Le bon air

Merveilleuses et merveilleux

Un art de l’élégance peut être appelé celui de l’enveloppement. Il est hérité de l’Antiquité et de l’usage des habits drapés, et occupe une grande importance dans la manière française. Ce qu’on enveloppe ici, c’est le bon air, l’air sain, un zéphyr de plaisir, une brise bienfaisante mêlée d’une lumière pétillante, faisant frisonner de bien-être et dans laquelle l’âme se pâme, se source, jouit pleinement du moment. C’est un art du drapé, de l’étoffe aussi, douce, belle, propre, et de la propreté bien sûr, non seulement de l’habit, mais du corps et de l’esprit surtout. Il s’agit d’un talent du mouvement, à la manière d’une nage dans un lac d’ambroisie ou d’une danse parmi les étoiles des neuf sphères célestes, mais simplement ici et maintenant dans l’air du temps qui se déploie toujours changeant et pourtant distillant des instants d’éternité. L’air est impalpable, mais porte avec lui miasmes ou douces voluptés. De même le fait l’air de l’âme, produit des mouvements de l’esprit. L’esprit lui aussi bat, comme le coeur ; il respire. Autrefois, être du bel air consiste non seulement à être dans le vent, comme on dit déjà, mais aussi d’avoir de l’esprit, de la finesse. Il s’agit d’une capacité à distiller autour de soi un air sain, un confort crépitant doucement de joie, une atmosphère belle et bonne, un climat non pollué, non entravé.

Dans la mode française, certains merveilleux et élégants connaissent ce ton du bel air. Ils savent non seulement le reconnaître, le sentir, l’apprécier, mais aussi le garder, l’envelopper dans le mouvement : le doux froissement de leurs étoffes, la finesse de leurs dentelles, l’odeur exquise de la propreté, les ondulations chaloupées de leurs bijoux, boucles de cheveux, passements, etc.

À bon air entendu…

Ci-dessus à gauche, détail du frontispice de la première partie d’Histoire d’Hypolite, comte de Duglas de la baronne d’Aulnoy (1651 – 1705) dans une édition de 1699.

Dans les années 1780 les merveilleuses semblent emmitouflées dans des draps (tissus de laine) blancs, des voiles, des dentelles, de grands chapeaux et autres poufs, des cheveux aux multiples boucles, des robes en chemise, etc., comme dans la première figure ci-dessus. De ces coiffes sort une multitude de rubans, voiles, dentelles, tissus variés, plumes, parfois fleurs et autres, comme dans l'exemple ci-dessous qui est un « Bonnet en Gueule de loup ».

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessous, le diadème possède des voiles, rubans et fleurs. Les cheveux sont coiffés avec diverses sortes de boucles.

Merveilleuses et merveilleux

Avant les années 1830, la mode féminine est à nouveau aux grands chapeaux garnis de plumes, voiles et rubans les traversant. Ci-dessous, l’estampe est de 1828, et la merveilleuse porte aussi une longue écharpe.

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessous : Gravure du début du XVIIIe siècle. À cette époque, les hommes ont souvent davantage de rubans et autres passements que les femmes. La perruque est immense et bouclée, tombant jusqu’au bas du dos. La cravate est de dentelle. On remarque aussi les galons, rubans, gros boutons, dentelles, tissus satinés (damas…), etc. Celui de droite a une écharpe nouée autour de la taille, ce qui est alors à la mode.

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessous : Autres exemples de la même époque que précédemment, mais d’une fille et d’une femme de qualité, « en habit d’automne » et « en habit d’hiver ».

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessous : Illustrations d’une édition du XVIIIe siècle d’Abdeker ou l’Art de conserver la beauté, tome I. Décontraction et beauté obligent...

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

Pour finir cet article et faire le lien avec le précédent, ci-dessous une chromolithographie avec un élégant, de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe, portant un long manteau, genre gâteuse, que les gommeux apprécient. Il s’agit d’une publicité du grand magasin parisien de vêtements : « Maison de la Belle Jardinière ». La légende indique : « Je l’ai choisie ample, large, parce que j’ai horreur de la gêne dans l’existence. »

Merveilleuses et merveilleux

C
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