Modernisation du patrimoine immobilier ancien remarquable

Quel drôle de titre, n’est-ce-pas ? Moderniser une architecture remarquable ancienne c’est, je l’ai déjà dit ailleurs, comme moderniser la Joconde en lui ajoutant un cadre moderne ou pire en lui enlevant des parties et/ou en ajoutant d’autres. Pourtant c’est ce que l’on voit partout depuis quelques dizaines d’années. J’ai déjà écrit de nombreux articles sur ce sujet comme dans ceux-là :

Compte-rendu de chantier (voir la fin sur le Château des ducs de Bretagne, du XVe siècle, dont l’architecte dans les années 2000 a détruit une partie pour laisser rentrer plus de lumière !),

Architectures RER,

Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (9) : Pour le respect des architectures anciennes au même titre que tous les autres objets d'art !

Un premier étage moderne de la Tour Eiffel,

Déchéance du grand Louvre : un centre commercial, le Louvre AbuDabi, l'externalisation de ses réserves à Liévin,

Le façadisme,

Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (21) : Autres cas de destructions du patrimoine parisien...

Il y en a d’autres. En fait j’ai tellement écrit sur ce sujet que l’on pourrait composer un livre entier !

Si j’en parle à nouveau aujourd’hui c’est que, lors de ma visite de l’exposition Les temps mérovingiens, je n’ai pas pu m’empêcher de regarder par le trou de la serrure pour voir où en était le chantier de la ‘modernisation’ du musée de Cluny.

D’abord il faut dire que tout est caché par une balustrade en bois. Les photographies que j’ai prises de l’avancement de ces « restaurations » l’ont été au niveau de la serrure d’une porte et en dessous d’elle. Comme on peut le voir ci-dessous (cliquer sur les photographies pour un agrandissement), les panneaux indiquent des restaurations :  « Restauration de vestiges antiques », « Restauration des vestiges des gallo-romains » et « Restauration des façades et couvertures du bâtiment Boeswillwald ». Il ne s’agit pas encore de la construction d’un nouvel accueil.

Voici quelques photographies de cette ‘restauration’ prises comme je l’ai dit de manière acrobatique.

Quant au bâtiment qui va être mis là, j’en parle dans cet article : Le béton entre au Musée du Moyen Âge de Cluny.

Petit à petit on dénature tout notre patrimoine immobilier ancien remarquable. Finalement on ne fait pas mieux qu’autrefois, et même souvent pire dans la mesure où on détruit plus en profondeur. Évidemment pour l’Hôtel de Cluny et ses thermes romains ce n’est pas le cas… mais bétonner ainsi c’est de trop. Pourquoi ne pas déplacer une partie des collections en face, dans un autre bâtiment extérieur à ce lieu magique ? Vouloir absolument faire rentrer le plus de monde possible dans des lieux anciens, pas faits originellement pour cela, en les ‘modernisant’, c’est enlever leur âme, et petit à petit éteindre la lumière sur le passé qu’ils entretiennent.

Un autre exemple ci-dessous parmi une multitude : la nouvelle entrée du Musée de la Cour d’or à Metz. Dans le site du musée, cela est appelé de la « rénovation » : le fait de casser des murs et de mettre dans un bâtiment du XVIIe siècle de l’architecture moderne.  À noter ces quelques mots évocateurs sur la page du site du musée consacrée : « L'endroit, au charme aujourd'hui désuet [...] ». Ce « charme désuet » nécessitait donc d’être supprimé selon eux, en modernisant, en offrant de la transparence, de la lumière… pour parler novlangue. Que se passera-t-il quand on trouvera que la Joconde a « un charme désuet » ? Quand on regarde les photographies ci-dessous, il est certain que le « charme désuet » du XVIIe siècle a disparu ! Cette maladie qui détruit de l'intérieur s'appelle du façadisme. Elle gangrène de plus en plus d'architectures anciennes remarquables, mais pas seulement.

D
On ne voit pas très bien en quoi consiste cette restauration d'un espace qui ne montrait que les traces de fouilles anciennes mais on comprend par contre les efforts désespérés de la conservation du Musée de Cluny pour récupérer un peu de place . En fait cette longue période de création qu'est le Moyen-Age, si injustement décrié, mériterait un espace de présentation beaucoup plus vaste …<br /> <br /> Incroyable la phrase des muséographes du musée de Metz se réjouissant de remplacer un « endroit au charme aujourd'hui désuet » par un lieu « entièrement rénové ». Ainsi après la mode des confrontations incongrues apparue dans les musées, n'allons nous pas voir apparaître pire encore -car cette fois ci le mal sera irréversible : la chasse aux rares refuges où se ressent cette délicieuse impression de temps arrêté. Je n'ose en donner quelques exemples de peur de donner de mauvaises idées à quelques uns de ces modernes « conservateurs » !
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Merveilleuses & merveilleux