Portrait miniature d’une merveilleuse du Directoire

Merveilleuses et merveilleux

Le 18 octobre dernier, dans le cadre d’une vente aux enchères à l’Hôtel Drouot des anciennes collections des ducs de Fitz-James, par le commissaire-priseur Hubert L’Huillier, a été vendue une miniature ovale (6,50 x 5,50 cm) et d’époque, d’un buste de merveilleuse. Voir ici et ici. Le collectionneur l’ayant achetée, a bien voulu me la montrer. Ci-dessus la photographie de cette miniature, et ci-dessous celles du catalogue.

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

Il s’agit d’une merveilleuse d’époque Directoire. Elle est dans le même style que celle présentée dans cet article, avec des boucles d’oreille rondes, une haute cravate blanche et un ruban dans les cheveux rouge-sang rappelant les massacres de la Révolution. Ses cheveux (ou perruque) blonds, assez courts, tombent en « oreilles de chien » sur ses tempes (voir ici, ici et ici), caractéristique surtout présente chez les incroyables. Sa tunique est blanche, à l’antique et avec un assez profond décolleté. Sa veste est peut-être d’un style jockey très à la mode à cette époque, très courte et faisant office de soutien-gorge, à la manière de cet exemple et de celui-ci.

Ci-après un autre portrait de merveilleuse, ici gravé, avec des rubans d’un rouge-sang, le côté dramatique accentué par le collier en forme de chaîne de prisonnier. Ce dernier exemple est d’autant plus intéressant que la jeune femme mélange des éléments un peu précieux, comme la plume d’autruche de son chapeau, appelé « Chapeau à la Minerve » pour faire antique, et d’autres éléments empruntés davantage au peuple, comme le simple foulard blanc ou le tablier. À cette époque, les cheveux courts des merveilleuses et des incroyables sont une mode faisant référence soit à l’Antiquité, soit aux cheveux coupés avant la guillotine. Dans l’introduction des Mémoires de Madame Roland, édition présentée et annotée par Paul de Roux (Paris : Mercure de France, 1966 et 1986), ce dernier relate l’exécution de la révolutionnaire du parti Girondin, Mme Roland, et de son compagnon d’infortune, M. La Marche : « Après qu’on lui [à La Marche] eu coupé les cheveux, elle [Mme Roland] le regarda attentivement et lui dit : "Cela te sied à merveille, tu as en vérité une tête antique." ».

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

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Arrêtons de meugler !

Bien parler la langue française, ce n’est pas seulement employer des phrases avec de belles tournures, de jolis mots, une grammaire et une conjugaison les plus irréprochables possible, c’est aussi bien prononcer, sans parler trop fort ou trop doucement, sans avoir de tics, avec une respiration qui ne s’entend pas, et sans ajouter dans les discours de nombreuses et semblables interjections.

De nos jours, un grand nombre de Français s’expriment en égrenant une multitude de « heu » dans leurs conversations, parfois une ou même plusieurs de ces interjections par phrase ! Je n’exagère pas du tout. Cela les fait ressembler à des bovins meuglant. Ces meuglements semblent annoncer des esprits particulièrement opaques. Pas étonnant que la plupart des Français aient réagi d’une manière aussi veule lors de la crise orchestrée autour du covid, et possèdent des dirigeants aussi mafieux, grossiers et abjects, saccageant tout. Une seconde raison à ces meuglements est sans doute le nivellement de notre culture, la perte de son intelligence poétique et de sa diversité, notamment des accents. Autrefois, une multitude d’accents s’entendaient en France. Tous n’étaient pas jolis, comme celui de ma ville de naissance qui accompagnait le parler gaga (stéphanois).

La façon de parler signifie. Évidemment, avant de changer la manière de s’exprimer, l’esprit de la personne doit s’éclairer. Sinon, même si elle arrête de meugler, elle prendra d’autres tics affichant à l’extérieur son être intérieur. Meugler est un signe de notre époque, où les Français sont élevés comme des veaux, parqués dans leurs désirs exacerbés de mouvement et leur esprit enclos dans leur ordiphone.

Parlez-moi français, sans anglicismes, écriture inclusime et novlangue

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Incroyables chansons

Un ami collectionneur, possédant de nombreuses œuvres d’art du XIXe siècle ayant pour sujet les merveilleuses et les incroyables (voir ici) et une importante collection de documents d’époque sur le Directoire, m’a fait passer ces quatre papiers d’époque de chansons sur les incroyables. Je les présente ici, ainsi que leur retranscription avec l’orthographe, la grammaire et la ponctuation utilisées.

Les deux premières sont des manuscrits de la même chanson dont il est question dans cet article, mais avec un texte entièrement visible, comme quoi elle devait être très populaire.

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

« Les incroyables

air : Femmes qui voulez éprouver

1er
Quand un merveilleux séducteur
en bégayant vous peint sa flamme
jurant sa Parole d’honneur
qu’il vous chérit du fond de l’âme
quand sa toilette, son maintien
semble dire : Je suis aimable
jeunes femmes, songez y bien
ce jeune homme est un incroyable

2
Mais quand pour voler chez Garchi*
écrasant la foule éperdue
sur les ailes de son wiski**,
je vois hortense demie nue
son air gai, ses deux jolis bras
cette gaze à peine visible
ses yeux sur tout disent tout bas
Madame n’est pas impossible. Bis

3
Jadis un fat au moins avait
L’air gai, l’oeil vif et plein d’audace.
quand une femme minaudait,
elle minaudait avec grace ;
mais aujourd’hui nos jeunes gens
aveugles, bossus & risibles
semblent être les impuissants
de tant de femmes très possibles. Bis

Fin »

Le reste est un couplet « d’une Épouse mécontente à son Époux » sur « le même air ».

* Les documents d’époque décrivent Garchi comme un glacier ou un café des boulevards. Il voit le jour en 1789, et se situe à l'angle de la rue de Richelieu et du boulevard Montmartre. Il est très à la mode pour ses glaces, la belle jeunesse qui le fréquente, sa beauté moderne et antiquisante et parce qu’il fait le lien entre le Palais-Royal, la rue Richelieu et les boulevards. D’abord prénommé Jardins de Frascati, il est racheté en 1792 et rebaptisé Café Frascati par un glacier napolitain du nom de Garchi. Ce café ferme en 1857. J’ai écrit des articles sur le café Frascati visibles ici, ici et d’autres informations sont présentées ici et ici.

** Attelage léger d’origine anglaise.

Le second manuscrit retranscrit la même chanson avec seulement une légère variation de l’orthographe, par exemple certains « i » sont changés en « y ».

Merveilleuses et merveilleux

Le troisième document est une chanson imprimée, avec partition, sans doute royaliste.

Merveilleuses et merveilleux

« Les JNCROYABLES

Air Du Secret.

Incroy-a-bles quel est ce mot qui est le Sens qu’on y applique Je le de-mande au premier Sot qui aime encor la ré-pu-bli-que croire aux ver-tus aux bonnes mœurs de nos O-ra-teurs pi-toy-a-bles croi-re qu’il veulent notre bonheur nous disons tous c’est incroy-a-ble nous di-sons tous c’est incroy-a-ble.

2
Braves amis ; Ecoutez moi
Laissons la tout ce bavardage
Aux lieu de tems ; un vaut je croi
Bien mieux que ce belle assemblage
Un seul peut combler tous nos vœux
Il viendra ; le fait est notable
Et lorsque nous serons heureux
Nous ne serons plus incroyables (bis »

Le quatrième document est une chanson imprimée d’influence girondine, contre les jacobins plus ‘extrémistes’, voire d’inspiration royaliste.

Merveilleuses et merveilleux

« La Justification
DES INCROYABLES.

Par le Cit[oy]en Joron.
Les Diamans

1
Jadis au tems des Jacobins,
Notre parure était suspecte ;
L’on nous traitait de Muscadins*,
L’on détestait nos Cadenettes**,
Autre parti veut éclater
Dans notre pays misérable,
L’on commence par nous traiter
De merveilleux et d’incroyables.

2
Incroyable voila le mot,
Que chacun répète sans cesse ;
Et de ce mot là, plus d’un Sot :
Prétend insulter la Jeunesse,
Moi, je prouve dans ma chanson
Qu’on peut sans être un agréable,
A chaque instant avec raison,
Bien dire aussi c’est incroyable.

3
Par exemple lorsque l’on voit
Nos Soldats manquer de chaussure ;
Tandis qu’un fournisseur adroit,
S’en fait payer la fourniture :
Quand certain faiseur de pamphlets,
Qui fût jadis un pauvre Diable,
Couché aujourd’hui dans un Palais,
Nous disons tout est incroyable.

4
Quand l’auteur de Cadet Roussel,
Est plus applaudis que Molière ;
Quand on veut au hardy Cromwel***,
Comparer le plât robespiere ;
Quand celui qui fit Charles-neuf****
Croit être un homme inimitable,
Quand on veut absoudre Babeuf*****,
Nous disons tout est incroyable.

5
Quand on songe qu’au Tribunale,
Où l’on entraînait l’innocence ;
C’était un crime capitale,
D’oser embrasser sa défense ;
Quand on songe que des Enfants,
Qu’un Sexe aussi faible qu’aimable ;
Tombait sous le fer des briguans,
Nous disons tout est incroyable.

6
Celui qui nous donna ce nom,
Mérite très fort qu’on l’estime ;
Il a oublié le renom,
Qu’il avait acquis par ces crimes.
C’est un destructeur, un boureau,
Un gros Jacobins détestable ;
Nous taperions sur son manteau,
Avec un plaisir incroyable. »

* Sur les muscadins voir cet article, celui-ci et celui-là.

** Tresses d’origine militaire.

*** Sans doute Oliver Cromwell (1599 – 1658) figure du Commonwealth anglais, forme de république instaurée en Angleterre de 1649 à 1653 et de 1659 à 1660.

**** Charles IX, ou la Saint-Barthélemy est une tragédie à succès de Marie-Joseph Chénier (1764 – 1811) jouée en 1789 avec le fameux comédien incroyable Talma (1763 – 1826).

***** Révolutionnaire français (1760 – 1797). Il crée la « Conjuration des Égaux » contre le Directoire. Il est guillotiné. Ses idées inspirent un courant de pensée, le « babouvisme », qui préfigure le communisme et l'anarchisme.

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Εὐηθεία… en guise de conclusion…

Platon, La République (in OEuvres complètes, tome I, « traduction et notes établies par Léon Robin avec la collaboration de M.-J. Moreau », Bibliothèque de La Pléiade, Paris : Éditions Gallimard, 1950), livre III, à partir de la fin de 400 d. C’est Socrate qui parle :

« Conclusion : l’excellence du langage, celle de l’harmonie, l’élégance de la forme, la perfection du rythme, tout cela sert d’accompagnement à la candeur [εὐηθεία : terme formé de εὖ, - bon - et de ἦθος, ễthos - caractère, mœurs - avec le suffixe nominal sur une base adjectivale -ία, -ia] ; non point à cette réelle imbécillité que, par gentillesse, nous qualifions de candeur, mais à cette pensée réfléchie qui, en toute vérité, équipe le moral pour ses fins de la bonne et belle manière. […] Or ce sont bien là, sans doute, des caractères dont déborde la peinture, avec toute la technique qui s’y rapporte ; mais dont débordent aussi tissage, broderie, architecture, avec, en outre, tout ce qui est fabrication d’objets mobiliers en général ; dont déborde enfin la nature des corps et, d’une façon générale, la nature de tout ce qui croît. En tout cela, en effet, il y a place pour l’élégance ou l’inélégance de la forme. L’inélégance de la forme, ajoutons-le, l’absence de rythme, le défaut d’harmonie, tout cela est frère de la mauvaise condition de nos propos, de la mauvaise condition de notre moral ; et les états contraires, des conditions opposées, celles d’un moral sage et bon : à la fois leurs frères et leurs images. […] ne faut-il pas nous mettre en quête de ces professionnels que leurs heureuses inclinations feront capables de suivre la piste qui est à la fois celle de la nature, de la beauté morale et de l’élégance de la forme ? »

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On habille bien les anges !

D’après Pierre Desproges (1939 – 1988), pour reconnaître un imbécile parmi dix personnes, il suffit de regarder sa façon de se vêtir : l’imbécile est celui qui s’habille comme les neuf autres !

L’habillement a toujours été un signe d’appartenance réelle ou souhaitée. Durant l’Antiquité et une partie du Moyen-Âge, le drapé long montre que l’on est un homme libre qui ne travaille pas. Les vêtements plus courts sont ceux de professions, d’esclaves, de militaires… d’étrangers… Les qualités du tissu, de la teinture, des détails signifient aussi. À partir du XIVe siècle, certains autres éléments prennent beaucoup d’importance : la nouveauté, l’innovation, la qualité de la taille, etc.

Lorsque l’on contemple les sculptures des églises françaises d’avant le XXe siècle, on admire de magnifiques personnages bibliques le plus souvent en costume à l’antique, c’est-à dire en tunique et manteau drapé, portant des robes, comme on le dit au Moyen-Âge, période où l’on s’habille ainsi pendant sa plus grande partie (jusqu’au XIIIe siècle). La tunique et le manteau drapé sont à la fois très simples et très nobles.

Photographies prises au mois de juillet 2023 de statues extérieures, du XIXe siècle, de l'église Saint-Laurent de Paris, se situant au bout de l'ancien cardo maximus romain. Cette église a été fondée à la fin du Ve siècle et remaniée depuis, notamment aux XIIe, XVe et XIXe siècles.

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Objets et meubles liés à la toilette durant l’Ancien Régime.

Ci-dessus : Visages très mouchetés de Dames de France. Photographie provenant du dossier de presse de l’exposition du Musée du Domaine royal de Marly-le-Roi intitulée : Séduction et pouvoir : L’art de s’apprêter à la cour.

Il reste jusqu’au 17 août 2023 pour aller voir l’exposition du Musée du Domaine royal de Marly-le-Roi intitulée : Séduction et pouvoir : L’art de s’apprêter à la cour. Je trouve le titre assez étrange, et la question de la séduction et du pouvoir mériterait une analyse beaucoup plus approfondie que ne le fait cette exhibition ; mais celle-ci présente de jolis objets de toilette, en particulier du XVIIIe siècle, et des documents dont certains étaient déjà proposés dans une précédente exposition (voir ici). J’aime bien ce genre d’évènement, assez intime, sans grande prétention mais avec quelques objets de qualité (télécharger le dossier de presse ici) dont beaucoup appartenant à une même collectionneuse.

Ceux qui veulent se lancer dans la collection d’objets de toilette du XVIIIe siècle doivent aller voir cette exposition, et des musées comme celui du parfum (Fragonard) à Paris (voir ici). De nombreux objets sont régulièrement mis en vente sur le marché de l’art, inabordables pour moi… même si j’en possède quelques-uns. L’exposition présente des boîtes de poudre à perruques (dont une jolie avec un peinture d’une dame à sa toilette se faisant coiffer par un coiffeur juché sur une échelle), des nécessaires de toilette et des étuis nécessaires, quelques pots à onguent, des boîtes à mouches, des flacons de parfum, des pomanders (aussi écrit pommanders) et autres vinaigrettes… de même que des éléments de parure comme des dentelles, des bijoux, des broderies de soie, des boutons, des montres, des éventails, des boucles de chaussure, des chaussures… ainsi que des documents iconographiques, comme une série de dessins d’époque de robes à paniers. Ces dernières révèlent la féerie des habits féminins de cette époque, merveilleux aussi présent dans les costumes d'homme du XVIIe siècle et d'une manière général chez les petits-maîtres dont, du reste, on appelle certains merveilleux, merveilleuses, incroyables, inconcevables… Bien sûr cette exposition est très loin d’être exhaustive : pas de tables de toilette, très peu d’objets du XVIIe siècle…

Il y a quelques années de cela, je souhaitais collectionner des objets et meubles de toilette, et avais établi une liste de ceux-ci. La voici :

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Collectionneur d’estampes

L’estampe ancienne de qualité est une œuvre d’art à part entière et un témoignage du temps passé : de l’histoire, de l’histoire de l’art, etc. On distingue deux grands types : celles faisant partie d’un ouvrage et celles publiées pour elles-mêmes. Au milieu on peut ajouter les séries d’estampes, parfois reliées entre elles ou incorporées à un cahier pouvant contenir quelques pages de descriptions. Celles publiées pour elles-mêmes étaient collectionnées ou bien placées sur les murs comme décorations, souvent encadrées, ou bien encore utilisées, comme pour les cartographies. Il est toujours très dommageable de détacher ou découper une estampe d’une parution, et même de découper l’estampe même. Je dis cela, car j’ai constaté que dans l’exposition, intitulée Graver la lumière, l’estampe en cent chefs-d’œuvre et se déroulant en ce moment au musée Marmottan Monet, la plupart des gravures anciennes ont été découpées au ras de l’image. Cela enlève beaucoup de leur valeur. Cela a été fait pour des estampes réputées, comme celles d’Albrecht Dürer (1471 – 1528) et beaucoup d’autres. Alors pourquoi ? Celles-ci étaient-elles abîmées ? Je ne pense pas, car de toutes les façons elles ont toutes été ‘lavées’ et sont en bon état. Petit digression : Personnellement je ne lave jamais mes estampes, me contente de les entreposer dans du papier ‘barrière’ et dans des cartons aussi à ph neutre, etc. Celles qui sont vraiment attaquées, je les calfeutre pendant quelques semaines dans un carton étanche dans lequel j’ajoute du papier contenant quelques gouttes (pas de contact direct avec l’estampe bien sûr) d’huile essentielle de thym et de l’alcool. L’autre chose très importante est de conserver dans la pièce où on les entrepose une température (entre 18° et 20°) et une humidité (entre 45 % et 55 %) constantes. Alors pourquoi avoir découpé ces images ? Pour les encadrer ? Cela non plus n’est certainement pas la raison, car les passe-partout servent justement à encadrer et mettre en valeur les estampes sans les amputer. Je pense que si elles ont été découpées à ras et contrecollées sur du papier ou du carton récent, c’est pour cacher les tampons de provenance des collections dont elles ont fait antérieurement partie. Ce n’est qu’une hypothèse, mais je n’en vois pas d’autre pour le moment hormis la pure stupidité. Quoi qu’il en soit, j’écris cet article pour demander aux collectionneurs de ne pas découper les estampes anciennes. Il s’agit de documents artistiques et historiques même si beaucoup sont accessibles de nos jours à des petits budgets. Pour ma part, j’ai réalisé ma collection quasiment sans argent… en chassant les affaires, et surtout en m’intéressant à des domaines et artistes oubliés. Les conserver et en prendre soin, est un travail plus difficile que de se les procurer, et de plus de longue haleine. L’autre difficulté est de trouver le moyen de les divulguer (personnellement je le fais par internet, même si j’aimerais encore davantage les exposer) et de les transmettre. Je n’ai pas encore réussi à résoudre ce dernier point, n’ayant trouvé personne ayant la tête (l’intelligence), le coeur (l’amour) et les ‘tripes’ (la persévérance) pour cela. Une dernière chose, si vous souhaitez vous servir de vos gravures comme décoration et si vous avez la finance pour cela, faites-les encadrer dans un cadre de l’époque de la gravure… ou au moins l’imitant, et surtout n’exposez jamais une gravure au soleil ou même sous une lumière électrique trop forte, la lumière étant un des quatre facteurs de détérioration, avant même la température et l’humidité, mais après bien sûr une catastrophe (déchirure, feu, dégât des eaux, etc.). Je le répète, conserver et transmettre, cela est plus difficile que d’acquérir.

Photographies ci-dessus : Ces deux petites gravures sont les premières que j’ai achetées… pour 5 €. Elles proviennent d’un livre du XVIIIe siècle. Parfois les gravures ont été sorties d’un ouvrage très tôt, même à l’époque, ou ont été éditées non seulement dans les livres mais aussi à part par l’éditeur. Ici il semble bien que ces gravures pleine-page ont été détachées de leur livre d’origine par une personne peu scrupuleuse... à moins que le reste du livre ait été très endommagé et irrécupérable.

Photographies ci-dessous : Cette autre gravure du XVIIIe siècle est la première que j’ai présentée dans ce blog, et une de mes premières acquisitions. Gravure provenant de Suecia Antiqua et Hodierna (1690 – 1710) d’Erik Joonsson Dahlberg (1625 – 1703). À l’époque, je cherchais à vendre, ce que j’ai abandonné de faire pour ne plus que collectionner.

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On sème, on s’aime… ou l’écologie culturelle !

Écologie culturelle

Les termes et expressions signifiant de ‘nouveaux’ concepts (je mets entre guillemets, car dans notre cas, il ne s’agit pas vraiment de nouveautés mais de redécouvertes) sont souvent difficiles à assimiler, un peu comme les nouvelles modes. On les trouve ridicules. C’est le cas pour le mot « décroissance » et l’expression « écologie culturelle ». Pour les deux, ma première réaction a été du rejet… mais en y regardant de plus près…

J’ai déjà parlé de la « décroissance » ici. Au-delà du mot même raisonne une politique essentielle et inéluctable… une nécessité de revenir sur des bases saines. Bien évidemment, ce ne sont pas les mots qui comptent mais les gens qui les formulent et leur donnent du sens.

Le mot « écologie » est assez récent. Il aurait été créé en 1866 par le scientifique libre-penseur allemand Ernst Haeckel (1834 – 1919). De nos jours, ce terme est très galvaudé, des pollueurs cherchant à le discréditer ou à l’utiliser, cette manière de faire étant aussi une pollution. Du coup, il me semble logique d’avoir eu un premier réflexe de réticence à voir associer les termes « écologie » et « culture ». C’est dans le dernier numéro de Nexus (n°146 de juillet-août 2023) que j’ai découvert l’écologie culturelle, concept qui semble avoir été inventé par Patrick Scheyder et présenté par lui dans un entretien (pp. 38 – 45) tout à fait intéressant. Cet auteur montre qu’en France la nature est aux fondements même de notre culture, et que l’on a toujours été préoccupé d’environnement. Elle a notamment été défendue par des écrivains comme La Fontaine, Jean-Jacques Rousseau, George Sand, Victor-Hugo, etc. Il ne s’agit là que de quelques noms évoqués par cet artiste. Je me suis depuis longtemps particulièrement intéressé au sujet, collectionnant des gravures et livres d’avant le XIXe siècle sur le sujet des pastorales, et je présente quelques-uns de ces documents (des gravures du XVIIIe siècle d'artistes ayant évolué à Paris) dans la première partie de mon livre intitulé Écologie du sentiment, Promenades sur une année aux rythmes naturels des forêts d’Île-de-France (auto-édition, 2022). Depuis la plus haute Antiquité, et même depuis la Préhistoire,  les arts et les sciences sont associés à la nature, ceux-ci étant vus comme une imitation de celle-ci, et non pas comme un supplétif voire un remplaçant comme c’est le cas souvent aujourd’hui. La nature était le ‘maître’ de l’être humain et non pas le contraire… si l’on peut parler de cette façon.

Donc, toute la première partie de mon livre présente un point de vue de graveurs du XVIIIe siècle sur la Nature, évoquant un univers pastoral dernier reliquat d’un Âge d’Or où l’homme vivait en totale harmonie avec la nature. Patrick Scheyder fait référence à la culture française et moi plus précisément à une partie de celle de l’Île-de-France, parce qu’il s’agit des cultures de la terre que nous foulons et dont nous souhaitons conserver et transmettre la richesse. Il n’y a aucun chauvinisme en cela, mais simplement un amour pour ce qui est là, autour de nous, à nos pieds. Pourquoi aller voir plus loin ? Pourquoi aller chercher des trésors ailleurs alors que nous en sommes environnés ici et maintenant ? Si cela pouvait se comprendre autrefois où l'on était avide de découvertes, à notre époque bouger est devenu une maladie, car fait n’importe comment, en suivant des rythmes fous, égoïstes, l'esprit obnubilé par des écrans qui nous renvoient des reflets manipulés de nous-mêmes. La nature qui nous entoure est comme un corps dans lequel on est et dont on doit prendre soin pour prendre soin de soi. Si nous allons ailleurs, nous nous habillons d’un autre corps et laissons l’autre ! Croire que l’on peut être à la fois dans le premier et le second est une erreur, et passer de corps en corps, comme le font les mondialistes, nous rend malades, en même temps que nous rendons malades ces corps que nous habitons et consommons. Ainsi est-il préférable d’être dans un seul corps le plus possible, de le connaître, de l’aimer et d’en prendre soin.

La culture française est donc en lien étroit avec la nature. La plupart des poètes l’ont louée, et cela à tous les siècles, beaucoup d’écrivains, peintres et autres artistes. Il s’agit d’un sujet qui imprègne notre culture.

Il est à noter que différents mouvements contemporains vont dans le même sens que l'écologie culturelle, comme en architecture le biorégionalisme (voir la bibliographie de mon livre gratuit intitulé Façadismes & architectures RER disponible ici). Si des universitaires, scientifiques et autres intellectuels ont parlé et parlent toujours d’environnement, il est nécessaire de dire que la grande majorité de ceux qui aiment cette terre qu’ils foulent, sa culture, sa nature… sont des anonymes, et cela depuis toujours. De toutes les façons, cet amour ne peut se dire par des mots. Personnellement, j’ai passé mon enfance dans un village du Massif Central où mon esprit s’est ouvert à des beautés que l’on ne peut décrire mais que l’on peut découvrir partout où il y a de la nature, et même partout où l’on est, nous qui sommes des êtres de nature, même s’il est plus difficile de trouver et de conserver l’inspiration là où domine l’ignorance ou la méchanceté.

Photographie de la reliure et de pages du livre Écologie du sentiment, Promenades sur une année aux rythmes naturels des forêts d’Île-de-France (auto-édition, La Mesure de l'Excellence, 2022).

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La pierre

Pierres secrètes : Mythologie préceltique en Forêt de Fontainebleau

La pierre conserve la mémoire des êtres humains depuis des dizaines de milliers d’années… si ce n’est davantage. L’Île-de-France possède une quantité impressionnante de roches et de pierres gravées, d’autant plus prodigieuse qu’il y a aucun doute que la très grande majorité a disparu sous le poids de l’urbanisation effrénée et diverses carrières de pierres plus ou moins récentes parsemant cette région, tout cela ayant détruit beaucoup de sites et autres témoignages préhistoriques, d’autant plus que ces derniers sont très discrets. J’en ai découverts en me promenant en forêt, puis grâce au travail de l’association Gersar.

Pour moi, ces témoignages sont d’autant plus intéressants qu’ils rejoignent mes principaux centres d'intérêts. Tout d’abord, ils sont en étroit rapport avec la nature, et c’est au milieu d’elle que la plupart subsistent aujourd’hui. Ensuite, ils sont emprunts de spiritualité, ainsi que d’un autre regard sur le monde, plus profond que celui contemporain accaparé par les écrans. Ils sont plus à l’écoute de la vie et de tout ce qui nous entoure : le ciel, la terre, le sous-sol, les éléments, les animaux, les plantes, etc. Ils comblent aussi la passion que j’ai pour la recherche, les témoignages du passé, nos ancêtres et les objets d’art en général. Enfin, ils apportent du merveilleux, du rêve. En un mot : ils donnent de l’« espoir ».

La pierre fait le lien entre le ciel et le monde souterrain, surtout quand elle est dressée. Elle fait office de miroir, reflétant les mondes célestes et les univers souterrains, l’extérieur et l’intérieur. Elle permet de voir les révolutions des astres et leur incidence sur nous, ainsi que l’intérieur de notre corps, de nos organes et l’état dans lequel ils sont. C’est du moins ce que j’ai appris dans un rêve que j’ai fait récemment. Du reste, lorsque l’on désirait se guérir d’une maladie, on gravait certains pierres que l’on plaçait dans des lieux sacrés, comme une source…

Les gravures sur roches et pierres que l’on rencontre en Île-de-France sont toujours très schématiques et la plupart du temps formées de traits et de cupules (petits creux en forme de cercle). Les motifs sont basiques et récurrents, comme ceux des alphabets.  D’après moi, nous sommes dans de l’écriture, et il est aisé de faire des comparaisons avec ce que nous considérons comme les premières écritures. Nous sommes là aux fondements même des arts : de l’écriture, de la poésie, des arts graphiques…

L’exposition Pierres secrètes : Mythologie préceltique en Forêt de Fontainebleau, qui a lieu jusqu'au 30 décembre prochain au musée de la Préhistoire d'Île-de-France à Nemours, insiste sur les aspects figuratifs de ces gravures, mais lorsque l’on contemple celles-ci in-situ, on est surtout impressionné par leur nombre et ce qui ressemble à du récit, je le répète : ce qui est selon moi une véritable écriture. J’évoque déjà cela dans un chapitre de mon livre intitulé : Écologie du sentiment, Promenades sur une année aux rythmes naturels des forêts d’Île-de-France.

Comme images figuratives se retrouvant régulièrement et visibles dans cette exposition, on trouve des dieux comme Cernunnos (le dieu à cornes de cerf), une déesse, des animaux et certains objets rituels, ainsi que des figures humaines, dont celle du laboureur avec sa charrue et son couple bovin.

Connaître ce patrimoine et sa valeur est important, ne serait-ce que pour le conserver car, je le répète, il est peu impressionnant extérieurement mais d’une grande richesse intérieure.

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Les en-dehors et la poésie apache

Les en-dehors

J’ai déjà écrit sur les apaches dans cet article.

Je me suis souvent demandé d’où venait la poésie du langage et des manières des apaches. J’ai trouvé une réponse en lisant un livre sur Les En-dehors, anarchistes individualistes et illégalistes à la « Belle Époque », écrit par Anne Steiner (Paris : L'échappée, réédition 2019). Les illégalistes n’hésitent pas à voler ceux qu’ils considèrent comme ayant ‘trop’ et à fabriquer de la fausse monnaie, tout en prônant la liberté, l'étude, l’éducation populaire, les mœurs libres, la poésie, l’entraide, etc. Fréquentant la pègre de l’époque dans les prisons et dans leurs ‘affaires’, sans doute insufflent-ils cette profondeur, cet humour, cette poésie et tout ce style que l’on retrouve chez ceux que l’on appelle dans l’entre-deux-guerres « les apaches ». Les illégalistes peuvent même tuer, et la bande à Bonnot en est un exemple. Pour les individualistes c’est différent. Si certains illégalistes fréquentent les individualistes et que des ‘évolutions’ s’accomplissent, beaucoup d’individualistes sont végétariens, prônent une vie saine, frugale, les exercices du corps, l’amour libre, le naturisme, l’autonomie, la solidarité, l’éducation personnelle, la sensibilité artistique, la beauté, etc. Je crois qu’aujourd’hui on ne prend pas la mesure de ce qu’apportent ces gens à la République française (c’est-à-dire à l’égalité, la liberté et la fraternité) si affreusement bafouée de nos jours, simplement en vivant pleinement leur liberté, leur expérimentation de la vie… une vie sans maîtres et sans pouvoirs… digne… Comme pour les petits-maîtres, ce sont ces « en-dehors » qui insufflent par leur liberté l’oxygène qui fait vivre la grande majorité qui pourtant ne peut pas les encadrer (et c’est tant mieux d’être hors-cadre… c’est là que se joue la vie), mais qui sans eux s’auto-détruirait.

On retrouve de ces éléments dans des mouvements de jeunes européens de la seconde partie du XXe siècle, associés à des milieux populaires, qui inventent leur argot, musique, danse, coutumes... tout en ayant un aspect 'mauvais garçon', comme le rude boy en Jamaïque, le blouson noir et le racaille en France, le chav au Royaume-Uni, le gangsta aux États-Unis (voire d'autres comme le zoot suiter), le eshay en Australie, le gopnik (гопник) et la gopnitsa (гопница) en Russie, etc. En fait, beaucoup de mouvements de mode de cette période revendiquent une certaine liberté, un style nouveau, leurs propres conventions... ce qui les fait considérer par d'aucuns comme des rebelles, comme avec la garçonne ou flapper, le teddy boy, le mod, etc. Pour autant, ceux-ci ne sont pas spécialement libertaires, contrairement au hippie et baba ou punk, traveller, alternatif, autonome, zadiste et décroissant.

Photographies ci-dessous : Les années 1960 n’ont pas inventé l’amour libre et la vie naturelle… C’est vieux comme Adam et Ève ! Le souvenir de l’Âge d’Or et l’appel à son retour, cela suit tous les siècles. Les anarchistes, à leur manière, revendiquent un tel monde, où chacun est libre et responsable pour lui et les autres, un monde d’amour. Évidemment, cela peut sembler étrange d’écrire cela dans un article où il est question d’apaches volant et tuant.

Les deux premières de couverture ci-dessous sont de revues, La Vie Heureuse, de novembre 1903 pour la première, et la « revue hebdomadaire des actualités » Le Miroir, du 17 mai 1914, avec une photographie de la comédienne « Mlle Edmée Favart dans son premier rôle » pour la seconde. Celles-ci ont déjà été présentées dans ce blog, mais elles témoignent que même à des époques où la mode n’est pas au naturel des années 1960 – 1975, tout y est : les cheveux longs, le bandeau dans les cheveux, les fleurs, le vêtement bariolé, le collier, le visage non maquillé, le sourire, etc.

Les merveilleux
Les merveilleux

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Imprimer ! L'Europe de Gutenberg

Merveilleuses et merveilleux

Il est encore temps, jusqu’au 16 juillet prochain, de vous rendre à l’exposition de la Bibliothèque nationale intitulée : Imprimer ! L'Europe de Gutenberg. Celle-ci présente une quantité de documents du XVe siècle témoignant des débuts de l’imprimerie en Europe, en particulier en Allemagne, en Italie et en France, sans doute les plus précieux. Les premiers livres imprimés et gravures y sont exposés ainsi que tous ceux témoignant des évolutions techniques durant ce siècle. On peut dire que le XVe siècle a inventé toutes les bases du livre qui resteront sans grands changements pendant plusieurs siècles… jusqu’au XIXe, et en partie jusqu’à nos jours. Progressivement, de l’Allemagne puis de l’Italie, nous arrivons dans le quartier latin parisien, et c’est émouvant de constater comment le livre imprimé l’a conquis. Une âme industrieuse, littéraire et artistique nous suit tout le long de l'exposition… ou que nous suivons… témoignant d’un renouveau à la base de la modernité, formant une renaissance intellectuelle et les débuts de l’époque moderne. L’exposition se conclut cependant avec quelques citations d’auteurs du XVIe siècle questionnant déjà cette modernité noyant sous un torrent de lettres et d’images. C'est un vrai plaisir  de contempler ces documents d'époque, historiques pour l'histoire de l'art, du livre et de notre culture, sortis de réserves de bibliothèques et musées et rassemblés pour quelques semaines !

Photographies : il y a quelques années de cela, j’ai acheté sur internet ces deux images, principalement parce qu'elles représentent les modes de l'époque, et aussi parce que je suis un spécialiste des illustrations des textes de Térence et de la Néa (la Comédie nouvelle antique) en général depuis l'Antiquité. J'ai écrit un mémoire et une thèse non sanctionnée sur le sujet, le fruit d'un travail de quatre années m'ayant conduit dans les réserves des grands musées et bibliothèques grecs, italiens et français. L’exposition présente le livre d’où elles proviennent, c’est-à-dire d’un incunable reprenant les pièces connues de l’auteur romain Térence et sa vie : Comoediae. Vita Terentii de dictis Petrarcae excerpta, imprimé par Johann Grüninger, à Strasbourg en 1496. Les illustrations sont faites de décors et personnages gravés en relief sur bois et repris selon les entrées en scène et les lieux théâtraux du moment de la pièce imprimée. Elles proviennent donc de petites matrices xylographiques (gravures sur bois) rectangulaires, plus hautes que larges, mises côte à côte comme on le fait pour les lettres, afin de former un phrasé en image : une illustration du texte imprimé. Nous avons une sorte de rédaction de l’image, de grammaire iconographique d’autant plus intéressante à noter que Térence a été étudié dans les écoles depuis l’Antiquité et au moins jusqu’au XVIIIe siècle inclus pour la pureté de son latin, et les illustrations de ces manuscrits puis livres imprimés pour la rhétorique gestuelle. En Occident, en France notamment, le théâtre a été, jusqu’au milieu du XXe siècle, la première source pour l’étude de la langue et à la base de sa culture. En comparant ces images avec les illustrations de manuscrits antérieurs, on observe que les personnages perdent leur masque, ce qui se fait progressivement au Moyen-Âge, et ce qui signifie, selon moi : une perte de distanciation face à la représentation humaine et sa condition, et du simple plaisir, de même que de certaines formes de l'intelligence, ce qui peut nous amener à croire tout et n'importe quoi.

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Les petits-maîtres allemands

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Ci-dessus et ci-dessous : Gravure de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe représentant des « Alleman[d]s ».

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Pour commencer sur les petits-maîtres allemands, évoquons Karl Lagerfeld (1933 – 2019), qui est sans doute le plus grand représentant allemand de la mode de la seconde partie du XXe siècle… jusqu’en 2019.

L’Allemagne a sa tradition élégante. Je me suis rendu compte qu’une bonne partie est liée aux militaires. On connaît l’importance de la chevalerie dans l’histoire de ce pays, et son sens développé de valeurs comme l’honneur, mais aussi l’élégance. Les représentations de soldats allemands des XVe et XVIe siècles nous dépeignent des personnes s’habillant à la dernière mode et de façon très originale. Ce goût est sans doute beaucoup plus ancien et se perpétue par la suite. Le film néo-zélandais intitulé Jojo Rabbit (2019, adaptation du roman Le Ciel en cage Caging Skies – de Christine Leunens), en donne un aperçu humoristique et émouvant en montrant comment cela se poursuit même chez les nazis, à travers deux militaires gradés qui se dessinent des habits et qui en portent un exemple à la fin du film, au moment où pour eux il n’y a plus d’espoir… que celui de mourir. Évidemment c’est du cinéma, mais cela recoupe avec les documents anciens. Il y a dans la culture allemande un sens esthétique profond qui s’exprime de toutes les manières : dans la musique, la littérature, le théâtre, le cinéma (je trouve les films expressionnistes allemands d’un esthétisme souvent époustouflant), les mœurs, etc. Ce film fait aussi référence aux contestataires allemands face au régime fasciste. Vers 1935, l’Allemagne a ses adeptes du swing et du hot-jazz, qui forment une swingjugend (« jeunesse swing ») qui poursuit son goût pour le jazz et la dérision pendant la guerre, comme au même moment les zazous en France et ailleurs en Europe.

Photographies ci-dessous du film ci-avant cité.

Merveilleuses et merveilleux
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On apprend aussi sur la mode française et européenne à la fin du XVIIIe siècle à travers les almanachs et autres revues de mode allemands. J'en possède quelques-uns, dont des almanachs du Gotha de la fin du XVIIIe siècle, largement consacrés à la mode (un exemple ici).

Ci-dessous : Pages d’un almanach allemand de 1779. Les légendes des illustrations de cet ouvrage sont en allemand ou en français et allemand. Voir d'autres pages ici et ici.

Merveilleuses et merveilleux
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Ci-dessous : Double-page du même almanach. Ici la légende des images est en français, langue alors à la mode dans toute l’Europe. À gauche : « Le petit Maître allant en bonne fortune ». À droite : « la petite Maîtresse à la Promen[ade]. »

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Les Allemands possèdent de nombreux noms désignant des beaux, dont la plupart anciens ou très anciens, ce qui prouve la vitalité de l’élégance dans ce pays. Le terme allemand de geck est assez ancien. Il s‘agit d‘un petit-maître affecté et cherchant à être très élégant. Un modenarr est un maniaque de la mode, faisant étalage de ses vêtements, essayant de dépasser les autres par la délicatesse de ses habits. Le geck est considéré comme ridicule à cause de cela, on dit aussi modegeck. Le mot fant est encore plus ancien et vient de infans qui veut dire « garçon ». Le stutzer est un pimpant. On trouve comme autre synonyme le nom de laffe qui veut aussi dire « cuillère ». Le stenz est un homme assez vaniteux, très à cheval sur son apparence et ses manières. Le gigerl est très attaché à ses vêtements et est aussi assez vaniteux. Un autre, de plus arrogant, est le lackaffe. Un fatzke est un gandin ; on parle aussi de pinkel. Un pomadenhengst est un pommadin, un gommeux. Ce nom est utilisé de façon moqueuse afin de désigner un jeune beau usant exagérément de pommade afin d’avoir une coiffure masculine très lisse.  Ce genre de coiffure est à la mode dans la première moitié du XXe siècle.

Ci-dessous : Gravure provenant d’une revue de mode allemande de la fin du XVIIIe siècle, reprenant en partie ou peut-être en totalité plusieurs gravures de mode françaises et représentant des merveilleuses et des incroyables.

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Le schnösel est un genre de fils à papa, une jeune personne aisée par naissance, assez arrogante, égocentrique et snob… Ce nom semble être inventé au XIXe siècle. Le yuppie, quant à lui, que l’on retrouve aussi en Allemagne, est né aux États-Unis dans les années 1980 et travaille. Il s’agit d’un young urban professional, ayant une profession considérée comme de la classe moyenne supérieure lui permettant de se comporter avec une certaine insubordination. Les Allemands utilisent pour désigner les petits-maîtres du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui des termes que l’on retrouve notamment en France et dans d’autres pays, comme : playboy, beau, dandy, adonis, snob, elegant… Le beau et l’adonis sont des jolis garçons. Le schönling est aussi un joli garçon, un jeune homme séduisant. Originellement ce nom désigne un poisson méditerranéen particulièrement beau et coloré.

Ci-dessous : Page d’un post-incunable du XVIe siècle, écrit en allemand, avec à gauche sans doute un militaire habillé à la mode de l’époque : chapeau avec panache coloré, début de la fraise comme ornement du cou, manteau-cape avec un côté plus long que l’autre, des chausses rayées, une braguette servant de bourse, des chaussures à bout court et carré (l’exact inverse des poulaines qui sont à la mode avant)…

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གསོ་བ་རིག་པ

Médecines d’Asie

Pour une fois, voici un titre en tibétain. J’ai fréquenté quelques Tibétains et Bhoutanais, surtout leurs enseignements, et ai donc quelques rudiments concernant leur culture. གསོ་བ་རིག་པ (Sowa-Rigpa) veut dire « médecine » en tibétain. Plus précisément sowa peut être traduit par « guérison » et rigpa par « science ». Mais comme beaucoup d’expressions et de mots importants tibétains, on a généralement trois niveaux de sens. Ici nous sommes dans le relatif. Au niveau intermédiaire de ce qui nous est généralement invisible, ou du moins se situant à un autre niveau (par exemple du domaine du corps subtil), sowa peut se traduire par « nourrissement » et rigpa par « conscience ». Enfin, à un troisième niveau, rigpa est la sagesse ultime et naturelle, la pure conscience, l’auto-réalisation inhérente (conférer notamment les enseignements dzogchen). Il s’agit là d’un exemple de la subtilité de la médecine tibétaine, toujours bien vivante de nos jours, comme le sont les autres médecines venues d’Asie. C’est pour cela que j’aurais aimé que l’exposition, qui se déroule en ce moment au Musée Guimet à Paris, jusqu'au 18 septembre 2023, et intitulée Médecines d’Asie, l’art de l’équilibre, fasse davantage le lien avec les diverses pratiques médicales en Asie aujourd’hui. Elles sont d’une richesse immense dont j’ai pu avoir quelques petits aperçus par mon expérience même. Pour ma part, elles m’ont permis de maintenir un corps et une âme en ‘bonne’ santé. J’ai expérimenté (comme patient) l’acupuncture et la diététique pratiquées par un moine japonais, la médecine tibétaine (sagesse, pilules, acupuncture, massage et yoga) et indienne (yoga). Je prends aussi plaisir à fréquenter des herboristeries (voir cet article) et ai une connaissance des plantes sauvages françaises (voir Écologie du Sentiment). Ces quelques expériences de la médecine asiatique, très sporadiques, m’ont donné une idée de cette richesse.

On peut dire que ces médecines sont traditionnelles. Cela permet à certains de les opposer à la médecine moderne. Pourtant toutes les médecines sont complémentaires, et même toutes se ressemblent énormément, voire sont les mêmes, ont un fond commun, ne serait-ce que celui d’essayer de guérir ou de maintenir en bonne santé. Lorsqu’un médecin s’écarte de se fond commun, il s’éloigne de la médecine. Il n’y a pas de mauvaises sortes de médecines, seulement de mauvais médecins, et même de mauvais patients, car ces derniers sont responsables d’eux-mêmes. J’ajoute les mauvaises circonstances qui ne permettent pas d'accéder à la médecine adéquate au bon moment. Le médecin met à la disposition du patient la science qu’il a acquise et son expérience, voire sa sagesse, mais c’est au patient d’y ajouter sa raison. Qui se souhaite du mal ? Le patient est le premier intéressé ! Un emblème symbolise le lien entre les médecines asiatiques et occidentales, notamment françaises : le caducée dont la forme est celle des trois principaux canaux dont on retrouve la description notamment dans l’ayurveda (médecine traditionnelle indienne) et la médecine tibétaine, et dont le bon fonctionnement est une base à la bonne santé. L’importance de ces canaux est aussi décrite dans l’hindouisme, le bouddhisme et sans doute ailleurs.

Comme je l’ai dit précédemment, la médecine est liée à la sagesse. Cette dernière guérit en effet. Du coup, elle est aussi liée aux vertus. Comme on le constate dans cette exposition, certaines médecines asiatiques font une part belle aux religions, au surnaturel, voire à la superstition. Pour la religion et la superstition, peut-être cela a-t-il un effet placebo… mais la superstition est incontestablement une mauvaise chose, un mauvais médicament.

Au sujet du médicament, on peut lire dans cette exposition concernant l’ouvrage chinois datant de « 25 – 200 » et intitulé en français Classique de la matière médicale de Shennong, que ce livre classifie des remèdes en trois groupes : ceux de catégorie supérieure nourrissant la force vitale (ming) non toxiques ; ceux de catégorie intermédiaire nourrissant la nature innée (xing) pouvant ou non être toxiques ; ceux de catégorie inférieure traitant les maladies et très toxiques. La chose première dont on doit prendre soin est le terrain (la force vitale), les environnements extérieurs  et intérieurs. Attendre que la maladie arrive pour prendre soin de soi a des conséquences délétères.

« L’art de l’équilibre » est aussi celui de la mesure. Comme le disent ces deux adages antiques : Μηδὲν ἄγαν (Mêdèn agan) et Γνῶθι σεαυτόν (Gnỗthi seautόn), « Rien de trop » et « Connais-toi toi-même ». Ils sont liés au temple d’Apollon en Grèce et largement cités pendant toute l’Antiquité. L’húbris (ὕβρις) est par contre la démesure.

Pour résumer, je trouve que cette exposition est présentée à point nommé, à une époque où la médecine dite « moderne » fait face à d’énormes défis, à un déséquilibre particulièrement dommageable dû en particulier à une marchandisation outrée et immorale, à une pollution extraordinaire à tous les niveaux de ‘nos’ environnements et à une profonde méconnaissance des médecines dites « douces » ou « traditionnelles »... Mais les bons médecins sont là. La vertu, l'amour, le savoir et la sagesse restent naturellement cachés des comportements obscènes.

PS : Il est à noter aujourd'hui, une belle vente d'objets d'art indo-tibétains par la maison Bonhams, visible ici et ici.

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« Les décroteurs en boutique »

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J’ai déjà présenté le métier de cireur ou décrotteur dans cet article, ainsi que la même gravure que celle ici photographiée, mais cette dernière est en couleur. Son intérêt est non seulement dans la présentation de ce métier mais aussi des merveilleuses et des incroyables qui fréquentent cette boutique.

Concernant le métier, on reconnaît l'étape du brossage, celle de l'utilisation du blanc d'oeuf et l'application de la cire au pinceau. Il existe au moins une autre gravure d'époque sur le même thème visible ici. avec un gros plan sur Google ici. Sur cette estampe, on constate que la boutique se situe dans le Palais-Royal et qu’on y lit des journaux, car une inscription indique : « Ici on lit les journaux en se faisant décroter ». Ces incroyables portent les premiers pantalons à la mode, Ceux-ci sont à taille très haute.

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Les petits-maîtres espagnols

L’Espagne influence la mode française en particulier aux XVe – XVIIe siècles. Comme je l’écris dans cet article, le vertugadin serait une invention de la princesse Jeanne de Portugal (1438 – 1475), reine de Castille. La robe à panier serait de même une création espagnole, cette fois du XVIIe siècle. À cette époque, l’Espagne possède aussi son mouvement précieux, avec des écrivains comme Luis de Góngora y Argote (1561 – 1627), Alonso de Ledesma (1552 – 1623) et Francisco de Quevedo (1580 – 1645).

L’Espagne a son petit-maître et sa petite-maîtresse : le petimetre et la petimetra. Le lechuguino est un élégant, un dandin, et la lechuguina une élégante. Le pisaverde est un galant. D’après l’article cité à la fin de ce paragraphe, ce nom viendrait du fait que ce gandin marche sur la pointe des pieds, à la manière d’une personne traversant une prairie humide afin de ne pas se mouiller. Avancer de cette manière est une des caractéristiques de la plupart des petits-maîtres, ainsi que de faucher le persil, pour reprendre une métaphore bucolique (marcher en ballottant des avant-bras comme pour faucher du persil). Le pepe est un homme très préoccupé par son apparence et toujours à la dernière mode. Le chute est un jeune homme excessivement pimpant ou soigné. On appelle aussi comme cela une personne curieuse. Le caballerete est un jeune homme suffisant, imbu de lui-même. Le caballero est quant à lui un chevalier, un homme au comportement courtois et distingué, particulièrement envers les femmes. Il est à noter que la chevalerie et l'esprit courtois imprègnent une grande partie de l'histoire de l'Espagne. Le ou la chévere est une personne 'effrontée' ou qui suit une mode 'effrontée'. La gomosa et le gomoso sont la traduction espagnole du français gommeuse et gommeux. Le dandy anglais a sa version espagnole : le dandi, de même le gentleman. Le coqueto est un séducteur. Le rubio est un blondin, le juerguista un fêtard, l’hombre elegante un homme élégant, le figurín une personne ressemblant à un dessin de mode, le galán un bel homme, le hombre bien vestido un homme bien vêtu… On retrouve en Espagne le boulevardier et le flaneurDans cet article, sont évoqués les currutacos, flamantes, gurruminos, linajudos, mariposones, pirracas, lindos… Le currutaco semble être l'équivalent espagnol de l'incroyable, époque (fin du XVIIIe siècle) où en France on danse le boléro importé d'Espagne.

Je ne présente pas ici d'iconographies de ces petits-maîtres espagnols, car je n'en ai pas dans ma collection, mais voici ci-après quelques liens vers des images glanées sur Internet : Perfecto currutaco, Curutaco con Levita, Currutaco con pantalón ancho, Petimetra, Petimetra, Petimetre, Gomoso

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Être accord

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Comme je l’ai plusieurs fois dit dans ce blog, la musique et la danse sont à la base de l’éducation de l’Ancien Régime, et cela depuis l’Antiquité. De toutes les sciences, celle du rythme est, à mon avis, primordiale. La mode est une des parties de cette science.

Dans un orchestre, le chef d’orchestre accorde ensemble les divers musiciens. Cela ne veut pas dire pour autant que ces derniers doivent se laisser guider. Au contraire, il gardent leur instrument très bien accordé et sont eux-mêmes bien accordés, afin de jouer le mieux possible. Le musicien accorde son instrument, accorde sa pratique et s’accorde avec l’ensemble accordé par le chez d’orchestre. Chacun a son rôle à jouer. Le chef d’orchestre non seulement accorde les différentes parties de l’orchestre, mais aussi s’accorde avec l’oeuvre. L’auditoire a son importance, s’accordant avec cette représentation notamment en n’exprimant pas de manifestations intempestives rompant ou endommageant cette harmonie. Chacun doit trouver dans cette musique réalisation, voire bonheur, en tout cas communion… ce qui est appelé harmonie… harmonie dont la Nature est la plus grande pourvoyeuse.

Dans ma jeunesse, je n’ai pas eu d’éducation à la danse, matière pour laquelle, je pense, avoir eu un don. On a essayé de m’apprendre la musique, domaine pour lequel je n’ai par contre aucun talent. Dans la culture française, la mode a une grande importance, et nous avions de très grands spécialistes des parties qui la constituent. Les chefs d’orchestre de celle-ci étaient, et restent, je le crois, de trois genres : – les précurseurs (les petits-maîtres et autres artistes de la mode), représentés en musique par les compositeurs ; – les ‘suiveurs’, qui en musique sont les musiciens qui adaptent selon leur personnalité ; – le chef d’orchestre de cet ensemble étant, il me semble, le peuple ou bien celui ou ceux qui prennent le pouvoir sur lui (les aristocrates, les marchands…). Beaucoup plus limitée que la nature, la mode est cependant beaucoup moins figée que la musique, dans le sens moderne de ce dernier mot, car autrefois, le terme de « musique » pouvait regrouper tous les rythmes, être la science des rythmes en général.

Il me semble que l’on s’est peu intéressé aux artistes de la mode. Toutes les générations ont pourtant possédé leurs artistes couturières, tailleurs, cordonniers, parfumeurs, tisserands… Je ne connais pas beaucoup de livres traitant de l’histoire à travers le temps des grandes couturières, des grands tailleurs, des grands parfumeurs… Pour les petits-maîtres, je ne vois que mes ouvrages ! Ce dernier sujet ayant été très peu entrepris, j’ai du plaisir à y aller à l’aventure pour y découvrir les trésors semés par ces gandins la plupart inconnus, eux-mêmes vivant entièrement dans le moment présent et le mouvement qui le constitue.

Articles complémentaires :

Conventions de modes

Le rythme

La Toilette d'apparat des XVIIe et XVIIIe siècles

Harmonie des couleurs

Le miroir de la toilette : réflexions

Le tailleur

Le grand renoncement

La mesure du sur-mesure

Le Chiffre, le Signe et le Verbe. Au titre de cet article, j’ajouterai aujourd’hui« la Note ».

Brève histoire de la galanterie

Les dialogues du goût III : Entretien avec Jean-Baptiste Loubet

À cela s’ajoutent tous mes articles sur la philosophie de l’élégance.

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Le Socrate à la mode

Dans ses écrits, Platon fait plusieurs fois allusion, qu’en son temps, Socrate est très à la mode dans la jeunesse. D’autres, comme Aristophane, évoquent cela. Je donne quelques références dans mon ouvrage sur Les Petits-maîtres du style.

La façon qu'a Socrate de philosopher en décortiquant par la pensée, sans faux-semblant mais au contraire très honnêtement en réfléchissant pour en extraire la vérité, est sans doute nouvelle. La manière dont lui répondent notament les sophistes, parfois beaucoup plus âgés que lui, ainsi que les autres citoyens et visiteurs d’Athènes, le prouve. La fin de sa vie montre à quel point il est un amoureux de la vérité et un sage. Sa manière de faire ne discrédite pas ce que font les philosophes avant lui, bien qu’il critique beaucoup les sophistes… Simplement, il est nouveau… et cette nouveauté influence les siècles suivants, jusqu’à nous. Cette nouveauté qui voit plus loin, est celle d’un enfant sur les épaules d’un géant qui peut expliquer à celui-ci ce que ce dernier n’aperçoit pas encore. C’est le rôle des générations âgées de porter les plus jeunes, tout en se laissant guider par eux. C’est aussi pour cela que chaque nouvelle mode prend toujours le dessus sur celle qui précède !

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Petits-maîtres italiens

Après les petits-maîtres anglais (voir cet article), voici les italiens !

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Photographie ci-dessus : Gravure de Cesare Vecellio (1521 – 1601, artiste italien, frère de Titien) avec une Vénitienne.

Bien évidemment, cette lignée se caractérise par son antiquité. J’en parle largement dans mon ouvrage sur Les Petits-maîtres du style de l’Antiquité au XIIe siècle. Ce livre est important pour comprendre l’antiquité des petits-maîtres, ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent. On observe une véritable filiation sur plus de 2500 ans, et pourrait même remonter plus loin, voire beaucoup plus loin  (Égypte, préhistoire même…), bien que les sources manquent… Pourquoi ne se prolongeraient pas les surprises que j’ai eues en remontant dans le temps ? Ce voyage que j’ai fait et qui consiste à suivre la lignée des petits-maîtres est vraiment merveilleux, et je vous invite à l’entreprendre à travers mes ouvrages.

Pour en revenir au livre Les Petits-maîtres du style, j’y donne et décrit notamment nombre de petits-maîtres de l’époque romaine, comme le trossulus et la trossula qui ont toutes les caractéristiques. J’en parle dans cet ouvrage, car on les retrouve aussi dans la Gaule gallo-romaine. Même les petits-maîtres grecs sont connus dans les Gaules, la Grande Grèce allant jusqu’à l’actuelle ville de Marseille, et son influence bien au-delà. J’insiste sur le fait que ce livre est important pour comprendre les petits-maîtres en général et français en particulier.

Depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, les noms donnés à des petits-maîtres italiens sont nombreux. La dominula et le dominulus romains ont des noms se traduisant directement par “petite-maîtresse” et “petit-maître”, dominus signifiant notamment “maître”, terme auquel est ajouté comme suffixe un diminutif. Cela donne au Moyen-Âge, dans les royaumes de l'actuelle France, la domnicella et le damiselet, puis la damoiselle et le damoiseau. De même le bellus homo romain aboutit au beau français, l’elegans homo et l’homo elegantissimus à l’élégant, l’urbanus et l’homo lautus et urbanus à la personne urbaine, le mundanus au mondain… Certains petits maîtres romains se caractérisent par leur avant-gardisme, comme avec la novatrix et le novator, d’autres par leurs goûts, par exemple pour la culture grecque, comme avec la graecula et le graeculus… Il y en a d’autres, comme le delicatus, l’elegantiae arbiter, l’erudito luxu, la lampadium… mais je m’arrête-là, car mon livre sur Les Petits-maîtres du style est toujours disponible à l’achat.

Au Moyen Âge, l’Italie, divisée en de multiples royaumes, entretient le merveilleux notamment à travers ses moeurs courtoises inspirées en partie des françaises. Si en France le XIIe siècle réinvente la modernité, aux XIVe, XVe et XVIe siècles, c’est à nouveau l’Italie qui le fait. Cette dernière redevient un modèle pour les petits-maîtres et l’art en général, ce qui aboutit à la Renaissance française du XVIe siècle.

Photographie ci-dessous : Autre gravure de Cesare Vecellio représentant une petite-maîtresse italienne (Gentildonne Venetiane), se colorant les cheveux en blond vénitien. On remarque ses hauts patins.

Merveilleuses et merveilleux

Le bellimbusto est un beau. Un cicisbeo est une sorte d’ami masculin dilettante d’une femme mariée, la divertissant, l’aidant et l’accompagnant lors d’occasions mondaines et divertissantes (représentations théâtrales, fêtes, réceptions, promenades, etc.) à la place de son mari. Il passe la majeure partie de la journée avec elle. Le cicisbeo est généralement beau, élégant et très bien élevé. On le retrouve déjà durant l’Antiquité romaine. Le damerino est un mirliflore. Ce nom fait pensé à celui de dameret médiéval (voir Les Petits-maîtres de la mode) dont le terme est encore en usage en France au XVIIIe siècle. Le vagheggino est une sorte de gandin galant. Le moscardino est un mollusque et aussi un gandin, un bellâtre. L’elegantone est un ‘costard’, un élégant bien habillé. Le gagà est un genre de dandy, ce dernier nom (dandy) étant aussi utilisé en Italie. Les Italiens appellent parfois ganimede un homme beau comme le prince troyen mythique Ganymède, devenu échanson de Zeus. Le zerbinotto est un jeune homme à la mode, élégant et galant. Le figurino est recherché dans sa mise. Le farfallone est un gandin léger et versatile. Le paino est un jeune homme d’une élégance raffinée dans la tenue vestimentaire et les manières. Le galletto (ce nom s’écrit peut-être aussi sgaletto, venant du verbe sgallettare signifiant « faire le coq ») fait étalage de vivacité, d’audace et même d’une aisance démesurée, en particulier avec les femmes. Le dongiovanni est une sorte de libertin, au sens récent du terme. D’autres noms sont en relation avec la butinage, comme avec le donnaiolo qui est un coureur de jupons, le seduttore, un séducteur, comme pour le tombeur de femmes, expression aussi utilisée en Italie. On constate que certains substantifs sont empruntés au français ou à l’anglais, comme avec le play-boy, qui est une autre sorte de seduttore, mondain, beau, charmeur et généralement riche, accompagnant des femmes, jeunes ou âgées, mais toujours belles et célèbres. Le gentiluomo rappelle le gentilhomme français, le bello et la bella, le beau et la belle, ou les équivalents romains. Le viveur est un… viveur, le nottambulo, un noctambule. Le signorino rappelle le petit-maître aussi par son nom. Il s’agit d’un jeune homme délicat, aux goûts raffinés ou difficiles. Le modaiolo est un fashionista, un modeux. Sans doute le terme de fashionista s’emploie aussi au féminin. Le manichino est un mannequin ou une personne y ressemblant.

Merveilleuses et merveilleux

Photographies ci-dessus et ci-dessous : Gravure de Jean-Jacques Boissard (1528 – 1602, humaniste français), de 1581, représentant une « Nouvelle mariée de Rome », une « Fille Romaine » et une « Femme Romaine ».
 

Merveilleuses et merveilleux

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De l'incroyable et de la merveilleuse au Romantisme

Artiste Jean Baptise François Bosio, autoportrait

Prochainement seront vendus à New-York, par Christie’s, deux tableaux que l'on m'a indiqués, en relation avec les incroyables et les merveilleuses. L’un est un auto-portrait du peintre Jean Baptiste François Bosio (1764 – 1827)  (photographie ci-dessus et ici), faisant partie de la liste des artistes ayant représenté des merveilleuses et des incroyables (voir cet article), et un portrait de la merveilleuse Madame Talien par Louis-Léopold Boilly (1761 – 1845, voir sur cet artiste cette exposition et le tableau est en photographie ci-dessous et présenté ici).

Dans son auto-portrait, M. Bosio apparaît comme un homme à la mode, voire lui-même un incroyable. Il porte les cheveux à la Titus, une cravate 'écrouélique', une veste à gros boutons, et a un style ‘anglais’ en vogue alors.

Je trouve le portrait de Mme Talien par M. Boilly intéressant surtout pour son aspect romantique. On est à l’avant-garde du romantisme français. Les merveilleuses et les incroyables deviennent fashionables, gandins, dandys et romantiques. Par exemple, Juliette Récamier est l’amie du pré-romantique Chateaubriand (voir ici). Mais il faut attendre 1830 et la bataille d'Hernani, pour que le Romantisme devienne le nouveau étendard de la jeunesse que l’on appelle alors « Nouvelle France » !

Merveilleuse Mme Talienx

Ci-après un autre sujet, avec des meubles de toilettes d’époque XVIIIe siècle, vendus aux enchères prochainement à Saint-Cloud par la maison Le Floc'h. Cliquer sur les photographies afin d’accéder au lien.

Ci-dessous : « Coffret à perruque en bois laqué noir et or de scènes de palais dans le goût chinois. Charnières et fermoir en bronze ciselé anciennement dorés. Début de l'époque Louis XV. Haut. : 12 cm - Larg. : 30 cm - Prof. : 22 cm ».

Coffret à perruque

Ci-dessous : « Coffret à perruque en bois laqué noir et or d'un paysage aux pagodes sommé d'armoiries d'alliance sous une couronne comtale (légers manques). Charnières et fermoir en bronze ciselé anciennement dorés. Époque Louis XV. Haut. : 15 cm - Larg. : 34 cm - Prof. : 26 cm  ».  Ce coffret est disposé ici sur « une travailleuse en bois laqué noir et or à décor sinisant. Elle ouvre par un abattant foncé d'un miroir et pose sur deux pieds en bois tourné réunis par une entretoise. Époque Napoléon III. »

Coffret à perruque avec son socle

Ci-dessous : « Chiffonnier d'entre-deux en placage de bois de rose disposé en frisage ouvrant à huit tiroirs. Garniture de bronze doré. Plateau de marbre rouge veiné blanc (rapporté). Transition des époques Louis XV et Louis XVI. Haut. : 166 cm - Larg. : 58 cm - Prof. : 36 cm ».

 Chiffonnier XVIIIe

Ci-dessous : « Chiffonnier droit à montants chanfreinés plaqué de bois de rose dans des encadrements de filets, les fonds en palissandre. Il ouvre à neuf tiroirs. Garniture de bronze doré et dessus de marbre gris veiné blanc (rapportés). Époque Louis XVI. Haut. : 144 cm - Larg. : 80 cm - Prof. : 34 cm ».

 Chiffonnier du XVIIIe siècle

On remarque que ces deux derniers meubles sont appelés « chiffonnier » et non pas « semainier », car ils n'ont pas les six ou sept tiroirs de ces derniers, même si on appelle parfois « semainier » un meuble à huit tiroirs. Voir des exemples dans cet article.

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Manches gigot

L’histoire de la mode est parsemée de stratagèmes redessinant les silhouettes, en particulier à partir de la fin du Moyen-Âge. Le postiche est l’un d’entre eux. Il s’agit d’un élément ajouté ou d’un rembourrage rendant plus grand un élément de la tenue (cheveux, partie du corps…). À partir de vers 1807, il fut de bon ton d’élargir les épaules de la tenue des femmes. Dans la seconde partie des années 1820, ces rembourrures descendirent un peu plus bas, sur le haut des bras puis de plus en plus bas, prenant toujours davantage d’ampleur, comme les robes d’alors. C’est cela que l’on a appelé « manches gigot ». J’en donne plusieurs exemples dans ces articles : ici, ici, ici, ici, ici et ici.

Dernièrement, j’ai découvert que ces manches étaient déjà renflées au niveau de la chemise (chemise de corps) de la femme, en croisant, par hasard, une peinture du XIXe siècle (voir photographies), en cherchant un lieu pour prendre une collation, un dimanche matin assez tôt. Cette oeuvre est exposée au rez-de-chaussée de l’Hôtel Providence, à Paris. Elle représente une jeune dame, de trois-quarts dos, une partie du dos et tout le bras dénudés, laissant tomber sa chemise avant sa robe, pour rentrer dans une baignoire dont l’eau coule encore par un robinet. Comme on peut le lire sur ce site : « Au milieu du 19ème siècle, la généralisation de la machine à vapeur rend possible la réalisation de réseaux d’adduction sous pression desservant les logements individuels. Sous le second Empire, l’arrivée du Baron Georges Eugène Haussmann (1809-1891) à la préfecture de Paris agit comme un accélérateur. » La toilette se modernisait donc, et nous avons dans ce tableau un témoignage émouvant et rare d’une double pratique liée à la mode et à l’hygiène !

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