J'ai montré dans les articles des 28 et 31 octobre et des 4 et 7 novembre 2008 l'importance de la mode anglaise en France à partir du XVIIIe siècle. Mais au début du XXe siècle, ce sont les modes venues des amériques qui prennent le dessus. Le livre intitulé La Ronde de nuit (première photographie) offre quelques exemples des occupations très américaines de la jeunesse de l'avant et après guerre de 14-18. Il s'agit d'une compilation d'articles de Sem écrits pendant cette période et rassemblés par l'éditeur dans cette première édition originale de 1923. Le second article date d'avant la guerre : de 1912 « année mémorable qui vit le tango argentin, nouvellement débarqué à Paris, y risquer ses premiers pas compliqués. » Quelques lieux où on se passionne pour cette danse d'Amérique du sud y sont décrits. Le premier article (qui porte le titre du livre) date de 1920. Il évoque la mode d'Amérique du nord de l'après-guerre dans la capitale, durant les années folles : « Cet article est la description un peu poussée d'un dancing clandestin. Il a été écrit au lendemain de la guerre, après l'armistice. A cette époque, pour économiser la lumière électrique, disait l'ordonnace de police, tous les lieux de plaisir devaient être fermés à onze heures précises. Comme cela gênait les noctambules enragés on essaya de tourner la loi. Des tenanciers ingénieux organisèrent des dancings plus ou moins dissimulés, dénommés noblement « clubs », qu'ils éclairaient avec des lampes à pétrole et des bougies. » Une bande d'amis au sortir d'un dancing se rend dans un de ces lieux, une petite maison de banlieue abandonnée, dans laquelle se réunit toute la jeunesse chic de ce début des années folles pour y danser frénétiquement sur des rythmes noirs américains d'un jazz-band. L'avant dernier article est de 1921. Il s'articule autour de la danse : le fox-trott, le shimmy, les dancings, les restaurants à musique, les thés dansants, les danses en appartement au son d'un phono ... Le dernier papier, date de 1922. Il s'intitule « Brodway à Paris » : « Naguère, Montmartre avait le monopole des boîtes de nuit. Mais ce Montmartre frelaté (pas celui des artistes) s'est démocratisé à l'excès et les étrangers chics ont émigré vers des zones moins canailles. Leur essaim bourdonnant et doré s'est abattu un beau soir, on ne sait pourquoi, sur cette pauvre vieille rue Caumartin. C'est là que bat maintenant, avec le plus de frénésie, le rythme trépidant de la vie américano-parisienne. » L'auteur compare cette rue à « une sorte de Broadway en miniature » avec ses dancings comme le Teddy, le So different ... et surtout le Maurice's Club. De nombreux américains s'y retrouvent. On est ici près des fameux grands boulevards (Les Boulevards des Italiens, des Capucines et de Montmartre) puisque la rue de Caumartin débute au commencement du boulevard des Capucines.
Deuxième photographie : Page de la revue Fantasio (152) : « Un début dans le monde / en 1923 / L'invitation à la valse / dessin de Lorenzi. ». Fantasio est une revue satirique illustrée bimensuelle publiée à partir de 1907 jusqu'à la fin des années 1920. Dimensions : 29,8 x 20,6 cm.
Troisième photographie : Prospectus original (trouvé dans la cave du café Au Père tranquille dont l'emplacement est encore aujourd'hui en face des halles), d'époque 'Années folles' (1918-39), de 10,6 x 13,4 cm. « Paris la Nuit aux Halles – Au Père Tranquille – Cabinets Particuliers - Soupers » Au dos : « ''Au Père Tranquille'' / le célèbre Cabaret-Restaurant des Halles / 16, rue Pierre-Lescot, Paris-1er Tél.: Louvre 20-34 / Soupers - Dancing - Chants - Attractions / de minuit au matin/ Tous les Plaisirs et Amusements / dans le « Ventre de Paris » / La Fameuse Soupe à l'Oignon Gratinée à 6 francs / Le Champagne de Marque à partir de 50 francs / et tout un Souper à des Prix Modérés / - Bar : consommations 8 francs - » L'actuelle brasserie parisienne Au Père tranquille existe depuis la fin du XIXe siècle quand les halles (le ventre de Paris) sont encore présentes (elles sont remplacées par l'actuelle galerie marchande à partir des années 1970). Le prospectus date des années folles. A cette époque le lieu fait office de cabaret – restaurant avec soupers, dancing, chants et attractions. On remarque qu'il allie toutes les gammes (de la soupe à l'oignon à 6 fr au champagne à partir de 50 fr) et est donc largement ouvert tout en étant chic.