Costumes féminins de la fin de 1786 et de 1787. Première partie : La mode de sortir en redingote d’homme et en chemise et bonnet de nuit  !

Merveilleuses et merveilleux

Je possède quelques gravures de mode de la seconde année (20 novembre 1786 au 10 novembre 1787) de la revue Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises. En voici quelques-unes présentées dans deux articles, celui-ci étant le premier.

Si, en 1786 – 1787, la mode se simplifie et annonce celle des merveilleuses du Directoire (1795 – 1799), elle n’en reste pas moins très originale. À l’époque, chez les femmes, il est en vogue de porter une redingote d’homme, de même que de sortir le jour en bonnet de nuit et la chemise de dessous au-dessus (robe en chemise) ! C’est un peu comme si aujourd’hui la mode était de se promener en pyjama, voire en chemise de nuit ! En effet, depuis le Moyen Âge inclus, la chemise est un vêtement de dessous féminin et masculin, celui qui est le plus près de la peau, qui la touche. Elle est dans le prolongement de la première tunique de l’Antiquité. Lors de son apparition, la robe en chemise étonne donc forcément. On en trouvera des exemples dans l’article intitulé Élisabeth Louise Vigée Le Brun : la première rétrospective française de cette femme artiste ! et cet autre : Hommage à Madame Vigée Le Brun.

Merveilleuses et merveilleuxLe personnage, ci-dessus et à gauche, provient de la première estampe du premier cahier, du 20 novembre 1786, de cette « seconde année ». Voici la manière dont cette jeune dame est décrite :

« En récapitulant tous les Cahiers où nous avons représenté des femmes vêtues de redingotes d’hommes, il sera aisé de voir quelles ont été en peu de temps les variations de la Mode. Voici encore une redingote qui prouve que sa marche ne s’est point ralentie. C’était le pas le plus difficile à franchir que celui-ci, & elle l’a franchi ; c’était la forme la plus brillante & la plus agréable à prendre, & elle s’en est emparée.

La Femme représentée dans la PLANCHE Ire, porte une redingote de drap [tissu de laine] vert foncé, brodée en or sur le devant, aux poches de côté, coupées en long, & aux parements ; Sous cette redingote, un jupon de satin rose glacé ; Sur le col, un ample fichu de gaze, en chemise, à deux collets ; À ses pieds, des souliers roses, falbalassés d’un ruban vert, Sur sa tête, un chapeau de paille, doublé d’un taffetas ou d’un satin queue de serin [sorte de jaune tendre], à raies noires, dont la calotte très-bouffante est de crêpe rose, à petites raies noires, & qui est ceint d’un large ruban vert pâle, liseré de blanc, relevant le chapeau sur le côté droit, le tenant incliné sur le côté gauche, & formant sur ce côté un gros nœud, dont les bouts viennent retomber très-bas par-derrière. Ses cheveux sont frisés en tapet jusqu’au milieu, & en grosses boucles depuis le milieu jusqu’à la fin. Par-derrière, ils sont relevés en chignon plat. Deux grosses boucles tombent en flottant sur le sein de cette femme, qui est appuyée sur un socle, & qui tient un livre à la main. »

Certaines des gravures de la revue Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises, sont copiées à l’époque. Dans Répertoire de la gravure de mode française des origines à 1815 (Paris : Promodis, 1988), Raymond Gaudriault écrit que des images de cette revue parisienne sont imitées et éditées à Liège : « mais la copie ne paraît concerner que les cahiers de la première année (nov. 1786 – à nov. 1787). » L’image est identique, avec les mêmes mentions, exceptées les signatures, qui sont omises, et « L’image est assez souvent inversée ». Il faut ajouter que la qualité de la gravure est moins bonne.

Merveilleuses et merveilleux

On retrouve ces caractéristiques dans l’image ci-dessus, qui est une de ces copies duMerveilleuses et merveilleux XVIIIe siècles de Liège. L’image est identique, mais les personnages inversés, le graveur ayant sans doute utilisé un calque. L’exécution est un peu moins fine, ce qui est toujours plus évident au niveau des visages, qui non pas la même grâce du minois. Il s’agit d’une copie de la planche III du Magasin des modes… du 30 décembre 1786. L’auteur y évoque la mode du bonnet de nuit et de la robe en chemise !

« Nous avons dit dans le second Cahier de cette seconde Année, que les femmes ne sortaient guère le matin qu’en bonnets de nuit, lorsqu’elles n’étaient point parées ; nous devons ajouter ici que beaucoup mettent une chapeau-bonnette par-dessus les bonnets de nuit. De cette manière, celles-ci se donnent un air de demi-parure qui sauve ce trop grand négligé que présentent à l’oeil les simples bonnets de nuit, qui ne seraient jamais supportables sans la mode. Comment cette mode a-t-elle pu prendre ? Nous nous creusons la tête pour l’imaginer, & nous n’y réussissons pas. Il nous est même impossible de le concevoir, lorsque nous pensons qu’il y a si peu de femmes qui aient un air séduisant en bonnet de nuit. Tout ce que nous pouvons trouver, c’est que les femmes ont consenti de renoncer à plaire pendant tMerveilleuses et merveilleuxelle partie du jour. Pouvons-nous avouer cette belle invention, sans craindre qu’on ne nous reproche de prononcer que blasphème contre le goût des Dames ?

La Femme vêtue d’une robe de satin violet [à droite au-dessus], porte sur un bonnet de nuit un chapeau bonnette de gaze, à raies violettes & raies blanches, ceint d’un large ruban vert pomme, à raies blanches, formant un gros nœud sur le côté gauche [ici à droite]. Elle porte un fichu à trois rangs, attaché sur le devant avec une épingle en or ; des boucles d’oreilles d’or à la Plaquette. Ses cheveux sont roulés sous son bonnet de nuit, & laissent échapper, de chaque côté, deux grosses boucles qui lui tombent sur le sein ; par-derrière ils sont relevés en chignon plat.

La Femme [image de gauche] vêtue d’une robe en chemise de taffetas des Indes ouatées, porte un chapeau-feutre noir, bordé d’un plumet blanc, à pointes roses détachées, ceint, jusqu’au-dessus de la calotte, de larges rubans, à raies blanches & à dessins violets. Ces rubans se passent dans une longue & large boucle d’acier, & y forment un gros nœud sur le côté droit. De dessus ce nœud, s’élèvent trois grosses plumes, verte, violette, & verte & rose, & une aigrette de plumes de coq couleur de feu. Sur le col, un ample fichu, attaché avec une épingle d’or, à large tête en croissant. Aux oreilles des boucles d’or à la Plaquette. Elle est frisée tout en tapet, d’où se détachent, de chaque côté, trois grosses boucles, dont deux lui tombent sur le sein. Par-derrière, ses cheveux sont relevés en chignon plat. »

Merveilleuses et merveilleuxLa gravure de droite est une autre copie du XVIIIe siècle, de Liège. Le personnage est ici aussi inversé, et l’estampe n’est pas signée. Elle reproduit la planche I du Magasin des modes… du 10 février 1787. On est frappé par la relative simplicité de la tenue, par rapport à ce qui se fait avant, et de son peu d’ornementation, tout ceci annonçant les merveilleuses.

La personne représentée est « vêtue d’un caraco de satin vert pomme, coupé vers le milieu de la taille ; comme l’étaient, il y a deux ans, les habits d’homme, de manière à laisser voir le bas de la pièce d’estomac, ou du gilet fait de satin blanc. Six rosettes blanches de ruban-satin garnissent les devants du caraco. Les manches de ce caraco sont de gaze blanche, plissée, laissant apercevoir un transparent rose. Au bout sont des manchettes de gaze blanche découpées, à deux rangs. La Femme est aussi vêtue d’un jupon de satin rose, garni d’un très-long falbalas de gaze blanche, orné d’une guirlande de roses artificielles. Elle est coiffée tout en cheveux [sans chapeau ou bonnet…], à petites boucles détachées, n’ayant sur la tête qu’un bouquet de roses artificielles, tombant sur la droite, qu’un nœud de ruban-satin gros vert, & qu’une aigrette de plumes de coq noires, à pointes couleur de feu. Deux grosses boucles, de chaque côté, lui tombent sur le sein. Ses cheveux, par-derrière, sont liés en très-gros catogan, à boucle renversée. […] Qu’on ne craigne pas d’être trop peu paré avec cette simple coiffure. Une jeune personne que nous adorons, a paru, il y a quelques jours, dans cet accoutrement ; elle nous a paru superbe. Sur son col, un fichu-jabot d’homme, & à deux collets. Cette nouvelle forme de fichu, qui découvre un peu le sein des femmes, remplace, & fait disparaître les fichus-chemises, qui ont duré si longtemps. À ses pieds, des souliers de satin vert pomme, falbalassés d’un ruban-satin blanc. »

Pour conclure cet article, et afin de faire le lien avec le précédent, voici deux miniatures représentant une femme des années 1780 en buste.

La première, ci-dessous, est une peinture, peut-être sur ivoire ou autre support naturel, qui me semble d’époque (vers 1787), même s’il est difficile de l’affirmer. Le cadre ne l’est pas et la plaquette est collée sur un support récent. Cette jeune femme a les cheveux coiffés en échelles de boucles, poudrés et surmontés d’un bonnet embelli d’une couronne végétale. Un nœud jaune tendre est posé sur sa poitrine décolletée avec un collet qui semble de mousseline. Sa robe est d’un rouge orangé. Le costume est donc assez simple, mais raffiné.

Merveilleuses et merveilleux
Sur l’autre miniature, ci-dessous, avec et sans cadre, la jeune femme est de profil. Son costume est encore plus simple et de vers 1786 – 1790, avec une chevelure (perruque ?) poudrée et frisée en tapet, à laquelle est ajoutée une sorte de catogan en cheveux, ce qui se fait beaucoup alors. Son chapeau est agrémenté de trois plumes d’autruche. Elle porte un ample fichu de gaze et ce qui est peut-être une robe en chemise ou un manteau là aussi très ample.
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Merveilleuses & merveilleux