Les temps mérovingiens

Photographie ci-dessus : Calice de Gourdon. Seconde moitié du V e siècle. Or et grenats. Hauteur : 7,4 cm. Diamètre : 4,4 cm. © Bibliothèque nationale de France, Paris.

Les temps mérovingiens, voilà un thème intéressant qui retourne à une époque volontairement oubliée de notre histoire ; d’abord par les carolingiens qui firent de ces rois, qui régnèrent sur la France du Ve siècle au milieu du VIIIe, des fainéants, capables simplement de porter de beaux cheveux et barbes longs (emblèmes de la royauté)… légende qui perdura par la suite. Un temps oublié aujourd’hui encore. Cherchez au Louvre des objets de cette période : Il y en a peu et aucune statue. Même le musée de Cluny, qui nous propose cette exposition jusqu’au 13 février 2017, ne montre presque rien dans son exposition permanente, non seulement de cette période mais aussi de tout ce qui précède le XIIe siècle : quelques chapiteaux d’un même ensemble du XIe siècle et des parures (fibules…)… mais c’est tout ! Pour un musée dédié au Moyen Âge c’est peu. Dans l’exposition, parmi les 183 œuvres que le dossier de presse recense, j’en ai compté seulement 24 provenant du musée. La plupart appartiennent à la Bibliothèque nationale de France (Cabinet des Médailles inclus) mais aussi à quelques autres lieux français et internationaux. Disons que le Musée de Cluny se rachète avec cette exposition ! Parcourons-la !

Pour une personne curieuse de la mode comme moi, il y a plusieurs items très intéressants. Un vêtement de la reine Bathilde de la seconde moitié du VIIe siècle en est un. Il est en toile de lin et broderie de soie. Les tissus du haut Moyen-Âge conservés de la France actuelle sont très rares ! Le cartel de l’exposition indique qu’il s’agit d’une chasuble. Normalement la chasuble est de forme circulaire, percée d’une ouverture au centre afin de passer la tête. Il s'agit sans doute d'un mantel à parer fermé par une cordelière que l'on voit. Elle se porte dans le dos.

Fibules, ceintures, bagues, boucles, épingles, pendentifs sont d’autres objets liés à l’habillement que les tombes ont plus facilement conservés, ceux-ci étant beaucoup moins fragiles que les tissus. L’exposition présente plusieurs de ces objets, et on peut en apprécier d’autres au premier étage du musée dans la salle aux cloisonnés (je crois appelée la salle du trésor) : des agrafes antiques et médiévales, ainsi que des colliers, bijoux de bras… antiques.

Ci-après nous avons les trois principales formes de fibules (agrafes) en usage alors. Il y en a de rondes, d’autres plus petites de divers aspects, et enfin certaines ayant une allure  allongée. Ces dernières sont généralement les plus grosses.

Photographie ci-dessous : « Trois fibules de Krautheim-Klepsau. Dernier quart du VI e siècle. Argent moulé, doré et niellé, grenats, cloisonnés. Largeur : 11,3 cm. Longueur : 6,7 cm. Or, verre vert et bleu. Diamètre : 4,1 cm. © Badisches Landesmuseum Karlsruhe. »

Photographie ci-dessous : « Fibule de type Apahida-Tournai » en or, du Ve siècle, conservée au musée du Louvre.

Photographie ci-dessous (les échelles ne sont pas respectées) : À gauche - « Fibule circulaire. VII e siècle. Bronze, grenats, or, argent et verre. Diamètre : 6,1 cm. © Rmn-Grand Palais (musée d'Archéologie nationale) / Gérard Blot. » À droite - « Fibules aviformes. Fin V e siècle - début VI e siècle. Grenat, or, verre. Hauteur : 3 cm. © Rmn-Grand Palais (musée d'Archéologie nationale) / Jean-Gilles Berizzi. »

Photographie ci-dessous : « Mobilier funéraire de la tombe d’Arégonde. Fin du VI e siècle. © Rmn-Grand Palais (musée d'Archéologie nationale) / Jean-Gilles Berizzi. » Nous avons là une boucle de ceinture, une épingle à cheveux, deux autres épingles, deux fibules, deux boucles d’oreille et une bague.

On peut même contempler des chaussures, des bas de chausse et une crosse, le tout ayant appartenu à Saint-Germain (VIIe siècle). Le pied !

Ce n’est pas tout… heureusement… Mais pour finir sur le chapitre mode, la boutique du musée de Cluny propose le très beau catalogue de l’exposition (2009) Le bain et le miroir, qui normalement fait 49 €, pour seulement 20 €.

Les mérovingiens utilisaient toujours le papyrus, en particulier pour l’administration. Cette matière étant très fragile, il ne nous reste que peu d’exemples de cette période. En voici un ci-dessous du VIIe ou VIIIe siècle.

Photographie ci-dessous : « Psautier pourpré dit de saint Germain » du VIe siècle, en parchemin et provenant de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de France à Paris.

Photographie ci-dessous : Disque de Limons, en or niellé et grenats, de la fin du VIe siècle ou du début du siècle suivant, de Limons dans le Puy-de-Dôme et conservé au Cabinet des Médailles de la BNF.

Photographie ci-dessous : « Verre à trompes » de la première moitié du VIe siècle, de Douvrend en Seine-Maritime et conservé au musée des antiquités départementales de Rouen.

Les rois mérovingiens ont préservé la religion chrétienne, bien implantée dans l’Empire romain et déjà adoptée par ses derniers empereurs, ainsi que l’administration romaine civile (Sénat, etc.) et religieuse (évêques...), tout en conservant leurs traditions, dans un syncrétisme assez étonnant. L’Empire romain chrétien garda son unité, bien que dirigé en Occident par les nouveaux venus. Charlemagne l’affermit face aux conquêtes musulmanes en Espagne, en refusant par contre un syncrétisme religieux et en asseyant son pouvoir directement sur la religion chrétienne et le Vatican.

L’exposition présente même des : « authentiques de reliques de sainte Geneviève, de saint Médard, de saint Germain, de saint Marcel, de saint Filodde (?), de la barbe de saint Pierre, des Quarante martyrs de saint Lieutgard ». Ces « authentiques » sont des petits morceaux de parchemins du VIIIe siècle, provenant de l’abbaye de Chelles (Seine-et-Marne), aujourd’hui conservées aux archives nationales à Paris. « Une authentique est une bandelette de parchemin ou de papier jointe par une attache à une relique, qui identifie et authentifie la relique.

À noter : l’exposition Austrasie le royaume mérovingien oublié à Saint-Dizier jusqu'au 26 mars 2017. Celle-ci apporte des compléments d'informations sur cette période.

Photographie ci-dessous : « Croix votive du trésor de Guarrazar. Millieu du VII e siècle. Or, saphirs, émeraudes, améthystes, cristaux de roche, perles, nacre et jaspe. Hauteur : 18,5 cm. Largeur : 10,8 cm. © Rmn-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen Âge) / Michel Urtado. »

 
D
Beau compe-rendu avec de bonnes photographies, mais je ne suis pas sur que le Musée de Cluny se soit vraiment rattrapé avec cette modeste mise en lumière des origines de la monarchie francaise.<br /> Alléchante pourtant l’appellation de cette exposition : un béotien comme moi ne connaissant de cette dynastie que son effrayante cruauté décrite par Augustin Thierry allait trouver là l'occasion d'en savoir plus sur l'action de ces premiers rois ... En fait nous découvrons surtout le visage paisible d'un royaume christianisé avec son réseau d'évêchés et d'abbayes, quelques beaux souvenirs de Dagobert (sa baignoire présumée et le trône bien connu en forme de siège consulaire) montrant à quel point les descendants de Childéric s'étaient romanisés...<br /> Donc guère de traces ici des barbus francs envahisseurs de notre Gaule romaine; seule la présentation du contenu de tombes contenant les principaux objets du défunt rappelle des usages "barbares"... On remarque en particulier les quelques restes subsistants de ce qui fut trouvé dans la tombe de Childéric à Tournai.<br /> La personnalité de Clovis,le plus important de ces Mérovingiens, est peu évoquée. Par contre l'écriture ab -carolingienne...- est largement commentée. Quelques belles pièces wisigothes accompagnent tout cela !<br /> De même l'une des curiosités de cette exposition est la présence de deux bas-reliefs (d'inspiration elle-aussi romaine) provenant de la crypte de Saint-Maximin . Je ne suis pas sur que le royaume mérovingien à son apogée soit parvenu jusque là. Et plus flatteur pour l'art "mérovingien" eut été la présentation de cet admirable sarcophage de la crypte de Jouarre montrant un tétramorphe, rivalisant 4 siècles auparavant avec ceux des tympans des cathédrales...<br /> En résumé donc, un titre un peu trompeur !
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Merveilleuses & merveilleux