Coquettes et coquetteries du XVIIe siècle.

Coquettes et coquets sont des figures récurrentes de la mode française. Au XVIIe siècle, plusieurs livres paraissent avec pour sujet ces élégants traités le plus souvent d'une manière humoristique.

Dans Histoire du Temps, ou Relation du Royaume de Coquetterie Extraite du dernier voyage des Hollandais aux Indes du Levant (1654), François Hédelin abbé d’Aubignac et de Meymac (1604-1676, un des principaux protagonistes de la règle des trois unités du théâtre classique) décrit un royaume imaginaire qui est une métaphore de leur univers parisien. Le bateau du capitaine La Jeunesse mouille sur l’île du royaume de coquetterie gouverné par le prince Amour-Coquet (frère d’Amour) et situé près du Cap Bonne-Espérance. A l’entrée de la ville se trouve la place Cajolerie avec notamment des boutiques. Plus loin est le Palais Bonne-Fortune. Les portes y sont faites de faux-plaisirs, et les appartements de honte-perdue. On apprend indirectement dans cet ouvrage énormément de choses sur les coquets de l’époque des précieuses. Ils ou elles se parfument à l’eau de fleurs d’oranger, muguet et marjolaine, sont oisifs et libertins, de diverses origines (des princes aux bourgeois). Parmi les coquets, l’auteur distingue : les soupirants, les enjoués, les aventuriers, les " ânes d’or pompeusement vêtus, mais au reste peu considérables, qui dépensent beaucoup, et en tirent peu de profit ", les tout-cheveux, les tout-canons, les goguenards, les turlupins, les enfarinés, les coquets sérieux, les esprits forts (" encore qu’à la première attaque ils se sentent toujours percés sans résistance "), les coeurs volants (" ils sont couverts d'ailes et de flammes, et on s'étonne que leur feu soit si doux, qu'il ne brûle point leurs plumes ; ils parlent et content jolis-mots à toutes les dames qu’ils rencontrent, sans se mettre beaucoup en peine d'être véritables ni rebutés ; ils font une secte particulière, dont ils disent qu'un certain Hilas est fondateur ; ils ont pour formulaire de leur vie l'histoire des amants volages, et portent pour devise : " qui plus en aime, plus aime ". Dans une même conversation ils volent sur l'épaule d'une dame, sur la tête d'une autre, et se laissent aisément prendre à la main ; ils font hommage aux yeux de celle-ci, aux cheveux de celle-là ; ils adorent la bouche de l'une et la taille de l'autre ; ils s'attachent à tout, et ne tiennent à rien ; chacun se raille d'eux et il en rient, car ces coeurs-volants savent rire aussi-bien que parler. ". Concernant les coquettes, un passage distingue les principales : " Quant aux dames, on y voit les admirables qui n'ont rien de merveilleux que le nom. Les précieuses, qui maintenant se donnent à bon marché. Les ravissantes, qui tirent plus à la bourse qu'au coeur. Les mignonnes, qui d'ordinaire ont l'esprit aussi mince que le corps. Les évaporées, qui dansent par tout sans violon, qui chantent tout sans dessein, qui parlent de tout sans garantie, et qui répondent à tout sans malice, à ce qu'elles disent. Les embarrassées, ayant toujours dix parties à la tête, et dix galants à la queue. Les barbouillées, qui sont de trois sortes, les unes sont les barbouillées-blanc, les autres les barbouillées-rouge, et les dernières les barbouillées gras, qui fuient autant le soleil, comme les autres craignent la pluie. Il y en a même qui portent la qualité de saintes, mais de saintes-n'y-touche, qui refusent tout devant le monde, et laissent tout prendre en particulier. Les mieux venues à la cour et les plus recherchés des coquets, sont les mal-assorties, qui ne sont pas ainsi nommées pour être dépourvues de grâces et d'ornement, mais ce sont de jeunes beautés, lesquelles pour avoir été condamnées injustement à souffrir la domination d'un vieillard, d'un fâcheux ou d'un sot, se sont pourvues au conseil de l'amour-coquet, où leur ayant été fait droit, ont obtenu dispense de demeurer à la maison, ou la liberté d'y faire tout ce qui leur plaît. " Au sujet de la mode, on apprend qu’elle ne concerne pas que les habits mais d’autres éléments comme le langage (expressions, bon français, nouveaux mots …) ; et que c’est elle qui gouverne de sa puissance. Parmi les occupations, l’auteur décrit les joutes et parades des Belles jupes et des Chars dorés et le chalandage : " En un lieu de la ville le plus éminent et le plus accessible, est le grand magasin tout rempli de fers à friser de toutes figures, boîtes à mouches d'or et d'argent, poudres de senteurs, miroirs, masques, rubans, éventails, papier doré, bracelets de cheveux, peignes de poche, relève-moustaches, bijoux, essences, opiats, gommes, pommades, et autres ustensiles de ménage. Et alentour du magasin sont les ouvriers, dont les uns ne sont occupés qu'à tailler des mouches et dresser des plans pour bien arranger les assassins sur le nez, à quoi nul ne peut travailler qu'après chef-d'oeuvre ; à laver des gants, et composer drogues pour débarbouiller le nez, et blanchir les mains ; à faire garnitures de toutes couleurs, galands, panaches, croupes, échelles, et bouquets de toutes fleurs, et en toute saison. Aucuns y font profession d'un art nouveau, d'ajusteurs de gorges, se faisant fort d'empêcher les grosses de trop paraître, et de donner du relief aux imperceptibles. Et d'autres nommés les cognes-fêtu, ne s'emploient qu'à rechercher l'huile de talc. " Après la mode, l’autre passe-temps favori des coquets est la lecture en particulier d’ouvrages nouveaux comme " Le cours de la bagatelle, en trois volumes, dont le premier est l'adresse des badins, le second l'introduction des ruelles [voir les articles sur les Précieuses], et le troisième la conduite des idiots " ; et de bien d’autres livres comme ceux traitant de : " La déconvenue d'une embarrassée, qui s'évanouit un jour dans l'empressement, et la difficulté de choisir entre deux coquets de différentes qualités, et se résolut de les conserver tous deux, pour ne plus mettre sa vie en péril " ; ou du " contraste de deux coquettes sur la question de savoir, s'il vaut mieux avoir un amant discret, qu'entreprenant, et résolue en faveur du dernier " etc. Le lieu privilégié de la coquette, son temple, est son lit, où elle fait salon à la manière des précieuses (qui sont un genre de coquettes).

Évidemment, ce personnage est comme le laisse supposer son nom : " pour peu qu'une coquette ait le teint mauvais, ou quelque rougeur apparente, elle s'en plaint à tout le monde comme d'un outrage que la nature fait à l'amour. " La coquetterie est une grande affaire ! Très délicate ! Et c'est un sujet que reprennent de nombreux auteurs comiques comme Dancourt (1661-1725) dans L'Été des coquettes, comédie en 1 acte (photographies), représentée pour la 1ère fois en 1690. Trois coquettes apprennent qu'elles ont le même amant (un militaire) qui les courtise à tour de rôle sans leur dire. Celles-ci, comme nous le confirme le dénouement, ne sont pas jalouses, car elles apprécient de jouer avec les hommes qui les aiment (en plus du militaire, dans la pièce un ecclésiastique, un financier et un petit-maître de musique qui tour à tour viennent voir Angélique la première coquette). Finalement, tous les six (même le militaire qui les a trompées) vont souper ensemble chez le banquier, mis à part le religieux coquet qu'Angélique repousse en prétextant un malaise dès qu'il approche du fait du parfum qu'il porte et dont elle prétend être allergique ceci afin de l'éloigner à la demande de son amie. On y apprend beaucoup de choses sur les coquettes, comme le fait qu'elles ont de très nombreux admirateurs : « Eh ! Fi, fi, tu te moques ; moi fâchée pour la perte d'un soupirant ! J'en ai tous les jours une vingtaine de renvoi dans mon antichambre. » Si elles ne sont pas jalouses c'est aussi parce qu'elles fuient les contrariétés. Elles ne veulent pas entendre parler de raison : « Oh, ma chère enfant ! Laisse-moi en repos, je te prie ; le seul mot de raison me fait mourir, à mon âge. Faite comme je suis, je passerais pour folle dans le monde, si l'on me soupçonnait seulement de savoir ce que c'est que la raison. » Elles sont capricieuses, jolies, malicieuses, n'aiment pas mais adorent être aimées : « ANGÉLIQUE : Non, de bonne foi, je n'aime personne ; mais je suis ravie d'être aimée ; c'est ma folie, j'en demeure d'accord. » Elles apprécient de rendre 'fous' certains hommes mais finissent souvent par être 'gentilles' avec ceux aux dépens de qui elles s'amusent. Il y a de la tendresse chez les coquettes, une véritable joie. Si elles sont parfois cruelles, elles ne sont jamais méchantes et ceux qui acceptent leur jeu sont généralement récompensés : « ne suis-je pas heureuse de savoir me divertir de toutes sortes d'originaux ? » Elles cherchent des occupations et les hommes en font partie. Elles jouent de l'argent (et gagnent), apprennent à chanter et danser, font des dîners (vers les 14h) aux chandelles dans le noir, des soupers, vont aux Régals (fêtes, réjouissances, divertissements) donnés par d'autres ... et ne manquent pas de fleurettes ; mot de 'fleurette' que le Dictionnaire de l'Académie française de 1798 définit ainsi : « Il signifie figurément, Cajolerie que l'on dit à une femme. Dire des fleurettes. Conter des fleurettes. Elle aime les fleurettes. Elle aime la fleurette. »

L'ouvrage de huit pages datant de 1649 intitulé : Reproches des coquettes de Paris aux enfarinés sur la cherté du pain, est sans doute comme son titre l'indique (puisque je ne l'ai pas encore trouvé) une satyre des coquettes et du monde parisien de la mode du XVIIe siècle et des ses enfarinés qui se poudrent les cheveux et le visage. La Lettre d'un fameux courtisan à la plus illustre coquette du monde est de la même année et du même nombre de pages. Elle est suivie de la Réponse de la plus fameuse coquette de l'Univers à la Lettre du plus malheureux courtisan de la Terre, avec plusieurs questions qu'elle lui fait pour savoir l'explication de ce qu'il veut dire. En 1659 Anne « Ninon » de l'Enclos (Ninon de Lenclos, 1616-1705) publie La Coquette vengée. La même année Félix de Juvenel écrit le Portrait de la Coquette, ou la lettre d'Aristandre à Timagène. La Politique des coquettes date de 1660. Tous ces livres sont rédigés au temps des Précieuses. Mais les coquettes et les coquets parcourent toute l'histoire de la mode française et d'autres livres les mettant en scène sont publiés par la suite.

Photographies : Dancourt (Florent Carton Ancourt : 1661-1725), L'Eté des coquettes provenant de Oeuvres de Dancourt, Paris, Pierre Ribou, 1698.

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