Drôles de pistolets XI d’après Draner

Merveilleuses et merveilleux

Draner (de son vrai nom Jules Joseph Georges Renard : 1833 – 1926) est un artiste caricaturiste belge, comme par exemple Mars (1849 – 1912), un compatriote de la même époque. Il travaille à Paris pour des revues comme Le Charivari, le Journal pour rire, Le Monde comique, La Caricature, etc. Il est surtout connu pour ses images humoristiques de pioupious et autres militaires, notamment dans des séries comme Souvenirs du siège de Paris, Les soldats de la République, Types militaires, et des livres comme Faits et gestes du sergent Roupoil (écrit par Charles Leroy), Le 145e régiment (par Maxime Aubray), La Nouvelle vie militaire (par Adrien Huart), etc. Parmi ces militaires, parfois très élégants, on trouve quelques petits-crevés, gommeux, merveilleux et merveilleuses pschuteux de la seconde partie du XIXe siècle, ‘fin de siècle’, et du début du XXe.

Photographie ci-dessus : « NOS “JEUNE FRANCE” DU JOUR, – par DRANER » « Gom-Gom du Bois-Craqué, Boudiné de la Sirotière et le petit Saint-Poisseux, l’élite du pschutt, l’idéal du v’lan, tout ce qu’il y a de plus “dans le train”, l’avenir enfin !!! » Dans cette première page de couverture de la revue La Caricature de 1883, il est fait référence à plusieurs petits-maîtres de l’époque, dont il est question dans mon livre Les Petits-maîtres de la mode : jeune France, gommeux, boudinés, poisseux, pschutts, v’lans…

Photographie ci-dessous : Estampe provenant de la revue Le Charivari et de la série Actualités : « Les parapluies à têtes d’oie sont du plus suprême vlan. Histoire pour les pschutteux d’être toujours en tête-à-tête. » La comparaison avec l’oie n’est pas gentille, car on appelle ainsi une personne sotte. Pourtant, si cet animal est figuré par certains merveilleux pschutteux sur le pommeau de leur parapluie ou de leur canne, cela n’est pas anodin : autrefois, en particulier durant l’Ancien Régime, on appelle « petite oie » l’ensemble des ajustements nécessaires pour rendre un habillement complet, comme le chapeau, les gants, les rubans, la canne, etc. Finalement, et comme très souvent, c’est celui qui se moque qui mériterait d’être moqué.

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessous : « ÉTAT MAJOR DE LA GARDE NATIONALE. Ex-Turfiste, ex-Petit-Crevé, ex. présentement un bon et courageux citoyen. » Cette estampe, elle aussi signée Draner, est de la série Souvenirs du siège de Paris. Elle présente un petit-crevé pendant la guerre de 1870. Avant cette période, ceux-ci sont considérés par la majorité comme des tire-au-flanc, mais la guerre révèle que certains se comportent aussi héroïquement que d'autres. Dans son livre intitulé La Comédie de notre temps (1874), Bertall (1820 - 1882) écrit que « La guerre ayant démontré que les petits crevés se battaient aussi bien et savaient mourir sur le champ de bataille aussi bravement que les autres, le mot qui semblait contenir une accusation de faiblesse ou d’impuissance est tombé en désuétude. »

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessous : Image pleine page de la revue L’Éclipse, du 10 septembre 1876, intitulée « la métamorphose du réserviste » : « Fantaisie civile et militaire ». À gauche nous avons une tenue de gommeux.

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Drôles de pistolets X d’après Marcelin

Les Petits-maîtres de la Mode
Les Petits-maîtres de la Mode

Marcelin est le pseudonyme d’Émile-Marcelin-Isidore Planat (1825 – 1887). Il s’agit d’un caricaturiste ayant collaboré à plusieurs publications périodiques avant de fonder, en 1862, La Vie parisienne, revue qui lui a survécu jusqu’en 1970. Elle a pour sous-titre : « Mœurs élégantes, Choses du jour, Fantaisies, Voyages, Théâtres, Musique, Modes ».

Les Petits-maîtres de la Mode
Merveilleux

Ci-dessus : illustrations de Marcelin provenant de numéros de La Vie parisienne de 1868.

Ci-dessous : double page d’un La Vie parisienne de 1868 : « Le manuel du conducteur de cotillon ». Au XIXe siècle le cotillon est un quadrille (successeur de la contredanse du XVIIIe, elle aussi appelée « cotillon ») qui mélange danse et jeu, conduit par un meneur de danse (souvent un couple) annonçant les figures. Il s’agit parfois d’une danse qui termine un bal où chacun se tient par la main pour former ensemble une carole ouverte.

Les Petits-maîtres de la Mode

Ci-dessous : illustrations de Marcelin provenant de L’Illustration, époque Second Empire.

Les Petits-maîtres de la Mode
Les Petits-maîtres de la Mode

Ci-dessous : illustrations de Marcelin provenant du Petit journal pour rire, d'époque aussi Second Empire, le temps des robes crinolines.

Merveilleuses et merveilleux
Les Petits-maîtres de la Mode
Les Petits-maîtres de la Mode

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Croissance ou décroissance ?

Merveilleuses et merveilleux

Grande image d’Épinal représentant Saint-Martin, alors chevalier romain, partageant son manteau avec un mendiant. Il s’agit de l’épisode le plus marquant et le plus représenté de la vie de ce personnage qui est resté pendant des siècles le saint-patron de la France, comme quoi le vêtement occupe une vraie importance dans ce pays.

Lorsque je travaillais, je me suis acheté plusieurs costumes. Quelques années plus tard, non seulement ceux-ci n’étaient plus à la mode, mais surtout je me suis rendu compte qu’ils étaient faits de matières synthétiques mélangées à de la laine. Je pensais qu’ils étaient bien, mais aujourd’hui je ne sais pas quoi en faire. Et c’est le cas pour la plupart des vêtements que je possède. Dorénavant, je préfère être mal habillé que de ces nippes polluantes. On étouffe littéralement sous une production de mauvaise qualité… et pas seulement d’habits.

Du coup, cela fait des années que je n’ai pas acheté de vêtements, ou très peu. D’abord, je le répète, je trouve que le prêt-à-porter vend généralement de la mauvaise qualité, même si en apparence cela ne le semble pas, et des habits de série, mal ajustés à la personnalité… Ils sont souvent constitués de plastique et autres matières synthétiques qui font de ces tissus modernes des polluants. Enfin c’est de la daube ! Dernièrement, j’ai tout de même enfreint la règle précédemment évoquée : Ma robe-de-chambre tombant en lambeaux, j’en ai achetée une autre. Pendant quelques semaines, j’avais l’intérieur d’une narine qui me grattait fortement, ce qui était désagréable. Il m’a fallu du temps pour comprendre d’où venait cette allergie : de ma nouvelle robe de chambre, soi-disant 100 % coton. Dès que j’ai arrêté de la mettre (je l’ai jetée) mon mal s’est évaporé ! J’ai repris ma vieille robe de chambre pour finir l’hiver…

Essayons de moins consommer, et d’acheter des habits moins nombreux mais de qualité. Et si nous ne le pouvons pas, et bien promenons-nous tous nus !… Non, bien sûr… les habits ont aussi un rôle protecteur ; et si nous voulons qu’ils gardent cette fonction, ne choisissons pas ceux qui nuisent à notre environnement autant qu’à nous-mêmes.

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

Le titre de cet article est une fausse question. Aujourd’hui, quand on parle de croissance, il s’agit de croissance de la pollution, des multinationales, de la population, des articles de mauvaise qualité, de la bêtise, de l’horreur… enfin de ce qui nous fait, à nous et l'environnement, du mal en général. Cette croissance-là est de la folie.

La définition du terme de « consommation » liée au commerce, ne se trouve pas, semble-t-il, dans Le Dictionnaire de L’Académie française avant la cinquième édition de 1798. Il est sûr qu’il faut arrêter de se laisser berner à consommer toujours davantage, de plus des marchandises de mauvaise qualité. De nos jours, l’acheteur doit faire attention à tout : à bien regarder les étiquettes, choisir méticuleusement où il se fournit, etc. Cela n’est pas non plus normal. Un proverbe chinois, que j’ai lu il y a de cela plusieurs années mais qui m’a marqué, dit que si le producteur doit utiliser ses deux yeux, le vendeur au moins un œil, l’acquéreur lui doit pouvoir acheter les yeux fermés. À notre époque où tout est sens dessus dessous, où l’on marche sur la tête, c’est le contraire, chacun doit faire extrêmement attention. Là aussi on est très loin de l’esprit français, et du commerce qui a fait pendant longtemps la réputation de ce pays, où producteurs et vendeurs étaient des gens de confiance privilégiant toujours la qualité. Les commerçants ayant pignon sur rue étaient de ce genre-là. Aujourd’hui, ce sont surtout des grandes enseignes internationales qui déversent à la vente des monceaux de détritus.

Merveilleuses et merveilleux

« Vêtir les Nus. » Dessin et gravure d’Abraham Bosse (vers 1602 — 1676). Sixième numéro d’une suite de sept estampes sur Les Œuvres de Miséricorde éditées par « leBlond ». Celle-ci porte sous son titre, le texte suivant : « Par un effet assez connu, / L’Homme, vrai sujet de misère ; / Sortant du ventre de sa Mère, / Entre dans le Monde tout nu. // Pour s’exempter de la froidure, / Il se couvre contre ses maux / De la laine des Animaux, / Et s’échauffe avec leur fourrure. // Mais comme par la Pauvreté / Toutes choses lui sont contraire ; / Il peut manquer des nécessaires, / Et se voir dans la nudité. //Alors par un soin véritable, / Il faut que charitablement, / Tu l’assistes de vêtement, / Prenant pitié de ton semblable. »

Dernièrement, je me demandais pourquoi je ne remarque jamais de gens sages ? Sans doute est-ce parce que le sage a une conscience aiguë de sa nature humaine, de sa fragilité, et qu'il ne s'étale pas sans pudeur comme le font les autres. De plus, il est avant tout, peut-être, un chercheur de sagesse, un amoureux de celle-ci comme l'indique l'étymologie du mot « philosophe » : φιλόσοφος, philó « celui qui aime » sophos « la sagesse ». Prenons l'exemple de peut-être le plus connu d'entre eux, Socrate (Ve siècle av. J.-C.) : celui-ci n'a jamais rien écrit, et n'a même jamais expliqué aux autres ce qu'était la sagesse ; il la cherchait, posait des questions, avançait en essayant de l'atteindre et en affinant la perception de ses interlocuteurs.

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Drôles de pistolets IX d’après Gavarni

Merveilleuses et merveilleux

« On rit avec vous et tu te fâches… en voilà un drôle de pistolet ! » Gravure provenant de Œuvres choisies de Gavarni « Revues, corrigées et nouvellement classées par l’Auteur –  Études de mœurs contemporaines – » « Les Débardeurs ».

Merveilleuses et merveilleux

« Le Vicomte Aimé de Trois Étoiles et Dame Eloa de Tremblement, vont tout à l’heure ouvrir un cours public de Cachuchas comparés ». Estampe de la série Les débardeurs de Gavarni. La cachucha est une danse espagnole qui semble être mise à la mode à partir de vers 1836.

Merveilleuses et merveilleux

« Cabinet de Mr le Commissaire » « – Vous ignoriez que cette danse fut défendue par l’autorité ?.. ce n’est pas probable…… dites vos noms et qualités. – BENJAMIN LÉGER, employé aux Menus-Plaisirs. FÉLICITÉ BEAUPERTUIS, Rentière. » Estampe de la série Le Musée pour rire.

Plusieurs ouvrages ont été publiés sur les « maîtres de la caricature » française du XIXe siècle. Ma démarche est très différente, car je pars d’un thème, les merveilleuses et les merveilleux, et cherche quels sont les caricaturistes s’étant distingués dans la représentation de ceux-ci.

La mode est un sujet apprécié de caricaturistes, surtout que ses extravagances et les petits-maîtres qui les portent se prêtent facilement à la satire. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ces caricatures sont souvent plus anonymes et moins nombreuses. La Révolution, les modes incroyables et merveilleuses du Directoire, le goût du public pour les estampes dépeignant les modes du jour et les nouvelles techniques de publications à grande échelle mettent en vogue ces images que les artistes n’hésitent plus à signer. Carle Vernet (1758 – 1836), Horace Vernet (1789 – 1863) son fils, Philibert-Louis Debucourt (1755 – 1832), Louis Boilly ( 1761 – 1845) notamment se font une spécialité (parmi d’autres) de portraits de merveilleuses et incroyables de leur époque, dessinés avec sensibilité, vérité et humour, d’une manière à la fois humaine et détachée, ironique et affectueuse, voire charmée… modes qu’ils connaissent d’autant mieux que certains travaillent aussi pour des revues de mode, comme le Journal des Dames et des Modes. En avançant, le XIXe siècle multiplie ce genre de scènes… de genre… à travers toutes sortes d’éditions de livres et de nouvelles revues humoristiques largement illustrées de caricatures de la vie moderne d’alors.

Dans mes articles sur les « Drôles de pistolets », je présente plusieurs de ces artistes du XIXe siècle, ceux ci-avant cités, mais aussi : Georges-Jacques Gatine (1773 – 1824), Louis-Marie Lanté (1789 – 1871), Charles Vernier (1813 – 1892), Cham (1818 – 1879), Félix Nadar (1820 – 1910), Bertall (1820 – 1882), Alfred Grévin (1827 – 1892) et Lucien Métivet (1863 – 1932). Ici, c’est au tour de Gavarni, pseudonyme de Sulpice-Guillaume Chevalier (1804 – 1866). Comme d’autres, il commence par publier des estampes dans des revues de mode, comme les prestigieux Journal des dames et des modes et La Mode, tout en prêtant ses talents à des journaux et revues plus ou moins satiriques, comme L’Artiste, L’Illustration, le Charivari… ainsi qu’à des illustrations de livres.

Ses représentations les plus connues sont peut-être celles du carnaval parisien, en particulier de certains de ses masques, comme le débardeur ou le chicard. En 1841 – 1843, il publie une série d’estampes sur Le Carnaval à Paris. Ces années-là sont très prolifiques. Il illustre plusieurs physiologies, comme Physiologie de la grisette (1841) et Physiologie du tailleur (1841 voir cet article) par Louis Huart (1813 – 1865), Physiologie de la lorette (1841) et Physiologie du débardeur (1842) par M. Maurice Alhoy (1802 – 1856), certaines avec d’autres artistes comme Physiologie des demoiselles de magasin (1842) « par un journaliste » et Physiologie du chicard (1842) par Charles Marchal (1822 – 1870), les deux avec aussi des illustrations de Daumier, Traviès et Monnier, et Physiologie du lion (1842) par Félix Deriège (1810 – 1872) avec la participation de Daumier.

Voilà pour quelques exemples de productions de cet artiste qui a marqué de sa touche cette grande époque de la caricature française... en particulier parisienne... en un temps où la capitale française était aussi la capitale artistique mondiale, où se créaient des courants de toutes sortes... et où chacun pouvait se décider le 'héros' de son temps... un 'héros' à la Balzac, à la van Gogh, à la lorette, au chicard, à la Dumas, à la Childebert, ahlalalala !

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux
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Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

« En voulez-vous de la crevette ?… pas cher. » Gravure provenant de Œuvres choisies de GavarniLes Débardeurs. Au XIXe siècle, on appelle « crevette » une petite-maîtresse : le pendant féminin du petit crevé ou crevé. Voir mes livres sur ce sujet, ainsi que sur le débardeur, le chicard, la grisette, la lorette, etc. Ici les crevettes ont vraiment l'air crevé !

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Jupe plissée et chaussettes : Quand la guerre rationne le fil et en donne à retordre !

Merveilleuses et merveilleux

On pourrait se demander pourquoi j'écris sur des sujets aussi futiles que les chaussettes, la mode ou les petits-maîtres, à une époque contemporaine marquée quotidiennement par la folie générale, qui mériterait peut-être que l'on se penche sur des sujets plus sérieux. Autrefois, et plus particulièrement au Moyen Âge, les apothicaires conservaient les médecines dans des boîtes en bois sur lesquelles étaient peints des sujets colorés et fantaisistes, d'une grande gaieté, légèreté, singularité, voire bizarrerie... complètement hors normes, sur lesquelles l'intelligence et l'entendement ne pouvaient 's’agripper'. Pourtant, ces récipients contenaient des herbes, résines et autres produits et préparations guérissant... très sérieux dirons-nous... Les sujets de mon blog sont gais, joyeux, étranges aussi... superficiels, colorés...

Mais retombons sur nos pieds, et revenons-en au sujet de cet article : Pendant la seconde guerre mondiale, tout manque… en particulier dans les villes où tout est rationné. Même trouver des bas est difficile. On se fabrique soi-même des vêtements avec moins de tissu. Les jeunes femmes portent des jupes simples, plissées et s’arrêtant aux genoux. Leurs jambes sont nues, ou avec une paire de chaussettes tombantes sur des chaussures à grosse semelle de bois ou de liège, quand elles n’en portent pas de plus grossières ou de simples sandales. Certaines se maquillent les jambes afin de faire croire à des bas. Les robes ou les chemisiers ont des épaulettes et s’ouvrent généralement sur le devant par des boutons. Les vestes ont de larges épaules et sont ceinturées. Les coiffures sont crantées, élevées en chignon et se dispersant sur les épaules en boucles. Toutes sortes de hauts turbans leur donnent encore davantage de volume.

Merveilleuses et merveilleux

La tenue jupe plissée et chaussettes marque aussi la fin du chic à la française. La Révolution de 1789, les suivantes, la guerre de 1870 et les deux guerres mondiales mettent à mal ce pays, sa culture et l’élégance.

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

Chez les hommes, au contraire, la mode vestimentaire est au large ! Mais la simplicité est présente. Le faux-col disparaît, remplacé par un col de chemise, parfois même ouvert et alors sans cravate. Le gilet est beaucoup moins fréquent qu’auparavant. La taille du pantalon est haute et le tombé droit.

Chez les deux sexes, le costume est souvent coupé dans un même tissu. On réemploie largement ; rien n’est gaspillé. Ceci est vrai jusqu’au milieu du XXe siècle et la dominance du prêt-à-porter. C’est une des raisons pour laquelle il nous reste très peu de vêtements antérieurs au XIXe siècle.

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessous : On note la coupe du Monsieur, ramassée en boucles sur un côté du haut du crâne, comme c’est la mode alors chez certains hommes.

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessous : « Consommations du jour. – Garçon ! Deux soucoupes ! » Signé « Vichy – 43 J. SENNEP ». Autrefois, dans les cafés, chaque verre avait sa soucoupe, et on payait en fonction du nombre de soucoupes. Pendant la guerre, tout est rationné. L’humoriste montre ici que même les boissons manquent. La zazou est ici blême, famélique.

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La liberté

J’ai déjà traité de la liberté à la fin de l’article sur le souffle. Mais cette notion est tellement importante dans le gandisme qu’elle mérite que l’on se penche un peu plus sur elle.

D’abord, il me faut répéter que, selon moi, la mode est un apprentissage de la liberté. Comme son nom l’indique, elle est une manière, une façon (une fashion comme le disent les Anglais, mot venant de l'ancien français façon)… et chacun a la sienne. Les jeunes sont les premiers à chercher et suivre de nouvelles modes qui les démarquent des ‘anciennes’, et surtout qui les rendent plus autonomes, eux-mêmes, libres… même si c’est souvent en suivant ce qui est nouveau… Il ne faut pas oublier le besoin d’identification de beaucoup. Comme le dit le dicton : « Dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es. » Parfois leur démarcation consiste à refuser la mode… Ils généralisent, car ce qu’ils repoussent ce sont les rythmes dominateurs, comme actuellement les modes apportées par l’industrie mondialisée et sa politique… Personne ne peut échapper à une mode, la sienne, son propre mode de vie, les propres rythmes qui constituent la personne même et dans lesquels se trouvent obligatoirement du mimétisme. Par exemple, les autonomes sont très loin d’être des modeux, pourtant leur mode de vie est non seulement un mode, mais devenue une mode dans la mesure où il est de plus en plus suivi. Surtout, il y a derrière cela une véritable vision de l’avenir. La mode c’est aussi cela… non pas une vision guidée par l’industrie, la politique ou autres, mais une véritable conscience du présent et du futur. Les gandins sont souvent en dehors de la mode dominante ou en avance sur elle… Ils ne savent pas faire autrement… Il faut qu’ils créent et se sentent libres.

Aimer ? Détester ? Qu’importe ! Tout n’est que mode de voir, une mode ou un mode qui passe.

De nos jours, nous sommes très loin d’être dans un monde libre. Prenons l’exemple d’Internet : Les utilisateurs y sont fichés : leurs habitudes, préférences… leurs données vendues et leurs choix guidés. Cela est d'autant plus vrai pour les réseaux sociaux et la téléphonie mobile, cette dernière étant un véritable fléau sanitaire et environnemental, qui ne fait que croître, maintenant avec la 5G. Cela fait depuis 2007 que j’écris dans ce blog. D’expérience, je me suis rendu compte que les productions ‘indépendantes’ sur le Net sont volontairement maintenues dans un schéma de diffusion minimum par les moteurs de recherche de Big Brother. Une unique vision du monde est proposée et propagée. Même des sites comme Wikipédia véhiculent une doxa très éloignée de l'esprit encyclopédique dont ce dernier se réfère. C’est tout à fait ahurissant l’état de monopole et de monopolisation dans lequel nous évoluons, et qui touche tous les domaines de nos vies. Non seulement les voix ‘dissidentes’ sont maintenues sous une chape de mutisme, mais celles qui arrivent à sortir du lot sont implacablement persécutées. Prenons l’exemple des gilets jaunes : Les peines que le gouvernement français inflige aux plus vindicatifs d’entre eux sont sans commune mesure avec celles données à certains grands escrocs. Alors que pour ces derniers certains se retrouvent avec de simples peines avec sursis, les gilets jaunes condamnés à de la prison ferme sont très nombreux depuis le début des manifestations de ceux-ci, sans compter les intimidations multiples : violences organisées par le gouvernement (le nom même de black bloc montre qu’il s’agit d’une organisation rapportée), fichage, mesures de décrédibilisation, gardes à vue, amendes, etc. Prenons comme autre exemple celui de Julian Assange, un dissident emblématique que les gouvernements français n’ont jamais voulu soutenir : Il est actuellement emprisonné, isolé et torturé psychologiquement. Cela se passe aujourd’hui en Occident, comme on le fait dans les dictatures décriées pourtant par ces mêmes gouvernants qui s’accoquinent avec sans vergogne. Il suffit de sortir dans la rue pour voir dans quel état sont maintenus des pays comme la France… dans des états liberticides dignes de pays du tiers-monde sous dictature !

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De l’amour chez les petits-maîtres

Les Petits-maîtres de la Mode

Cette petite maîtresse qui consulte ses charmes, comme le dit la légende de cette gravure, s’habille-t-elle ou se déshabille-t-elle ? Sans doute se déshabille-t-elle, car sa coiffure est encore toute mise. Au sujet de cette dernière, avec une sorte de toupet au-dessus du front, elle rappelle une mode qui perdure pendant des millénaires, depuis les petites-maîtresses de l'Antiquité, avec la lampadion grecque et la lampadium romaine (voir mon second livre sur Les Petits-maîtres du style), en passant par les débuts de la coiffure à la Fontanges de la fin du XVIIe siècle.

Jacques Peletier (1517 – 1582 ou 1583) écrit au début de son Art poétique (1555) : « Qui voudra prendre garde, Seigneur Gaudart [je rappelle qu’en ancien français le verbe gaudir signifie « se réjouir »], aux desseins et affaires des hommes : il trouvera que tout est accompagné d’une certaine volupté : sans laquelle nous serions tous errants et incertains en nos délibérations [examens de conscience] et entreprises [actions]. Même ès [dans les] choses les plus difficiles et laborieuses : la volupté, ou comme j’ai de coutume de parler, l’amour y est inséparable. »

Cette « délectation » (mot employé dans le texte à la suite de cette citation), cette « volupté », cet « amour », cette intelligence de la vie, cet esprit qui se réjouit et jouit de tout, cela était très présent dans la culture française, mais a presque disparu. Cet amour-là n’est pas que le fait d’aimer une autre personne, il est présent en tout. Il vient, il me semble, surtout de soi-même, mais l'inspiration 'extérieure' est toujours nécessaire.

Cet amour fait la douceur de vivre, fait que les paysages sont beaux, que le repas est bon, que le gîte est accueillant, etc., que tout est à sa place et délectable ! Il est à la base de l'élégance même !

L’amour est un sujet important de la culture française. Elle en offre le camaïeu complet, tous les dégradés, depuis le plus mystique jusqu'au plus charnel. A partir du XIIe siècle, les poètes de la fine amore établissent le lien entre ces deux 'extrêmes' et créent un courant, « art de cour » (« courtoisie »), présent durant tout l'Ancien Régime, bien que se muant au XVIIe siècle en galanterie. J'évoque le domaine de la courtoisie dans l'article sur La bona maneira.

Ce n'est pas pour rien que Jacques Peletier parle d'amour au début de son Art poétique. En amour, quel-qu’il soit, le rythme a une grande importance. Rien n'échappe au rythme, puisque le mouvement est à la base de toutes vies, et même créateur de vie.

Le Moyen Âge a étudié les rythmes avec passion. Dans la spiritualité, ils sont un moyen d'accéder à Dieu et à l'harmonie divine, celle que conte Platon à travers sa musique des sphères beaucoup étudiée durant toute l'Antiquité et toute la période médiévale, les sirènes (chacune représentant une sphère céleste) étant souvent remplacées par des muses puis des anges !

L'univers courtois puise ses rythmes dans la terre même et sa danse amoureuse. Comme dans la religion, le fin amant cherche l'harmonie, la symphonie sublime, en empreigne son âme qu'il affine. Je ne devrais pas dire « cherche » mais « trouve », car c'est un trouveur : un trouvère (de langue d'Oïl, un troubadour en langue d'Oc, mot venant de trobar : trouver). Il n'est pas dans le désir, mais dans le plaisir ; non pas dans un plaisir feint, mais dans l'essence même de toutes choses, ou au moins de ce qu'il peut trouver en son âme de plus fin, beau et bon. Cette harmonie miroite naturellement dans son apparence : son attitude, son élégance, etc. Évidemment, il est des gens qui travaillent d'abord leur apparence afin de faire croire que cela est le reflet de leur esprit... mais il dupent aussi eux-mêmes, ce qui n'est pas le but de la courtoisie bien sûr. Ce que j'apprécie beaucoup chez les petits-maîtres, c'est qu'il y a souvent dans leurs manières quelque chose de faux et toujours quelque chose d'original, de particulier, ce qui fait que l'on ne peut jamais les prendre au sérieux, le sérieux étant selon moi 'très éloigné' du vrai et du bon... le sérieux étant peut-être même à l'origine de la souffrance.

L'Ancien Régime possède un amour du rythme. Dans les cours, comme dans les villes et les campagnes, la poésie, la musique, le chant et la danse rythment la vie. Je devrais y ajouter la religion, qui offre une musique pour l'âme, qui est aussi un outil d'harmonie communautaire, mais là il faudrait que j'aille plus avant, celle-ci étant efficace que si elle est source de liberté et non pas de soumission. Car qui créent les religions ? Ce ne sont pas les dieux ou le Dieu unique mais les êtres humains.

Chez les petits-maîtres, on retrouve tous les dégradés de l’amour. Le XVIIe siècle en offre une gamme très complète. Le libertinage est particulièrement bien représenté avec les libertins et les courtisanes. Contrairement à ces derniers, les coquettes de cette époque ne recherchent pas le plaisir, elles le savourent comme il vient, en s’intéressant surtout à elles-mêmes. Les précieuses, qui représentent à elles seules tout un mouvement culturel, sont parfois coquettes, parfois « prudes », mais le ton général est celui d’un amour épuré, essayant d’être raffiné à l’extrême, comme « la carte du tendre » en donne un aperçu, finalement surtout intellectuel… suivant les préceptes platoniciens d’une âme se confondant avec l’Idée, l’essence des choses, la sagesse. Même l’amour religieux trouve son petit-maître à travers le courant ‘dévot’, qui est à la mode à certains moments de ce siècle. L’amour spirituel est, chez les petits-maîtres, avant tout celui des rythmes, du mouvement nouveau et de la beauté.

La courtoisie et la galanterie donnent une part importante à l'amour charnel, mais uniquement dans les rapports entre la femme et l'homme. Si l’homosexualité peut être présente et acceptée (notamment dans la famille de Louis XIV certains sont célèbres pour cela, comme Monsieur frère du roi), elle n’est jamais montrée comme exemple. Au contraire, la culture française est depuis son origine baignée d’un culte de la dame que l’on retrouve dans l'amour fin médiéval (fin’amor), la courtoisie et la galanterie. L’amitié est aussi beaucoup plus présente qu’aujourd’hui, avec des dégradés beaucoup plus profonds, et ceci aussi entre les deux sexes.

LA CARTE DU TENDRE

Je trouve que la tendresse, la douceur… manquent à notre époque ; surtout que celle-ci est particulièrement difficile, confrontée à des réalités qui semblent insurmontables, comme le nucléaire, la pollution, la surpopulation, et beaucoup trop d’autres encore. Nous sommes dans un temps qui a besoin de finesse et de se tourner vers la beauté, la fantaisie… enfin vers tout ce qui ne cause aucun dommage aux autres. La tendresse est le contraire de la barbarie… Mais pour cela, elle doit être universelle. En avoir pour ses enfants et mépriser ceux des autres, en n’est pas vraiment, même si c’est mieux que rien. La carte du tendre n’est pas toute plate. Elle a des reliefs, est riche en diversité… On l’aborde avec attention, afin de ne pas se fourvoyer, avec raison, cœur et esprit.

Le plaisir n'est pas le désir. Le désir est confronté à l'étroitesse de la matière (post coitum triste), alors que le plaisir savoure le présent, ouvre l'esprit à l'infinité de ses possibilités.

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Drôles de pistolets VIII : Le gommeux seconde génération du café-concert

Les Petits-maîtres de la Mode

La caricature de mode suit non seulement les nouvelles modes, mais aussi l’évolution des techniques de diffusion de l’image. À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, la gravure est à son apogée et les merveilleuses et les incroyables sont un thème que les gens apprécient, car synonyme de nouveauté et de fantaisie. À partir de 1817, le calicot bénéficie particulièrement du développement de la lithographie, et devient le nouveau sujet dans le vent que l’on représente. Par la suite, les journaux consacrés à la caricature véhiculent toutes sortes d’images des nouvelles modes, particulièrement celles des cocottes, cocodettes et autres crevettes et petits crevés au temps des crinolines du Second Empire (1852 – 1870). Ensuite et jusqu’à la fin du XIXe siècle, ce sont les gommeux qui prennent la relève. Ce sont les nouveaux jeunes gens en vogue que l’on dépeint notamment dans des revues, livres, chansons et sur les partitions de ces dernières. Aujourd’hui, le gommeux et la gommeuse sont oubliés, contrairement à d’autres petits-maîtres comme les merveilleuses, les incroyables ou les zazous. Pourtant, c’est peut-être sur eux que j’ai trouvé le plus de documents d’époque pour ma collection.

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Ci-dessous, quelques-unes des partitions du dernier tiers du XIXe siècle que j’ai récoltées, j’espère pour votre bonheur. Je parle de « bonheur », car l’univers des petits-maîtres est celui de la joie ! Ces chansons évoquent surtout le gommeux de la seconde génération (voir mes livres), car beaucoup plus caricatural que celui d’origine (plus chic), et très apprécié des chansonniers du café-concert, dont certains prennent les tics, comme c’est le cas pour les gommeuses, avec quelques chanteuses gommeuses célèbres dont plusieurs sont présentées dans cet article. On dit que ces gommeuses et gommeux de cabarets sont des « comiques excentriques ».

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Le texte de la chanson Le Pantalon de casimir, ci-dessous, est intéressant, car il met en scène un mannequin, tel qu’il en existe jusqu’au début du XXe siècle, que les couturiers, tailleurs, modistes, etc. envoient dans les lieux à la mode, notamment les promenades, pour présenter leurs dernières nouveautés (Longchamp, boulevards, etc.). Ici, il s’agit d’un mannequin homme, exhibant un pantalon de casimir. Les mots et les expressions employés témoignent aussi un peu de la manière de parler des gommeux. Voici des passages de cette chanson : « Tempo di Polka. Cris dans la coulisse. Hip ! Hip ! Hourrah ! Hip ! Hip ! Hourrah ! (Il entre après les cris et dit) C’est bien, manants ! C’est bien ! 1. Vous vous dit’s en m’voyant ainsi, / Dans cette culotte équivoque : / Mais pourquoi donc as-tu choisi / Un pantalon aussi baroque ? / Figurez-vous qu’un grand tailleur / M’habille à l’œil et pour la peine / Il faut qu’avec ça j’m’promène / Dans tout Paris qui chante en chœur : / Ah ! quel chic a  / C’pantalon là ! / Ah ! Ah ! Ah ! / Quand on l’verra, / Chacun dira : / Ah ! Ah ! Ah ! / Ah ! quel chic a / C’pantalon là ! / Ah ! Ah ! Ah ! / Quand on l’verra, / Chacun dira : / Ah ! Ah ! Ah ! 2. Dans la gomme c’est moi qui fais loi, / Faut croire que mon chic n’est pas mince ; / J’ai du galbe, et voilà pourquoi, / Les modes nouvelles moi je les lince. [ainsi écrit] / Je m’suis fait mannequin ambulant. / Aussi sur l’boulevard quand je passe, / De mes jamb’s quand on voit la grâce, / Chacun s’écrie, en les voyant : Ah ! quel chic a & […] 6. Si l’on vant’ mon chic fameux / C’est que j’m’en rapporte aux cocottes / Dans l’monde entier y’en a pas deux / Pour porter comm’ moi les culottes. / Bref ! On m’encense en prose, en vers, / Moi qui jadis n’étais d’un rustre, / Maintenant je suis un illustre ! / C’n’est qu’un cri dans tout l’univers : / (Cris de coulisse) Hip ! Hip ! Hurrah ! (au public) Là les entendez-vous ? (On chante en chœur dans les coulisses pendant qu’il chante gaîment et prétentieusement) / Ah ! quel chic a & ».

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La tenue du tailleur : Être assis en tailleur

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Il y a deux façons d’être assis en tailleur : l’une en portant un tailleur, l’autre à la manière d’un Indien fumant le calumet de la paix dans son tipi.

Dans l’article sur La posture, j’écris que l’expression « s’asseoir en tailleur » vient du fait que certains artisans, en particulier les tailleurs, se mettaient souvent dans cette position pour travailler. Cela est vrai au moins depuis le Moyen Âge et jusqu’au XIXe siècle. Dans la première iconographie de cet article sur Le tailleur, on remarque que quatre tailleurs sont ainsi assis (voir aussi photographies ci-dessous à la fin de l'article). Généralement, c’est sur une table qu’ils s’installent de cette manière, façon tellement courante que cela a donné le nom à cette position. On peut voir d’autres exemples de tailleurs assis sur une table, souvent dans cette posture, dans ces estampes : Couturier vendant des vêtements de soie, Le tailleur, Le tailleur français en colère, Collets dit parasabre, Le tailleur, Le Concierge est tailleur.

Photographies de Physiologie du tailleur, par Louis Huart avec des vignettes de Gavarni, 1841.

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Je profite de cet article pour conseiller cette position chaque jour aux personnes qui ont l'habitude de rester assises plusieurs heures, notamment devant leur ordinateur, afin d'éviter le mal de dos à long terme.

Cette position est courante en Asie. Par exemple, on la retrouve dans les représentations de bouddhas. Une chose intéressante à noter, est que selon cette religion/philosophie, le bouddha du futur (Maitreya) est le seul, ou un des rares bouddhas, à être figuré assis sur une chaise. Des exemples ici, ici, ici et ici.

Beaucoup de divinités gauloises sont aussi représentées dans la position du tailleur, comme ici, et d'autres exemples sont visibles dans cet article et dans cet autre article.

Photographies ci-dessous d'une planche du XVIIIe siècle de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert.
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Élégances boisées

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Arriver à se reposer dans la nature est un véritable délice. Ce n’est pas toujours facile. Parfois on est attaqué par des insectes par exemple. Mais quand c’est possible, quel bonheur ! Le concert des oiseaux, le bruissement des arbres, la caresse d’un vent doux, les odeurs…

Au sujet de ces dernières, certaines de la nature ont largement influencées la parfumerie. Aujourd’hui encore, dans les sept grandes familles olfactives de parfums fabriqués par l’être humain, on compte les floraux, les boisés et les fougères.

Sur la photographie ci-dessus prise par un inconnu dans les années 1950, la jeune femme se repose dans une forêt de pins (sans doute des pins sylvestres) au milieu de fougères, ces deux plantes sentant bon, surtout quand elles sont réchauffées par le soleil, de même que l’humus et les autres plantes fraîches ou séchées par l’astre diurne. Ces fragrances continuent de se distiller pendant la nuit… comme par miracle.

La nature, en général, affine le goût de la personne réceptive. Elle lui ouvre les sens, lui offre une infinité de goûts divers à approcher à travers eux et l’inspire. Elle nous apprend ce qu’est l’inspiration et l’expiration, la vie et la mort.

La semaine dernière, alors que je me promenais dans la forêt, j’écoutais la symphonie orchestrée par des oiseaux, concert où s'ajoutaient des notes de couleurs (bleues, vertes, ocres…) et de lumières, des odeurs d’encens et de myrrhe, etc. Les arbres semblaient être les cordes d’une immense lyre formée par cette forêt, que pinçait la Nature, avec le souffle de ses éléments : le vent, les nuages, le ciel, la terre, la pluie, le soleil… Chaque pincement de corde était un arbre figé dans le temps, ou plutôt vibrant lentement, comme un éclair en très grand ralenti, en un temps qui dépasse l’être humain, qui est au-delà de lui… une musique céleste jouée sur terre…

Sur la photographie ci-dessous, deux jeunes dames sont assises sur l'herbe. Elles sont sans doute jumelles. D’après les habits, l’image peut être datée de vers 1875 - 1880. À cette époque, comme à d’autres, la robe était souvent coupée dans un tissu solide, peu fragile, le buste étant par contre plus ‘décoré’, notamment de dentelles.

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Mouvements de modes

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J’entends ici par « mode », au masculin, la manière de disposer une rythmique caractéristique, la mode en faisant partie bien sûr.

Une pensée, qui donne un mot, qui donne une phrase… tout cela surgit du mouvement… et même tout, toutes les choses, même celles qui nous semblent les plus inanimées. Le mouvement est partout. Il est la vie, la mort aussi. Il est ce qui commence et ce qui finit. Il est notre coeur qui bat, notre respiration. Il est même en nous là où nos sens ne le distinguent pas. Jusqu’où devons-nous le suivre ? Jusqu’où devons-nous suivre nos pulsions, le mouvement général, les mouvements de groupes… ? Quels modes devons-nous intégrer ? Quelle mesure prendre ? Parfois on bouge jusqu’à l’ivresse, parfois jusqu’à la maladie ; parfois c’est du plaisir… Bouger pour ramasser celui qui est tombé. Se mouvoir pour ne pas être bousculé. Trouver l’air juste… Tout en sachant qu’il ne sera que celui d’un moment.

Si le mouvement constitue tout ce qui fait l’être humain et son environnement, bien sûr, il existe quelque chose au-delà. Mais comme la bête n’a qu’une idée de ce qu’est l’homme, celui-ci n’a qu’une intuition de ce qu’il y a au-delà de lui et de ce que ses sens et son âme appréhendent. Sans le mouvement, il ne ressent que du vide (un mouvement vers le vide), du moins cela semble vrai pour la plupart, non ? De ce ‘vide’, il nous faut créer la plus belle des musiques, la plus belle des danses, un mouvement gracieux, un moment de grâce, plaisant, riche… C’est cela qui fait une des véritables richesses de l’être humain. C’est pour cela qu’il a inventé des modes, des modes qu’il considérait les plus adaptés aux circonstances : chants tristes, gais, solennels… danse… poésie… musique… mode vestimentaire… politesse… enfin tous les modes opératoires, qui agissent. Le mode, chaque mode, est une rythmique, un mouvement de l’esprit qui se fait parole et se concrétise dans le geste… devient réalité… pas obligatoirement maîtrisée, comme la respiration ou le rythme cardiaque, les saisons, la journée… dans une sorte d’emballement du cercle, de la rondeur du monde ou des mondes et des modes.

Illustrations ci-dessus : Photographie stéréoscopique d’une statue romaine, reproduisant le fameux Discobole de Myron.

Si René Descartes (1596 – 1650) a écrit dans son Discours de la méthode (1637) : Cogito, ergo sum (« Je pense donc je suis »), aujourd’hui on dirait plutôt Transeo, ergo non sum (« Je passe, donc je ne suis »), notre société étant surtout celle du passage, du mouvement effréné et rapide... un mouvement devenu folie.

Ci-dessous, ce merveilleux, tout en marchant, semble prendre la terre à témoin dans un mouvement très élégant. Le mouvement est ici une danse : On ne va pas d’un point à un autre, mais le geste est présence et plaisir… et non pas désir… alors que notre société de consommation n’est fondée que sur ce dernier, ce qui nous fait bouger frénétiquement et nous répandre comme un feu qui consomme ! De nos jours, le mode majoritaire est celui de la consommation, et la mode est prête à être portée…de même que les autres modes imposés par les moyens de communication… comme toute notre vie !

Merveilleuses et merveilleux

Le mouvement est la première chose qui fait la vie. Du reste, le verbe « faire » implique celui-ci. Ce n’est que récemment que le commerce international a accaparé celui de la communauté. Depuis la haute Antiquité jusqu’au XIXe siècle, le poète était considéré comme le plus apte à régler la mesure de la société et de ses êtres humains, à l’harmoniser. Il était le créateur des rythmes nouveaux et le détenteur de ceux anciens et traditionnels. La parole, la musique, la danse, le chant… il proposait à la collectivité les plus beaux rythmes qui la soudaient et la faisaient communier dans la grâce. Évidemment, chacun contribue aux mouvements de la cité ; mais la fonction des poètes était d’offrir les meilleurs, réglant notamment les festivités et proposant des modèles de création, en particulier au niveau de la langue. C’est ainsi que le français s’est constitué et a trouvé ses lettres de noblesse, au bas Moyen-Âge avec les poètes de la fin’amor, puis d’autres comme ceux de l’École lyonnaise, de la Pléiade, des cercles des précieuses, académies, etc.

 

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Un je ne sais quoi qui atalente

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« Salons de Paris » « Léon Glaize – Le Réveil. ». Carte postale « Imp. Phot. Neurden et Cie – Paris ». Sans doute s’agit-il de la firme Neurdein & Cie dont l’activité s’échelonne des années 1860 à 1918. Léon Glaize (1842 – 1931) est un peintre.

Le talent est une capacité qui vient de soi, sans effort particulier. En ancien français, le mot exprime de même un don mais aussi un désir, dans le sens de volonté et de désirer. « Talenter » veut alors dire plaire et « atalenter » inspirer le désir. Derrière cela, il y a l’idée d’agréer. Le mot « atalenter » est plus subtil que l’expression contemporaine « faire envie », car si « talent » est synonyme de « désir », il l’est aussi de « don »… de même que de « conscience ». La petite-maîtrise est en partie faite de talent dans le double sens du bas Moyen-Âge.

Le vulgaire souvent considère les petites-maîtresses comme des femmes provocatrices, voire de mœurs dépravées, simplement parce qu’elles sont libres et affichent leur liberté, par exemple en n’hésitant pas à montrer ce qu’elles ont de plus beau. Toutes ne sont pas ainsi… mais certaines… La gamme de la petite-maîtrise est très large, même infinie.

Il faut avoir été beau et avoir connu ce sentiment de complétude, pour comprendre de quoi je parle. Le persil, que j’évoque souvent (je renvoie à mes livres), est une des expressions de cette adéquation parfaite. Bien sûr, la méchante engeance peut essayer de souiller cela, mais comme le dit une sentence de l’Ancien Testament (la seule que je connaisse par cœur) : « Il n’y a rien d’extérieur à l’être humain qui ne peut le profaner ; c’est ce qui sort de lui qui le profane. » Donc fi des méchants !

Je crois que l’on ne peut pas même comprendre l’art sans cela. Chaque note d’une musique classique et les harmonies qui sont formées peuvent atalenter, de même que le font les mots en poésie, les traits, les couleurs, les sujets… en peinture, etc.

Sur la vidéo ci-après, la chanteuse atalente. Les paroles sont évidemment des métaphores sexuelles et les habits de la jeune femme sont loin d’être ceux d’une religieuse. Ceci dit, les « chants qui brûlent » font écho de nos jours aussi à la terre et aux herbes que les êtres humains brûlent de pesticides et autres pollutions qui enflamment aussi nos poumons.

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Drôles de pistolets VII : Pschutteuses fin de siècle par Lucien Métivet

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Lucien Métivet (1863 – 1932) est un caricaturiste à l’origine de représentations d’un genre de petite-maîtresse fin de globe assez originale, très pschutteuse comme on dit alors, ou bien koksnoff (cherchez toujours la différence !), une genreuse gourmée (pour continuer à employer des termes copurchics de l’époque) dont voici des exemples tirés de premières de couverture de la revue Le Rire, de 1897 et 1898.

Photographie ci-dessus : « AU SALON » : « MADRIGAL / La ressemblance est assez juste, / Mais, j’ai beau chercher, point ne vois / Votre petit je ne sais quoi ! / Il est vrai que ce n’est qu’un buste. » Illustration de première de couverture de la revue Le Rire, 1897.

Ci-dessous d’autres exemples, toujours de Lucien Métivet et du même journal mais datant de 1898.

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Ayant fait partie des Muscadins sous le Directoire

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Lithographie, sans doute des années 1840 (1847 ?), d’Honoré Daumier (1808 – 1879) et provenant de la revue Le Charivari : « Ayant fait partie des Muscadins sous le Directoire ».

Ci-dessous, représentations de muscadins. Photographies provenant de mon livre Merveilleuses & Merveilleux.

Muscadins du Directoire
Muscadins
Les images de muscadins d'époque sont rares. Les deux ci-dessus proviennent d'un almanach datant de 1793. Le muscadin est déjà présent bien avant le Directoire (1795 - 1799) : au moins depuis le milieu du XVIIIe siècle.
Ci-dessous, roman datant de 1874.
Muscadins

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Sur la toilette…

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Dans Gorgias (Γοργίας) de Platon, Socrate affirme que : « Sous la gymnastique s’est glissée […] la toilette, pratique frauduleuse, trompeuse, ignoble et lâche, qui emploie pour séduire les airs, les couleurs, le poli, les vêtements, et substitue le goût d’une beauté empruntée à celui de la beauté naturelle que donne la gymnastique. » (traduction de Victor Cousin reproduite dans remacle.org).

Si, comme le philosophe, je pense que la beauté et la santé du corps sont plus importantes que l’apparence que l’on se donne, plaçant même la beauté et la santé de l’esprit au-dessus de celles du corps, je crois que la toilette est tout de même très estimable, une sorte d’offrande, une politesse, une œuvre d’art dessinée dans l’espace de la vie sociale.

On dit que Socrate n’avait pour vêtement qu’un seul manteau, sans doute un himation ; ce qui ne l’empêchait pas de fréquenter toutes les classes de la société, notamment les plus élevées et les plus coquettes, comme le bel Alcibiade un de ses disciples.

Quant à Gorgias, qui est critiqué par Socrate et Platon dans cet écrit, il s’agit d’un des premiers sophistes enseignant la rhétorique comme art de la persuasion. Il n’était pas aussi vénal que présenté par ces deux philosophes. Une anecdote le prouve. On dit qu’il vécut 108 ans ; on lui demanda d’où venait le succès de sa longévité, et il répondit : « Je n’ai jamais rien fait en vue de plaire à quelqu’un. »

Selon moi, la toilette n’est pas un art de plaire, mais, je le répète, un art de s’offrir et aussi de partager… un art du plaisir aussi. J’ai beaucoup écrit sur ce sujet dans mon blog.

Ci-dessus : Photographie sans doute des années 1940.

Ci-dessous : Illustration de première de couverture du Petit journal pour rire (« Journal amusant, des modes parisiennes et de la toilette de Paris ») : « Balivernes, – par A. Grévin. » « - Décidément, chère amie tu as manqué ta vocation ; tu aurais eu du succès en peinture. » Alfred Grévin (1827 – 1892), connu pour son musée et ses caricatures, était aussi un illustrateur (caricaturiste) des modes important. Voir des exemples croustillants dans ces articles : Drôles de pistolets, Drôles de pistolets II et Suspension dans le temps.

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Ci-dessous : Autre illustration de première de couverture du Petit journal pour rire : « Croquis parisiens, – par A. Grévin. » « - Au fait, comment la trouves-tu, ma petite femme ? - Heu ! Heu !!… tu sais, moi pas connaisseur en peinture ! »

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Ci-dessous : Détail d’une gravure anglaise de vers 1830, représentant ce que les Anglais appellent une « dandinette » (ainsi écrit en anglais), en train de se maquiller.

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Suspension dans le temps

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Passez de bonnes fêtes de fin d'année !
 
La Mode : Ronde
 
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Ne cherchez plus les nœuds à mettre sur vos cadeaux !
 
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Boire… mais avec mesure.
« Canotiers et canotières, – par A. Grévin. »
« Ils disent que j’ai trop bu, les ânes !… mais si j’avais trop bu… est-ce que je pourrais… faire ceci… sans qu’on me tienne ? »
 
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Déguisement non obligatoire !
 
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Dansez… sans défoncer le plancher, s’il vous plaît !
« La nuit de Noël, – par G. Doré »
« – Ces gens-là veulent donc me casser la tête avec leurs valses ! »
 
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Les fées à la mode

Les fées à la mode

Le titre de cet article est inspiré de Contes nouveaux ou les Fées à la mode de la baronne d’Aulnoy (1651 – 1705), paru en 1698. Cet auteur est le premier à lancer la mode des contes de fées en France, avec L’Île de la félicité publié en 1691, avant même le moderne Charles Perrault (1628 – 1703).

Cet article ne fait qu’effleurer un sujet sur lequel on pourrait écrire tout un livre. Les contes et la mode sont deux sujets qui me passionnent, avec celui des pastorales, trois thèmes que je collectionne.

Ci-dessous : Détail de l'illustration d'un conte provenant du Cabinet des Fées (1786).

Les fées à la mode

Il existe d’étroits rapports entre la mode et la féerie, et la féerie et la mode, en particulier avec la mode vestimentaire. Ce goût explique en partie la beauté, le faste, le clinquant et la richesse de cette dernière sous l’Ancien Régime, du dernier quart du Moyen-Âge au Second Empire. La fantaisie règne alors. Les formes, les couleurs, la préciosité des tissus et des ajouts multiples (pierres et métaux précieux, broderies, passementerie, etc.), la nouveauté… tout concourt à renchérir sur le merveilleux. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle « merveilleux » et « merveilleuses » les petits-maîtres des XVIIIe et XIXe siècles (voir Merveilleuses & Merveilleux), et même déjà depuis le Moyen -Âge. C’est qu’alors, dans la mode, il y a de l’enchantement, de la grâce, du charme… de la magie… Il suffit de contempler des habits féminins et masculins de l’Ancien Régime pour s’en persuader. En admirant certains, on ne peut s’empêcher de penser à des descriptions de vêtements de féerie dépeints dans des contes.

Ci-dessous : Estampe de mode de 1779.

Les fées à la mode

Ces contes décrivent certains vêtements avec beaucoup d’imagination, une imagination qui habille les personnages d’une façon fabuleuse ou bien avec la grâce toute simple d’une bergère ou d’un berger. La beauté est parfois nue, parfois extrêmement habillée, parfois cachée… par exemple sous une peau d’âne. La féerie ne connaît pas de limites. Ses descriptions sont libres, sans contraintes : Un coup de baguette magique et apparaît la plus merveilleuse des robes, le plus fabuleux des carrosses, le plus magnifique des équipages.

Au-delà des descriptions d’habits éblouissants, les contes mettent aussi en scène des personnages ayant au moins un vêtement caractéristique ou une particularité physique : le Chat botté, le Petit chapeau-rond-rouge, Peau d’âne, Barbe bleue, Riquet à la houppe, le Petit poucet, la Belle au bois dormant, Blanche belle, Jeune et Belle, Plus belle que fée, etc. La beauté est corollaire au merveilleux. Elle est parfois confrontée à une laideur tout aussi extraordinaire. Cette dernière peut se cacher derrière la beauté, comme pour la méchante belle-mère de Blanche-Neige et son miroir magique qu’elle consulte afin d’être sûr qu’aucune femme ne la surpasse en beauté !

Les fées à la mode

Quelques extraits :

Le Maître Chat in Histoires ou Contes du temps passé (Contes de ma mère l’Oye) de Charles Perrault.

« Le roi ordonna aussitôt aux officiers de sa garde-robe d’aller quérir un de ses plus beaux habits pour monsieur le marquis de Carabas. Le roi lui fit mille caresses, et, comme les beaux habits qu’on venait de lui donner relevaient sa bonne mine (car il était beau et bien fait de sa personne), la fille du roi le trouva fort à son gré, et le marquis de Carabas ne lui eut pas jeté deux ou trois regards, fort respectueux et un peu tendres, qu’elle en devint amoureuse à la folie. »

Ci-dessous : Centre d'une assiette du premier tiers du XIXe siècle.

Les fées à la mode

« AUTRE MORALITÉ : / Si le fils d’un meunier avec tant de vitesse / Gagne le cœur d’une princesse / Et s’en fait regarder avec des yeux mourants, / C’est que l’habit, la mine et la jeunesse, / Pour inspirer de la tendresse, / N’en sont pas des moyens toujours indifférents. »

Ci-dessous : Le chat botté par Gustave Doré (1832 - 1883).

Les fées à la mode

Peau d’Âne de Charles Perrault in Contes du temps passé.

« Dites-lui qu’il faut qu’il vous donne. / Pour rendre vos désirs contents, / Avant qu’à son désir votre cœur s’abandonne. / Une robe qui soit de la couleur du temps. / Malgré tout son pouvoir et toute sa richesse, /Quoique le ciel en tout favorise ses vœux, /Il ne pourra jamais accomplir sa promesse. // Aussitôt la jeune princesse / L’alla dire en tremblant au prince impérieux, / Qui dans le moment fit entendre / Aux tailleurs les plus importants / Que, s’ils ne lui faisaient, sans trop le faire attendre, / Une robe qui fût de la couleur du temps, / Ils pouvaient s’assurer qu’il les ferait tous pendre. // Le second jour ne luisait pas encore, / Qu’on apporta la robe désirée : / Le plus beau bleu de l’empyrée / N’est pas, lorsqu’il est ceint de gros nuages d’or, / D’une couleur plus azurée. / De joie et de douleur la fille pénétrée, / Ne sait que dire, ni comment / Se dérober à son engagement. / “Ma fille, demandez-en une, / Lui dit sa marraine tout bas, / Qui, plus brillante et moins commune, / Soit de la couleur de la lune ; / Il ne vous la donnera pas.” // À peine la princesse en eut fait la demande, / Que le roi dit à son brodeur : / “Que l’astre de la nuit n’ait pas plus de splendeur, / Et que dans quatre jours, sans faute, on me la rende”. // Le riche habillement fut fait au jour marqué, / Tel que le roi s’en était expliqué. / Dans les cieux où la nuit a déployé ses voiles, / La lune est moins pompeuse en sa robe d’argent, / Lors même qu’au milieu de son cours diligent / Sa plus vive clarté fait pâlir les étoiles. // La princesse, admirant ce merveilleux habit, / Était à consentir presque délibérée ; / Mais, par sa marraine inspirée, / Au prince importun elle dit : / “Je ne saurais être contente, / Que je n’aie une robe encore plus brillante / Et de la couleur du soleil.” // Le prince après avoir assemblé son conseil, / Fit venir aussitôt un riche lapidaire. / Et lui commanda de la faire / D’un superbe tissu d’or et de diamants, / Disant que, s’il manquait à le bien satisfaire. / Il le ferait mourir au milieu des tourments. / Le prince fut exempt de s’en donner la peine ; / Car l’ouvrier industrieux, / Avant la fin de la semaine, / Fit apporter l’ouvrage précieux, / Si beau, si vif, si radieux, / Que le blond époux de Climène, / Lorsque sur la voûte des cieux / Dans son char d’or il se promène, /D’un plus brillant éclat n’éblouit pas les yeux. »

« Elle entrait dans sa chambre, et, tenant son huis clos, / Elle se décrassait, puis ouvrait sa cassette, / Mettait proprement sa toilette, / Rangeait dessus ses petits pots. / Devant son grand miroir, contente et satisfaite, / De la lune tantôt la robe elle mettait. / Tantôt celle où le feu du soleil éclatait. / Tantôt la belle robe bleue / Que tout l’azur des cieux ne saurait égaler ; / Avec ce chagrin seul que leur traînante queue / Sur le plancher trop court ne pouvait s’étaler. / Elle aimait à se voir jeune, vermeille et blanche / Et plus brave cent fois que nulle autre n’était. »

Les fées à la mode

« On lui donna le temps de prendre un autre habit. / De cet habit, pour la vérité dire, / De tous côtés on s’apprêtait à rire ; / Mais lorsqu’elle arriva dans les appartements, / Et qu’elle eut traversé les salles / Avec ses pompeux vêtements / Dont les riches beautés n’eurent jamais d’égales ; / Des dames de la cour et de leurs ornements / Tombèrent tous les agréments. »

Les fées à la mode

Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre de Charles Perrault, in Contes du temps passé.

« Cependant Cendrillon, avec ses méchants habits, ne laissait pas d’être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtues très-magnifiquement. »

« Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits & les coiffures qui leur siéraient le mieux ; nouvelle peine pour Cendrillon, car c’était elle qui repassait le linge de ses sœurs et qui godronnait leurs manchettes : on ne parlait que de la manière dont on s’habillerait. Moi, dit l’aînée, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d’Angleterre. Moi, dit la cadette, je n’aurai que ma jupe ordinaire ; mais, en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d’or, & ma barrière de diamants, qui n’est pas des plus indifférentes. On envoya quérir la bonne coiffeuse pour dresser les cornettes à deux rangs, & on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse. Elles appelèrent Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait le goût bon. Cendrillon les conseilla le mieux du monde, & s’offrit même à les coiffer, ce qu’elles voulurent bien. En les coiffant, elles lui disaient, Cendrillon, serais-tu bien aise d’aller au Bal : Hélas ! Mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n’est pas là ce qu’il me faut : tu as raison, on rirait bien si on voyait un Cucendron aller au bal. Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers ; mais elle était bonne, et elle les coiffa parfaitement bien. »

« Ensuite elle lui dit, va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l’arrosoir ; apporte-les moi, elle ne les eut pas plutôt apportés que la Marraine les changea en six Laquais, qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés, & qui s’y tenaient attachés, comme s’ils n’eussent fait autre chose de toute leur vie. La Fée dit alors à Cendrillon : Hé bien ? voilà de quoi aller au bal, n’es-tu pas bien aise ? Oui, mais est-ce que j’irai comme cela, avec mes vilains habits : Sa Marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, & en même temps ses habits furent changés en des habits de drap d’or & d’argent, tout chamarrés de pierreries : elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. »

« Toutes les Dames étaient attentives à considérer sa coiffure & ses habits, pour en avoir, dès le lendemain, de semblables, pourvue qu’il se trouva des étoffes assez belles & des ouvriers assez habiles. »

« Là-dessus arriva la Marraine, qui, ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres. »

« MORALITÉ // La beauté, pour le sexe, est un rare trésor ; / De l’admirer jamais on ne se lasse ; / Mais ce qu’on nomme bonne grâce / Est sans prix, et vaut mieux encore. // C’est ce qu’à Cendrillon fit avoir sa Marraine, / En la dressant, en l’instruisant, / Tant et si bien qu’elle en fit une Reine : / (Car ainsi sur ce conte on va moralisant.) // Belles, ce don vaut mieux que d’être bien coiffées : / Pour engager un cœur, pour en venir à bout, / La bonne grâce est le vrai don des Fées ; / Sans elle on ne peut rien, avec elle on peut tout. »

Les fées à la mode
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Hautes coiffures féminines de 1778

Les Petits-maîtres de la Mode

Dans un almanach de 1778, se trouve la gravure présentée ici. Celle-ci, bien que n’étant pas d’une grande qualité de réalisation, est très intéressante, ainsi que le texte de l’article qu’elle illustre.

L’estampe a pour légende : « Deux Représentations aussi curieuses que remarquables particulièrement pour le Beau-Sexe adonné à la Mode ». On y voit une dame à sa fenêtre enlevant sa perruque d’une main, et d’autres réunies dans un salon, portant des coiffures en forme de paon, de cygne, de renard, de lion, de tigre, une reproduisant une bataille navale (ou un port) et une autre une ville fortifiée.

Les Petits-maîtres de la Mode

L’article est intitulé : « Description remarquable d’un habile Coiffeur de Sibérie & des Coiffures très curieuses qu’il exécute. » Il commence par la transcription d'une traduction d’une lettre qui viendrait de Saint-Pétersbourg en Russie, où un coiffeur sibérien se serait installé avec sa femme. Les usages qui y sont décrits sont ceux qui sont inventés et se pratiquent alors en France, en particulier à Paris. Ce coiffeur est dépeint comme un artiste rejetant « entièrement l’usage des épingles, des coussins de cheveux & de la poudre ». « Au lieu de graisse humaine [sans doute est-ce une faute, et faut-il lire : « graisse animale »] ou d’autres onguents pour faire croître les cheveux, il emploie les plantes aromatiques avec beaucoup de succès. Ses coiffures surpassent toutes les autres, & font naître une admiration qui va jusqu’à l’étonnement ; car il métamorphose la Tête des Dames à leur fantaisie, en celle d’un lion, d’un loup, d’un tigre ou d’un renard […] Ce n’est pas tout, outre les figures de ces animaux, une tête prend encore sous ses mains ingénieuses la forme d’une forêt, d’une ville avec ses murailles & leurs meurtrières, d’un port avec des vaisseaux, &c. Il possède aussi le secret de donner aux cheveux la couleur qu’on désire […] il change les cheveux, suivant la mode en brun, en cramoisi, en vert, &c. » Il est dit que ce coiffeur invente une machine empêchant les hautes coiffures d’être dérangées pendant la nuit, et qu’il a l’art d’allonger les cheveux avec l’aide « de petits tubes délicats dans lesquels il introduit des cheveux faux, & qu’il adapte & affermit si artistiquement avec une colle subtile qu’on ne peut les distinguer avec les naturels ; par le moyen de cette invention ingénieuse les dames peuvent élever sur leurs têtes des édifices de 3, 4, 5 pieds et plus ». Un pied représentant alors autour de 30 cm, la mesure de cinq pieds correspond à peu près à 1,50 m ! Afin que les petites dames ne soient pas désavantagées, il aurait même inventé des échasses (sans doute des sortes de patins, voir articles sur le sujet dans mon blog) pour celles-ci « qui s’adaptent d’une manière si délicate qu’on ne peut les distinguer d’avec les pieds naturels, & qu’on s’en sert aussi commodément que de ceux-ci, si ce n’est qu’elles font un peu chanceler en marchant, manière de marcher qui commence à devenir à la mode parmi les dames à sentiment. » Cet article se poursuit en nous apprenant que « la femme de cet artiste » réalise des coiffes à « ressorts, afin que lorsque les dames descendent de voiture, elles puissent recouvrer la hauteur de leur coiffure. » Elle remplace aussi les « modernes ornements de fleurs » par des plantes aromatiques, etc. Au XVIIIe siècle, les coiffeurs sont considérés comme des « artistes en cheveux ». Là aussi, j'ai beaucoup écrit sur ce sujet dans mon blog.

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En complément de cette lettre, l’article se poursuit en faisant état d’un « accident fâcheux » arrivé à une dame de Londres, s’étant mise à une fenêtre à laquelle sa « coiffure à la mode » s’accrocha : « La dame un peu déconcertée voulut se retirer ; mais elle l’essaya en vain, & malgré tous ses efforts, elle fut obligée de rester quelque temps dans cette posture ridicule, au grand divertissement des spectateurs. Un clou qui était au haut de la fenêtre & par-dehors, s’accrocha tellement au fil d’archal de la frisure, qu’il lui fut impossible de se débarrasser. Enfin à force de se débattre, elle retira sa tête seulement, laissant à sa grande honte, cet énorme édifice de frisure suspendu au clou de la fenêtre comme un monument de son goût extravagant pour la mode. »

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On trouvera quelques autres exemples de coiffures féminines de la même époque dans les articles suivants ainsi que d’autres de ce blog : Les Macaronis, Coiffure en « échelle de boucles », Coiffures à la mode entre 1788 et 1790, Deux coiffures du XVIIIe siècle, etc.

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Extravagances régionales

Les Petits-maîtres de la Mode

Si la mode parisienne du XIXe siècle ne manque pas de fantaisie, les costumes régionaux de l’Hexagone rivalisent aussi ‘d’extravagance’. À la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, en même temps que le tourisme régional se développe, un grand nombre de photographies de ces tenues ‘traditionnelles’ sont éditées sous la forme de cartes postales. Des exemples gravés plus anciens existent, sous la forme notamment de recueils de gravures, depuis le XVIe siècle jusqu’au XIXe inclus. Je présente ici certaines de ces images des XIXe et XXe siècles. Ce sont surtout les coiffes qui sont remarquables par leurs dimensions notamment. Elles rappellent souvent des tenues très anciennes, médiévales, comme le hennin, dont on trouve des exemples dans cet article. Les coiffes ci-dessous sont normandes, alsaciennes et du sud-ouest de la France (Île d'Oléron, Les Sables-d'Olonne...). La dernière photographie présente un costume toulousain. Je rappelle que le terme de « costume » vient de « coutume » !

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Vêtements religieux contemporains reliquats de l’habit antique

Les Petits-maîtres de la Mode

Dans l’article intitulé L’armure : L’ancêtre du vêtement moderne, je montre que le vêtement moderne a une origine médiévale suivant le développement de l’armure. Vers le XIIIe siècle, en Occident, l’habit antique est progressivement abandonné au profit du moderne, taillé et plus complexe. Cependant, des éléments du costume antique sont conservés jusqu’à aujourd’hui à travers certains costumes ecclésiastiques du monde entier.

Dans la religion catholique, la chape peut être comparée à des manteaux antiques et médiévaux tenus par une agrafe, de même que d’autres formes de manteaux, le mantelet, etc. La chasuble, à deux pans et sans manches avec une ouverture pour la tête, rappelle un autre genre de manteau ou de tunique de dessus. La soutane, non seulement est une réminiscence de la tunique antique mais aussi de la robe médiévale qui est portée par les deux sexes, de même que pour l’aube. La coule, aussi appelée cuculle (du latin cucullus), est un habit à capuchon déjà porté chez les Romains et surtout par les Gaulois et pendant tout le Moyen Âge. Chez les protestants, on compte la robe pastorale, chez les orthodoxes le manteau (mantiya), chez les musulmans la djellaba (aussi vêtement laïque), etc. En Asie, tuniques et vêtements drapés comme durant l’Antiquité sont nombreux, comme ceux utilisés par les religieux bouddhistes, et en Inde même par les laïques, comme pour le sari.

Les multiples robes ecclésiastiques rappellent que la robe était autrefois un vêtement en usage chez les deux sexes. Dans le Paris d’aujourd’hui, on voit de nombreux Africains (aussi des Pakistanais…), souvent musulmans en porter. Est-ce que ceux-ci vont remettre au goût du jour la robe chez les hommes ? Dans les années 1980, Jean-Paul Gaultier (né en 1952) n’est pas vraiment arrivé à imposer la jupe chez ceux-ci. Pourtant, elle est une réminiscence de vêtements antiques aussi portés par les hommes, notamment des drapés couvrant parfois seulement la taille et les jambes, le drapé permettant une grande variété de compositions ; elle rappelle aussi certaines sortes de pourpoints et de courts manteaux du XVe siècle et du début du XVIe.

C’est avant tout pour des raisons pratiques que, dans son histoire, le costume change et notamment se féminise ou se masculinise, dans ce cas non pas pour des raisons de différence entre les sexes, mais par commodité. Dans les religions, l’aspect pratique est moins mis en avant que le confort, d’où la conservation de vêtements antiques et médiévaux. De même, l’habit religieux se démarque profondément des modes, les religions condamnant souvent celles-ci ou les 'méprisant'. L'habit rapiécé du Bouddha Shakyamouni et la robe de bure de moines en sont des exemples. Pourtant, même si les vêtements religieux sont souvent très sobres, ils peuvent être très nombreux, suivant les offices, les congrégations, les échelons ecclésiastiques, etc., et parfois très travaillés et précieux. Depuis au moins le XVIe siècle, de nombreux ouvrages illustrés sont publiés répertoriant ces divers costumes. On peut en voir un ici datant de 1658 et ici un autre sans doute du début du XVIIIe siècle.

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Merveilleuses & merveilleux