« À table ! Service et arts de la table français » au château de la Grange à Manom.

« Pour celles et ceux qui n'auraient pas pu assister à la visite thématique de juillet, une séance de rattrapage est possible dimanche ! La vaisselle XVIIIe de la compagnie des Indes sera exceptionnellement présentée et la table dressée avec les couverts (très rares) du XVIIIe siècle, disposés à l'envers à côté de l'assiette ! La fourchette ne fait qu'une timide apparition, elle nous vient d'Italie tandis que les verres ne sont jamais présents sur la table...

Mais au fait que mangeait-on précisément, dans quel ordre les plats arrivaient-ils à table ? À la cour de Lunéville, très brillante, la fille de la Palatine devenue duchesse de Lorraine avait fait construire une table volante... À laquelle on a sans doute mangé des "Pâtés de mauviettes" !

[...]

Je ressusciterai un peu de cette douceur de vivre avec vous dimanche dans cette belle maison qu'est La Grange.

Bien cordialement,

Flora Moritz »

En savoir davantage en cliquant ici.

Photographies de Flora Moritz.

Voir les commentaires

La céramique du Beauvaisis : Entretien avec M. Sylvain Pinta.

 M. Sylvain Pinta, chargé des collections céramiques du MUDO, Musée de l'Oise de Beauvais, a eu l'extrême amabilité de nous entretenir sur les terres cuites du Beauvaisis.

– Quelle est la caractéristique de la céramique du Beauvaisis ?

La céramique du Beauvaisis se caractérise par la présence d’argiles de différentes natures (bleuâtre, gris foncé, beige, rose, violet, rouge ou parfois mêlées) mises à découvert sur près de 85 km de long par un effet d’érosion de l’anticlinal de Pays de Bray. Ces argiles de grandes qualités associées à de grandes surfaces boisées ont permis de développer au fil des siècles cette activité et d’être un centre de production novateur et reconnu en France et en Europe. Bernard de Palissy vante la valeur des argiles du Beauvaisis, Ambroise Paré loue la qualité des grès de Beauvais, Alexandre Brongniart conseille le Beauvaisis à Jules Ziegler pour la création d’un atelier.

– Depuis combien de temps cette terre est-elle utilisée ? Est-il vrai que l’on fabrique de la céramique en Beauvaisis depuis le néolithique jusqu’à aujourd’hui sans interruption ?

La production en Beauvaisis est attestée depuis près de deux mille ans. Les fouilles archéologiques ont mis à jour un grand centre céramique, le plus important de la région pour le Ier siècle à Aux Marais, village à quelques kilomètres de Beauvais. Déjà à cette époque, les céramiques du Beauvaisis sont de grande qualité. Ce centre se divise en deux zones d’activité. L’une au centre du village regroupe des tuiliers qui utilisent de l’argile rouge, l’autre à l’écart, rassemble les potiers qui se servent d’argile grise. La production est attestée les siècles suivants comme à Rainvillers (IIe siècle). Pour l’époque Mérovingienne, les ateliers de potiers restent inconnus, mais les fouilles archéologiques menées à Beauvais prouvent que l’activité se poursuit pendant le haut Moyen-Age.
Il est certain que par la richesse de ses argiles, l’activité de la céramique s’ancre à tout jamais dans le Pays de Bray.

Ainsi en 1803, dans sa Description du Département de l’Oise, Jacques Cambry, premier préfet de l’Oise indique :

« Les poteries de Savignies sont de la plus haute antiquité ; on peut en juger par l’identité des vases qu’on trouve au fond des puits de ce village, et dans les fouilles de Bratuspance.
La seule tradition transmise de père en fils dans Savignies est que S. Pierre et J.C. sont venus visiter ces lieux
» (sic).

– Comment a évolué la production potière au long des siècles ?

Au Ier siècle, les poteries d’usage commun sont à pâte blanche. Il s’agit de cruches, de brûle-parfums, de mortiers… principalement diffusés dans le Beauvaisis. Au IIIe siècle, les fouilles démontrent un essor majeur des productions en pâte grise avec une large diffusion sur Beauvais et ses environs. Entre le Ve et VIIIe siècles, la technique évolue, avec des céramiques plus rugueuses. Dès le IXe siècle, les pièces sont tournées plus rapidement, les pâtes deviennent plus fines. La cuisson plus maîtrisée les rend plus sonores. Le décor peint à l’ocre rouge réapparait alors. Cet ornement perdure jusqu’au XIVe siècle. Au XIIIe siècle, les formes évoluent et deviennent plus élancées.

Dès le premier tiers du XIVe siècle, grâce à une bonne connaissance des argiles et l’utilisation de nouveaux fours plus performants, les potiers de Saint-Germain-la-Poterie opèrent une véritable révolution technique et découvrent un nouveau matériau, le grès. L’argile à grès, naturellement présente dans le Beauvaisis, cuite entre 1150 et 1350 °C, offre une paroi fine, imperméable et légèrement vitrifiée.

La finesse d’exécution et l’utilisation d’une argile pure permet au grès du Beauvaisis d’être considéré au XVe siècle comme un produit à la mode, d’une grande élégance, diffusé dans tout le royaume et exporté à l’étranger. Au XVIe siècle, le Beauvaisis reste un centre céramique français avec la production de terres vernissées au sel de plomb, qui prennent la forme de plats à décor gravé, écuelles… dont les plats a sgraffiato. Le potier applique un engobe d’une couleur différente sur la pièce déjà tournée. Il grave ensuite un décor jouant sur les différences de couleurs avant de faire cuire et émailler la céramique. Au XVIIe et au XVIIIe siècles, la production se poursuit avec certains plats décorés à la corne.

Le XIXe siècle est un siècle de mutation et de renouveau. En 1839, le peintre Jules Ziegler s’installe à Voisinlieu, et introduit la production du grès salé en France. Ses grès sont originaux par leurs formes moulées ou par les décors appliqués, et une couverte marron caramel est obtenue par cuisson de chlorure de sodium en fin de cuisson. Jules Ziegler redonne alors un lustre artistique à une matière devenue commune. Les potiers brayons reprennent cette technique pour créer des objets utilitaires comme des pots à tabac… La mécanisation se développe également dans les ateliers qui deviennent parfois de véritables usines comme la Manufacture Boulenger, la première à produire des carreaux à décor incrusté en France. Après avoir pressé la terre dans un  moule en relief de plâtre, les creux sont remplis d’une terre colorée liquide, la barbotine. Les décors reprennent le goût de l’époque (carreaux d’inspiration médiévale, ou plus décoratifs pour créer de véritables tapis de sol). Les carreaux vont faire l’objet de recherches et de dépôts de brevets. En 1889, Octave Colozier reprend et modernise l’entreprise familiale pour produire à très grande échelle des carreaux à décor selon un procédé de poudres argileuses sèches. A côté de ces usines, dont les tuileries, se poursuit une activité artistique. Auguste Delaherche, parmi les premiers découvreurs du rouge sang de bœuf tant convoité au XIXe siècle, est un artiste mondialement reconnu. Johan Peter Gréber fonde une manufacture qui diffuse, à travers une dynastie d’artistes, pendant près d’un siècle, des céramiques architecturales ou décoratives très recherchées. Au XXe siècle, Charles, Pierre et Françoise Gréber marquent la céramique beauvaisienne. A la fin des années 1960, une nouvelle génération d’artistes et de potiers prend la relève de Pierre Pissareff et d’André Boucher. Parmi eux, Jean-Michel Savary, Jean-Louis Nigon, Jean-Luc Noël, puis Patrice Deshamps, Monique Lesbroussart… Aujourd’hui l’association Potiers et Céramistes de l’Oise regroupe 21 potiers.

– Quelles sont les plus belles pièces en céramique du Beauvaisis que possède le MUDO ?

Il est toujours difficile de faire un choix parmi les près de 5 500 pièces que compte la collection céramique du MUDO-Musée de l’Oise, ce qui en fait une des plus riches collections de céramiques en France. Certaines pièces emblématiques proviennent de la collection céramique sauvée de la destruction du musée pendant la Seconde Guerre Mondiale, comme les épis de faitage en terre vernissée du XVIe siècle (Musicien à la vieille, Musicien à la harpe), ou le Plat de la Passion, plat entièrement moulé daté de 1511 et entré dès la constitution des collections du musée en 1843. D’autres pièces démontrent la qualité des grès du Beauvaisis comme le Godet à anneaux en grès du XVe siècle donné par Pierre Pissareff. Le musée possède également de très beaux ensembles céramiques provenant de généreux donateurs comme l’ensemble de plats du XVIIIe siècle en terre vernissée de Savignies provenant du legs de Gaston Mourgues de Carrère en 1932, de la plus riche collection de céramiques d’Auguste Delaherche, le maître céramique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle constituée autour du legs de Jeanne Delaherche (au total près de 650 céramiques) ou du don en 1980 par le potier Pierre Pissareff de sa collection comportant notamment des grès, des terres vernissées ou des faïences caractéristiques de la production des manufactures brayonnes au XIXe siècle (près de 650 céramiques également). Les derniers coups de cœur iraient pour la Cheminée aux Paons, chef d’œuvre d’Auguste Delaherche constitué de 105 morceaux, entré dans les collections en 2000, ou le Plat décoré a sgraffiato du XVIe siècle acquis avec trois autres céramiques exceptionnelles en décembre dernier, par préemption de l’Etat pour le MUDO, lors de la mise en vente publique de la collection d’E. Chami, spécialiste de la céramique beauvaisine.

– Quelles sont les dernières découvertes archéologiques ?

Dans les dernières découvertes archéologiques, le Service archéologique de la Ville de Beauvais a eu l’occasion d’effectuer les fouilles d’un site cher aux Beauvaisiens, qu’est l’ancienne manufacture Greber. Certaines de ces pièces sont actuellement visibles au MUDO, dans l’exposition « Vivre, créer, Découvertes récentes et énigmatiques archéologiques dans l’Oise », notamment un moule en plâtre de la plaque publicitaire de la manufacture de Pierre Gréber que possède le musée.

Dans l’exposition « Autour d’une même terre », deux doubles gourdes en grès du XVe siècle découvertes à Savignies, actuellement déposées pour étude au Service archéologique de la Ville de Beauvais, sont remarquables par leur finesse d’exécution et l’interrogation sur la nature de leur usage. Sont-elles des gourdes à usage liturgique pour transporter à la fois l’eau bénie et le vin ?

Dernièrement, une fouille préventive menée par le Service archéologique du Département de l’Oise a permis de mettre à jour un four à Saint-Léger-en-Bray.

– Où peut-on contempler de bels exemples in situ d’éléments architecturaux et ornementaux réalisés en céramique du Beauvaisis ?

 Dans Beauvais, il est possible de voir de beaux ensembles de constructions agrémentées de céramiques architecturales Art Nouveau comme Avenue Victor Hugo, sur le Boulevard Saint André ; de l’Entre-Deux-Guerres sur la façade de l’ancien atelier de céramique au Lycée des Jacobins, rue des Jacobins ; ou réalisées après-guerre sur la façade de la Poste de Beauvais ou encore la Maison Biaggi 29 rue Malherbe. Plus récemment, Jean-Michel Savary a réalisé des ensembles de céramique architecturale. En 2001, une fresque lui a été commandée par la ville de Beauvais pour parer la gare, et en 2008, il participe à l’ornementation du complexe Aquatique Aquaspace.

Le Beauvaisis comporte également parmi les façades les plus remarquables, les façades catalogues [sur les Maisons-catalogues de céramistes voir ici] de la Maison Boulenger, construite vers 1885-1887, Avenue Foch à Auneuil, et celle de la Manufacture de Charles Gréber rue de Calais à Beauvais. En 1911 il pare de céramiques la maison à pans de bois qui sert de magasin. Ces deux maisons sont classées Monument historique.

En France, les céramiques architecturales du Beauvaisis ont paré des halles et se trouvent encore sur les villas balnéaires comme sur la côte picarde à Ault-Onival.

Photographie du haut : Grands plats du XVIe siècle en terre cuite glaçurée. Celui de gauche est à « décor avec sentence à double sgraffiato, D. 40,7 cm, H. 7 cm ». Le second est en « grès azuré » avec un « décor estampé aux armes de France », « D. 31 cm, H. 6 cm. Musée départemental de l'Oise, dépôt du musée national de Céramique, Sèvres. » Photographie et textes provenant de Dossier de l'Art, hors-série n°17, intitulé « Beauvais : Ville d'art et d'histoire ».

Photographie de gauche : « Cruche à décor d'entrelacs tressés peints en rouge formant des tourbillons, XIe siècle. Terre cuite peinte, H. 28,2 cm, D. 27,1 cm. Photographie et texte provenant de Dossier de l'Art, hors-série n°17, intitulé « Beauvais : Ville d'art et d'histoire ».

Photographies de droite et de gauche : « Plat dit "plat de la Passion", XVIe siècle. Terre cuite glaçurée à décor estampé et glaçure de manganèse brun. D. 36,4 cm, H. 6,4 cm. » Photographie et texte provenant de Dossier de l'Art, hors-série n°17, intitulé « Beauvais : Ville d'art et d'histoire ».

Photographie de droite : Vase du XIXe siècle.

Photographie ci-dessous : Entrée de la Maison Boulenger, construite vers 1885-1887, avenue Foch à Auneuil dont les façades-catalogues sont recouvertes d'exemples divers de productions en céramique. Photographie Wikipedia. «  Par Alain Darles - Travail personnel, CC BY-SA 3.0 ».

Photographies ci-dessous : D'autres maisons de l'avenue Foch à Auneuil possèdent des façades-catalogues.

Photographies ci-dessous : « Épi de faîtage : Musicien à la vielle, XVIe siècle. Terre cuite glaçurée. H. 58,6 cm, L. 25,5 cm, P. 23,5 cm. © M. Beck-Coppola. » Photographie et texte provenant de Dossier de l'Art, hors-série n°17, intitulé « Beauvais : Ville d'art et d'histoire ».

Voir les commentaires

La tour Saint-Jacques de Paris

La tour Saint-Jacques ouvre ses portes au public jusqu'au 25 septembre 2016 (voir ici).

Pour ceux qui veulent dès à présent y être, une vue à 360° est proposée ici.

Construit au début du XVIe siècle, ce bâtiment était alors le clocher de l'église Saint-Jacques le Majeur datant du XIIe siècle. Aussi appelée Saint-Jacques-de-la-Boucherie, elle fut rénovée plusieurs fois (Nicolas Flamel y fit construire un portail vers 1400), puis détruite. La tour subsiste toujours.

Sa restauration a coûté 8,3 millions d'euros à la Ville de Paris et l’État. C'est beaucoup. Franchement quand on entre dedans cela ne se voit pas. C'est donc le signe d'une très bonne restauration me direz-vous. Sans doute. Mais j'ai trouvé étrange lors de ma visite de découvrir, après avoir monté les escaliers (en tout il y aurait trois-cents marches), une première salle qui ressemble à celle d'un chantier avec son placoplatre, etc. Évidemment c'est mieux que de détruire pour remplacer par du béton et du verre comme au premier étage de la tour Eiffel (voir ici). Puis on continue à monter vers une seconde pièce délabrée ; celle où se trouvaient les cloches, et qui monte jusqu'au toit de l'édifice. Certes les pierres ont été restaurées de même que les vitraux, mais pas le mobilier en bois, sans doute du XIXe qui s'effrite. Enfin on arrive au sommet pour découvrir les statues de St-Jaques et des animaux (qui dataient du XIXe siècle comme nombre des fioritures sur les façades) représentant les quatre évangélistes entièrement refaits. Tout cela donne une impression étrange. Sans doute que cette restauration récente a manqué de vision d'ensemble.

Ce monument est au milieu d'un prestigieux ensemble : au centre de Paris. C'est pour cela que j'ai été très heureux d'y monter. Dès sa construction, il fut placé dans la croix formée par la Seine et les boulevard St-Michel, rue St-Denis, rue St-Martin et rue St-Jacques (voir plan ci-dessous). Le boulevard St-Michel fut percé avant 1860 par Haussmann, à la place des rues de la Harpe et d'Enfers, elles aussi parallèles à la rue Saint-Jacques et très anciennes. La rue Saint-Denis aurait été tracée par les Romains au 1er siècle. C'était l'avenue des Champs-Élysées du Moyen Âge. La rue Saint-Martin existait aussi déjà sous les Romains, et la rue St-Jacques sous les Gaulois. Quant au boulevard Saint-Germain qui délimite l'axe de la Seine, c'est aussi le baron Haussmann qui planifia son percement. La partie délimitée de la Seine était celle qui autrefois faisait partie de Paris (autour se trouvaient les faubourgs). Au cœur de cette croix se trouve l'église Notre Dame, érigée sur un ancien temple, et au centre, un peu plus haut, la tour St-Jacques.

Face à la tour Saint-Jacques deux rues forment une croix, l'une ayant pour nom Nicolas Flamel et l'autre le nom de sa femme Dame Pernelle. En 1851 on leur donna ces noms. À cette époque on réaménagea cette tour et autour afin de bien montrer sa disposition ésotérique, ou plutôt centrale dans Paris. Notamment on plaça (je pense que c'est à cette époque) en haut du bâtiment les quatre animaux fantastiques représentant les quatre directions et les quatre évangélistes, avec surplombant ceux-ci une statue de Saint-Jacques. Sur le sol trois statues monumentales autour de la tour formaient un triangle. On avait donc un symbole alchimique du soufre (le triangle et la croix). Puis vers 1988 des travaux furent faits. On creusa un garage à voitures dans lequel on entre par la rue Pernelle et qui est en dessous de la rue Saint-Martin et du bâtiment dans lequel on a alors installé de grandes enseignes internationales. Pour cela on a détruit toutes les découvertes archéologiques qu'on y a faites dont de nombreuses demeures gallo-romaines sous la rue Saint-Martin. Ce garage doit sans doute se continuer sous le jardin de la tour Saint-Jacques qui était en travaux pendant toute la durée de la création de ce sous-terrain pour voitures. C'est à ce moment qu'on enleva les trois grandes statues. Donc maintenant quand on marche sur cette partie de la rue Saint-Martin, on le fait sur du vide, alors qu'auparavant on était sur les pas de milliards de personnes depuis des temps reculés.

Mais encore aujourd'hui, lorsque vous marcherez près de la tour Saint-Jacques, vous saurez (si vous ne le saviez pas déjà), que vous êtes dans un endroit magique, placé dans une géographie parfaite (le cercle et la croix) de Paris ; ville inscrite de la même façon dans un hexagone parfait que l'on appelle encore aujourd'hui la France.

Tout cela est très loin d'avoir été fait par hasard. Autrefois on construisait les maisons, les villes et même un pays en ayant cette vue, cette intelligence de la terre, de sa place, de notre place, dans une sorte de concert fin (subtil) communautaire, où l'esprit se mêlait entièrement à la matière pour devenir perfection.

Photographie ci-dessous : Cercle (en jaune) suivant à peu près l'enceinte de Philippe Auguste (1223), délimitant une croix formée horizontalement (en rouge) par la Seine et verticalement (en bleu) par les rues St-Denis, St-Martin, St-Jacques et St-Michel.

Photographie ci-dessous : Croix formée par les rues Nicolas Flamelle et Pernelle juste en face du carré de la tour Saint-Jacques.

Photographies

Ci-dessous : Premier étage de la tour ressemblant à une salle de chantier.

Ci-dessous : Second étage, le clocher, avec ses boiseries délabrées.

Ci-dessous : Graffiti dans l'escalier.

Ci-dessous : Sur le toit, les sculptures sont équipées de quatre paratonnerres.

Ci-dessous : Vues depuis le toit.

Ci-dessous : Le bâtiment en béton particulièrement disgracieux est celui de la Faculté de Médecine (rue des Saints-Pères) construit après avoir détruit vers 1935 celui de l'hôpital de la Charité datant du début du XVIIe siècle.

Voir les commentaires

Service et arts de la table français

Cet été au château de la Grange à Manom, les dimanches 17 juillet, 21 août et 25 septembre, à 15h, une visite thématique est organisée par Mme Florence Moritz sur le thème : « À table ! Service et arts de la table français ».

Réserver dès à présent au 03.82.53.85.03 ou à info@chateaudelagrange.com.

Voir les commentaires

Très belle période estivale à tous !

Assiette de la série « Aux bains de mer » : « (11) Marquise, je vous présente mon neveu Raoul de St Estèphe. » Marque J. Vieillard & Cie, Bordeaux, de 1829 - 1895.

Voir les commentaires

La Gazette d’Esprit XVIIIe vient de paraître !

La Gazette d'Esprit XVIII vient de paraître ! Il s'agit d'un numéro spécial vacances, avec des idées de visites et d'expositions en France.

S'abonner est gratuit ! Le faire à : esprit.xviii@gmx.fr.

Voir les commentaires

Loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (33)

Le Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine est maintenant une loi adoptée définitivement mercredi dernier (29 juin) au Sénat par un vote à mains levées, à la va-vite, sans que l'on puisse connaître le décompte des voix favorables et défavorables. Lors de la discussion de ce mercredi, la majorité de la gauche et celle de la droite ont exprimé leur approbation du texte, exceptées quelques abstentions (comme les Communistes). Les groupes Socialistes, Écologistes, Les Républicains, RDSE, UDI-UC, ont voté en sa faveur en exprimant leur grande satisfaction.

Cette manière de voter l'ensemble d'un projet de loi, sans scrutin public comme il est de coutume, est un exemple de la désagrégation de notre démocratie. Ce texte en a été le témoin de plusieurs autres manières, comme à travers les recours à des décrets ou des ordonnances (voir plus loin). Surtout il montre combien la politique a disparu des bancs du Parlement. Les parlementaires sont devenus de simples fonctionnaires prenant ce qu'on leur donne, comme un chien sa pâtée, et essayant de l'arranger tant que faire se peut en gesticulant beaucoup pour pas grand-chose... surtout sans jamais aller au fond de la problématique, en prenant soin de toujours rester à la surface.

Le texte définitif est visible ici.

Alors qu'il avait été présenté avec 46 articles, il en compte aujourd'hui 119. Les sénateurs semblent avoir été heureux d'avoir pu modifier un très mauvais texte pour en faire un texte mauvais. Cette loi est, encore plus qu'au début de la présentation de son projet, un foutoir, d'une technocratie déconcertante, surtout pour une loi traitant d'art.

Le contentement général est à faire sourire un habitant de Tchernobyl !

Le titre I contient les « dispositions relatives à la liberté de création et à la création artistique », avec au chapitre 1er les « dispositions relatives à la liberté de création artistique ».

Pendant que tous les parlementaires exprimaient leur satisfaction de l'article 1 affirmant que « la création artistique est libre », le président de la République française décorait le prince héritier d’Arabie saoudite de la Légion d’honneur (voir ici) et s’accoquinait (et continue de le faire) avec de très nombreux dictateurs.

L'article 2 ajoute que la diffusion artistique est libre... de bâtir le Louvre Abu Dhabi ?

Les articles suivants de ce premier chapitre exposent la manière dont le Gouvernement envisage cette liberté, c'est à dire en créant un système de copinages, de subventions, de labels et de conventionnements.

Le chapitre II est sur « Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique ». En guise de transparence on est dans de la pure technocratie. Faut-il qu'un artiste passe par un cabinet d'avocats chaque fois qu'il signe un contrat ? La toile d'araignée créée aide qui ? De toute évidence ce qui intéresse le Gouvernement ce n'est pas l'art mais son économie. Il invente même à l'article 12 « un observatoire de l’économie de l’ensemble de la filière musicale. » La situation qu'il crée depuis des années est tellement inextricable qu'il est conçu dans cette loi un « médiateur de la musique ». Celui-ci « est chargé d’une mission de conciliation pour tout litige relatif à l’interprétation ou à l’exécution » de contrats !?!?!

Dans l'article 14 comme dans de nombreux autres articles « un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article ». Comme l'explique cet article de la Gazette des communes, le Conseil d’État est devenu colégislateur plutôt que juge. Il est fait appel à un décret en Conseil d’État (c'est à dire en dehors de toute démocratie parlementariste) dans cette loi quarante fois : aux articles 5, 14, 21 (deux fois), 26 (deux fois), 30, 31, 33 (deux fois), 38, 48, 56 (deux fois), 57, 60, 61, 62, 69, 70, 71 (deux fois), 72, 74 (trois fois), 75 (huit fois), 78, 81, 88, 105, 109. Par exemple à l'article 71 il est indiqué qu'un décret en Conseil d’État précise les missions, la composition, les conditions de désignation de ses membres et les modalités de fonctionnement du Conseil national de la recherche archéologique et un autre des Commissions territoriales de la recherche archéologique. Si on y ajoute les habilitations qu'offre cette rédaction au Gouvernement à légiférer par ordonnances on se retrouve avec la constitution d'une loi construite parallèlement à celle-ci en dehors de tous débats.

Par la suite ce titre I traite tous azimuts de propriété intellectuelle, des pratiques artistiques amateurs, de l'accès à la culture par les personnes en situation de handicap, de la défense de la production musicale francophone, du Centre national du cinéma et de l’image animée, des spectacles vivants, de l'enseignement artistique spécialisé, de l'enseignement supérieur de la création artistique et de l’architecture, etc.

Le titre II est intitulé « Dispositions relatives au patrimoine culturel et à la promotion de l’architecture ». Concernant les parties sur le patrimoine et l'archéologie, je ne suis pas spécialiste de ces problématiques, mais malgré les modifications qui semblent salutaires des sénateurs, force est de constater que les dispositions premières du Gouvernement ne sont pas favorables à une bonne conservation du patrimoine. Il ne faut pas être devin pour dire que maintenant que cette loi a été votée cela va continuer à aller en empirant dans ces domaines. C'est par exemple dans ce texte que j'ai appris que l'archéologie était « un bien commercial » en écoutant une sénatrice RDSE dire : « En ce qui concerne l'archéologie préventive, point sensible de nos débats, le caractère scientifique des politiques archéologiques a été réaffirmé – et c'est essentiel, tant l'archéologie n'est pas un bien commercial comme les autres. » J'ai aussi pris connaissance du fait qu'il y avait eu en 2003 une ouverture à la concurrence de ce secteur, des autorisations de sous-traitance, etc.

Malgré la logorrhée législative de cette loi, le titre III offre au Gouvernement des habilitations à légiférer par ordonnances, c'est à dire sans débat. Par exemple l'article 95 lui permet de modifier le livre III du code du patrimoine : pour les bibliothèques « d’abroger les dispositions devenues inadaptées ou obsolète » ; pour l'archéologie « d’énoncer les règles de sélection, d’étude et de conservation du patrimoine archéologique afin d’en améliorer la protection et la gestion » ; pour les monuments de « définir des exceptions au caractère suspensif du recours exercé à l’encontre de la décision de mise en demeure d’effectuer des travaux de réparation ou d’entretien d’un monument historique classé », « de réorganiser le plan du code du patrimoine, d’harmoniser la terminologie et d’abroger ou d’adapter des dispositions devenues obsolètes afin d’en améliorer la lisibilité et d’en assurer la cohérence » ; etc. ; c'est à dire dans ces domaines de pouvoir faire un peu ce qu'il veut. L'article 96 l'autorise à modifier le code du patrimoine et celui de la propriété intellectuelle pour l'Outre-mer. L'article 93 permet de faire la même chose avec le cinéma. L'article 94 lui donne la possibilité « de transposer en droit français la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur. » On est ici dans un déni de démocratie.

Enfin le titre IV est sur les « dispositions diverses, transitoires et finales ».

En suivant ce projet de loi, souvent je me suis demandé si ce texte parlait vraiment de culture. Mais comme le titre du dossier législatif de l'Assemblée nationale est : « Culture : liberté de la création, architecture et patrimoine » et que l'Exposé des motifs de ce projet de loi commence par « La culture... », et indique clairement que c'est son sujet, alors cela doit l'être. Ma notion est bien plus large. Pour moi, la culture est l'âme d'une société, son intelligence. C'est elle qui la guide dans ses choix idéologiques, esthétiques, moraux, etc., qui la rythme. Elle est son passé, son présent et son avenir. Elle garantit sa cohésion, son 'bien-vivre ensemble', offre des liens et de hautes perspectives. Qu'est-ce de tout cela que l'on retrouve dans cette loi ? Au contraire, comme je l'écris dans cet article, elle cache les véritables problématiques culturelles de notre monde contemporain.

Voir les commentaires

LA CHOSE. Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (32).

Le 21 juin à l'Assemblée nationale a eu lieu le vote sur le Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. L’ensemble du texte a été adopté. Le compte-rendu intégral indique : sous les « Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. » Mercredi prochain, 29 juin, ce sera au tour du Sénat de voter.

Tout est question de point de vue. Du mien, simple spectateur, ce projet de loi est une chose... Oui une chose, une sorte de truc, sans forme et gluant qui, comme une gelée, garde sa consistance molle tout en épousant la forme du terrain où il se déplace, un bidule immangeable... une sorte d'oeuvre d'art contemporaine du n'importe quoi, avec laquelle se sentent à l'aise, et que défendent, ceux qui font n'importe quoi.

Cet honni ONI (objet non identifiable) va bientôt être une loi. Le texte a été conçu par une ministre de la Culture, présenté par une autre et clôt par une troisième. Au départ avec ses 46 articles cousus côte à côte, comme l’habit d'Arlequin, c'était un véritable foutoir. Maintenant avec ses dizaines d'articles supplémentaires il est devenu une chose, un machin, une gl!ur?p ! qui se pose nonchalamment devant la réalité et la cache de son obésité.

La réalité en France c'est, dans le désordre :

- La continuité de la baisse des services culturels publics ;

- Un environnement culturel français en déliquescence (tout autant que l'environnement naturel) ;

- D'innombrables nominations dans le secteur public à des hauts postes culturels de personnes n'ayant aucun bagage culturel ;

- Un raz-de-marée des cultures américaine et musulmane ;

- Des partenariats public-privé qui privent ce pays notamment d'un élan culturel source d'emplois et de rayonnement ;

- Une marchandisation de la culture soutenue par l'Union européenne, imitée de l’américaine, à travers notamment une aide publique au développement des fondations privées ;

- Des partenariats scandaleux, comme avec le Louvre Abu Dhabi (vive la liberté de création artistique hum ?)

- L'utilisation de plus en plus de l'anglais pour parler de la culture française en France (un ministre s'offusquait il n'y a pas si longtemps que l'on ne puisse pas en France enseigner dans le supérieur Proust en anglais !?!), mais aussi dans la vie courante ;

- Une réorganisation faite en catimini dont le Louvre-Lens et les réserves de Liévin sont un exemple ;

- La défense d'un art contemporain particulièrement décadent à travers les institutions et centres culturels publics ;

- Une vente continue du patrimoine public ancien français en France et à l'étranger, et cela souvent en toute opacité ;

- Une destruction de monuments publics anciens et une construction anarchique ;

- Des constructions publiques plus que douteuses qui sont des gouffres financiers, comme les Halles à Paris ou le nouveau Palais de Justice ;

- Une pollution qui abîme irrémédiablement les monuments, bâtiments et autres objets d'art ;

- Un retard phénoménal de la France en ce qui concerne Internet (si on ne possède pas les machines, au moins on pourrait faire un effort au niveau des idées, mais là aussi c'est le désert).

De ces quelques exemples parmi d'autres ce projet de loi ne s'occupe pas ou fait semblant ! Certes les parlementaires ont proposé près de 2 800 amendements. Certains de ceux-ci ont évité des dégâts. Mais dans l'ensemble ce ne fut que de l'agitation à la laideur 'comique' (je reste gentil).

Voir les commentaires

Patrimoine naturel d’Île-de-France : une chance dont il faut prendre soin

Le pourcentage obligatoire de constructions HLM et la spéculation immobilière ont beaucoup abîmé les paysages d’Île-de-France (voir par exemple ici). Cependant il reste encore quelques milieux naturels particulièrement jouissifs. Lors de mes trois dernières promenades j'ai rencontré de nombreuses orchidées sauvages que j'ai photographiées, avec :

Ci-dessus :

- Ophrys abeille (photographies ci-dessus) ;

Ci-dessous :

- Listère à feuilles ovales,

- Orchis pyramidal,

- Orchis verdâtre,

- Orchis pourpre dont les fleurs peuvent ressembler à de petits lutins sexués.

Il y a d'autres sortes à découvrir en cette période ! Dans le monde il en existe plus de vingt-cinq mille espèces. En France (Corse comprise) on dénombre plus de cent soixante espèces (une liste ici) et bien plus avec l'Outre-mer. Évidemment il ne faut pas les ramasser, car elles sont rares. Mais elles font de belles photographies.

Dimanche dernier, dans notre groupe de promenade, une personne a trouvé neuf véritables trèfles à quatre feuilles et même un à cinq feuilles, près d'un pont surplombant la rivière Essonne dont le nom vient de la déesse gauloise des rivières !

Au 'fête' aujourd'hui c'est le jour du solstice d'été !

Voir les commentaires

Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (31) : Derniers votes.

Maintenant que s'est déroulée la réunion de la Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, la copie doit être votée à l'Assemblée nationale puis au Sénat avant de devenir une loi. Dans la première assemblée cela se passera demain, mardi 21 juin. Pour la Haute assemblée on ne connaît pas encore la date, mais cela ne devrait pas tarder.

Voir les commentaires

La Gazette d’Esprit XVIIIe

La Gazette d’Esprit XVIIIe est une revue périodique de moins d’une dizaine de pages dont le sujet est l’actualité sur le siècle des Lumières. Y sont proposés, sous la direction de Mme Clotilde Pauléat, des articles, des entretiens, des comptes-rendus d’expositions, de visites, d’associations, de livres, un carnet d’adresses… enfin toutes les informations pour les passionnés de cette période.

On s’y abonne à cette adresse : esprit.xviii@gmx.fr, et c’est gratuit !

Voir les commentaires

Bon Anniversaire Saint-Martin !

Saint Martin de Tours est né en 316, dans l'Empire romain (dans l'actuelle Hongrie). Il aurait donc aujourd'hui 1 700 ans ! La cape qu'il partagea pour la donner à un pauvre serait à l'origine du mot 'chapelle', c'est à dire le lieu où l'on conservait la c[h]ape du saint et que l'on portait en bannière lors de batailles. Elle aurait aussi donné leur nom aux Capétiens. Déjà les Mérovingiens en avaient fait leur seigneur tutélaire.

Bon Anniversaire donc !

Photographie : « Représentation d'éléments de la vie du saint. Miniature du Livre d'heures d'Étienne Chevalier. » Source Wikipedia.

Voir les commentaires

Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (30) : Attente (c'est de l'ironie) du texte final.

Le Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine est bientôt fini. On attend la date de réunion de la Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi.

Voir les commentaires

L'entreprise Neyret : Une fabrication de rubans depuis près de deux-cents ans.

Lors du voyage de presse organisé pour l'exposition Le ruban c'est la mode qui a lieu jusqu'au 2 janvier 2017 au Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne, j'ai eu la chance de pouvoir visiter la Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau à Chazelles-sur-Lyon à trente kilomètres de cette ville, et l'usine de l'entreprise Neyret de Grammond.

Si dans la famille Neyret on fabrique des rubans depuis au moins sept générations à Saint-Étienne et dans sa région, l'usine de Grammond a d'abord été fondée en 1924 par H. Descours dans un ancien couvent de religieuses, puis rachetée par les Frères Neyret. On y confectionne aujourd'hui des rubans de haut de gamme : rubans et étiquettes tissés pour l'industrie du luxe (première dans la production de griffes renommées), ainsi que des décorations (pour médailles, écharpes tricolores...). Située dans un petit village de campagne de moins de mille habitants perché sur une colline des Monts du Lyonnais, elle perpétue la réalisation de rubans de qualité.

Aujourd'hui les rubaniers à Saint-Étienne et sa région sont beaucoup moins nombreux qu'autrefois mais produisent autant. L'usine Neyret fonctionne aux trois-huit, les machines marchant le jour comme la nuit.

Cette entreprise concilie savoir-faire traditionnel, créativité (studio de développement) et innovation. Elle poursuit sa croissance, en particulier à l'exportation (35 % du chiffre d'affaires se fait à l'étranger). Elle emploie cent-trente-cinq personnes. Tout est produit en France, à Grammond  et à Saint-Etienne. Il n'y a aucune délocalisation. Elle possède une cinquantaine de métiers, en particulier des métiers Jacquard mis au point par le Lyonnais Joseph Marie Jacquard en 1801, qui sont depuis régulièrement améliorés et automatisés, produisant aujourd'hui la plupart des tissus à motifs pour l'habillement, le linge, l'ameublement, etc. L'usine ne fournit pas que des rubans à motifs. Elle en propose aussi d'unis.

Tous les rubans qui sortent de ses métiers sont d'une confection supérieure : qualité et densité (nombre) des fils, finition, etc., sur de grandes largeurs de rubans comme sur de très fins. C'est la seule entreprise en Europe alliant qualité et volume de production. Elle innove constamment (marqueurs technologiques permettant de lutter contre la contrefaçon...).

La devise de la maison est : « Rien n'est acquis à l'homme, ni sa force, ni sa faiblesse. »

Cette entreprise entretient de très bonnes relations avec le Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Étienne à qui elle a légué une partie de son patrimoine ancien (métiers, échantillons, etc.). Une de ses principales règles est la discrétion, celle-ci alimentant des enseignes françaises réputées. Je n'ai pas eu le droit de prendre des photographies de l'intérieur. Les illustrations des métiers et des rubans ont donc été fournies par l'entreprise ou glanées sur un de ses sites internet.

Voir les commentaires

Le ruban, c'est la mode !

Le Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Étienne rend hommage au ruban d'hier et d'aujourd'hui dans une exposition intitulée Le ruban, c'est la mode qui se déroule jusqu'au 2 janvier 2017.

La rubanerie est une activité qui connut beaucoup de succès à Saint-Étienne et dans sa région (des monts du Velay à ceux du Lyonnais et du Forez).

Ce long et fin tissu tenait une place très importante dans la mode, et la conserve en partie aujourd'hui. Il permettait d'embellir les vêtements et la tenue. Les professionnels de la mode l'utilisaient (et l'utilisent encore) dans leurs compositions. Et tout un chacun avait la possibilité, grâce à cet ornement, de se faire artiste, de donner du cachet à un habillement trop sobre, de la sensibilité. C'était un signe. La manière de le nouer, l'endroit où on le mettait, sa qualité, sa délicatesse, sa couleur, son nombre... tout signifiait, parlait. Le ruban était choisi avec beaucoup de minutie, chez les plus riches comme chez les plus pauvres. Il permettait à ces derniers ou dernières de montrer la richesse de leur âme, et qu'ils auraient pu rivaliser avec le grand goût et être dans le bon ton s'ils avaient eu de l'argent. Le ruban c'était un sourire... une touche de fantaisie. C'était la mode, dans la mesure ou il pouvait se changer facilement, contrairement aux habits qui n'étaient pas jetables comme aujourd'hui, mais qui se gardaient longtemps et même se transmettaient. Avec quelques rubans on prenait la couleur en vogue, le nouveau tissu, etc. « C'est la mode » encore aujourd'hui, car sans lui il ne pourrait y en avoir. Il permet de soutenir les gorges (les seins), de tenir les sous-vêtements, se noue en lavallière, etc.

Autrefois on en portait depuis le haut de la tête jusqu'aux chaussures et cela chez les femmes comme chez les hommes. Pour se rappeler son importance dans la mode du XVIIIe siècle il suffit de regarder les images des articles que j'ai écrits sur l'exposition sur la peintre Madame Vigée Le Brun qui a eu lieu récemment à Paris : voir ici.

Au XVIIe siècle on le nomme de même 'galant' ou 'galan'. Dans la première édition (1694) du Dictionnaire de L'Académie française il est écrit au sujet du 'galant' : « Il signifie aussi, Un ruban qu'on met sur les habits, sur le chapeau ou en quelque autre endroit par ornement. » On parait d'un ou plusieurs rubans l'épée, la canne, le chapeau, les cheveux, le cou, les habits, les manchettes, les genoux (jarretelles), les souliers, etc. On en faisait tomber certains sur les cuisses (au XVIIIe siècle en particulier, les hommes avaient ainsi des rubans qui tenaient des breloques comme une montre, un sceau, etc.). Une femme ou un homme pouvait en avoir des dizaines sur lui. Pour de grandes occasions les chevaux en étaient parfois garnis. On en mettait même aux animaux domestiques. Pour se donner une idée de l'utilisation très importante des rubans il suffit de lire la Description de la magnifique et superbe entrée du Roi et de la Reine en la ville de Paris datant de 1660. Voici quelques passages : « …et tant les officiers que les soldats, ils étaient tous si galamment et si richement vêtus […] On eut dit qu'à eux seuls ils avaient épuisé les plumes et les rubans, tant ils en étaient chargés […] le Roy […] vêtu d'un habit tout de broderie d'argent [...], mêlé de perles, et garni d'une quantité merveilleuse de rubans incarnat et argent […] le Marquis de Mont-Gaillard […] monté sur un beau cheval gris, orné de force rubans… »

L'histoire de ce tissu remonte au moins à l'Antiquité qui utilisait énormément ce qu'on appelle des bandelettes. Certaines servaient à serrer la taille, d'autres se plaçaient dans les cheveux, etc. L'exemple du Diadumène, statue attribuée au sculpteur grec du Ve siècle av. J.-C. Polyclète, qui représente un athlète ceignant sa tête du bandeau de la victoire, en est un exemple célèbre. D'autres étaient cousues sur les drapés. Les Grecs n'étaient pas les seuls à les utiliser ; les romains faisaient de même, et sans doute beaucoup d'autres civilisations. C'est peut-être au Moyen Âge qu'il prit une connotation amoureuse et protectrice, la dame nouant un bout de tissu à la tenue de son chevalier. Le XVIIIe siècle, particulièrement galant, en mettait partout. C'était sans doute le symbole le plus utilisé dans les décorations de cette époque. Une sorte de ruban très célèbre est celui que porte le berger Céladon dans le roman pastoral du début du XVIIe siècle, L'Astrée d'Honoré d'Urfé, qui se déroule dans la région du Forez, près de Saint-Étienne. Il s'agit de rubans verts. Son nom sert encore aujourd'hui à désigner une couleur particulière.

Les rubans et le vert sont deux symboles de Saint-Étienne, ville qui de la fin du XVIIIe siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale était le grand centre mondial de fabrication de rubans de soie, avec sa région et ses innombrables métiers à tisser que l'on retrouvait jusque dans les campagnes les plus reculées (voir mon article intitulé Industrie de la mode : l'exemple de la région stéphanoise). De nos jours cette activité existe toujours. J'en parlerai dans un prochain article consacré à l'entreprise Neyret fabricant en particulier de rubans et étiquettes tissées pour l'industrie du luxe, ainsi que des rubans pour médailles et écharpes tricolores. D'autres usines produisent par exemple des bandages, des sangles industrielles et des ceintures de sécurité comme l'entreprise Samuel Roche, etc.

Photographie du haut : « Corset, vers 1900. Sans griffe. Collection Le Paon de Soie. »

Photographie de gauche : « Portrait de la Dame du Major Ranchon, huile sur toile, Georges Rouget, 1830, collection Musée d'Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne Métropole, n°inv. 43.4.401, crédits photographiques Yves Bresson. »

Photographie de droite : « Yves Saint Laurent. Robe du soir, collection Haute Couture printemps-été 1996. © Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent : photo Guy Marineau. »

Photographie de gauche : « Cartes de rubans pour bretelle et ruban lingerie pour épaulettes, marque Divette, Charleston, vers 1930, Saint-Étienne, collection Musée d'Art et d'Industrie © Laurent Guéneau. »

Ci-dessous quelques photographies que j'ai prises au Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Étienne.

L'EXPOSITION PERMANENTE du musée présente plusieurs métiers à tisser anciens.

Certains de ces métiers à tisser du XIXe siècle avec leurs cartes perforées rappellent l'ancêtre de l'ordinateur.

Ci-dessous : Mise en carte d'une œuvre reproduite en petits carrés, ce qui permettra ensuite de la tisser.

La soie était une des matières les plus utilisées à Saint-Étienne pour la fabrication de rubans.

Échantillons de rubans anciens.

On ne fabrique pas des rubans que pour la mode. Quel alpiniste chevronné n'a pas un jour remercié le fabricant des sangles auxquelles il était attaché ?

UNE EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIES montre l'emprunte du tissage de rubans à Saint-Étienne et dans sa région, avec une architecture spécifique : un plafond haut, de grandes fenêtre et de l'espace pour faire passer la lumière (le plus souvent un jardin).

Ateliers en ville.

Ferme aménagée pour accueillir des métiers à tisser.

L'EXPOSITION LE RUBAN C'EST LA MODE.

Autoportrait présumé de Benjamin Delapierre (Lyon, 1780) en robe et coiffe d'intérieur.

Portrait de Madame Casimir Périer par Louis Hersant, de vers 1820.

Capote de paille de vers 1840 - 1845 et canotier de vers 1930.

Robe 1920.

L'exposition présente aussi des exemples régionaux traditionnels.

Portrait d'Étienne Faure dit Auguste (1789-1859), fabricant de rubans, avec son ruban de chevalier de la Légion d'honneur, par Gabriel Tyr.

Registre d'échantillons de rubans recueillis par le Maréchal de Richelieu, vers 1732 - 1737.

Registre d'échantillons de rubans recueillis par le Maréchal de Richelieu, vers 1735 - 1737.

Rubans élastiques.

Autres usages des rubans.

Utilisations du ruban dans la Haute-couture.

Je rappelle enfin le partenariat de cette exposition avec La Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau.

Voir les commentaires

La Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau

Quand on se rend dans la petite commune de Chazelles-sur-Lyon (du département de la Loire), qui compte un peu plus de cinq mille habitants, au milieu des magnifiques monts du Lyonnais particulièrement ravissants au printemps, on se demande comment a pu surgir un musée comme celui du chapeau, La Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau, aussi bien fourni sur son sujet, alliant tradition et modernité ; tout cela dans un décor d'usine du début du XXe siècle dans lequel a été en quelque sorte fourré, comme dans une pâtisserie, une mise-en-scène contemporaine particulièrement respectueuse du sujet, mais aussi tournée vers une recherche de finesse et de modernité caractérisant la mode française, une sorte d'esprit pratique mélangé à un esprit plus fantaisiste, créatif, voire quelque peu exubérant, thèmes que l'on retrouve dans l'histoire du chapeau.

Photographie de gauche : Haut-de-forme en paille de vers 1820-1830. Cette époque marque les derniers chapeaux très élevés pour les hommes. Voir l'article intitulé Chapeaux très hauts de forme.

Photographie de droite : Boiseries d'une ancienne boutique de chapeaux de la région remontées dans le musée.

Alors comment un tel musée a-t-il été possible ? Je crois que c'est par amour de cet esprit-là, qui depuis des siècles à Chazelles-sur-Lyon a fait vivre toute une communauté. Cet esprit de communauté on le ressent particulièrement profondément dans l'histoire de l'industrie de la mode, dans cette région formée par les départements de la Loire et du Rhône, avec pour ville phare sans aucun doute Lyon, mais aussi une autre plus modeste, Saint-Étienne, et une myriade de petites villes, villages et ateliers-maisons, chacun porteur pendant des siècles d'une flamme constituant le grand feu de joie de la mode, comme une myriade d'étoiles formant une merveilleuse constellation.

Entretenir ce feu de la mode a nécessité une remise en cause continuelle, une adaptation incessante face aux changements, voire aux bouleversements, a exigé d'avoir de l'initiative afin de devancer le mouvement permanent qui caractérise la vie humaine, comme la mode, et même de susciter ce mouvement par l'invention, la création. Mais tout cela ne s'est pas fait d'un coup de baguette magique. Il y eu énormément de travail. Cela se ressent vraiment... Même pour réaliser un tel musée il en a sans aucun doute fallu, et aussi de la motivation. Cette motivation est maintenue aujourd'hui bien sûr par cette mémoire manufacturière du pays mais aussi par d'autres, comme les visiteurs bien sûr, et tous les jeunes modistes qui viennent du monde entier pour participer au concours annuel des Rencontres internationales des arts du chapeau.

Pour cette onzième édition 2016 de ces 'rencontres' le sujet était 'le ruban', un choix s'inscrivant dans un partenariat avec l’exposition sur le ruban qui a lieu en ce moment au Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne dont je parlerai dans un prochain article. Saint-Étienne se trouve à trente kilomètres de Chazelles-sur-Lyon. Il est donc possible de visiter les deux lieux en une seule journée en voiture.

Le musée expose donc un peu plus d'une centaine de couvre-chefs créés pour cette 'compétition' mais aussi fête du chapeau. Les amateurs et professionnels qui regarderont dans les détails y trouveront beaucoup de références, fantaisie et création. Voici quelques photographies que j'ai prises lors de ma visite.

La Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau de Chazelles-sur-Lyon c'est aussi une remarquable collection d'éléments rappelant toute la chaîne de production du chapeau de haute qualité, en particulier en feutre, et une autre de chapeaux d'époque jusqu'aux dernières créations contemporaines. À cela s'ajoutent quelques autres de célébrités parfois donnés ou bien obtenus de haute-lutte. Au milieu de tout cela s'intègrent harmonieusement quelques créations contemporaines s'amusant de ce thème... un humour un peu décalé que l'on retrouve dans quelques détails de-ci, de-là.

Enfin il est nécessaire d'ajouter que la vocation de transmission de cet endroit se complète par un petit atelier de production, intégré au musée, dont les chapeaux sont vendus dans le coin-boutique ou faits sur mesure ; ainsi qu'un choix de nombreuses formations (voir ici).

Le charme est aux fondements de la mode... et je crois que ce musée a réussi à me charmer. Il faut ajouter que je suis né dans la région, à Saint-Étienne ; et ai passé mon enfance dans le département de la Loire où se trouve ce musée, dans un village qui subsistait en particulier de la fabrication textile avec de petites manufactures ayant plusieurs métiers, mais aussi de nombreux 'ateliers-maisons' familiaux en possédant un ou deux, parfois plus, et qui fonctionnaient encore. Bon je ne suis plus tout jeune non plus, mais il y existe toujours là-bas deux sociétés de fabrication d'articles de textile mais qui n'ont plus grand-chose à voir avec la mode.

La fabrication de chapeaux par contre est entièrement un métier lié à la mode. À Chazelles-sur-Lyon c'était l'activité principale, presque exclusive de la ville. Dans le dossier de presse on apprend que le premier témoignage écrit d'une présence de chapeliers dans cette ville date du XVIe siècle tout de même ! Une légende raconte même que des chevaliers de Malte, lors de leur passage en 1148, auraient donné l'idée aux habitants de la création du feutre, en constatant que le poil de chameau déposé dans leurs bottes afin d'éviter les meurtrissures, sous l'action du frottement et de la chaleur, donnait une matière non tissée.

Au milieu du XIXe siècle apparaissent les premières usines et une mécanisation de certaines phases de fabrication, avec quelques grandes maisons comme Provost, Ferrier et Fléchet. Dans les années 1930 cette industrie fait vivre toute la ville avec 2 500 ouvriers et 29 fabriques. La Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau se trouve dans l'ancienne usine Fléchet bâtie en 1902 et agrandie en 1927 (voir photographies ci-dessous).

Quant aux collections, la plus grande partie des fonds provient de dons de particuliers, collectionneurs, usines de la région, maisons de haute-couture, etc. Le musée suit aussi une politique d'acquisition. Ces collections sont réparties en trois domaines : techniques, mode et textiles.

Les collections techniques sont impressionnantes car balayant l'ensemble de l'activité de production du chapeau de feutre artisanal et industriel, de paille et de mode. De nombreux objets et machines d'époque jalonnent ce parcours qui est un des plus complets au monde. « Seuls les musées de Stockport en Grande-Bretagne et San Jao de Madera au Portugal comprennent des collections comparables. » J'y ai appris par exemple que pour confectionner un chapeau en feutre, le moule est trois fois plus grand que la pièce finale, rétrécissant sous l'action de la chaleur afin d'offrir une matière compacte et imperméable. Voir photographies ci-dessous.

Concernant la présentation de chapeaux anciens, celle-ci commence véritablement vers 1900, avec quelques exemples précédant cette période mais ne donnant qu'une pâle idée de la réalité. C'est le point faible de cette présentation, car assurément il y a aussi auparavant de grandes périodes pour le chapeau féminin ou masculin : entre 1770 et 1830 (Chapeaux de paille, poufs, bicornes immenses, invisibles, hauts-de-forme très hauts, grands chapeaux de femme aux multiples et longs rubans...), au XVIIe siècle (larges couvre-chefs masculins avec une ou plusieurs plumes) et au XVe siècle (hennins, coiffes à cornes, chapeaux turbans...) par exemple. Et s'il nous reste sans doute que peu de chapeaux de ces périodes, les documents iconographiques d'époque restent très nombreux.

Si ce lieu peut donc encore s'améliorer, il est déjà sans conteste un endroit incontournable pour les amoureux du chapeau, et aussi un musée à découvrir pour ceux qui ne l'ont pas déjà fait.

Ci-après des liens vers d'anciens articles de mon blog sur les chapeaux : Coiffures du 18eme siècle ; Des gravures de mode du XVIIIe siècle ; Chapeau féminin de 1787 ; Bonnets d'intérieur, robes de chambre et pantoufles ; Bonnet à la glorieuse ; La petite maîtresse invisible : Chapeaux féminins de la première moitié du XIXe siècle (casques et capotes) ; Le chapeau de paille, le koksnoff et le snoboye ; Le canotier et la canotière ; Chapeaux masculins volumineux ; etc.

Voir les commentaires

Industrie de la mode : l'exemple de la région stéphanoise

La semaine dernière je me suis rendu dans une région très imprégnée d'une industrie de la mode plusieurs fois centenaires : autour de Saint-Etienne, dans la Loire. Les paysages rappellent cette histoire leurs usines, leurs immeubles ou maisons ateliers aux grandes fenêtres donnant sur un jardin ou un grand espace laissant passer totalement la lumière, les traboules (couloirs permettant de traverser rapidement la marchandise sous les immeubles en évitant les intempéries) dans certaines villes comme Saint-Etienne (ou Lyon), etc.

C'est du reste surprenant de passer de paysages industriels à d'autres très bucoliques, rappelant encore le roman L'Astrée d'Honoré d'Urfé (XVIIe siècle) se situant dans cette région, avec son fameux berger Céladon qui portait un ruban vert qui a donné son nom à une couleur. Lorsque l'on vient en train, ou passe en voiture dans les villes, on ne ressent bien sûr pas du tout cette atmosphère bucolique, mais davantage celle d'une industrie très présente autrefois ; ni même lorsqu'on emprunte les autoroutes qui charcutent véritablement les paysages. Mais si l'on prend le temps de rentrer dans les campagnes, de monter dans les collines, de suivre la Loire, de repérer les ruisseaux, on entre dans une autre atmosphère. Du reste les personnes travaillant dans cette industrie en particulier liée à la mode, étaient pour la plupart des ouvriers-paysans. Ceci permit de garder un certain équilibre entre la ville et la campagne.

Cette industrie créa des métropoles comme Saint-Étienne, et permit à des villages de se développer par l'intermédiaire de petites manufactures, puis usines, dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais surtout au XIXe, et grâce à d'innombrables maisons-ateliers installées jusque dans les plus petits villages et même parfois dans des fermes réaménagées, produisant pour d'importantes manufactures et usines de la région situées dans une grande ville alentour, Lyon (soie), Saint-Étienne (rubans) et Tarare (mousseline) étant sans doute les principales.
La main-d'oeuvre autrefois en particulier paysanne, le resta pendant longtemps (jusqu'à même la Seconde Guerre mondiale), travaillant en période froide en manufacture, usine ou même sur un ou deux métiers personnels (à la maison), et pendant la saison chaude dans les champs. Ce système existait bien sûr aussi pour d'autres fabrications liées à la mode (comme la dentelle...) ou non, et même avant l'arrivée des premières manufactures, l'hiver ayant toujours été consacré à des travaux d'intérieur alors que l'été à ceux d'extérieur.

Dans trois prochains articles de mon blog je vais écrire sur trois visites que j'ai faites en moins de deux jours dans le département de la Loire : le Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne et son exposition Le ruban c'est la mode ; l'usine de l'entreprise Neyret de Grammond, fabriquant des rubans de haut-de-gamme (étiquettes de vêtements de luxe, rubans prestigieux...) et existant depuis près de deux-cents ans et dans la même famille depuis plus de sept générations ; et la Chapellerie Atelier-musée du chapeau à Chazelles-sur-Lyon.

Mais avant cela je souhaite ici parler de l'industrie de la mode et de son origine en France. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas l'industrie qui est à l'origine de la mode dans ce pays mais les Français et en particulier les élégant(e)s ; notamment toutes les personnes dont je parle dans mon livre sur Les Petits-maîtres de la mode. Je m'explique : La mode en France a une origine antique. Elle a continué d'occuper une très grande place au Moyen-Âge et par la suite. Depuis l'époque médiévale, plusieurs rois, constatant que les Français dépensaient des sommes faramineuses dans l'achat d'articles étrangers (venant en particulier d'Italie mais aussi de bien plus loin) pour se vêtir, être élégant et dans le bon ton, publièrent des édits imposant plus de sobriété dans les tenues. En 2007 j'ai écrit un rapide article sur ce sujet visible ici. Mais le goût français pour l'élégance et la beauté, fit que ces édits ne furent pas suivis, et qu'une partie des devises du royaume continuèrent de s'évanouir à l'étranger. Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), contrôleur général des finances et ministre de Louis XIV, décida donc d'importer les savoir-faire étrangers, en particulier italiens, en France, créant ainsi les premières grandes manufactures du luxe françaises qui devinrent très rapidement les premières en Europe, les Français étant toujours à l'époque à la recherche de l'excellence (on est alors dans ce qu'on appelle le Grand-Siècle). Dans le même temps il créa de nombreux comptoirs dans le monde et des compagnies commerciales internationales : la Compagnie des Indes orientales (Océan indien), la Compagnie des Indes occidentales (Amériques), et la Compagnie du Levant (Méditerranée et Empire ottoman). Tout cela concernait en partie la mode, pour la soie et les tissus imprimés venus d'Inde par exemple. De même les nouvelles manufactures n'étaient pas toutes liées à la mode, bien au contraire ; mais la plupart se caractérisaient par la supériorité de leur fabrication.

Depuis l'après-guerre et la génération du prêt-à-porter, on a assisté à un mouvement inverse, l'industrie de la mode française faisant fabriquer à l'étranger (souvent dans des dictatures comme la Chine, la Birmanie, etc.) et cherchant avant-tout à sensibiliser une clientèle hors 'royaume' ;-) mondialisée, ne conservant jalousement intra-muros que quelques rares savoir-faire, et surtout tout le rêve que des siècles de modes et d'élégances françaises ont imprimé dans les esprits, une songerie encore très présente dans le territoire, notamment dans les anciennes régions productrices qui ne demandent qu'à continuer à fabriquer et exceller dans ce domaine... tout simplement.

Dans la région du département de la Loire plusieurs musées rappellent cette histoire avec :

- Saint-Etienne et son Musée d'Art et d'Industrie ;

- Chazelles-sur-Lyon et son Musée du Chapeau ;

- Panissières, son Musée de la Cravate ;

- Bussières, son Musée du Tissage et de la Soierie ;

- Charlieu, son Musée de la Soierie ;

- Cervières, son Conservatoire de la broderie à fil d'or (à noter que la vidéo d'introduction de ce site est très intéressante, surtout lorsque l'on connaît l'importance de la broderie dans la mode française d'Ancien Régime).

Il y a de plus quelques villes emblématiques autour de la Loire, comme Lyon avec son Musée des Tissus, ses traboules et très vieilles maisons liées au tissage. À Tarare on fabriquait la fameuse et très en vogue mousseline ! Du reste tous les cinq ans y est organisée une Fête des Mousselines. Citons enfin Le Puy en Velay pour sa dentelle et son Centre d'Enseignement de la Dentelle au Fuseau.

Photographie du haut : Métier à tisser moderne. Photographie provenant du site du Musée du Tissage et de la Soierie de Bussières.

Photographie de gauche : Grenadière au travail (brodeuse à fil d'or). Photographie du film du site du Conservatoire de la broderie à fil d'or de Cervières.

Photographie de droite : Même origine que ci-dessus.

Photographie de gauche : « Vue des ateliers de passementiers, rue Denis Epitalon, Saint-Etienne, 2015. © Jean-Claude Martinez. »

Photographie de droite : « Redingote en twill de soie jaune, agrémentée de passementeries et de pompons de soie coordonnée. Ceinture à nouer en ruban de soie façonnée et coordonnée. Vers 1815. Collection Le Paon de Soie, n°inv. 2011.1.292. » Exposition Le ruban c'est la mode du Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne.

Photographie ci-dessous : Vue depuis le Conservatoire de la broderie à fil d'or. Photographie provenant du site du Conservatoire de la broderie à fil d'or de Cervières.

Voir les commentaires

Vente du patrimoine français public prestigieux, suite...

Le Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine se termine. Une Commission mixte paritaire va maintenant être chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, avant d'être définitivement voté dans chacune des deux assemblées. Il est difficile de s'y retrouver car le dossier législatif ne présente, jusqu'à la loi définitivement votée, que les morceaux du texte encore en discussion, pas la rédaction en entier. La dernière version ne publie que les articles qui ont été dernièrement changés ou ajoutés. Au cours des discussions au Parlement de nombreux articles ont été additionnés et d'autres modifiés, faisant d'un texte décrit par certains parlementaires comme un fourre-tout, un véritable n'importe quoi.

Pendant ce temps l’État continue de vendre le patrimoine prestigieux public. Alors que j'en ai parlé la semaine dernière dans cet article, voilà que je lis dernièrement dans la revue Le Point du 26 mai 2016, dans un article que l'on peut consulter en cliquant sur la photographie ci-dessus, que non seulement est vendu le château de Grignon, « château Louis XIII inscrit aux Monuments historiques », mais aussi que, comme je m'en doutais, cela fait partie d'une volonté de l’État, depuis plusieurs années, de se débarrasser d'une partie du patrimoine national par l'intermédiaire de France Domaine, qui comme l'explique Wikipédia, est un service créé en 2007, dont l'un des objectifs est de « revendre les biens immobiliers les plus valorisés » appartenant à l'État. C'est ainsi que j'ai appris, en cherchant cinq minutes, que le Ministère de la Défense vend aussi une ancienne caserne du XVIIIe siècle à Fontenay le Comte (19, rue Kléber - 85200) comprenant notamment un hôtel particulier (voir ici). Ceci dit, peut-être sera-t-elle achetée par la région ou la mairie... ?

Voir les commentaires

Merveilleuses & merveilleux