant tout le XXe siècle.

MIGNON(NE). Ce terme désigne de jolies jeunes personnes. La plus célèbre est sans doute celle de Ronsard (« Mignonne, allons voir si la rose »). Il définit aussi un amant ou une maîtresse. On l’emploie de même pour des jeunes gens particulièrement beaux  qui suivent un ou une aristocrate. Les personnalités romaines aiment durant l’Antiquité à s’entourer d’une nombreuse cour constituée en partie de gracieux individus qui se distinguent par la beauté de leur physique, de leurs manières et de leurs habits. Cette pratique se perpétue aux siècles suivants. Henri III (1551-1589) est connu pour avoir eu de nombreux favoris : des mignons. Nicot, Dans le Thresor de la langue française de Nicot, datant de 1606, parle des « mignons du Roy ». Au masculin cela décrit aussi des hommes plus ou moins efféminés voir homosexuels.

PETITE DAME. Jeune femme qui se donne les manières d’une dame.

PETIT MONSIEUR. Sans doute comme le demi-monsieur (voir la définition).

ROUE. Jeune homme élégant mais particulièrement débauché. On appelle roués les compagnons des soi-disant beuveries de Philippe d'Orléans (1674-1723) au Palais Royal où il habite pendant sa Régence. Ce nom est synonyme de tumultes et d’orgies.

Si le XIXe siècle français est très emprunt de la mode anglaise avec ses dandys et ses fashionables, il a ses propres gandins et autres gommeux. Citons un passage de Les Français peints par eux-mêmes; encyclopédie morale du dix-neuvième siècle d’Honoré de Balzac (1799-1850) ou est dépeint un DANDY dans le vocabulaire ‘chic’ de l’époque : « Cette variété de l’espèce nous a donné le directeur dandy, administrateur en gants jaunes et en bottes vernies, apportant au théâtre les façons exquises et les susceptibilités de la haute fashion financière. Lors de son avènement au pouvoir dictatorial, le lion fut accueilli dans son théâtre avec le cérémonial usité. ». Cette comédie parisienne du XIXe siècle est assez amusante avec ses grisettes, cousettes, lorettes, d’un côté et de l’autre ses lionnes, lions, dandys, gants jaunes, gommeux, copurchics de l’autre … et puis toute la panoplie des cocottes et femmes frivoles, sans compter les beaux, cocodès, cols cassés, petits crevés, gandins, jeunes France, mirliflors, pommadins. Il est certain que la France d’alors devenue bourgeoise et assez vulgaire garde des relents de créativité tout en se laissant petit à petit submerger par la mode anglo-saxonne qui prend définitivement le pas au XXe siècle et en particulier à partir de l’entre deux-guerres avec les swings et les zazous, puis les yéyés, les rockers, les hippies, les punks, les new-wave, les technos, les grunges, et bien d’autres modes inspirées des anglo-saxons ou directement importées d’Angleterre ou des Etats-Unis. Pourtant la mode française a ses particularités, notamment un amour du beau, du bon goût, de l’art, des plaisirs, de la poésie, de la nouveauté créative … encore présents au XIXe siècle dans ce lieu emblématique qu’est le Palais-Royal et dont on dit en 1845 : « C'est au Palais-Royal qu'on trouve [...] des femmes dont les visages s'abritent sous des chapeaux impossibles, que surmontent des fleurs fanées ou des plumes fabuleuses ». Aujourd’hui pourtant, il est presque totalement vidé de ses plus grands acteurs … de ses ‘impossibles’ promeneurs !

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Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus.

On entend généralement par 'bas Moyen-âge' une période qui couvre du XIIe siècle au XVe. Il commence avec un des siècles d'or de l'histoire de France et de sa culture, où débutent la poésie courtoise et l'art gothique : au temps de la seconde renaissance médiévale, faisant suite à celle du IXe (la renaissance carolingienne) et précédant celle du XVe.

Photographie : Valve de miroir en ivoire (ca.1350-1375), de fabrication parisienne,  avec des scènes courtoises. Elle fait 11,4 x 11,3 cm. Le médaillon est bordé de quatre lions. Il contient une rosace à huit ‘pétales’ entourée de mascarons. Il est divisé en quatre parties délimitées par un arbre. Chaque sujet met en scène le couple en suivant une rhétorique iconographique courtoise avec des gestes précis comme celui de tenir le visage de sa bien-aimée avec la main, et des symboles tels : le faucon ou l’offrande du cœur (en bas à droite). Cet ivoire fait originellement partie d’un ensemble composé de deux valves s’emboîtant l’une dans l’autre et contenant un miroir qu’on atteint en les dévissant. Une ou les deux faces externes peuvent être décorées le plus souvent de scènes courtoises ou chevaleresques. Cet objet d’art est présenté sur le site de :

ART FRANÇAIS OU FRANCIGENUM OPUS. Le XIIe siècle qui amorce le bas Moyen-âge, est immensément riche ; tout d’abord de par la transmission des textes antiques que l’on copie et redécouvre et qui sont pour beaucoup les plus anciens ouvrages qui nous restent des auteurs grecs et romains. Nombre des textes antiques que nous lisons aujourd’hui nous sont transmis par des copies médiévales. Il n’est pas rare que les plus anciennes sources connues des chercheurs de textes grecs ou romains soient de ce siècle où sont multipliées les copies. Cette renaissance se différencie de celle dont Charlemagne est la figure de proue par le fait qu’elle n’est attachée à aucun personnage emblématique tout en rayonnant de même dans toute l’Europe. Les enseignements de divers clercs appartenant à différentes ‘écoles’ sont cependant réputés. Un véritable courant se dessine de savoir d’élévation que l’architecture que l’on appellera plus tard gothique symbolise.  A cette époque, les centres chrétiens de culture sont nombreux en France et leur influence dépasse largement ce pays. Ils véhiculent le savoir antique, certains se spécialisant dans la pensée platonicienne comme l’Ecole de Chartres dont Guillaume de Conches (v.1080-v.1150) est un des maîtres. Chartres ou la montagne Sainte-Geneviève à Paris sont des exemples de ces nombreux pôles où se réunissent maîtres et élèves pour discourir sur les arts libéraux en latin et en grec ou suivre l’exégèse de la Bible et des penseurs chrétiens. L’Humanisme se déploie ainsi subtilement dans toute la chrétienté occidentale. C’est un moment charnière où s’invente un nouveau monde de prospérité symbolisé par l'architecture gothique, née en Île-de-France à cette époque et qui se répand rapidement au nord de la Loire puis dans toute l’Europe. Ce nouveau style est appelé art français ou francigenum opus. Les croisades contribuent de même à propager les connaissances de l’Antiquité dans tout l’Occident en permettant de puiser dans les copies, les traductions et les commentaires des auteurs antiques du sud de la Méditerranée.

FIN’AMOR. Si les clercs humanistes puisent avec délice chez les anciens, ils restent habillés par la religion chrétienne, contrairement à l’autre grand courant de cette période dont la religion est toute autre : celle de l’Amour et de la Dame que la chrétienté s’approprie en la Vierge et Notre Dame. C’est au XIIe siècle que les premiers chantres de la fin’amor, c'est-à-dire de l’amour courtois, commencent à officier auprès des Dames. Ils prennent le nom de ‘trouveurs’ (de l’inspiration divine de l’amour fin) : troubadours en langue d’oc et trouvères en langue d’oïl. Ils jalonnent d’autres centres culturels qui ne rassemblent pas des clercs mais des poètes dans des cours seigneuriales. Parmi les plus connus il y a ceux de Guilhem IX, de Raimbaut d’Aurenga, d’Aliénor d’Aquitaine, de Marie de Champagne, des comtes de Toulouse… Guilhem IX (1071-1126), duc d’Aquitaine et sixième comte de Poitiers, est considéré comme le premier troubadour et le premier poète de l’Europe médiévale à écrire en langue vulgaire. Sa petite fille : Aliénor d’Aquitaine (née vers 1122), est un des plus grands mécènes de l’art des « trouveurs » et mère de l’un d’entre eux Richard Cœur de Lion, de même que de Marie de Champagne qui rassemble autour d’elle des poètes célèbres comme Chrétien de Troyes surtout connu aujourd’hui pour ses romans arthuriens… C’est aussi l’époque des chansons de geste, des monastères, des Cathares, de la redécouverte de l’Orient …

Les poètes-trouveurs médiévaux, dévoilent des formes poétiques jamais utilisées, de nouvelles images, et savent jouer avec celles déjà existantes, mûs par cette quête d’absolu et le savoir jouir pleinement du moment présent. L’extase qui en résulte trouve le plus souvent sa justification dans la recherche de l’être aimé et sa concrétisation dans sa découverte et le dialogue amoureux qui s’en suit, car elle est un partage que seul l’amour peut dévoiler. Il est à remarquer que l’Amour courtois n’est nullement emprunt de religion. Il n’est pas même une inspiration. La fin’amor se trouve. Le poète a une conscience aiguë du moment, de soi et de l’autre qu’il exacerbe dans le seul but de la communion. L’enthousiasme se transforme en partage, plaisir et amour. Par là, le trouveur se transcende et transmue et est transcendé et transmué par l’autre. Il n’est pas l’interprète d’une divinité, mais celui d’un être ou d’une entité concrets avec qui il communique pleinement dans un jeu toujours renouvelé. Ainsi, rien n’est de son cru. Il est l’interprète (herméneus) de l’autre, qui lui souffle toutes les paroles qu’il articule au moment même où l’inspiration (enthousia) le saisit et où il perd la conscience de lui-même. Il découvre, dans le moment présent et l’amour qu’il ressent par l’intermédiaire d’autrui, les rythmes d’une communion sensuelle et divine qui habite la citadelle de l’âme et fait retentir et résonner de l’intérieur une part de l’instrumentation rythmique pour se manifester clairement et concrètement dans son caractère sacré et fondamental, dans toutes les finesses de l’amour humain. Son extase étant partagée n’est pas de l’ordre du délire mais de la communion et peut ainsi trouver écho dans l’âme qui habite le cœur des autres. Le poète devient alors prophète et ses chants retentissent au-delà du cercle de sa bien-aimée dans un chœur politique puisque devenant l’affaire de la Cité toute entière.

Au XIIe siècle, une sagesse humaniste et courtoise, pleine de finesse, d’amour et de sagesse se déploie. Elle est d’une richesse infinie, remplie de résurgences de savoirs anciens et de découvertes nouvelles notamment en poétique et en architecture. Cependant l’Inquisition et la répression des Cathares au XIIIe siècle, la perte de la Terre sainte en 1291, l’élimination de l’ordre des templiers au XIVe … et les nouvelles découvertes : la Chine (avec Marco Polo : 1254-1324), les Amériques, l’Imprimerie ... font que la Renaissance du XVe siècle impose une nouvelle vision du monde, fondamentalement moderne et humaniste, qui ne voit dans les siècles qui la précédent et qui suivent l’Antiquité qu’un ‘âge moyen’ : le Moyen-âge (Ve-XVe s.).

Photographie : Vignette gravée, de 16,6 x 7,8 cm ; provenant d’un livre ancien en latin, probablement d’un incunable du XVe siècle, illustrant les œuvres de l’auteur comique romain Térence comme le montre le texte au dos. L’intérêt de ce document d’époque réside dans le mélange de l’humanisme scolastique transmis par la chrétienté notamment à travers les pièces de Térence et le type iconographique purement médiéval de l'amant courtois et de sa dame. Mais cette gravure s’inscrit dans la Renaissance : celle des XVe-XVIe siècles qui commence en Italie au XIVe.

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La broderie de soie

La broderie de soie est un art séculaire. Des exemples nous sont parvenus provenant de l'Egypte antique, de l'ancienne Asie, du monde celte etc. Au Moyen-âge ces produits sont très recherchés. On y joint parfois des fils d'or et d'argent. Ce procédé délicat offre des œuvres d’une extrême fragilité. L’exemple que nous présentons ici est particulièrement beau. Il est exposé sur le site de la galerie Franse. Il s’agit d’un travail du XVIIe siècle italien exécuté d’après une peinture de Giampetrino conservée au Museo di Capodimonte à Naples. Cette broderie de soie, dont les dimensions sont de 43 x 56 cm, représente la Vierge et Jésus entourés d’un ange (sans doute Saint-Michel) et d’un homme (peut-être Saint-Jérôme). On distingue un arrière plan de roches et de montagnes. Les trois couleurs primaires aux nuances tendres et précieuses dominent (rouge, bleu, jaune), et sont baignées dans de l’or. La luminosité du Christ est renforcée par le décor sombre et la fine brillance de la soie. La manière de couleurs et contrastes est typique des compositions de Ricci Giovanni Pietro Pedrini dit Giamp(i)etrino (1493-1540) ; elle est renforcée par les effets de la soie.

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Les vases à parfums du XVIII ème siècle.

Si nous avons vu qu'au 18e siècle on se parfume le corps, on le fait aussi de l’habitation et cela de maintes façons.

Sans doute garde-t-on dans certaines campagnes la pratique médiévale de l'épandage qui consiste à parsemer le parterre des demeures de fleurs et d'herbes fraîches coupées connues pour leur fragrance, leur beauté ou leurs propriétés médicinales. On emploie pour cela des fleurs d'iris, de roses, de pâquerettes, les sommités fleuries de lavande, tanaisie, sarriette, sauge officinale…, ou juste des herbes fraîches. Dans des vases, des bouquets de fleurs ou des plantes en pots agrémentent le regard autant que l’odorat. Il semblerait qu’au 18e on parfume même les murs des pièces. On distille aussi d’agréables odeurs grâce à des vases à parfums comme les brûle-parfums, cassolettes, pots-pourris … aux multiples formes.

Photographie : Paire de brûle-parfums, d’époque Louis XVI, en bronze doré et patiné, présentée sur le site de la Galerie Wanecq. Ils ont un couvercle orné d’une graine, et reposent sur un piètement tripode avec palmettes terminé par des sabots de caprin et ornés dans leur partie haute, de têtes de faunes dont les longues cornes torsadées courent sur le pourtour du réceptacle. La base en marbre blanc est posée sur trois petits pieds toupie, et le tout fait 33 cm de haut et 12 cm de diamètre.

Le brûle-parfum ou cassolette comporte un bassinet dans lequel sont disposées des braises ardentes, parfois de résine et de bois odorants, sur lesquelles sont jetées des pastilles de Chypre, à la mode d’Angleterre, du Portugal, d’Espagne ou de roses … Ces parfums de fumigations peuvent être composés de bien des plantes. Les odeurs s’échappent par une galerie ajourée dans le col ou par des yeux ménagés dans le couvercle. Brûle-parfums et cassolettes sont munis d’un pied ou posés sur un socle en forme de trépied. Leur partie inférieure (bassinet) reçoit les matières odorantes et les vapeurs s’exhalent par la partie supérieure. Aux 17e et 18e siècles, des brûle-parfums sont surélevés sur de hauts trépieds. Avec le style Louis XVI quelques-uns évoquent des vases antiques munis d’anses à volutes. Certaines cassolettes reposent sur trois ou quatre pieds en griffes de lion (ou autres) ou sur piédouche, eux-mêmes parfois fixés sur un socle quadrangulaire.

D’autres cassolettes sont destinées à être suspendues au bout d’une longue chaîne. On invente à la fin du 17e siècle des brûle-parfums à liquide. Les eaux parfumées contenues dans le bassinet sont chauffées à l’aide de petits réchauds ou brûleurs à braises souvent en argent à manche d’ébène ou de bois noir, ou à l’aide d’une lampe à esprit de vin. Ces parfums d’évaporation sont donc en particulier des eaux simples versées dans des cassolettes en cuivre, vermeil, argent…, placées sur un réchaud à feu doux.

Photographies de gravures provenant de livres du XVIIIe siècle ou du tout début XIXe avec des brûle-parfums représentés dans un environnement associé à Aphrodite et son fils Eros.

Au 18e siècle, on crée la fleur à parfum en porcelaine, dont le bulbe, contenant de l’eau parfumée est placé sur un réchaud. Les vapeurs suivent le conduit des tiges et se répandent à l’extérieur au milieu des pétales. Dans la lampe à parfum, une mèche trempe dans de l’huile aromatisée qui en se consumant dispense de douces odeurs.

Il semblerait que le vase pot-pourri apparaisse en France vers le milieu du 18e siècle. A l’époque rococo les formes sont nombreuses : la soupière, le vase-balustre, la girandole, les rochers, les animaux… A Meissen, Kandler crée un type de pot-pourri particulier constitué d’une urne placée sur un rocher où une scène est représentée. Les trous ronds, ou yeux, par lesquels s’exhalent les vapeurs parfumées sont habituellement pratiqués dans le couvercle ou, plus rarement, dans le col ou l’épaule du vase.

Photographie : Paire de pots-pourris en faïence de Turin (fabrique Giovanni Antonio Ardizzone), à décor polychrome d'angelots parmi des ornements rocailles et prises en forme de tête de chien, de 13,8 cm de haut, datant de vers 1765, présentée sur le site de l’antiquaire Christian Béalu.

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Expertiser une gravure ancienne

Quelle est la différence entre une gravure et une estampe ? On appelle estampe un type spécifique d'image qui est le résultat d’une multiplication par impression en utilisant un procédé soit manuel soit photomécanique. Grâce à un passage sous une presse ou un équivalent, on transfère une charge d'encre sur un support comme une feuille de papier permettant la duplication en série. Il en résulte une lithographie, une sérigraphie ou une gravure. Dans le cas de cette dernière, le support est gravé pour permettre l’encrage. Au XVIIème siècle, on distingue deux sortes de gravures : en relief et en creux. Cette seconde est aussi appelée taille-douce et est le plus souvent sur métal, en particulier sur cuivre (chalcographie). La taille-douce est pratiquée dès le XVème siècle et est généralement plus fine.  Il existe différentes techniques de taille-douce : le burin, l'eau-forte, la pointe-sèche et l'aquatinte (voir : www.weblibris.com/fr/gravure.html). La gravure sur bois en relief (xylographie) est plus ancienne. On l’utilise depuis très longtemps en Chine et depuis le XIVème siècle en Occident. Voir aussi : www.estampes.ch/index.htm et fr.wikipedia.org/wiki/Gravure. C’est en 1796 qu’est inventée en Allemagne la lithographie permettant la reproduction d’oeuvres exécutées à l’encre ou au crayon sur une pierre calcaire.

Pour authentifier une gravure ancienne, différents éléments sont à prendre en compte. Il y a tout d’abord LE SUJET qui permet d’affirmer que l’estampe n’est pas d’avant une certaine période. Si elle représente Louis XVI, on peut être sûr qu’elle ne précède pas sa naissance ! D’une façon plus subtile, avec une connaissance assez profonde des arts décoratifs, on reconnaît des caractères propres à chaque époque, même si ces images représentent des sujets plus anciens. LES SIGNATURES ET AUTRES TEXTES sont des sources d’informations. La plupart du temps, ces gravures sont signées du dessinateur (inv., pinx. …) et du graveur (sculpteur : sculp.) qui peuvent être les mêmes. S’il y a un ‘Privilège du Roi’, alors l’image a été éditée pendant la royauté, sinon on peut avoir : ‘Déposé à la Bibliothèque Nationale'. L’éditeur et le lieu d’édition sont parfois indiqués, ce qui aide à la datation. Différents exemples sont présentés dans la photographie :

LA TECHNIQUE employée pour graver est importante car chacune apparaît à une période précise. LE PAPIER est un élément primordial. Il peut être daté non seulement par sa texture (papier vergé …) mais aussi grâce au filigrane qui peut se voir en transparence et qui est la signature de la manufacture ayant fabriqué le papier. Il n’est pas toujours présent mais quand il l’est, cela aide beaucoup (Voir les quelques exemples de la photographie ci-dessous). L’USURE du papier, ses altérations, peuvent renseigner sur son ancienneté, même si certaines gravures anciennes, parfois ‘lavées’ peuvent être dans des états remarquables. L’ORIGINE de la gravure donne des indications. On peut trouver un  tampon de collection, voir qu’elle provient d’un livre ... Les gravures originales ont certaines DIMENSIONS. Elles ont parfois été reproduites par la suite dans d’autres proportions. Il est donc important de faire des recherches dans ce domaine en faisant des comparaisons avec des originaux se trouvant dans des musées ou ailleurs.

Tous ces éléments doivent être pris en compte, et aucun être délaissé. Le Louvre continue à produire des estampes à partir de planches originales en utilisant les procédés anciens. Cela montre combien les expertises doivent être minutieuses.

Chalcographie du Louvre : www.chalcographiedulouvre.com. 

« Fondée en 1797, la Chalcographie du Louvre conserve une collection de plus de 13.000 planches gravées, placée sous la responsabilité du département des Arts graphiques du musée du Louvre. Dès sa création en 1895, la Réunion des musées nationaux s'est vue confier la direction commerciale de la Chalcographie. Cette activité consiste en l'édition, la diffusion et la commercialisation de nouvelles estampes, d'après les planches gravées de la collection et selon les procédés traditionnels de l'impression en taille-douce. Aujourd'hui, les collections de la Chalcographie continuent de s'enrichir grâce à une politique d'acquisition de gravures anciennes et de commande à des artistes contemporains. »

La chalcographie désigne tout à la fois l’art de la gravure en taille douce (du chalcographe) généralement sur métal et particulièrement sur cuivre (le mot vient du grec ancien : « écriture sur cuivre [χαλκός] », et une collection de planches gravées.

SITES INTERESSANTS :

www.artheque.com/biographie.html : Biographie assez complète de graveurs du XVIII ème siècle.

adlitteram.free.fr : Biographies de graveurs des XVII ème et XVIII ème siècles et une histoire de la gravure au XVIII ème siècle.

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La faïence française

Nous allons dans cet article donner une définition de la faïence française et prendre pour exemple celle emblématique de Moustiers.

Photographie : Cette assiette en faïence de Moustiers est caractéristique de la production française des XVIIe et XVIIIe siècles. Elle est exemplaire avec son décor en camaïeu bleu de dentelles en bordure et son médaillon en plein sur le bassin avec une scène mythologique. Cette dernière mélange la fable antique à celle du terroir. Ainsi retrouve-t-on Aphrodite naissant de l’écume des flots voguant sur un dauphin, entourée d’Eros et d’une naïade en forme de sirène, associée à une divinité féminine de la nature et de l’amour : une nymphe aquatique des cours d’eau évoluant dans un paysage bucolique français avec la nature en premier plan et un village à l’arrière. Les quatre éléments découpent en parties égales la scène avec la terre (plantes, arbres, terre, village), l’eau (la rivière), l’air (avec le ciel et les nuages), et le vent (symbolisé par la divinité). Cet objet d’art est du XVIIIe siècle et fait 23,5 cm de diamètre. Il est à noter le crémeux de l’émail. Il appartient à l’antiquaire Christian Béalu et est présenté sur son site :

La faïence est un genre de terre cuite : une poterie (céramique argileuse à pâte poreuse) constituée d'un mélange de terres composé d'une argile plus ou moins pure, de sable et de marne calcaire, et recouverte d'un émail stannifère (stanum = étain, l'étain rendant l'émail opaque). L'émail stannifère est une couche vitrifiée. Il est composé d'oxyde de plomb (fondant), de silice et d'étain opacifiant (cache la couche d'argile, rend imperméable, blanchit, et sert de support au décor peint). On peut le colorer dans la masse en y incorporant des oxydes métalliques tels que le cobalt pour le bleu et l'antimoine pour le jaune et obtenir des fonds de couleur. La faïence est opaque, contrairement à la porcelaine qui est transparente à la lumière. Après le modelage, on cuit une première fois le biscuit vers 500° (cuisson de dégourdi) ; on le trempe dans de l'émail stannifère. Dans la faïence de grand feu, après cette première cuisson dite « au dégourdi », on recouvre la terre de l'émail qu'on laisse sécher, et on peint le décor sur l'émail cru, pulvérulent, avec des émaux (oxydes métalliques) aussitôt absorbés. Les repentirs sont interdits. On cuit à 980° l'ensemble, chaleur nécessaire à la fixation de l'émail. Cinq oxydes métalliques résistent à cette température : le bleu (cobalt), le vert de cuivre (il fuse, c'est à dire bave un peu), le jaune d'antimoine, le violet (manganèse) et le rouge « tomate » (fer). Pour les faïences de petit feu (début vers 1740), on cuit la pièce recouverte de l'émail stannifère vers 980°. On peint ensuite le décor sur l'émail. Il s’en suit une cuisson pour les couleurs à température inférieure, et une autre s'il y a de l'or. La palette des teintes est beaucoup plus riche : pourpre de Cassius, or etc. Les étapes de la fabrication de la faïence sont les suivantes : recueillir la terre, la laver, la décanter, la broyer, la tamiser, la dégraisser (en mêlant du sable aux argiles trop grasses), la faire « pourrir » (en la faisant attendre dans des caves), la façonner par tournage, moulage ou modelage, coller les éléments rapportés (bec, anses, etc.) avec de la barbotine (pâte liquide) ; puis il y a la cuisson de « dégourdi », le bain d'émail (eau ou flottent en émulsion des particules de sable broyé, d'oxyde de plomb et d'étain et éventuellement d'un colorant) ; on fait ensuite sécher avant le décor de grand feu ou la cuisson.

On suit les origines de la faïence jusqu’en Perse. Elle se développe dans le monde musulman, en Espagne surtout aux XIVe et XVe siècles et en Italie en particulier au début du XVIe avec notamment la ville de Faenza qui serait à l’origine de son nom. Elle arrive en France au XVIe avec les artisans italiens qui s’installent dans ce pays : à Rouen, Lyon, Anvers (Belgique), Nevers … pour fabriquer ce qu'on appelle de la majolique. De 1700 à 1730 environ c'est le triomphe du camaïeu bleu. A partir de 1730 on a la polychromie de grand feu. Les fabriques de grand feu sont alors nombreuses en France. Après 1750 c'est surtout la faïence à décor de petit feu qui se développe.

La faïence fine est destinée à imiter la porcelaine. Elle est découverte en Angleterre dans la région de Staffordshire semble-t-il. On incorpore à la pâte du kaolin et un autre minéral : le feldspath. Il existe de nombreuses variantes de cette recette mises au point par chaque fabricant, avec : la faïence feldspathique, la faïence fine dure, la demi-porcelaine, la porcelaine opaque, la terre de fer, la terre de pipe, la terre de Lorraine, le cailloutage ou terre anglaise. La faïence fine est une pâte dont l'intérêt premier est d'éviter la couverture par un émail qui cache la terre. Elle est ainsi recouverte d’une simple glaçure transparente. Sa malléabilité rend le moulage aisé et permet une grande finesse des décors. On en fabrique en France à partir du milieu du XVIIIe siècle mais surtout au XIXe.

La faïence de Moustiers est une des plus réputées de France des XVIIe et XVIIIe siècles avec notamment celles de Nevers et Rouen. Ce village du sud recèle plusieurs manufactures renommées. Avant le XVIIe, on y fabrique déjà de la poterie en terre cuite d'abord puis vernissée. Ensuite arrive l'émail blanc. C’est Pierre Clérissy (1651-1728) qui offre à Moustiers une expansion économique à partir de vers 1660 qui va durer jusqu'à la fin du XVIII e s. Il s'entoure tout d'abord de François Viry (auquel succéderont ses fils Gaspard puis Jean-Baptiste Viry) et d'Olérys. En 1702, son fils aîné Antoine s'associe avec lui puis lui succède. En 1728 le village compte déjà au moins 8 ateliers de faïenciers dont plusieurs sont tenus par de la famille des Clérissy. Pierre II devient l'associé de son père Antoine en 1732, puis reste seul à la tête de la fabrique. En 1783, il la vend à Joseph Fouque. Les Clérissy commencent par faire des décors en camaïeu bleu. L'émail est onctueux. On copie des gravures en particulier d'après Tempesta (scènes de chasses, mythologiques...) ou Bérain. On y retrouve des influences italiennes (mufles de lion), orientales (fleurs), des broderies délicates, des décors d'armoiries ... C'est au début du XVIII e, que les Clérissy créent le décor Berain. Les fabriques les plus connues de Moustiers avec celles des Clérissy sont celles de Joseph Olérys & Jean-Baptiste Laugier, de Joseph Fouque & Jean-François Pelloquin, des Ferrat et Feraud.

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Les vieux Beaux.

La mode du XVIIIe siècle est d'un grand raffinement. Les petits-maîtres et autres incroyables représentent une des extrêmes de celle-ci. Ainsi sont-ils souvent critiqués. Une des caricatures les met en scène à un âge avancé. C'est le cas dans la comédie d'Alexandre Guillaume Mouslier de Moissy (1712-1777) intitulée Le Vieux Petit-Maître en Province (photographie 1). Cette pièce provient du troisième tome d’Ecole dramatique de l'homme édité pour la première fois en 1770 (comme le tome second alors que le premier date de 1769). L’histoire est celle d’un « galant de profession » de plus de cinquante ans, qui cherche à se marier avec une de ses connaissances passées (une ancienne coquette de province) ou sa fille pour leur argent. Comme on le constate ici, et comme d’autres documents le prouvent, le petit-maître est un style d’élégant typiquement parisien. De plus tous les coquets français sont des galants appréciant particulièrement la bagatelle et s’enorgueillant de nombreuses conquêtes féminines ; si bien que dans le cas de ce vieux petit-maître, cela lui fait oublier son âge et désirer une jeune fille de vingt ans, plus que la mère de celle-ci qu’il aurait cependant pu avoir. Du coup il ne séduit ni l’une ni l’autre malgré le bel-esprit dont il se targue. C’est finalement un homme plus rustre mais plus jeune qui se marie avec la première. Le caractère rugueux de ce voyageur est lui aussi critiqué.
Dans la gravure de 1804 intitulée Les Galants Surannés ou Les Petits Papa à la Mode (photographie 2), Debucourt caricature des hommes d’un certain âge jouant les incroyables et courtisant des merveilleuses.
Une autre estampe du début du 19e siècle (photographie 3), ayant pour titre Le Jeu du Diable et d’un auteur inconnu, représente des personnes âgées cherchant à se divertir comme les jeunes. Trois générations s’amusent. Un couple est de l’ancien temps, habillé dans le goût passé et s’essayant à un jeu moderne que les jeunes maîtrisent. Dans le second duo, une jeune fille est habillée en merveilleuse. On remarque son décolleté qui montre sa poitrine presque entièrement. Sur certaines gravures représentant des merveilleuses, les tétons sont même apparents. C’est alors la mode à l’antique où la nudité n’est pas cachée comme le révèlent des représentations sur les murs des maisons romaines autour du Vésuve que le XVIIIe siècle exhume. On comprend pourquoi à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe d’aucuns appellent ces jeunes filles habillées (ou déshabillées) à la nouvelle mode des inconcevables ! Le jeune homme représenté sur la gravure suit le nouveau goût du début du XIXe. Dans le Dictionnaire de l'Académie française (Firmin Didot frères, 1835), le jeu du diable est décrit comme « Une sorte de double toupie que l’on fait tourner rapidement sur une corde attachée à deux baguettes, et qui ronfle avec beaucoup de bruit. ». Au bas de la gravure une chanson l’illustre : « Air des Fraises / On joue à ce jeu charmant / Lorque L’on est aimable / Vieillard en vain L’imitant / Envoie tout en murmurant / Au Diable, au Diable, au Diable. »
On parodie aussi les dandies lorsqu’ils sont jeunes. Avec l’élégante, cela se fait parfois de façon scabreuse. C’est déjà le cas au XVIIIe siècle avec les petites-maîtresses ou les merveilleuses dont les manières et les tenues sont copiées par certaines filles de joie comme celles du Palais Royal. Le parallèle est alors d’autant plus facile à faire que les élégantes d'origine expriment ouvertement une certaine liberté dans leurs tenues. C’est en particulier au XIXe siècle, dans le commun un peu rustre, que l’on donne aux partenaires des dandies français des noms d’allumeuses comme : cocodettes (féminin de cocodès pour parler d’une fille aux mœurs légères et aux manières et tenues provocantes), dégrafées, frôleuses etc. Mais comme l’écrit Louis-Sébastien Mercier (1740-1814) au sujet du Palais Royal : « Là sont les filles, les courtisanes, les duchesses & les honnêtes femmes, & personne ne s’y trompe » (voir article
Récapitulatif de l'exposition Modes anciennes). Evidemment, on s’éloigne petit à petit des précieuses du 17e siècle, des femmes de lettres et d’esprit du 16e ou des dames du Moyen-âge. La montée de la bourgeoisie au 18e et son règne au 19e relègue au grenier la préciosité et l’ancienne mode dite péjorativement des céladons (terme désignant des vieux à la mode passée, amateurs des romans comme Astrée d’Honoré d’Urfé).
Voilà pour ce qui est de la caricature. Nous n’y reviendrons plus. Enfin espérons-le ! Au revoir le grotesque ! Même les masques grimaçant de la Comédie Nouvelle de Térence et autres sont lassants (voir articles :
Le théâtre antique et les conventions … classiques … et Sortir masqué). Si le burlesque et le tragique sont un des fondements de la condition humaine, laissons maintenant la place à l’intelligence et la finesse … à la beauté …
Détail de la gravure : Les Visites de Philibert Louis Debucourt (1755-1832), datant du début du XIXe siècle, avec des merveilleuses et des incroyables.

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C'est la fête !


Un an que ce blog a été créé : le 11 avril 2007. D'après les statistiques de l'administration on compte depuis : 78 535 pages vues, 24 669 visiteurs uniques, avec comme journée record le 6 septembre 2007 avec 610 pages vues, et comme mois record celui de mars 2008 avec 12 441 pages vues. Depuis le mois de mars, c’est en moyenne plus de 4 000 visiteurs uniques par mois selon l’administration du blog et plus de 2 000 selon le compteur installé.

J’aimerais beaucoup faire évoluer ce blog en présentant d’autres travaux tendant vers l’excellence : des mémoires de thèses, des artistes et artisans contemporains, des interprètes et compositeurs, des blogs, des sites, des lieux … ; organiser des évènements qui permettraient de nous rencontrer ; l’enrichir de nouvelles collaborations ; le transformer en un concept plus multimédia etc. Dans l’attente de coopérations, c’est pour le moment le travail d’une seule personne … Et je dois trouver le moyen de faire en sorte que cela devienne un véritable outil professionnel … de transmission et de partage

LM

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La musique et le style

Pour commencer, il y a le mouvement qui est inhérent à l'individu et aux choses vivantes en général. Il en résulte du rythme. Ensuite des associations se forment et des styles en découlent qu'on invente et/ou que l'on suit. Le mouvement est donc associé au rythme qui l'est évidemment à la musique, à la danse, à la poésie et à la langue. Les rythmes collectifs nécessitent une entente cordiale et solidaire, une certaine finesse et un respect de l’autre. L’invention de nouveaux rythmes est dévolue durant l’antiquité grecque aux poètes, au moins en ce qui concerne le culte du dieu du vin Dionysos avec les prémisses puis l’invention du théâtre.
Certains ont étudié les meilleurs moyens de diriger ce besoin d'action collectivement sous la forme de choeurs et à travers les sciences telles que la philosophie, la poésie, les mathématiques, l'art, la religion ... Par 'choeurs', nous entendons le groupement de plusieurs personnes associant différents rythmes : chants, musiques, paroles, mouvements et danses. Deux catégories de rythmes prévalent : ceux du corps et ceux de la parole, les uns étant souvent liés aux autres. La musique est leur combinaison. Cette double conception, vocale et gymnique, est en particulier présente dans l'éducation athénienne où les exercices physiques sont aussi importants que ceux relevant du verbe. Dans ceux du corps, il y a la danse, la gymnastique et la guerre. Ceux de la parole incluent le chant, la poésie, la musique et toutes les autres formes écrites ou parlées. Ces rythmes sont réglés selon différents rites. Le théâtre qui en est un des principaux est né dans les rituels donnés en l'honneur de Dionysos et en particulier dans le détachement de comédiens des choeurs. Les muses sont parmi les inspiratrices et les révélatrices de ces rythmes. Dans cette fonction, elles président à l'éducation des enfants. Si aujourd’hui on les compte comme étant au nombre de neuf, et si elles sont bien définies, autrefois, elles sont invoquées sous diverses appellations distinctes dans plusieurs parties de la Grèce, considérées comme des nymphes, associées par exemple aux cours d’eau, aux sources et aux grottes. Primitivement, on communie donc avec elles surtout dans des lieux naturels.

Les changements continuels, les mouvements inhérents à toutes choses (même celles inanimées sont mues) impliquent les créations et les modifications des styles. Le style réside dans la capacité de s’adapter et de créer des rythmes. Une personne ayant du style a une connaissance intuitive des bons rythmes, une intelligence se caractérisant par une extrême sensibilité. Elle agit en conséquence uniquement sur le moment présent qu’elle entend avec acuité et dans lequel elle s’insinue par voie de fait avec beaucoup d’habileté. Chaque style a sa musique, sa mode, son art, sa philosophie, sa langue …, tout ce qui résulte de mouvements qui lui sont propres.

Photographie
 : Mercure Galant, Avril 1688, comprenant un Essai de Pastorale, Pour un Concert à Madame la Dauphine, avec une petite pièce musicale se déroulant « dans les Campagnes de Versailles » et mettant en scène Hymen, Amour, Bergers, Bergères, un Chœur etc.

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Cultiver son jardin …

Durant l’Antiquité, on écrit que le fondement des arts et des sciences est l’imitation : de ce qui nous entoure, en premier lieu de la nature, et de ce qui nous dépasse : les dieux ou les rythmes du cosmos. Cette idée d’un art qui imite la nature et cherche à la transcender est au fondement même de notre culture. On cultive la terre comme on le fait de son esprit. Cette pure intelligence en interaction avec son environnement s’exprime d’une façon subtile à travers la pastorale. Jusqu’au XIXe siècle, la vie pastorale est une source d’inspiration pour les sociétés les plus compliquées. Ce goût antique pour les bois sacrés, les monts où se logent les divinités, pour cette nature où les dieux évoluent, continue durant la chrétienté qui reprend à son compte toute une partie de la ‘rhétorique’ pastorale. Le membre du clergé devient le berger, les fidèles les brebis, le diable a la physionomie du bouc, et les rythmes des saisons, des mois, des journées, cadencent les cérémonies.

De l’Antiquité au XVIIIe siècle, la vie pastorale est surtout considérée sous son aspect pur, sain, en contact direct avec la ou les divinités. Du fait de cette communication privilégiée avec le divin et du bonheur inaltéré qui en résulte, l’existence pastorale semble éloignée des vicissitudes. L’amour s’y déploie sans obstacles puisque la corruption n’y existe pas. Dans cet univers naturel fait d’abondance, l’homme vit sans fausses pudeurs et sans désirs ni besoins, baigné dans le plaisir de sentiments épurés, d’amitiés et d’amours véritables. Certains lieux rappellent plus que d’autres ce paradis, comme l’Arcadie en Grèce, le mont Parnasse où les Muses sont sensées résider, l’île de Lesbos… Une véritable philosophie se cache dans ces écrits, une alchimie subtile. De nombreuses légendes mythologiques (ce que le XVIIIe siècle appelle ‘fables’) mettent en scène bergères et bergers, et les dieux qui habitent montagnes et forêts sacrées. Des centaines de divinités occupent les campagnes et les bois sacrés : Nymphes, Naïades, Sylphes, Dryades … Pan protège bergers et troupeaux ... La religion chrétienne se sert largement du thème du bon pasteur. On retrouve la houlette du berger dans les mains de nombre de saints et de papes. La vie pastorale est la gardienne d’une pureté : réminiscence d’un âge d’or où les dieux vivent parmi les hommes (la dernière divinité à être restée étant Astrée la déesse de la Justice). A travers les écrits pastoraux, les écrivains français épanchent leur connaissance de la beauté classique de l’Antiquité, de l’Hellénisme, avec une finesse emprunte de poésie courtoise et toute entière dévouée à l’âme subtile d’une terre de tous les possibles et de toutes les richesses, dialoguant grâce à une extrême habilité et clairvoyance avec la divinité païenne à des époques empruntes de christianisme.

La littérature antique est à l’origine de ce genre littéraire en Occident avec les Bucoliques, les Eglogues et les Géorgiques de Virgile, les Idylles de Théocrite. Ajoutons à cela le roman intitulé Daphnis et Chloé de Longus. Certains poèmes d’Ausone sont appelés Idylles. Le Moyen-âge cultive de multiples formes de poésies dans différentes langues. La ‘pastorela’ est un genre de la littérature occitane qui relate le plus souvent la rencontre du poète avec une bergère, motif repris ou présent dans la poésie latine et par les troubadours dans les pastourelles françaises. Leur forme dialoguée leur donne parfois des allures de pièces ou de romans. La pastourelle est alors un genre ‘bucolique’ celui-ci imprégnant profondément la poésie et le folklore médiévaux avec ses reverdies et autres rondeaux à danser… La Renaissance italienne remet au goût du jour les oeuvres pastorales antiques avec les poètes néo-latins de la Renaissance : Pétrarque, Boccace, Guarini, Boiardo, Spagnoli, Pontano, Sannazar, Flaminio, Vida, Navagero, et ceux qui écrivent en Italien comme Sannazar (Arcadia), G. B. Giraldi Cinthio (Egle), B. Castiglione (Tirsi), A. Lollio, (Il sacrificio), Tasse (Aminta), Guarini, (Pastor fido), Groto, (Pentimento amoroso), Comte Bonarelli (La Philis de Sciro). La Renaissance française s’inspire de tout ce qui vient d’Italie. La vogue des idylles, pastorales et églogues commence au XVIe siècle avec Clément Marot, François Habert, Maurice Scève (Arion), Hugues Salel (Eglogue marine), Baïf (Œuvres en rime et autres Eglogues), Ronsard (Chants pastoraux, Bergerie, Le Cyclope amoureux), Remy Belleau (Bergerie), Nicolas Filleul (Théâtre de Gaillon), F. de Belleforest (Pastorale amoureuse), Claude De Bassecourt (Trage-comedie pastoralle ou Myllas), Honoré d’Urfé (Astrée). Le XVIIe siècle suit cette mode et l’amplifie avec Vauquelin de La Fresnaye, Antoine de Montchrestien, (Bergerie), Du Mas (Lydie), G. Colletet qui écrit un Discours du poème bucolique où il est traité de l’Eglogue, de l’Idylle et de la Bergerie édité en 1657. Astrée influence beaucoup les Précieuses du XVIIe siècle. Antoinette Deshoulières (1638-1694) écrit des œuvres pastorales. Molière sort une Pastorale champêtre. Au XVIIIe siècle, Fontenelle [un des Modernes] (Poésies pastorales, Traité sur la nature de l'églogue), Gessner (La Mort d’Abel, 1761 ; Idylles, 1762 ; Daphnis, 1764), Léonard (Idylles, 1766), Berquin, (Idylles, 1775), André Marie Chénier [un autre Moderne] (Bucoliques), l’abbé Louis Mangenot (deux idylles en prose) ; Florian (Galatée, 1783 et Estelle et Némorin, 1787) continuent.

La Pastorale qui remonte à l’Antiquité la plus tardive est un véritable courant artistique plus que littéraire, véhiculant une philosophie et esthétique d’une beauté et d’une finesse remarquables. L’industrialisation des XIXe et XXe siècles et le brassage des civilisations rendent désuet cet attachement à la terre. Il n’est plus question d’imiter mais de maîtriser et de dominer ; on s’intéresse de moins en moins au sol qu’on foule, son histoire et le savoir qu’il véhicule. Pourtant chaque endroit de la terre a ses trésors à offrir, une abondance bafouée par l’ignorance qui est paradoxalement souvent à la recherche de richesses !

Photographies : tirées du tome VI consacré aux mammifères d’Histoire naturelle de Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788), Imprimerie Royale, 1769. L’œuvre de Monsieur de Buffon représente une certaine soif de connaissance, et les gravures que nous présentons ne manquent pas de finesse et sont assez amusantes ainsi livrées !

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L'idée du beau & réflexions sur l'élégance et la politesse du style.

En France, au 18eme siècle, sous des aspects badins on théorise sur des thèmes inconnus ailleurs, comme « le je ne sais quoi » ou « le bon ton ». On se pose la question de ce « je ne sais quoi » qui permet à certains et à ceux qui les côtoient de transcender le commun en affichant une subtile beauté qui transporte littéralement l'âme vers des horizons brillants. On cherche quels sont les éléments de cette sociabilité propre aux français d'alors à travers leurs belles manières, le bon ton, l’histoire des mœurs de ce pays. On se met en quête de l’Age d’or, affiche le moment présent comme comparable aux temps des anciens et même supérieur à lui car actuel. On s’inspire de nouvelles influences : d’un Orient lointain à travers une Chine idéalisée, d’une Amérique avec son or et ses eldorados. On redécouvre l’Antiquité : son art, sa culture, ses écrivains, ses arts décoratifs grâce à l’archéologie. On répertorie dans des encyclopédies et invente le futur. On ‘utopise’, et s’éprend tellement de ce qu’est cette époque que chacun se met à rêver pour lui-même et croire en ses droits. La porte de la liberté ouvre alors à tous un espace immense dans lequel s’engouffre la Révolution.
Photographie : Crousaz, Jean-Pierre de (1663-1750), Traité du Beau, Où l'on montre en quoi consiste ce que l'on nomme ainsi, par des Exemples tirés de la plupart des Arts et des Sciences, nouvelle édition, revue, corrigée, et augmentée par l'auteur, tome second sur 2 volumes in-12, Amsterdam, L’Honoré & Chatelain, 1724, 10 x 16,5 cm. La première édition date de 1715. Elle est en un seul volume et du même éditeur : L’Honoré, Amsterdam. Le tome deux de cette nouvelle édition contient uniquement des ajouts par rapport à la première édition : chapitre XI ‘De la Beauté de l’Eloquence’, chapitres XII & XIII ‘De la Beauté de la Religion’.
Le beau se dévoile aussi à travers le style. La finesse du style s’exprime dans la langue, non pas seulement dans son emploi correct, mais aussi dans la capacité d’invention, d’adaptation, de sublimation. Au-delà du savoir du verbe, le style se révèle dans la poésie et la connaissance des rythmes. Ceux-ci s’ajustent, s’harmonisent et élèvent l’âme. La dureté, les contraintes, sont des obstacles à l’élévation, comme le sont la bassesse ou le manque de subtilité. Sans plaisir, il n’y a pas de bons rythmes. La pure intelligence trouve sa matérialisation dans la beauté, dans le style, dans la langue … Le titre du livre de l’Abbé de Bellegarde que nous présentons : Réflexions sur l’Elégance et la Politesse du Style, est particulièrement intéressant dans son usage des termes ‘élégance’ et ‘politesse’. La langue est une convention propre à une communauté. On en use dans un souci de communication, d’échanges. La politesse est le trait le plus naturel de cette préoccupation d’ouverture à l’autre. L’élégance est l’expression du plaisir qui en découle. Il ne peut y avoir de véritable beauté du style, que ce soit dans la langue ou ailleurs, sans harmonie, c'est-à-dire sans les autres rythmes : ceux de la pensée, des gestes, du savoir …  Une personne qui formule de belles choses avec une âme mauvaise ne procure pas de joie ; et si elle arrive à plaire sur le moment, elle laisse un goût amer par la suite. L’élégance du style est donc affaire de subtilité. Derrière la futilité des styles, des modes et des apparences, se blottit la sagesse ; comme elle le fait dans les œuvres d’art et une éducation fine.
Photographie
 : Bellegarde, M. l’Abbé de (1648-1734), Réflexions sur l’Elégance et la Politesse du Style, quatrième édition, La Haye, Antoine van Dole, 1735. Bien que cette édition ne soit pas du temps de son auteur, dérogeons une nouvelle fois à la règle que nous nous sommes donnée pour vous présenter ce livre.

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Merveilleuses & merveilleux