
Saint-Évremond (1614 – 1703) écrit dans ses Observations sur le goût et le discernement des Français : « Le point le plus essentiel est d’acquérir un vrai discernement, et de se donner des lumières pures. La nature nous y prépare, l’expérience et le commerce des gens délicats achèvent de nous y former. »
Saint-Évremond est considéré comme un libertin et un honnête homme. À son époque, le mot « libertin » a une définition plus large qu’aujourd’hui et désigne aussi un amoureux de la liberté. Dans ce sens, au début du XIXe siècle, on le remplace par celui de « libéral », puis de « libertaire ». Il est intéressant de constater que les définitions de tous ces termes changent assez rapidement dans le temps, perdant leur caractère universel pour être enfermés dans du particulier. Il en est de même pour « épicurien » ou « sceptique », ce dernier mot voulant dire en grec ancien (skeptikós, σκεπτικός) : qui examine, observe avec soin, qui réfléchit.
Le libertin comme l’honnête homme mettent en avant la raison. Même cette dernière n’est pas une fin en soi. Ils ne suivent pas des dogmes ou des croyances. On les dit « athées », mais ils ne sont ni athées ni non-athées, ni pour, ni contre. Ils sont justes, dans la justesse et la justice, dans la vérité, tout en sachant cette dernière relative pour l’être humain. Ils sont libres, ce qui ne les rend pas stupides, au contraire, mais ouverts. Je rappelle que « Français » vient de « franc », qui signifie libre, avec cette autre définition d’honnête. Autrefois, ce terme était de surcroît lié à la vaillance et à la courtoisie (voir par exemple la définition donnée dans le Trésor de la langue française – Thresor de la langue francoyse, 1606 – de Jean Nicot : 1530 – 1604).
Finalement, qu’est-ce qui plus important que l’harmonie, ou pour le dire autrement : la paix ?
Dans ses Esquisses pyrrhoniennes, Sextus Empiricus (IIe et IIIe siècles) écrit (traduction de Pierre Pellegrin) : « Par conséquent non seulement nous n’entrons pas en conflit avec la vie quotidienne, mais nous sommes de son côté, donnant notre assentiment sans soutenir d’opinion à ce à quoi elle se fie, et en nous opposant aux fictions propres aux dogmatiques. »
