Du côté du boulevard du temple.

desboulevards300Photographie 1 : Page de titre de la pièce intitulée : La Matinée, la Soirée, et la Nuit des Boulevards ; Ambigu de Scènes Épisodiques, Mêlé de Chants et de Danses, Divisé en quatre Parties : Représenté devant Leurs Majestés à Fontainebleau, le 11 Octobre 1776, A Paris, Chez la Veuve DUCHESNE, Libraire, rue Saint-Jacques, au Temple du Goût, 1776. « Les Paroles sont du M. FAVART » : Charles-Simon Favart (1710-1792).

Photographie 2 : Commencement de la première partie de la pièce.

Photographie 3 : Début de la quatrième partie.

Voici un article sur la fraction des boulevards un peu moins chic que celle dont il est question dans Les Boulevards des Italiens, des Capucines et de Montmartre mais pleine d'attraits et aussi très à la mode, à travers une intéressante pièce de théâtre jouée en 1776 dont j'ai acquis une édition d'époque, sans doute la première. Le livre ressemble à un ouvrage de colportage. Le texte met en scène en particulier une tranche des ces fameux boulevards ; celle ou se trouvent de nombreux théâtres (théâtres des boulevards) au niveau du boulevard du temple. Il présente de nombreux personnages dans l'ambiance toute particulière de ce lieu où l'on vient pour le plaisir, la gaieté, la distraction, chercher la bonne fortune, musarder, faucher le persil, assister aux danses, spectacles de charlatans, théâtres, écouter les chansonniers et des concerts, se restaurer dans les cafés, participer aux bals (masqués ou pas) … tout cela dans une atmosphère que l'on imagine assez féérique.

la matinee des boulevards 300Pour la première et la seconde parties (« la matinée » et « la soirée des boulevards »), « Le Théâtre représente une partie des Boulevard du côté de la Barrière du Temple ; dans le fond est un Café, à côté une Boutique de Perruquier, & contre un Arbre une petite Échoppe de Libraire » aussi appelée « boutique de bel esprit ». La barrière du Temple se situe à Paris au niveau de l'actuelle place de la République, au début de la rue du faubourg du temple ; dans le prolongement des boulevards chics de la Madeleine, des Capucines, des Italiens, Montmartre, puis des actuels boulevards Poissonnière, Bonne nouvelle, Saint-Denis, Saint-Martin. De l'autre côté il se prolonge par le boulevard du Temple possédant des théâtres jouant des scènes diverses dont de nombreux crimes : d'où son surnom de boulevard 'du crime'. La pièce commence par mettre en scène un « marchand clincailler » (ou 'quincaillier') vendant ici comme 'quincaille' surtout des articles associés à la mode : « Achetez de mes bagatelles, / Peignes d'ivoire, Peignes de buis, / Des Canons pour les dentelles, / Lacets & Rubans choisis ; / Des noeuds d'épée pour ces Demoiselles, / Du rouge pour les petits Marquis. / […] / J'ai pour les prudes Coquettes / Des Éventails à Lorgnettes.le bal des boulevard300clair / J'ai pour Messieurs les Courtisans, / Couteaux polis à deux tranchants, / Voilà de gentilles Lunettes / Pour les Amants à cheveux gris. / […] / Fines Aiguilles / Pour ces Filles ; / Pour les Abbés voilà des Flacons, / Des Cure-dents pour les Gascons. / Et voilà pour les Petits-Maîtres bourgeois / De grandes Boucles de harnais. / Achetez de mes bagatelles ; Voilà de jolis Étuis garnis, / Des Boîtes à secret pour les belles, / Des Lanternes pour les maris... » Puis c'est le tour d'une vendeuse de confiseries : une « petite marchande de plaisir ». La première partie met en scène divers autres personnages dont un petit-maître, un perruquier, un manufacturier d'étoffes venant en famille se divertir dans un café …

Dans la seconde division qui se déroule « en soirée » interviennent un garçon de café, un chevalier etc., tout cela au milieu de spectacles de charlatans : marionnettistes, chansonniers, montreur d'ours dansant, vaudevilles …

Dans la troisième section intitulée « La Nuit des Boulevards » : « Le Théâtre représente un Labyrinthe de verdure, & un banc de gazon sur le devant, dans un Bocage. » Le décor est ici celui d'une guinguette telle qu'on en trouve aux diverses barrières de Paris, c'est à dire aux portes de la capitale (voir articles intitulé Guinguettes). Au XVIIIe siècle on aménage souvent des bosquets avec des bancs où les promeneurs peuvent se restaurer et se reposer dans l'intimité. Il y en a sur les Champs-Élysées ou dans les jardins de Tivoli au nord de Paris.

La quatrième partie a pour titre « Le Bal des Boulevards » : « Le Théâtre représente une Salle de Bal illuminée. Une foule de Masques remplit le lieu de la Scène. Après différentes entrées, un Quadrille représentant les Modes Françaises, depuis François Premier jusqu'à présent danse sur des Airs de Vaudevilles, qui caractérisent les époques des Modes. On finit par une Contredanse générale sur l'Air de la Fricassée. » La pièce se termine par ces mots : « La gaieté / Vaut mieux que la gravité. »

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Chaussures cirées

lesdecroteursenboutiqueaaaa300.jpgLa première définition du 'cireur' trouvée dans une édition du Dictionnaire de l'Académie française date du XIXe siècle. Pourtant 'cire' et 'cirer des bottes' sont dans la première édition de 1694. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle on emploie le terme de 'décrotteur', chez qui on se rend pour se faire nettoyer ses chaussures de la boue et cirer avant d'aller chez une personne de bonne compagnie.

Photographie : Gravure d'époque Directoire ayant pour titre Les Décroteurs en Boutique. On distingue derrière la vitre l'enseigne du lieu : « Ici on décrotte à la cire luisante » ; sans doute un signe de modernité puisqu'on ne distingue comme clients de cet endroit que des incroyables et des merveilleuses caricaturés dans cette estampe. Les différentes étapes du cirage sont représentées avec : le brossage, la préparation de la cire avec de l'oeuf et son badigeonnage au pinceau sur les chaussures. Avoir des chaussures cirées est une nécessité pour qui a un rendez-vous avec une dame ; comme on le remarque sur la gravure où le premier incroyable lit un message sans doute galant ; le second parle avec une jeune femme ; et le troisième part avec une autre.

Les boutiques de décrotteurs semblent être une nouveauté de la fin du XVIIIe siècle ou du tout début du XIXe siècle ; car le passage sur ce sujet de Tableau de Paris (seconde photographie), dont la première édition date de 1781, ne mentionne pas de tels endroits. A des époques où les chevaux sont nombreux dans les rues de la capitale française, les lieux de promenades (les Champs-Élysées, Longchamp, les jardins …) souvent poussiéreux voir boueux lorsqu'il pleut …, prendre soin de ses chaussures est une nécessité de tous les instants. Un des plus farouches combats de l'homme sur cette terre est sans doute celui contre la poussière.

tableaudeparisd-crotteurs300.jpgPhotographie : Premières pages du passage sur les 'Décrotteurs' de Tableau de Paris (nouvelle édition, corrigée & augmentée, tome III, 1783. « Décrotteurs. On sait que Paris se nommait jadis Lutetia, Ville de boue ; mais on ne sait pas au juste à quelle époque l'industrie enfanta l'art du décrotteur, si nécessaire de nos jours dans cette sale & grande ville. On a beau marcher sur la pointe du pied, l'adresse & la vigilance ne garantissent point des éclaboussures. Souvent même le balai qui nettoie le pavé fait jaillir des mouches sur un bas blanc. L'utile décrotteur vous tend au coin de chaque rue une brosse officieuse, une main prompte ; il vous met en état de vous présenter chez les hommes en place & chez les Dames ; car on passera bien avec l'habit un peu râpé, le linge commun, le mince accommodage ; mais il ne faut pas arriver crotté, fût-on poète. C'est sur le Pont-Neuf qu'est la grande manufacture ; on y est mieux décrotté ; on y est plus à son aise, & les voitures qui défilent sans cesse, n'interrompent point l'ouvrage. La célérité, la propreté distinguent ces décrotteurs-là ; ils sont réputés maîtres ; ailleurs vous risquez de rencontrer un allerapied300.jpgapprenti ignare, à qui vous confiez votre jambe, & qui prenant le polissoir au-lieu de la vergette, étend sur un bas de soie blanc, une cire noire & gluante que la plus habile blanchisseuse ne pourra effacer. Quel désastre pour celui qui n'a que cette paire de bas de soie blancs, & qui est invité à dîner chez une Duchesse, pour lui lire ensuite une petite comédie ou un poème érotique. Auteurs qui craignez ce revers, ne vous adressez qu'aux maîtres-décrotteurs du Pont-Neuf. S'il pleut, ou si le soleil est ardent, on vous mettra un parasol en main, & vous conserverez votre frisure poudrée, agrément que vous préférez encore à la chaussure ... »

Photographie : Gravure d'époque (1804) de la série L'Élégance parisienne. Cette planche n°1 s'intitule : 'Le désagrément d'aller à pied'. On a attaché (des enfants sans doute) à un chien un petit fagot qui en passant devant de jeunes beaux les asperge de boue. Il est à remarquer le large chapeau de l'homme qui est très à la mode à Paris à une certaine période. L'Élégance parisienne est une suite de sept estampes publiées en 1804 qui dévoilent les infortunes de la mode, comme celle intitulée 'Le désagrément d’être joli garçon' où un petit maître du Premier Empire est représenté entre un policier qui l’attrape par son collet, et une femme qui le retient d’un côté tout en étant elle-même modérée par l’argent (sur sa traîne) de son petit mari.

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Exemples de tenues du début du XIXe siècle

chapeauxdebutXIXe400Les gravures présentées ici proviennent du site de la galerie Laurencin (www.gravures-laurencin.com) spécialisée dans les estampes et les dessins.

La caricature intitulée 'La Promenade interrompue' (photographie 2 gauche) présente un incroyable marchant sur la traîne d'une merveilleuse ce qui suspend la flânerie de ces musards (pour la définition de ce terme, voir la fin de l'article : La petite maîtresse à la promenade, le petit maître allant en bonne fortune, le museur, la museuse, le musard et la musarde). Le thème de cette image rappelle celui de celle du Bon Genre ayant pour titre : 'L'embarras des Queues' (Récapitulatif de l’exposition Modes anciennes - suite -). 'La rencontre imprévue' (photographie 2 centre) est dans la même veine ;  et l'estampe 'Demoiselle s'amusant avec son Carlin' (photographie 2 droite) est très bien résumée par son titre.

modesdudebutduXIXe3estampes500clairLa 'Suite et effet du Mariage de Mr Richelet' (photographie 3) fait sans doute référence aux épousailles entre une femme jeune et un vieillard. La jeune fille et ses amis sont à la mode de l'époque, alors que le vieil homme l'est à celle du siècle passé.

L'intérêt de toutes ces gravures réside ici dans les costumes : chapeaux et tenues d'incroyables et de merveilleuses. Les jeunes habillés ainsi au début du XIXe siècle suivent la mode d'alors, contrairement aux premiers incroyables et merveilleuses de la fin du XVIIIe siècle qui véritablement créent la mode et lui apportent des changements en étant novateurs. Cependant les grands chapeaux sont caractéristiques de la période concernée. Alors qu'au siècle précédent les coiffures des dames s'élèvent très haut ; au début du siècle suivant les chapeaux de certains hommes surplombent la foule des promeneurs parisiens, alors que ceux des femmes peuvent être très verticals : on en a un exemple à la photographie 3 dans la coiffe à longue visière que tient un des protagonistes. Les personnages féminins ont des tuniques tombant sur les pieds, à taille très haute, découvrant la gorge, et des châles. Les hommes portent la coiffure 'à la Titus' (cheveux courts), une cravate haute, un habit à grand collet, une culotte, des bas, des chaussures plutôt plates ...chapeaugrandbicorne249clair

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Terres vernissées anciennes

ceramiquemedievaleparis300Martine Houze est une importante spécialiste de l'art populaire en France. Elle sait trouver et transmettre le précieux de certains objets 'simples' d'autrefois. Par leur intermédiaire, c'est une beauté et une intelligence qui sont révélées, à travers le quotidien. Ces pièces témoignent de la vie : du travail, du mariage, du baptême … et du rêve … des objets qui portent en eux une part de l'âme de ceux qui les fabriquent, les offrent ou les utilisent. L'élégance est aussi intérieure … parfois cachée par la force des choses (justement !). Comme le dit ce passage de Le Petit Prince d'Antoine de Saint Exupéry : « … on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux. »

assietteterrevernissee300Je vais présenter dans quelques articles certains des objets du site de cette experte : www.folkcollection.com. Pour commencer voici quelques terres vernissées anciennes :

Photographie 1 : « Pichet. Terre blanche vernissée jaune. Sur piédouche évasé, petite panse méplate prolongée par un long col évasé. Anse étirée, pourvue d’un poucier à deux ergots. La panse est protégée par des petits colombins inclinés tandis que le haut du col est rehaussé d’une rangée de quatre pastilles. Ce type de pichet ne possède pas de bec verseur mais la lèvre est incurvée faisant office de casse gouttes. PARIS. Seconde moitié du XIVe siècle. H : 15 cm »

Photographie 2 : « Plat de Martincamp. Terre blanche vernissée à décor d’un cheval stylisé dans un entourage de rinceaux. Hachures vertes et rouges sur l’aile. (Fêlures). Normandie - Seine maritime – Martincamp. Fin du XVIIIe siècle D : 35 cm »

Photographie 3 : « Platine à repasser. Terre crème vernissée vert. Plaque circulaire bombée, montée sur trois pieds. Bretagne - Herbignac XIXe siècle D / 42 cm. On disposait un réchaud rempli de braises sous la platine sur laquelle on étirait le linge encore humide pour le lisser et le faire sécher. »repassage300

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Pyxis

pyxisPhotographie de la galerie de Bernard Descheemaeker.

La pyxis, aussi appelée 'pyxide', est un objet particulièrement important dans la toilette médiévale. Son origine est antique. Il s'agit d'un petit vase rond généralement doté d'un couvercle, renfermant des baumes, huiles parfumées, bijoux ... Dans l'iconographie du Moyen-âge, cet objet est souvent associé à Marie-Madeleine, sans doute parce qu'il est le symbole des plaisirs assimilés au bain et à la toilette ; aussi parce que la sainte oint les pieds de Jésus-Christ avec un parfum de nard pur de grand prix.

La galerie de Bernard Descheemaeker en présente une qui est intéressante (photographie) pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce qu'elle date de vers 1220-1230, et qu'il s'agit d'un exemple de la production d'émail champlevé polychrome de Limoges (oeuvre de Limoges : opus lemovincense d'après Wikipedia) qui offre du milieu du XIIe siècle jusqu'à la première moitié du XIVe des exemples d'objets d'art particulièrement beaux voir sublimes. Celui-ci, de 7,2 cm de haut et 6,4 cm de diamètre, peut aussi être utilisé pour contenir les hosties de la messe. Il comporte sur les pourtours du couvercle comme du bassin des bustes d'anges représentés dans des médaillons. Le musée national du Moyen-âge de Cluny à Paris conserve et expose des émaux de Limoges dont des pyxides et des représentations de Sainte Marie-Madeleine portant un tel objet comme une statue en bois de la fin du XVe siècle ou une autre particulièrement belle, parfois présentée comme étant une sybille. Voici d'autres exemples trouvés sur le net du Moyen-âge : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 ; et des pyxides antiques : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - 12 - 13 - 14.

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Une invitation au rêve

chambre300bPhotographie provenant de www.interencheres.com.

L'art est aussi une invitation au rêve. Voici une chambre à coucher de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe qui en promet de beaux, si on apprécie les rêves baroques ! Elle provient de la vente aux enchères du 25 janvier à Rennes par Bretagne enchères dont le catalogue est disponible sur : www.interencheres.com.

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La marchande de modes

marchandesdemode500Photographie 1 : Gravure du XVIIIe siècle provenant du Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert, de la partie consacrée aux 'Arts de l’habillement’. Le titre est 'Marchande de Modes', avec en son haut la représentation d'une boutique.

lamarchandedemodecomedie300Photographie 2 : Comédie en un acte intitulée La Marchande de modes de la comtesse de Genlis (1746-1830) d'une édition datant de 1780.

Dans son Manuel historique, géographique et politique des négociants … (1762), Jean Paganucci donne cette définition de ce métier : « On appelle Marchandes de modes celles qui travaillent aux ajustements des Dames, & qui vendent tout ce qui y a rapport. » La Marchande de modes invente et colporte les modes dans une boutique ou en se rendant chez ses clientes en particulier lors de leur toilette matinale. Elle est au faîte des nouveautés, et s’habille en conséquence. Elle occupe une place primordiale dans la mode du XVIIIe siècle, mais disparaît peu à peu au XIXe, avec l’apparition des grands magasins et l’assagissement des ornements. La mode engendre de nombreux grands et petits métiers qui ont leurs élégants connaissant les dernières pratiques à la mode. Certaines importantes marchandes de modes (ou de grandes couturières) sont connues. Dans Tableau de Paris (seconde moitié du XVIIIe siècle), Louis-Sébastien Mercier (1740-1814) écrit : « Rien n’égale la gravité d’une marchande de modes combinant des poufs, et donnant à des gazes et des fleurs une valeur centuple. […] C’est de Paris que les profondes inventrices en ce genre donnent des lois à l’univers. La fameuse poupée, le mannequin précieux, affublé des modes les plus nouvelles, enfin le prototype inspirateur passe de Paris à Londres tous les mois, et va de là répandre ces grâces dans toute l’Europe. Il va au nord et au midi : il pénètre à Constantinople et à Pétersbourg ; et le pli qu’a donné une main française, se répète chez toutes les nations, humbles observatrices du goût de la rue Saint-Honoré ! […] Les nations voisines ont beau vouloir nous imiter ; la gloire de ce goût léger nous demeurera en propre. […] Ces amusements de l’opulence enrichissent une foule d’ouvrières ». Il s'agit des petites mains de la mode : grisettes, cousettes puis mimis, trottins, midinettes ... De nombreux textes expliquent combien les employées, les petites marchandes de mode et celles qui gardent la boutique, sont très jolies. Certains viennent rue Saint-Honoré ou ailleurs non seulement pour acheter mais aussi pour profiter de leur beauté et compagnie.

Qui donc est plus au courant de la mode que la marchande de modes qui l’invente ? Elle est à la fois artiste, chef d’entreprise, esthète … Elle vend en particulier des rubans, gazes, bonnets et ornements. Pour la compléter s’ajoutent la couturière, le corsetier ou tailleur de corps, le coiffeur. On peut citer d’autres métiers comme le gantier ou le fabriquant de chaussures, le bijoutier, le mercier, la marchande de linges … Au XVIIIe siècle, la rue Saint-Honoré et le Palais Royal offrent les principales grandes boutiques de France de ces métiers.

delamarchandedemode400.jpg

Photographie 3 : Titre de la partie consacrée à la marchande de modes de l'Art du tailleur, Contenant le Tailleur d'habits d'hommes, les Culottes de peau, le Tailleur de corps de femmes & enfants, la Couturière, & la Marchande de modes, par M. de Garsault, provenant du tome XIV de Descriptions des arts et métiers : Contenant l'art du perruquier, l'art du tailleur, renfermant le tailleur d'habits d'hommes, les culottes de peau, le tailleur de corps de femmes & enfants, la couturière & la marchande de modes, l'art de la lingère, l'art du brodeur, l'art du cirier … de Jean-Elie Bertrand, édité par l'imprimerie de la Société typographique, 1780.

Photographie 4 : Marchandes de modes, chapitre de Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier, tome III, nouvelle édition corrigée et augmentée de 1783.

tableaudeparistomeIIImarchandesdemode300detailclairDans Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier occupe tout un chapitres aux : « Marchandes de modes. Assises dans un comptoir, à la file l'une de l'autre, vous les voyez à travers les vitres. Elles arrangent ces pompons, ces colifichets, ces galants trophées que la mode enfante et varie. Vous les regardez librement, et elles vous regardent de même. Ces boutiques se trouvent dans toutes les rues. A côté d'un armurier qui n'offre que des cuirasses et des épées, vous ne voyez que touffes de gaze, des plumes, des rubans, des fleurs et des bonnets de femme. Ces filles enchaînées au comptoir, l'aiguille à la main, jettent incessamment l'œil dans la rue. Aucun passant ne leur échappe. La place du comptoir, voisine de la rue, est toujours recherchée comme la plus favorable, parce que les brigades d'hommes qui passent offrent toujours le coup d'œil d'un hommage. La fille se réjouit de tous les regards qu'on lui lance, et s'imagine voir autant d'amants. La multitude des passants varie et augmente son plaisir et sa curiosité. Ainsi, ce métier sédentaire devient supportable, quand il s'y joint l'agrément de voir et d'être vue ; mais la plus jolie du comptoir devrait occuper constamment la place favorable. On aperçoit dans ces boutiques des minois charmants à côté de laides figures. L'idée d'un sérail saisit involontairement l'imagination ; les unes seraient au rang des sultanes favorites, et les autres en seraient les gardiennes. Plusieurs vont le matin aux toilettes avec des pompons dans leurs corbeilles. Il faut parer le front des belles, leurs rivales ; il faut qu'elles fassent taire la secrète jalousie de leur sexe, et que, par état, elles embellissent toutes celles qui les traitent avec hauteur. Quelquefois le minois est si joli, que le front altier de la riche dame en est effacé. La petite marchande en robe simple se trouve à une toilette dont elle n'a pas besoin ; ses appas triomphent et effacent tout l'art d'une coquette. Le courtisan de la grande dame devient tout à coup infidèle ; il ne lorgne plus dans le coin du miroir que la bouche fraîche et les joues vermeilles de la petite qui n'a ni suisse ni aïeux. Plus d'une aussi ne fait qu'un saut du magasin au fond d'une berline anglaise. Elle était fille de boutique; elle revient un mois après y faire ses emplettes, la tête haute, l'air triomphant, et le tout pour faire sécher d'envie son ancienne maîtresse et ses chères compagnes. Elle n'est plus assujettie au comptoir; elle jouit de tous les dons du bel âge. Elle ne couche plus au sixième étage dans un lit sans rideaux, réduite à attraper en passant le stérile hommage d'un maigre clerc de procureur. Elle roule avec le plaisir dans un leste équipage ; et d'après cet exemple, toutes les filles, regardant tour à tour leur miroir et leur triste couchette, attendent du destin le moment de jeter l'aiguille et de sortir d'esclavage. En passant devant ces boutiques, un abbé, un militaire, un jeune sénateur y entrent pour considérer les belles. Les emplettes ne sont qu'un prétexte ; on regarde la vendeuse, et non la marchandise. Un jeune sénateur achète une bouffante ; un abbé sémillant demande de la blonde ; il tient l'aune à l'apprentie qui mesure : on lui sourit, et la curiosité rend le passant de tout état acheteur de chiffons. […] Mais j'oubliais que le travail des modes est un art ; art chéri, triomphant, qui dans ce siècle a reçu des honneurs, des distinctions. Cet art entre dans le palais des rois, y reçoit un accueil flatteur. La marchande de modes passe au milieu des gardes, pénètre l'appartement où la haute noblesse n'entre pas encore. Là on décide sur une robe, on prononce sur une coiffure, on examine tout le jeu d'un pli heureux. Les grâces, ajoutant aux dons de la nature, embellissent la majesté. Mais qui mérite d'obtenir la gloire, ou de la main qui dessine ces ajustements, ou de celle qui les exécute ? Problème difficile à résoudre. Peut-on dire ici : Invente, tu vivras ? Qui sait de quelle tête féminine part la féconde idée qui va changer tous les bonnets de l'Europe, et soumettre encore des portions de l'Amérique et de l'Asie à nos collets montés ? La rivalité entre deux marchandes de modes a éclaté dernièrement, comme entre deux grands poètes. Mais l'on a reconnu que le génie ne dépendait pas des longues études faites chez mademoiselle Alexandre, ou chez monsieur Baulard. Une petite marchande de modes de l'humble quai de Gesvres, bravant toutes les poétiques antécédentes, rejetant les documents des vieilles boutiques, s'élance, prend un coup d'œil supérieur, renverse tout l'édifice de la science de ses rivales. Elle fait révolution, son génie brillant domine, et la voilà admise auprès du trône. Aussi, quand le cortège royal s'avance dans la capitale, que le pavé étincelle sous le fer des coursiers que monte une noble élite de guerriers, que tout le monde est aux fenêtres, que tous les regards plongent au fond du char étincelant, la reine, en passant, lève les yeux et honore d'un sourire sa marchande de modes. Sa rivale en sèche de jalousie, murmure de ses succès, cherche à les rabaisser, ainsi que fait un journaliste dans ses feuilles contre un auteur applaudi. Mais la reine est l'arbitre des modes ; son goût fait loi, et sa loi est toujours gracieuse. Les marchandes de modes ont couvert de leurs industrieux chiffons la France entière et les nations voisines. Tout ce qui concerne la parure a été adopté avec une espèce de fureur par toutes les femmes de l'Europe. C'est une contrefaçon universelle ; mais ces robes, ces garnitures, ces rubans, ces gazes, ces bonnets, ces plumes, ces blondes, ces chapeaux font aujourd'hui que quinze cent mille demoiselles nubiles ne se marieront pas. Tout mari a peur de la marchande de modes, et ne l'envisage qu'avec effroi. Le célibataire, dès qu'il voit ces coiffures, ces ajustements, ces panaches dont les femmes sont idolâtres, réfléchit, calcule et reste garçon. Mais les demoiselles vous diront qu'elles aiment autant des poufs et des bonnets historiés que des maris. Soit. »

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BONNE ANNÉE 2010 !

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Camées

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La civilité

educationau18esieclejeunefille240.jpgalmanachallemeandXVIIIelareverencerecadre300Photographie 1 : Détail d'une estampe intitulée « L'instruction » [texte en allemand et en français] d'un almanach allemand de l'année 1779. Photographie 3 : feuille complète. Photographie 2 : Gravure avec pour titre 'La révérence', du même almanach, présentant un homme dans une posture ressemblant tout à fait à la figure du Petit-maître en Chenille décrite dans l'article du 16 mars 2009. Il est donc fort probable que cette attitude découle de la révérence.

Comme je l'ai dit dans un précédent article, Charles Duclos (1704-1772) écrit que le français est le plus sociable des hommes. De là vient son goût pour la mode, le bon ton, la politesse, l’éducation, le savoir-vivre … Antoine de Courtin (1622-1685) publie en 1671 un Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes gens. Il écrit que la civilité « n’est que la modestie et l’honnêteté que chacun doit garder dans ses paroles & ses actions. » almanachallemandeducationau18esieclecalendrier300-copie-1Il commence par expliquer qu’elle doit venir de l’intérieur, puis formule différentes règles de langage, de maintien, de propreté, de politesse, d’usages (à table, au bal …), d’hospitalité, d’écriture, de bienséance … Le but est de ne pas déplaire et de plaire non seulement aux yeux du corps mais aussi à ceux de l’âme ; d’être naturel, modeste, faire des présents, avoir de l’hospitalité, de la contenance, de l’humilité et de la bienséance, d’être propre et à la mode, d’estimer les autres plus que soi-même, d’être mesuré, respectueux, d’avoir du discernement, de la bonne humeur. Le livre finit par ces mots : « Il est donc certain que l’usage pourra polir, abolir & changer peut-être une partie des règles que nous donnons ; mais néanmoins comme la civilité vient essentiellement de la modestie, & la modestie de l’humilité, qui est le souverain degré de la charité, & qui comme les autres est appuyée sur des principes inébranlables : c’est une vérité constante, que quand même l’usage changerait, la civilité ne changerait pas dans le fond ; & que l’on sera toujours civil, turcaretdujour3000.jpgquand on sera modeste, quand on sera humble ; & toujours humble, quand on aura la charité chrétienne, qui nous porte à obliger tous ceux que nous pouvons, même contre nos propres intérêts. » Pour finir voici une définition de la civilité que j'apprécie tout particulièrement et qui est tirée du même ouvrage : « d’après les anciens », la civilité est « une science qui enseigne à placer en son véritable lieu ce que nous avons à faire ou à dire ».

Photographie 4 : Gravure n°2 tirée de Manières et Modes, avec pour légende : « Turcaret du Jour prenant une leçon de tournure. » C'est en 1709 qu'Alain-René Lesage (1668-1747) publie la pièce de théâtre intitulée Turcaret. Cette satire des milieux financiers fait scandale à sa parution. Elle dépeint notamment le personnage de 'Turcaret', financier parvenu dépourvu d'éducation. L'image ici date de la toute fin du XVIIIe siècle ou du début du XIXe, et présente un de ces financiers cherchant à acquérir du style. Les deux personnages représentés sont à la mode à cette époque, mais la tenue d'incroyable du petit Turcaret accentue son ridicule.

Photographie 5 : Dans La Comédie de notre temps (1874-1876), Bertall (1820-1882) occupe tout un chapitre à « La civilité » qui commence par cette vignette.civilitel300.jpg

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Le galant, la galante et la galanterie

cavalierenescharpe300.jpg« […] je ne goûte point trop que d'une idée galante, on me rappelle à une autre qui est basse, et sans agrément. » écrit Bernard Le Bouyer de Fontenelle (1657-1757).

Photographie : " Cavalier en écharpe. Il est galant déterminé. Jetant ses cheveux en arrière. Et prêt à fournir la Carrière dans un bal après le dîner. Chez I Bonnart, au Coq. Avec privilège du Roi. " Gravure du XVIIe siècle déjà exposée dans ce blog.

La définition qu'en donne la première édition (1694) du Dictionnaire de l'Académie française est la suivante : «  GALANT, [gal]ante. adj. Honnête, civil, sociable, de bonne compagnie, de conversation agréable. Galant homme. galante femme. Il signifie aussi, Un homme habile en sa profession, & qui entend bien les choses dont il se mêle, qui a du jugement, de la conduite, de l'agrément. Vous lui pouvez donner votre affaire à conduire, il s'en acquittera bien, car c'est un galant homme. c'est un homme de mérite, un galant homme. Il se dit aussi par flatterie ou par familiarité, pour Louer une personne de quelque chose que ce soit. Vous êtes un galant homme d'être venu exprès pour nous voir. vous seriez un galant homme si vous me faisiez ce plaisir là. Il signifie aussi, Un homme qui cherche à plaire aux Dames, & dans ce sens on met Galant après de substantif. C'est un homme fort galant. On dit, d'Une femme coquette, qu'Elle est galante. Il se dit aussi, Des choses. Il a l'air galant, la façon galante, l'esprit galant, les manières galantes, pour dire, Agréables, polies, &c. Un habit galant. une lettre galante. un style galant. un discours galant. tout ce qu'il fait est galant. Il est aussi substantif, & signifie Amant, amoureux. C'est mon galant. je suis son galant. elle a bien des galants. Mais il se dit plus ordinairement de celui qui fait l'amour à une femme mariée, ou à une fille qu'il n'a pas dessein d'épouser. Le mari & le galant ne s'accordent pas. il en fait le galant, pour dire, Il en fait l'amoureux. Il signifie aussi, Un ruban qu'on met sur les habits, sur le chapeau ou en quelque autre endroit par ornement. Il a toujours plein de galants sur lui. elle m'a donné un galant. […] On dit, d'Un jeune homme, vif, alerte, & vigoureux, que C'est un vert galant. Galamment. adv. D'une façon galante, de bonne grâce. Il fait cela galamment. il a dit cela galamment. il écrit, il s'habille galamment. Il sign. aussi, Habilement, adroitement, finement. Il s'est tiré galamment d'intrigue. il a mené galamment cette affaire-là. Galanterie. sub. f. Qualité de celui qui est galant, gentillesse. Cet homme-là a de la galanterie dans l'esprit. il a de la galanterie dans tout ce qu'il fait. Il se prend plus particulièrement pour les devoirs, les respects, les services que l'on rend aux Dames. Il fait profession de galanterie. il s'adonne à la galanterie. il faut avoir de la galanterie pour les Dames. Il signifie aussi, Commerce amoureux. Cette femme a une galanterie avec un tel. Il se prend aussi Pour les choses que l'on fait pour les Dames, ou qu'on leur donne par galanterie. Cet homme-la fait tous les jours cent galanteries. il lui a envoyé une galanterie aux étrennes. On dit par exténuation, Ce n'est qu'une galanterie, pour dire, que C'est une chose de peu d'importance. Galantiser. v. a. Faire le galant auprès des Dames. Il ne fait que galantiser toutes les Dames. Ce mot commence à vieillir. »

mercuregalant1686 300Dans son Dictionnaire critique de la langue française de 1787-1788 Jean-François Féraud écrit : « Un Petit-maître, avec ses grimaces, est aussi loin du caractère d'un galant homme, qu'un faux dévot, avec son air sanctifié, est éloigné du caractère d'un homme véritablement religieux … "

Il semble qu’au XVIIe siècle (à cette époque on écrit surtout ‘galand’) la galanterie soit surtout l’apanage des hommes et la coquetterie celle des femmes. La galanterie occupe une place très importante en France. Pierre Ortigue de Vaumorière offre une Histoire de la galanterie des anciens datant de 1671. En 1644 est publié un petit opuscule intitulé Les Lois de la galanterie. Le début est entièrement retranscrit dans l'article du 24 août 2009 intitulé Le Parisien. En voici un autre passage : « Il faut que chacun sache que le parfait Courtisan, qu'un Italien a voulu décrire, et l'Honnête Homme, que l'on nous a dépeint en français, ne sont autre chose qu'un vrai Galant, tellement que toutes les bonnes qualités que l'on a souhaitées à d'autres séparément doivent être toutes réunies en lui ; mais outre cela il doit avoir la somptuosité, la magnificence et la libéralité en un degré souverain, et pour y fournir il doit avoir un grand revenu. »

Photographie : Mercure galant, Juillet 1686, Lyon, Thomas Amaulry. Il s'agit d'un périodique dont la première parution date de 1672. Il est une des principales publications des 'modernes' (Charles Perrault, Fontenelle ...) de cette époque.

Dans la Suite d'estampes pour servir à l'histoire des moeurs et du costume des français dans le dix-huitième siècle (1775) on apprend qu’« Un Homme galant & un galant Homme sont deux personnages bien différents ». Le premier se sent obligé de mentir, de parjurer, de séduire en amour ; il y met un point d’honneur ; alors que le second ne passe pas sa vie à mentir.

Certaines précieuses appellent Paris : « le centre de la galanterie ».

La galanterie, c'est aussi un attachement profond à une terre et des valeurs courtoises très anciennes qui sont universelles.

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Paris sous la neige

171209jardinsenatfontaine4300Il a neigé aujourd'hui toute la journée sur Paris.
J'ai pris cette photographie dans le jardin du lieu où je travaille.

J'EN PROFITE POUR VOUS SOUHAITER A TOUS DE TRES BONNES FETES !

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Les évaporés et les originaux

loriginalXIXeme300.jpgL'Évaporée n'est pas seulement un joli morceau de pièce de clavecin de François Couperin (1668 – 1733), c'est aussi un qualificatif donné à certaines jeunes personnes. François Hédelin abbé d’Aubignac (1604-1676) écrit dans son Histoire du temps ou relation du royaume de coquetterie extraite du dernier voyage des Hollandais aux Indes du levant (1654) : « Les évaporées, qui dansent partout sans violon, qui chantent tout sans dessein, qui parlent de tout sans garantie, et qui répondent à tout sans malice, à ce qu'elles disent. » Le terme s’emploie au masculin ou au féminin du XVIIe siècle jusque dans la première moitié du XIXe pour désigner des jeunes étourdis, loriginalXIXechatelaine.gifdissipés, s'enivrant de ce que d'autres considèrent comme des futilités et n'ayant parfois aucun sens commun. C’est surtout au XVIIe siècle qu’il définit aussi un (ou une toujours) extravagant(e). Les évaporé(e)s sont des petit(e)s maître(sse)s ou de simples jeunes gens pas très futés ou plus ou moins étourdis, qui par leurs discours et leur conduite font preuve d'une grande légèreté d'esprit.

L'original a une conscience plus aiguë de ce qui le démarque. Il se caractérise par le besoin de se trouver aux frontières de ce que le bon ton commande.

Photographies : Gravure intitulée « L'Orignal » du début du XIXe siècle. Le jeune homme porte les cheveux en arrière, une cravate attachée par un noeud sur un haut col, un jabot … ainsi qu'une châtelaine, comprenant un coeur, un carquois de Cupidon, un sceau ...

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Boîtes à mouches

boiteamouchestachetee300boite a mouches 300Pour faire suite à mon article précédent, voici deux boîtes à mouches mises en vente le lundi 21 décembre à Drouot Richelieu par Pierre Bergé & Associés. Le catalogue est consultable en cliquant ici. 

La première a un petit air léopard que nous avons rencontré chez de nombreux petits-maîtres : « BOÎTE à MOUCHE ovale en ivoire piqueté d'or dans des encadrements d'or à torsade sur fond amati. A l'intérieur deux compartiments dont l'un à couvercle en ivoire et or gravé de croisillons (petits fêles, miroir rapporté). PARIS 1783. Maître-Orfèvre : probablement Joseph-Antoine BLERZY. Un écrin d'époque en galuchat vert (petits accidents). Poids : 68,3 g. H_2,5 cm L_5,5 cm P_4,3 cm »

La seconde : «  EXCEPTIONNELLE BOÎTE à MOUCHES de forme rectangulaire en ors de couleur, émaillée jaune orangé à toutes faces. Tous les panneaux portent un fin décor d'arbres et herbes dans de riches encadrements de frises de feuilles de laurier ciselées et ponctuées de petites boules ou fleurettes d'émail orange. L'ensemble est souligné de filets d'émail blanc. Elle découvre à l'intérieur un compartiment répétant le décor émaillé de la boîte, un miroir (choc) et un pinceau monté en or (infimes chocs). PARIS 1777. Maître-Orfèvre : poinçon difficile à lire. Poids total : 121 g. H_2 cm L_5,1 cm P_3,9 cm »

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Faire mouche

Photographies : Bouquetière sans doute du XIXe siècle avec une composition à la mouche.

Les mouches que l’on place sur le visage disent une sensibilité ; on a l'habitude de proposer (ce n'est qu'une suggestion) : en haut du front au milieu pour la majestueuse, au coin de l’œil pour la passionnée, sur la joue pour la galante ou l’enjouée, sur le nez pour la gaillarde, au coin de la bouche pour la baiseuse ou la coquette, sur le menton pour la discrète … L'usage en est sans aucun doute beaucoup plus libre. Elles sont faites de taffetas ou de velours noir à revers gommé, de toutes sortes de formes et de tailles : longues en losange, carrées, en coeur, en croissant de lune, ou même découpées en étoiles avec un petit diamant au centre. Elles font paraître le teint plus blanc par le contraste qu'elles offrent, et la peau plus soyeuse. Les compositions de visages maquillés de blanc et de carmin sont ainsi signées avec une ou plusieurs mouches.

Photographies : Détails de gravures des XVIIe et XVIIIe siècles aux visages avec une ou plusieurs mouches.

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Porcelaine de Chantilly

Images faites à partir de photographies provenant de www.interencheres.com

Si les musées offrent des expositions thématiques parfois passionnantes, la passion de l'Art se rencontre souvent d'une manière encore plus intime dans d'autres endroits comme certaines ventes de collectionneurs. Le mardi 8 décembre à Drouot Richelieu (Paris) sera proposée aux enchères par Million & Associés (www.millon-associes.com) la collection de M. Jean de Cayeux de porcelaines tendres de Chantilly du XVIIIe siècle aux décors en camaïeu bleu et Kakiémon, visible sur interencheres.com.

La production de porcelaine tendre de Chantilly parcourt depuis 1725 tout le XVIIIe siècle. Féru de céramiques extrêmes-orientales, Louis IV Henri de Bourbon-Condé (1692–1740) a l'idée de faire élever dans son domaine cette manufacture dont le premier but est d'imiter la porcelaine du Japon. La France ne sachant pas encore fabriquer de la porcelaine dure comme en Asie elle en fait une imitation appelée 'tendre'. La riche collection de porcelaines dures japonaises d'Imari de style Kakiemon du prince de Condé (aussi duc de Bourbon, duc d'Enghien, de Guise, de Bellegarde, pair de France et comte de Sancerre) sert de premier modèle à ses céramistes. Après 1750, le style se diversifie avec l'ajout de nouveaux décors. La production de la fin du XVIIIe siècle privilégie semble-t-il le décor de camaïeu bleu. La marque habituelle est un cor de chasse. Après la fermeture de la manufacture de Chantilly, des fabriques fondées dans la même région poursuivent une production similaire, et leurs réalisations portent la même marque.

Photographie 1 : « Pot à eau et son bassin à côtes à bord festonné en porcelaine tendre à émail stannifère à décor Kakiémon polychrome de branchages fleuris. La prise du couvercle est en forme de bouton de fleur. XVIIIe siècle. Marqués au cor de chasse rouge. Hauteur verseuse : 13,2 cm Hauteur bassin : 5,5 cm Diamètre : 15 cm Couvercle accidenté, égrenures au bord du bassin, usures. » (www.interencheres.com)

Photographie 2 : Détail de la photographie 6.

Photographie 3 : « Rare pot à fard à couvercle concave en porcelaine tendre à émail stannifère à décor floral Kakiémon polychrome. Monture argent. XVIIIe siècle. Marquée au cor de chasse rouge. Hauteur : 6,5 cm Diamètre : 5,3 cm Diamètre base : 4,3 cm » (www.interencheres.com) Cette céramique est particulièrement intéressante car le dessus a sans doute pour fonction de servir de mortier pour broyer le rouge ou faire des mélanges.

Photographie 4 : « Saladier rond à bord en douce accolade en porcelaine tendre à émail plombifère à décor d’un petit bouquet de roses avec insectes en camaïeu bleu. Filet bleu en bordure. XVIIIe siècle. Marqué au cor de chasse bleu et de la lettre « F » de même. Profondeur : 9,5 cm Diamètre : 32 cm » (www.interencheres.com)

Photographie 5 : « Pot à sucre rond couvert sur piédouche en porcelaine tendre à émail plombifère au décor à la brindille en camaïeu bleu. Filet bleu en bordure. La prise du couvercle est en forme de bouton. XVIIIe siècle. Hauteur totale : 12 cm Diamètre : 10 cm Diamètre base : 6 cm » (www.interencheres.com) Le décor en bleu à la brindille est récurrent dans la production de Chantilly.

Photographie 6 : « Rafraîchissoir à bouteille sur piédouche en porcelaine tendre à émail plombifère. Décor à l’œillet en camaïeu bleu avec brindilles, et insecte sous une prise. Filet bleu en bordure. Les anses rocaille sont sommées d’une coquille. XVIIIe siè cle. Marqué au cor de chasse bleu et de la lettre « B » de même. Hauteur : 18,3 cm Diamètre base : 13,5 cm » (www.interencheres.com) L'oeillet est une fleur qu'affectionne, semble-t-il, en particulier Louis II de Bourbon-Condé (1621-1686), dit "Le Grand Condé ».

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Tics fashionables

Photographies : Exemple d'un détail d'une image d'une revue (d'Amérique du sud semble-t-il) datée de 1845 avec pour texte : « El Corréo de Ultramar » [pouvant se traduire par 'Le Courrier d'Outre-mer'] « En Paris rue du Faubourg Montmartre 10 ».

Dans son Traité de la vie élégante, Honoré de Balzac (179 9-1850) fait référence au tic que certains élégants ont de porter leur canne à leur bouche : « En se faisant dandy, un homme devient un meuble de boudoir, un mannequin extrêmement ingénieux, qui peut se poser sur un cheval ou sur un canapé, qui mord ou tète habilement le bout d’une canne … »

Aujourd'hui le mot 'tic' désigne une contraction convulsive et répétitive d'un muscle ou une manie. Au XIXe siècle et avant, ce terme qualifie aussi plus largement des habitudes comportementales récurrentes souvent associées à la socialisation et à la manière de paraître. Certains tics peuvent être ridicules comme une vieille femme se donnant le tic d'airs de jeune fille. D'autres peuvent être chics, un must en matière d'élégance. De ce fait on trouve parfois ce terme associé à des élégants afin de désigner certains comportements, usages dans la façon de tenir sa canne, de s'asseoir, de saluer, de s'habiller etc. Dans ce dernier cas, il s'agit de tics de toilette, comme la ticket-pocket du XIXe siècle qui consiste en une petite poche placée à la hauteur droite du paletot, de la jaquette ou du veston dont je fais déjà référence dans l'article intitulé : Anglomanie, partie 3 : Lions, lionnes, lionceaux, faux anglais, high life, snobs, perfect gentlemen.

Le tic exprime un style. « Il y a des tics littéraires qu'il est si facile d'imiter, qu'ils deviennent épidémiques. C'est ce qu'on remarque en lisant cet almanach, composé par tant de plumes différentes ; c'est une couleur, un ton uniformes. Vous jurerez que la moitié du livret est de la même main. On y aperçoit le même tour, la même manière, la même prétention à l'esprit ; & jusqu'au choix des mots & des images, tout vous répète l'accent du persiflage à la mode. » Tableau de Paris par Louis-Sébastien Mercier, tome III (fin du XVIIIe siècle).

Il y a de nombreuses autres sortes de tics, comme celui de « … tourner la tête en marchant, tic incorrigible du Français, et qui le signale dans tous les pays ... », tome cinq de Revue de Paris (1854).

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Style Napoléon III : « Au coeur de la Maison Opéra »

Cliquez sur la photographie pour accéder à la vidéo

« Le 3 décembre prochain, la maison de ventes Coutau-Bégarie organise à l’Hôtel Drouot la vente du mobilier de la Maison Opéra, résidence privée due à l’architecte Charles Garnier (1825-1898) qui en conçut l’extérieur et supervisa sa décoration intérieure de style Napoléon III. Pierre Minuissi,  clerc de l’étude, nous présente cette vacation (interview réalisée par Capucine Bordet) »

Vidéo & texte proviennent de : www.interencheres.tv

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La petite maîtresse à la promenade, le petit maître allant en bonne fortune, le museur, la museuse, le musard et la musarde.

Photographies : Almanach allemand de l'année 1779 (Zachenbuch zum Nuken und Bergnugen, Goetingen, J. C. Dieterich).

Voici un article qui fait suite à plusieurs autres dont celui du 22 juin 2009 intitulé Promenades. Il est le résultat de l'acquisition d'un almanach d'outre-Rhin de 1779 contenant de nombreuses gravures avec des thèmes tirés de la mode et de la civilité françaises. Si les estampes sont d'une médiocre qualité, les sujets sont très intéressants. L'une d'entre elles est intitulée « La petite Maîtresse à la Promenade » (première image de droite) et présente une jeune femme portant une des fameuses coiffures à étages à la mode à cette époque. Celle-ci tombe jusqu'au bas des reins et remonte pour constituer au dessus du visage un volume aussi haut que le buste dans son entier. Une autre image, intitulée « La promenade », expose une petite maîtresse moins excentrique mais charmante avec son bâton, son chien qu'elle tient dans ses bras et sa cambrure qui souligne son petit nez en trompette. J'ai largement parlé des promenades à la mode à Paris dans d'autres articles ; de la façon dont on 'fauche le persil' et les 'yeux' comme dans : Lorgner et oeillades, et Le Cours : L'empire des oeillades, l'un des lieux de l'élégance française où l'on fauche le persil, le Cours-la-Reine, les Champs Élysées ... Voici ici un extrait de Tableau de Paris (seconde moitié du XVIIIe siècle) où Louis-Sébastien Mercier décrit la beauté de certains des regards que l'on peut rencontrer en se promenant : « Promenades publiques. […] On s'aperçoit dans toutes ces promenades, que les femmes ont grand besoin de voir & d'être vues. L'OEIL fait à lui seul presque toute la physionomie. Point de visages gracieux, quelques réguliers qu'ils puissent être, sans l'expression du regard. On rencontre de ces fronts polis & colorés qui font des figures fort insipides, faute de l'œil qui n'exprime pas quelques qualités de l'esprit. L'œil doit être transparent comme le diamant. Une certaine langueur douce le rend bien plus beau que ne fait la vivacité. L'œil ne doit prendre aucune forme géométrique. Les yeux ronds ou absolument oblongs, ou saillants ont peu d'agrément. Comme c'est l'âme qui fait le regard & que les belles âmes sont en petit nombre, les beaux yeux sont assez rares. Il y a le feu de la jeunesse qui, à un certain âge, leur prête du brillant ; mais l'on reconnaît que ce sont des yeux passionnés, & non des yeux qui aient l'expression du sentiment. LORSQUE les plumes flottaient sur les têtes de nos belles, c'était un coup-d'œil fort agréable que de contempler du haut de la terrasse des Tuileries tous ces panaches mobiles & ondoyants, qui brillaient parmi les flots de promeneurs […] » Une seconde estampe de cet almanach est intitulée "La Promenade" et présente un couple et ses enfants dans cette occupation.

Une autre gravure a pour titre : « Le petit Maître allant en bonne fortune » et montre un jeune élégant dans l'accoutrement caractéristique : habits à pois, chapeau assez volumineux, cadenette, cravate, canne …, en action de se promener et faire de galantes rencontres. La sixième édition (1835) du Dictionnaire de l'Académie française donne une définition de la 'bonne fortune' qui est la suivante : « Bonne fortune, en termes de Galanterie, se dit Des faveurs d'une femme. Il se vante d'avoir eu cette bonne fortune. Il a eu beaucoup de bonnes fortunes. Un homme à bonnes fortunes. Aller en bonne fortune. Être en bonne fortune. » La définition de l'édition de 1765 du même dictionnaire donne : « BONNE FORTUNE, se dit en termes de Galanterie, pour signifier Les bonnes grâces d'une femme. Il est aimé des Dames, il a eu beaucoup de bonnes fortunes. C'est un homme à bonnes fortunes. Aller en bonne fortune. » Au XVIIIe siècle, l'expression 'aller en bonne fortune' signifie donc aller cueillir les faveurs des dames.

Comme nous venons de le voir, il y a  de nombreuses façons de se promener : faucher le persil, aller en bonne fortune … muser etc.. Divers mots sont employés pour désigner les personnes qui aiment baguenauder comme les museurs et les museuses qui musent, musardent, flânent, et qu'on appelle aussi musards et musardes (aujourd'hui on dit plus volontiers flâneurs et flâneuses).

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La journée d'une dame au début du XVIIIe siècle

Photographie : Copied with permission from Aronson Antiquairs, © 2009 Aronson.com
Cette jolie plaque ovale
hollandaise en 'bleu et blanc' appartient à la galerie Aronson (à Amsterdam depuis 1881). Elle fait 39.2 cm x 51.3 cm et date de circa 1700-1710. Elle représente peut-être les quatre principaux moments de la journée d'une dame de qualité : avec la toilette, les occupations (promenade, broderie …) , les repas, les distractions (sorties, bals, musique …). Il est aussi possible que le thème de cette faïence soit seulement la matinée d'une dame avec : la toilette, la promenade (ou la broderie), le petit-déjeuner, le cours de chant. Dans cette composition picturale il est à noter la part belle faite aux costumes, aux coiffures et aux décors (nombreux miroirs, garnitures en porcelaine ou faïence, meubles …).

Ces dames sont à la mode du début du XVIIIe siècle. Elles portent une coiffure ressemblant à celle dite 'à la Fontanges' ou 'fontange' (bien que ce genre comprend généralement une sorte de tour au dessus des cheveux du front déjà montés en escaliers) ou celle qui suit mise à la mode par Madame de Maintenon. Les deux utilisent souvent de la dentelle avec des barbes ou/et des voiles tombant dans le dos ou sur les épaules. Le nom de la première proviendrait de Marie Angélique de Scoraille, duchesse de Fontanges (1661-1681). C'est en 1680, lors d'une partie de chasse qu'après s'être prise les cheveux dans la branche d'un arbre elle improvise une coiffure en les relevant pour les attacher avec sa jarretière. Le roi, dont elle est une des maîtresses, est séduit par cette vision et lui demande de ne rien y changer. Du jour au lendemain cette coiffure devient à la mode jusque vers 1713. Les élégantes les portent de plus en plus hautes, retenues par des fils de fer et pouvant semble-t-il être garnies de mousseline, de rubans, de fleurs et de plumes.  Voici ce que l'on peut lire au sujet de cette mode dans Wikipedia : « Au début ce n'était qu'un simple noeud de cheveux relevés en boucles sur le sommet de la tête. C'est avec la complicité ingénieuse d'un serrurier que la coiffe devint une sorte de pièce montée. Comme les dames n'avaient pas assez de cheveux pour ériger cette pyramide, elles portèrent des "Fontanges-postiches" toutes montées. Leurs propres cheveux étaient tirés en arrière, serrés en chignon. Elles coiffaient par dessus le faux, puis posaient un échafaudage de fils de fer sur lequel venaient s'arrimer des dentelles, pierreries ou autres babioles. Parfois, la coiffe était même pourvue d'un mécanisme permettant de tasser le tout pour passer les portes … Madame de Maintenon, elle, refusa cette coiffure extravagante, et adopta le chignon simple sous de grandes mantes de dentelles assorties à ses robes, noires la plupart du temps ... » Les exemples de l'image semblent porter une coiffure intermédiaire entre ces deux types.

Aronson Antiquairs has not contributed to this article, nor have they verified the content.

http://aronson.com/

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Merveilleuses & merveilleux