Le journaliste de mode et le frivoliste

J'ai déjà écrit un article sur les Reporters de mode au XVIIIe siècle. Parmi ces journalistes on peut inclure les graveurs, dessinateurs et photographes spécialisés dans ce domaine. Il sont très nombreux.
Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, de grands noms de la gravure ou de la peinture prêtent leur talent aux revues et gravures de mode, avec parmi eux Pierre-François Courtois (1736-1763), Louis Darcis (? - 1801), Claude-Louis Desrais (1746-1816), Nicolas Dupin le Jeune (1753 - ?), Philibert Louis Debucourt (1755-1832), A. B. Duhamel (1736-après 1800), baron Pierre Narcisse Guérin (1774-1833), Pierre Adrien Le Beau (1748-1773), Jean-Michel Moreau le Jeune (1741-1814), Augustin De Saint-Aubin  (1736-1807), Étienne Claude Voysard (1746-?) etc. Au début du XIXe siècle (et à la toute fin du XVIIIe), le Journal des Dames et des Modes fait travailler de nombreux artistes graveurs et dessinateurs dont certains célèbres ; cependant la plupart des estampes n'étant pas signées il est difficile de savoir pour lesquelles. Dans la suite de cette revue, les journaux de mode se font de plus en plus nombreux. C'est sans doute à cette époque que chroniqueur de mode devient un métier à part entière.
Le frivoliste est un « Littérateur léger, écrivain de journal de modes, - dans l’argot des gens de lettres. Ce mot a été créé par Mercier. »  d’après Alfred Delvau : Dictionnaire de la langue verte (1866).

© Article LM

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L'avant coureur et l'avant-gardiste

LAvantGardeAuXXeSiecle300lmLes avant-gardes sont un élément important du ‘gandisme’ puisque la modernité et la création font partie de la panoplie des petits-maîtres. La définition militaire d’avant-garde existe au moins depuis le XIIe siècle. Elle est réutilisée pour désigner les précurseurs d’un mouvement artistique. On trouve des exemples d’une telle acceptation du terme datant de la seconde moitié du XVIe siècle. Il s'agit donc d'un concept de l'époque moderne (de la fin du XVe siècle à aujourd'hui). En suivant l’histoire des mouvements littéraires et artistiques français on rencontre ces avant-gardes. Au XIXe siècle, elles ont pour noms : néoclassiques, romantiques, parnassiens, réalistes, naturalistes, symbolistes … Ils ont leurs quartiers, salons, sociétés, cafés, théâtres … au XXe siècle : École de Paris, surréalistes, futuristes, constructivistes, dadaïstes, expressionnistes, Bahaus, décontrusctivistes, post-modernistes et beaucoup d'autres ... Au XXe siècle l'avant-garde ne se contente plus d'être en avance, d'être la nouveauté, mais s'amuse à déconstruire et à renchérir toujours vers la rupture avec presque tout ce qui précède. On assiste même à un surenchérissement dans le nihilisme.
Photographie : L'Avant-garde au XXe siècle, de Pierre Cabanne et Pierre Restany, Paris, André Balland, 1969.

© Article et photographie LM

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Bijoux féminins du XVIIIe siècle

1aaoiseaux2a300.gifPhotographies du dessus : « Bijou d’accordailles : broche aux colombes. France, fin XVIIIe - début XIXe. Or, argent, diamants, rubis. Collection privée, Belgique. » © Exposition Le XVIIIe, Le Bijou, La Femme.

Photographie de gauche : Bague du XVIIIe siècle avec portrait. © Exposition Le XVIIIe, Le Bijou, La Femme.

Photographie de droite : « Bague cœur avec boîtier caché. France, XVIIIe. Or, argent, diamants, rubis « balais ». Collection privée, Belgique. » © Exposition Le XVIIIe, Le Bijou, La Femme.

3album-33-pic-222-expandDu 6 octobre 2012 au 17 février 2013 le château de Seneffe en Belgique accueille une exposition intitulée Le XVIIIe, Le Bijou, La Femme.

Des parures d'époque y sont présentées ce qui est rare ; essentiellement des broches, colliers, bagues, c'est à dire des genres que nous connaissons bien aujourd'hui. Pourtant les exemples d'époque sont peu nombreux : « Les raisons sont diverses : la transformation des bijoux à chaque changement de propriétaire, le départ à l’étranger des plus belles parures, la disparition volontaire des bijoux politiques et corporatifs, la déchristianisation ... »

Des formes oubliées comme la châtelaine sont aussi proposées à la contemplation. Beaucoup sont laissées de côté car éloignées de la définition contemporaine du bijou et n'ayant rien à voir avec une parure comme tous les objets précieux de toilette que l'on porte sur soi (voir les articles Les Objets de parfums que l'on porte sur soi au XVIIIe siècle, Boîtes à mouches ou Boîtes en or et objets de vertu au Musée Cognacq-Jay) ou d'autres comme les tabatières, les billets doux etc., les plus précieux étant considérés alors comme des bijoux, mais que notre époque contemporaine ne voient plus ainsi. Le XVIIe siècle définit le bijou comme étant une « Espèce de petit meuble curieux ou précieux, servant aux ornements des personnes ou d'un cabinet, d'une chambre, &c. » (première édition du2coeurcouronne300 Dictionnaire de L'Académie française : 1694). Le XVIIIe change le terme de 'meuble' en 'ouvrage' et ajoute celui de 'parure' : « Espèce de petit ouvrage curieux ou précieux, servant à la parure d'une personne, à l'ornement d'un cabinet, d'une chambre, &c. » (édition de 1762 du Dictionnaire de L'Académie française). Au XIXe le sens glisse pour ne désigner au XXe qu'une parure.

L’exposition s’organise autour de sept thèmes choisis avec sensibilité. Le premier propose des objets liés à « 1 - L'expression des sentiments » : portraits, symboles amoureux, bijoux en cheveux etc. Certains figurent « 2 - Une société en pleine mutation » et ses valeurs changeantes particulièrement à l'époque de la Révolution. D'autres sont des accessoires (« 3 - Accessoires, faits et gestes ») ayant leur utilité pratique (épingles, châtelaines, montres, boucles de chaussures …). Évidemment ils suivent « 4 - L'esprit du temps » : les modes. Ils accompagnent les inventions qui leur permettent de « 5 - Briller autrement » : la taille à facettes du diamant est conçue au XVIIe siècle par un  artisan vénitien ; des bijoux de substitution ou d'imitation sont élaborés, « la technique du strass est mise au point vers 1750 »  et de nouvelles pierres précieuses sont importées des colonies. Les bijoux religieux occupent une place importante (« 6 - En compagnie de l'abbé ») excepté à la révolution où on les cache. Et dans la seconde moitié du XVIIIe de nouvelles formes font leur apparition avec « 7 – Le retour à l'Antiquité ».

Photographie du dessous : Collier © Exposition Le XVIIIe, Le Bijou, La Femme.4album-33-pic-214-expand

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L'incroyable

incroyables-les2-300lmPhotographies 1 et 2 : Page recto-verso avec personnages de théâtre à la mode, datant de vers 1814, avec pour légende :  « Acteurs et actrices des différents théâtres de Paris en nouveaux costumes français. ». La page fait 18 x 23 cm.
Cet article fait suite à plusieurs autres :
Café des Incroyables : Ma parole d'honneur ils le plaisante (1797) ; Les Oublies ; Incroyable ; Incroyables chapeaux ; Exemples de tenues du début du XIXe siècle ; Les Merveilleuses, Incroyables, Muscadins … leurs cannes et leurs bâtons ; La rencontre des incroyables ; Les méprisants et la réponse inc'oyable. Voir aussi les définitions de l’inconcevable, de la merveilleuse et du muscadin.
L’incroyable est un personnage historique au même titre que la merveilleuse ou le muscadin, car tous se distinguent pendant la Révolution par la force de leur affirmation en un temps particulièrement troublé, et sont les seuls à vraiment ‘tenir le coup’ en limitant au maximum les dégâts. Leur force ? Leur jeunesse, leur joie, leur modernité exacerbée ! Napoléon lui-même suit leur mode et s’habille en incroyable ainsi qu’une grande partie de son armée comme expliqué dans l'article Les oublies.
Il est amusant de constater que l’image du couple de l'incroyable et de la merveilleuse devient petit à petit, au XIXe siècle et au début du XXe, une iconographie ‘fleur-bleue’ (un exemple ici).
MuscadinIncroyablesXIX300Photographies du dessus 3 , 4 et 5 : Un muscadin et deux incroyables représentés sans doute au milieu du XIXe siècle. Ici les personnages ne sont pas fleur-bleue comme ils le seront à partir de la fin du XIXe, mais les habits des incroyables sont assez exubérants.
lebongenren2-300lmPhotographie de gauche 5 : Merveilleuses et incroyables sont réunis dans cette estampe de Le Bon Genre du début du XIXe siècle intitulée « L’embarras des Queues. » Elle représente deux merveilleuses suivies de deux incroyables s’étant pris avec leur bâton dans la traîne des élégantes. L’humour est dans le trait caricatural et dans le titre qui peut être interprété de différentes façons.. On remarque outre la panoplie caractéristique, les binocles-ciseaux à la taille de l’un des protagonistes qui sont du genre de face-à-main (lunettes que l’on tient entre ses doigts) utilisés par les merveilleuses et incroyables. Le Bon Genre est édité de 1800 à 1822, tout d’abord en 115 dessins humoristiques, au format de la cuve d'à peu près 22 x 25 cm, commencés en avril 1800. En 1817 les 104 premières planches sont rééditées.
Photographie de droite 6 : « Coryphées d'un Bal Paré » de Le Bon Genre, n°23. Dimensions de la feuille : 25,2 x 32,6 cm.
corypheesdunbalpare300lmLes incroyables, pendant la période tournant autour du Directoire (1795-1799), sont des hommes, élégants, qui affichent une recherche extraordinaire dans leur mise et leur langage. Ils prennent l’habitude de prononcer les 'r' d’une façon particulière. C'est ce qu'on appelle un 'garatisme' qui consiste en un grasseyement mis à la mode par le chanteur Garat. On formule par la gorge certaines consonnes et en particulier les 'r' ; on zozote un peu (le ch devient s et le g : z), le 'l' disparaît ou est rajouté inopinément … Ils parlent d’une manière assez incompréhensive pour les non-initiés. Ils blèsent (pratique ancienne que l'on trouve par exemple chez les mignons du XVIe siècle), ont leur prononciation, leurs mots ; ils s’expriment par circonvolutions. Ils ont leurs gestes etc. Une gravure d’époque représente deux incroyables se saluant en croisant le petit-doigt ou d'autres se faisant des signes.
La tenue caractéristique consiste en des souliers ou bottes pointues, des bas souvent rayés, une culotte tombant à mi-mollet qui semble tellement comprimer le sexe qu’on ne le devine souvent pas, un habit carré avec un haut collet noir ou vert, un gilet à motifs rayés ou de pois, de hautes cravates blanches ou ‘rouillée’ qui touchent ou couvrent le menton. Les rayures ou les motifs à pois sont fréquents. Leurs cheveux ou leur perruque sont souvent blonds, en oreilles de chien, c'est-à-dire avec des mèches tombant sur les tempes ou plutôt pour parler à la façon du XVIIIe siècle, de longues faces (cheveux des tempes). Une grande tresse dans la nuque est parfois retenue par un peigne. Les longs cheveux et les tresses sont très fréquents au XVIIIe siècle chez les hommes.  La cadenette, avec ses tresses (généralement une dans la nuque et deux sur les côtés) est une coiffure de rigueur chez les militaires jusqu’à la fin de l’usage du sabre, car ces cheveux sont un rempart à ces armes dont la lame glisse dessus protégeant le cou. Les incroyables ont de grandes boucles d’oreilles rondes. Ils portent un chapeau bicorne ou rond qui est la prémisse du haut-de-forme. Leur canne est généralement un bâton noueux.  Pendant la Révolution, afin de ne pas s’engager, ils se font passer pour myopes, et gardent l’habitude de porter sur eux un ou plusieurs instruments de vue, en particulier un face-à-main en forme de ciseaux. La fausse myopie permet aussi d'éviter les inopportuns.
Si pendant la Révolution, les incroyables sont parfois les victimes de rixes et pourchassés par les jacobins ou les militaires ; à la fin de celle-ci, ils représentent l’ordre établi et la mode à suivre … même chez les militaires. Des nouveaux riches s’habillent en suivant cette mode de même que ce qu’on appelle la jeunesse dorée. Ils suivent les nombreuses gravures publiées à cette époque figurant ces élégants. Les graveurs les plus connus sont sans doute Carle Vernet (1758-1836) et Louis Léopold Boilly (1761-1845). Les lieux de rendez-vous des incroyables sont le Palais-Royal, le jardin de Tivoli (vers l’actuelle gare Saint-Lazare), les boulevards (Capucines, Italiens, Montmartre) et les nouveaux cafés qui s’embellissent en affichant un certain luxe et un décor néo-antique comme le Frascati, et de nombreux autres lieux.

ParisEtSesModes1803OrpheeFrancais1-500lmLes chanteurs à la mode sont Pierre-Jean Garat (1762-1823) et Pierre-Jean-Baptiste François Elleviou (1769-1842). Une gravure d’époque représente Garat sur une scène devant un parterre de merveilleuses debout, comme dans un concert de rock. C’est un chanteur d’exception, à la mode déjà sous Marie-Antoinette qui l’invite plusieurs fois à jouer devant elle. A la Révolution il émigre pour revenir sous le Directoire. Il est très apprécié de Napoléon. Type même de l’incroyable, extraordinairement raffiné, c’est aussi un mirliflore. Le XVIIIe siècle compte quelques idoles, dont certaines à la vie assez tapageuse comme celle du comédien et chanteur lyrique Clairval (1735-1795). Citons aussi la famille Vestris qui offre du XVIIIe siècle au XIXe des danseurs célèbres. La nouvelle danse à la mode chez les merveilleuses et les incroyables est la valse qui se pratique d’une façon très différente qu’actuellement. Après la Révolution, on danse dans les salons puis les bals reprennent. Louis-Sébastien Mercier écrit dans Le Nouveau Paris (1794) qu’il y a à Paris 1800 bals ouverts tous les jours : « Ici des lustres embrasés reflètent leur éclat sur des beautés coiffées à la Cléopâtre, à la Diane, à la Psyché. Là, une lampe fumeuse éclaire des blanchisseuses [cette citation est une preuve que les merveilleuses ne sont pas obligatoirement issues de familles riches de même que les incroyables] qui dansent en sabots avec leurs muscadins au bruit d’une vieille nasillarde. […] Je ne sais si ces premières danseuses chérissent beaucoup les formes républicaines des gouvernements de la Grèce ; mais elles ont modelé la forme de leur parure sur celle d’Aspasie ; les bras nus, le sein découvert, les pieds chaussés avec des sandales, les cheveux tournés en nattes autour de leurs têtes ; c’est devant des bustes antiques, que les coiffeurs à la mode achèvent leur ouvrage. […] cent tables offrent des arbres ployant sous les fruits de toutes les saisons, fruits en glace, tandis que des fontaines versent en abondance l’orgeat, la limonade, les liqueurs des îles […] Qui l’eût dit, en voyant ces salons resplendissant de lumières, et ces femmes aux pieds nus, dont tous les doigts étaient parés avec des diamants, que l’on sortait de la terreur ? […] Croira-t-on dans la postérité que des personnes dont les parents étaient morts sur l’échafaud, avaient institué, non des jours d’affliction solennelle et commune […] mais bien des jours de danses où il s’agissait de valser, de boire et de manger à coeur joie. Pour être admis au festin et à la danse, il fallait exhiber un certificat comme quoi l’on avait perdu un père, une mère, un mari, une femme, un frère ou une soeur sous le fer de la guillotine. La mort des collatéraux ne donnait pas le droit d’assister à une pareille fête. » Il s’agit là de ce qu’on appelle alors les « bals des victimes ». Il y a bien d’autres bals et pour tout le monde : les bals de printemps, d’été et d’hiver et toutes sortes de guinguettes dans tous les endroits de Paris : les plus connus étant peut-être sur les Champs-Elysées, sur les boulevards et le long des ports. Toutes les classes sociales (le riche comme le pauvre) ont leurs lieux à danser, mais le plus souvent se mélangent. On assiste à une certaine frénésie de la danse qui continue pendant tout le XIXe siècle. Et on danse merveilleusement bien ! Non seulement les professionnels de la danse mais aussi les amateurs exhibent leurs talents dans le grand monde avec une grâce et une perfection remarquables. « Et dans chacun de ces bals si renommés, il y a des salles de jeu, puis des buffets de rafraîchissements, des illuminations d’un côté, de l’autre des parties ombreuses, des demi-jours favorables ». Les bals de l’hôtel de Richelieu sont fameux et ont y trouvent merveilleuses, incroyables et muscadins : « bal de l’hôtel richelieu, qui rassemble un monde, un monde incomparable. C’est l’arche des robes transparentes, des chapeaux surchargés de dentelles, d’or, de diamants, de gaz, et des mentons embéguinés ! […] flottent dans des robes athéniennes, exercent et poursuivent tour à tour les regards de nos incroyables à cheveux ébouriffés, à souliers à la turque, et ressemblant d’une manière si frappante à cette piquante et neuve gravure qui porte leurs noms, que je ne saurais en vérité la regarder comme une caricature. […] Dans ce lieu enchanté cent déesses parfumées d’essences, couronnées de roses … » Après la danse, c’est le concert, puis les soupers. De nombreuses gravures représentent des incroyables, et beaucoup des merveilleuses en « costume de bal ». La danse est tellement populaire que l'on peut lire au début du chapitre intitulé « Éducation des jeunes Demoiselles » de Paris et ses Modes, ou les soirée parisiennes (Paris, Marc, 1803) : « Depuis trois ans, il s'est fait dans la manière d'élever les enfants, et surtout les jeunes demoiselles, un changement total … mademoiselle sait-elle danser ? Valse-t-elle ? Sont les premières questions que fait un homme qui se présente pour épouser. »

Photographie de gauche au dessus 7 : Chapitre intitulé « L'Orphée Français » de Paris et ses Modes, ou les soirées parisiennes (Paris, Marc, 1803).

Photographies du dessous 8 et 9 : Suite du chapitre « L'Orphée Français » de Paris et ses Modes, ou les soirées parisiennes (Paris, Marc, 1803) et début de « Concert de Cléry ». Au-dessous : suite de « Concert de Cléry ».ParisEtSesModes1803OrpheeFrancais2a-500lm.jpg
ParisEtSesModes1803OrpheeFrancais3-300lmPhotographies du dessous 10 et 11 : Chapitres intitulés « Élisée – Bourbon » et « Frascati » de Paris et ses Modes, ou les soirées parisiennes (Paris, Marc, 1803).
ParisEtSesModes1803ElyseeFracati500lmPhotographie de droite 12 : ParisEtSesModes1803Tivoli500lmChapitre intitulé « Tivoli » de Paris et ses Modes, ou les soirées parisiennes (Paris, Marc, 1803).

Dans Les Français peints par eux-mêmes (tomes édités entre 1840 et 1842), P.-F. Tissot (1768-1854), qui est le témoin de tout cela, décrit les incroyables de ses vingt ans : « On les rencontrait partout avec ce qu’ils appelaient des cadenettes, c’est-à-dire avec leurs cheveux nattés et relevés derrière la tête comme ceux des soldats suisses de la garde royale ; sur les deux côtés de leur figure descendaient des touffes de cheveux qui représentaient des oreilles de chien ; leurs cols étaient emprisonnés dans une cravate énorme qui, enveloppant le bas du visage et le menton, semblait cacher un goitre ; ajoutez à ce bizarre déguisement une espèce de sarreau de drap qui descendait le long du corps sans marquer la taille, et dont les larges manches permettaient à peine la vue de l’extrémité des doigts. Ces mêmes coryphées de la mode portaient à la main un bâton noueux et tortu, pour attaquer leurs adversaires lorsqu’ils croiraient l’occasion favorable. Tels étaient les chevaliers des plus brillantes femmes des salons de Paris la milice volontaire qu’on appelait la jeunesse dorée de Fréron, et qui faisait avec un  zèle gratuit et une vigilance passionnée la police de la capitale dans les spectacles , dans les jardins publics, sur les boulevards, contre les révolutionnaires désignés sous le nom de terroristes. » Louis-Sébastien Mercier les dépeint ainsi dans Le Nouveau Paris (1794) : « Les hommes portent l’habit carré, dont la taille est d’une longueur démesurée : les basques reviennent sur les genoux ; les culottes descendent jusqu’aux mollets ; les souliers à la pointe du pied, et minces comme une feuille de carton, la tête repose sur une cravate comme sur un coussin en forme de lavoir ; à d’autres, elle leur ensevelit le menton. Les cheveux sont, ou hérissés ou séparés sur le front : les faces pendantes voltiges derrière les oreilles ; par derrière ils sont nattés. Plus de manchettes ni de jabots : la manie du linge fin, comme la batiste, est universelle. Une aiguille d’or en forme d’étoile ou de papillon, indique la finesse et la blancheur de la chemise. L’individu costumé de la sorte, marche comme un Hercule, un bâton noueux à la main, et des lunettes sur le nez. »
Photographie montage du dessous : Incroyables et mirliflores du début du XIXe siècle provenant de diverses gravures.

incroyablesmontage© Article et photographies LM

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Le nonchaloir

Le nonchaloir est une manière de se laisser aller, un abandon à la nonchalance. C'est tout le contraire du verbe chaloir qui exprime une importance, une préoccupation. Le nonchaloir c'est l'insouciance ou le refus de se soucier : l'opposé du stress qui est un mot anglais issu du français (comme quoi tout est dans tout et vice-versa). Voir aussi l'article Nonchalances.

© Article LM

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De la grâce et de la tenue

miroirvers1924-4-decoupe500lmPhotographie 1 : Miroir de vers 1824 représentant trois élégants. Une ou plusieurs gravures ont été découpées, peintes et fusionnées au miroir à l'époque pour un effet particulièrement joli.

En français, le mot 'grâce' est utilisé pour exprimer un certain agrément dans le style, une élégance à laquelle s'ajoute un charme indéfinissable ; mais aussi pour témoigner d'une reconnaissance, d'une bienveillance pouvant être de l'ordre de l'humain ou du divin. Il y a dans la grâce quelque chose de merveilleux, d'incroyable, voire de céleste. Les Grâces antiques dont il est question plus loin représentent cette beauté, cette harmonie.

Parfois les interpénétrations sémantiques nous enseignent quelque chose. C'est le cas aussi pour le mot 'tenue' qui exprime tout autant une manière de se tenir que de se vêtir. Comme l'écrit Jacques Wilhelm dans son Histoire de la Mode (Paris, hachette, 1955) : « Le mot « tenue » désigne aussi bien l'habit que l'attitude et que le comportement moral. »

boucher3-300lmPhotographie 2 : Estampe illustrant Les Amants magnifiques de Florent Carton dit Dancourt (1661-1725), dessinée et gravée par Jan Punt (1711-1779), datée de 1740 et donc du règne de Louis XV (1723-1774). On remarque la robe à panier du personnage de droite. Il s'agit de ce qu'on appelle une « robe à la française » qui est composée d’un manteau ouvert sur une pièce d’estomac et une jupe assortie. Elle conserve les « plis à la Watteau » dans le dos de la mode précédente et le panier qui prend une forme ovale. Autour de l’ouverture du manteau et sur la partie visible de la jupe, on remarque des décorations. Le corsage est ajusté sur le devant et sur les côtés. Les manches sont dites « en pagode » auxquelles on fixe des engageantes amovibles pouvant être de dentelle ou de mousseline de coton brodé.

Ce que je regrette le plus dans ce dictionnaire des petits-maîtres de la mode, c’est de ne pas réussir à montrer toute la beauté et toute la profondeur de l’élégance. Cette richesse s’exprime dans la pure expression de l’harmonie que symbolisent les trois Grâces ou Charites (en grec). L'Antique est une autre notion importante pour comprendre l'élégance française qui y fait souvent référence. De la même façon qu'il est nécessaire de connaître la mythologie et la philosophie greco-romaines pour saisir nombre de peintures de grands maîtres, ce savoir est parfois nécessaire pour aborder les petits-maîtres du bon ton. L'exemple mythologique symbolisant l'élégance, la grâce, est celui des Charites. Elles sont nues car ne cachant rien. Elles forment un choeur divin : une ronde merveilleuse où chacune à son tour prend, donne et reçoit. Les rythmes qu’elles inspirent sont ceux de l’abondance parfaitement distribuée entre tous. C’est de la pure élégance ! Durant l’Antiquité, on considère qu’elles habitent le mont Olympe où elles agrémentent le banquet des dieux ; où Apollon dirige leur choeur et leur danse avec Désir. Comme les Muses, elles inspirent les rythmes divins. Elles sont décrites dans certains hymnes orphiques, pleines de félicités, mères des délices, adorables, bienveillantes et pures, aux beautés de toutes couleurs, désirables, aux visages de calice, dispensatrices du bonheur. Du moins ce sont quelques qualificatifs que l'on trouve employés à leur égard. Elles sont l’harmonie même. Leur beauté et leur richesse sont sans limite. Le cercle qu’elles forment n’admet aucune laideur. Ce flot continuel du don ne doit en aucun cas être interrompu sous peine de rompre l’équilibre et la paix. C’est parce que Pâris choisit entre trois divinités qu’il est à l’origine de la guerre de Troie. Les Grâces sont d’égales grandeur et beauté et rien ne les distingue sinon leurs gestes. Elles forment une ronde merveilleuse, inspirante et pleine de joie. Le chant et la danse de ce choeur donnent tous les plaisirs et rendent celui qui les contemple non seulement rassasié et plein de bonheur mais plus élevé, digne et intelligent. Les Charites personnifient la vie dans toute sa plénitude. Comme toutes les déesses et tous les dieux, elles sont éternellement jeunes et belles. Il y a Euphrosyne qui figure le bonheur à son paroxysme, l'allégresse, la joie de vivre. Thalie incarne l'abondance, la surabondance, le trop-plein de vie, qui se prodigue comme un don. Aglaé, ou Pasithée, est la beauté dans ce qu'elle a de plus éblouissant, la splendeur. Ensemble elles symbolisent la vie festive et intensive faite de dépenses, de partages et de plaisirs. L’élégance c’est cela. Personne n’est lésé, chacun a sa place sous la corne d’abondance. Rien n’est laissé de côté. Tous sont rassasiés avec la conviction que demain sera encore meilleur car l’expérience nous le montre. Il n’y a nulle part ici où le doute puisse se poser. C’est une charis, une grâce, une gratification, un don (charitsomaï), un partage, la capacité de donner, conserver et recevoir intensément et véritablement. C’est un jeu, une joie. Cela nous rapproche du divin. Comme je le dis régulièrement dans ce dictionnaire, le rythme est un élément important de l’élégance. La danse occupe une place prépondérante chez le petit-maître de même que la grâce dans le ton, le maintien, les manières. Cette danse a son logos, son inspiration toujours nouvelle. Elle se fond dans la magie du changement qui remet continuellement chaque chose à sa nouvelle place. Elle pratique l’éternité puisque le changement est la seule chose qui ne change pas ! Cette chaîne est un merveilleux bracelet. C’est une ligne infinie dans le temps et un cercle toujours parfait et sans borne. Ainsi le petit-maître est-il un et multiple.

© Article et photographies LM

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Canaletto à Venise

2-300Le musée Maillol nous habitue à de bonnes expositions présentées avec raffinement. Cette fois le sujet est Canaletto à Venise. « Canaletto (1697-1768) est le plus célèbre des vedutisti vénitiens du XVIIIe siècle. »

Le védutisme est un mouvement pictural représentant des paysages urbains en suivant des règles de perspective permettant de rendre le plus fidèlement possible la réalité. Au XVIIIe siècle, à Venise, les artistes peignant des vues (vedute) sont appelés peintres védutistes (vedutisti).

Ce souci de réalisme est particulièrement mis en avant dans l'exposition qui se déroule en ce moment et juqu'au 10 février 2013 avec la présentation d'une reconstitution de « chambre obscure » : « En collaboration avec la Soprintendenza al Polo Museale de Venise, le Musée Maillol a permis, grâce aux études de Dario Maran et à l’habileté de maîtres artisans vénitiens, de reconstruire le fac-similé de la chambre optique utilisée par Canaletto pour réaliser ses dessins. Dérivé de l’instrument du Caravage, avec un jeu de loupes savamment orientées l’appareil, souvent placé sur une barque, l’objectif face au sujet choisi, offrait un champ de vision et une précision de transcription uniques à l’époque. Les visiteurs de l’exposition [peuvent] en apprécier eux-mêmes l’efficacité.  »

3-300L’exposition rassemble aussi « plus de cinquante oeuvres, sélectionnées avec rigueur, provenant des plus grands musées et de collections particulières incontournables. Certains des tableaux issus de collections privées n’ont plus été présentés dans le monde depuis les années 1930. De plus, une grande partie des oeuvres viennent en France pour la première fois. [Sont] aussi exposés des dessins et le célèbre Carnet -1731 environ- conservé au Gabinetto dei Disegni e Stampe delle Gallerie Dell’Accademia, qui [quitte] exceptionnellement Venise le temps de l’exposition et que les visiteurs [peut] admirer ouvert, mais aussi feuilleter virtuellement. Ce cahier est un instrument fondamental pour comprendre la technique de travail de Canaletto.  »

Photographie 1 : La Piazzetta vers la Pointe de la Douane et le Canal Grande d'Antonio Canal dit Canaletto , datant de 1730 . Huile sur toile de 58,5 x 102 cm prêtée par The Egerton of Tatton Park de Knutsford. © NTPL/John Bethell.

Photographie 2 : Le Palais des Doges et la Rive degli Schiavoni d'Antonio Canal dit Canaletto , datant de 1730 . Huile sur toile de 110,5 x 185,5 cm prêtée par The Egerton of Tatton Park de Knutsford. © NTPL/John Bethell.

Je profite de cette exposition pour parler de deux peintres français des XVIIe et XVIIIe siècles, dans la ligne de ce mouvement, qui allient la recherche sur la couleur à celle sur la perspective dans une osmose parfaite. Il s'agit de Claude Gellée dit Claude Le Lorrain (1600-1682) et de Joseph Vernet (1714-1789), dont voici quelques exemples de peintures dont les photographies ne sont qu'un pâle reflet des œuvres observées de visu qui 'tiennent' l'esprit et le conduisent vers la lumière ; redonnent à l'oeil la notion de la beauté naturelle ; et qui nous rappellent ensuite, dans une simple promenade à observer un ciel, à nous sentir dans une œuvre d'art totale.
Claude Gellée dit Claude Le Lorrain :
1646, 1648, date? date?.
Joseph Vernet :
date?, date?, 1756, 1759, 1759.

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Le prince et le prince charmant

le cabinet des fees tome 5 ensemble300lmPhotographies : Illustrations de Le Cabinet des fées, ou Collection Choisie des Contes des Fées, et autres Contes merveilleux, tome cinquième, Genève, Barde, Manget & Compagnie, 1785.

Après un article sur le gentilhomme, et avant d'autres sur le page, l'écuyer et le menin, il est question ici d'un style d'élégant particulier : le prince et plus spécifiquement de celui des contes de fées.

Les princes n'existent que s'il y a des rois. Il sont particulièrement présents avant la Révolution. Le Paris du XIXe siècle en voit encore de nombreux, pas toujours d’une élégance exceptionnelle, sillonner ses boulevards.

Le prince charmant est l’un de nos plus grands élégants. Certains diront qu'il n'est qu'un personnage de contes de fées. Cependant on peut le situer dans le temps. 

princeetsepent300lmLes princes troubadours (et trouvères) du Moyen-âge contribuent à véhiculer cette image puisque certains sont des seigneurs alliant une poésie (une pratique de la langue, de l'invention, de la musique, du chant et du rythme) d’une qualité exceptionnelle à des moeurs d’un grand raffinement. Guillaume IX de Poitiers (1071-1127) est l’un d’entre eux ou Charles d’Orléans (1394-1465).

C'est en contemplant les personnages du tableau de Claude Déruet (1588-1660) intitulé L'Eau et conservé au musée des Beaux-Arts d'Orléans, que je me suis aperçu que la représentation 'd’Épinal' du prince charmant telle que véhiculée pendant le XVIIIe siècle jusqu'à aujourd'hui est celle de l'époque de cette oeuvre (c'est à dire de Richelieu : 1585-1642 et de Louis XIII roi de 1601-1643) qui représente de nombreux gentilshommes et dames de qualité. Pourtant ce n'est qu'à la toute fin du XVIIe siècle que sont publiés les premiers contes. C'est aussi au temps de Richelieu que les grands seigneurs du royaume commencent à perdre leur autorité face au pouvoir royal ; affaiblissement que Louis XIV (roi de 1661 à 1715) rend définitif. C'est justement durant la dernière partie de son règne que les contes de fées sont écrits. Sans doute est-ce le souvenir d'une époque révolue dont il subsiste encore alors un imaginaire ; malgré la main-mise sur celui-ci du christianisme qui ne fait que se répandre ; temps que Richelieu et Mazarin contribuent à évacuer malgré les révoltes des grands (comme durant la Fronde de 1648–1653). Cet imaginaire là est celui des châteaux forts, des fées et d'un merveilleux n'ayant rien à voir avec le christianisme.

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Exposition : Albrecht Dürer et son temps  : De la Réforme à la guerre de Trente Ans.

cat.84-500Photographie : Isaaks, Détail du Baptême du Christ (détail). © Exposition : Albrecht Dürer et son temps, École nationale supérieure des Beaux-arts. J'ai choisi ce dessin en particulier pour le chapeau.

La galerie d’exposition de l’école nationale supérieure des Beaux-arts de Paris présente du 24 octobre 2012 au 13 janvier 2013 une exposition intitulée « Albrecht Dürer et son temps  : De la Réforme à la guerre de Trente Ans ».

Sur 425 m2 d'exposition sont présentées 154 œuvres avec une centaine de dessins du XVe au XVIIe siècles accompagnés d’une quarantaine d’estampes, et en supplément 34 manuscrits de la même époque. Tous proviennent de la collection de l’école nationale supérieure des Beaux-arts exceptés 8 œuvres prêtées par la bibliothèque nationale de France ; et viennent essentiellement du don effectué par Jean Masson en 1925.

Cette école est un lieu où se retrouve l'histoire de l'art, et où il est bon de flâner parmi art et passionnés. Elle conserve près de 450 000 œuvres et ouvrages dont plus de 20 000 dessins, et attire de nombreux étudiants en plein milieu du quartier artistique et littéraire de Paris : des galeries d'art contemporain, des antiquaires de prestige, des cafés littéraires et artistiques, des bouquinistes des quais de Seine, des maisons d'édition, à deux pas du Louvre et du quartier latin … Il y souffle encore un air d'humanisme culturel délicieux.

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Le courtisan et 'l'air de Cour'

lairdecourtableaudeparis300lm.jpgPhotographie : Chapitre intitulé 'L'air de Cour' du tome III de Tableau de Paris (nouvelle édition corrigée et augmentée de 1783) de Louis-Sébastien Mercier. Le texte de ce chapitre est retranscrit dans cet article.

Le dictionnaire Nicot, Thresor de la langue française (1606) donne la définition du courtisan que voici dans sa langue de l'époque : « Courtisan, m. acut. Est celuy qui suit la court d'un Prince, qu'on appeloit anciennement Curial, de ce mot Latin Curia, et de ce nom est ainsi intitulé un poëme ancien, le Curial, qui contient les preceptes et courtoisie que chacun en droict luy doit garder vivant en la court d'un Prince, l'Espagnol dit de mesmes Cortesano, et l'Italien un peu plus esloignéement, Cortiggiano, et Balthasar de Castillon en a ainsi intitulé son livre depaignant les qualitez du parfaict courtisan, Curial, qui est latinisé, vient de Curia, mais les trois autres viennent de Cohors, vir cohortalis, Si on le peut dire, comme, auis cohortalis en Columelle. »

Le courtisan est donc attaché ou fréquente une cour et en particulier la cour du roi de France. C'est le cas aussi pour la courtisane, du moins au début de l'utilisation de ce mot. Ensuite on lui préfère l'expression de 'dame de la cour' ou de 'dame de qualité' (on dit aussi 'homme de cour' et 'gens de cour'). Le nom de courtisane est alors employé pour désigner une femme qui vend ses charmes. Un homme qui courtise (une femme …) est aussi appelé un courtisan.

Les courtisans servent de modèles pour les gens et la mode. Le Pasquin de la cour pour apprendre à discourir & s'habiller à la mode (1622) est une petite satire courte (un pasquin) relatant la façon d’être à la mode à la cour. On y apprend beaucoup de choses sur les noms d’habits et autres usages chez ces hommes de cette époque. Dans son tome III de Tableau de Paris (nouvelle édition corrigée et augmentée de 1783), Louis-Sébastien Mercier écrit un chapitre sur 'L'air de Cour' (photographie) que voici : « La cour est le centre de la politesse, parce qu'elle y donne le ton des usages & des manières. L'air de cour s'imprime dans un garçon de la chambre, dans un petit contrôleur ; & à l'instar des grands seigneurs, ils affectent une contenance modeste, puis reparaissent fiers & superbes. Les valets prennent un ton qui partout ailleurs serait l'excès du ridicule. On marche des épaules à la cour. Le courtisan salue légèrement, interroge sans regarder, glisse sur le parquet avec une légèreté incomparable, parle d'un ton élevé, préside aux cercles jusqu'à ce qu'il paraisse un nom qui le réduise au ton général. La politesse de la cour est-elle si renommée, parce qu'elle vient du centre de la puissance, ou parce qu'elle provient d'un goût réellement plus raffiné ? Le langage y est plus élégant, le maintien plus noble & plus simple, les maximes plus aisées, le ton & la plaisanterie y ont quelque chose de plus fin ; mais le jugement y a peu de justesse, les sentiments du cœur y sont nuls ; c'est une ambition oisive, un orgueil prêt à faire des bassesses, un désir immodéré de la fortune sans travail, une crainte servile de la vérité. Là on redoute la vertu du prince ; on lui souhaiterait des vices, on n’espère qu'en ses faiblesses ; & ce vernis séduisant qui masque l'attitude & orne la parole, cache la flatterie & l'effronterie d'un cœur corrompu. Parmi le nombre des courtisans se mêlent des aventuriers qui se lancent dans la foule, sont partout ; publient les nouvelles indifférentes. Voyez leurs courses précipitées ; ils vont, viennent; que veulent-ils ? que demandent-ils ? On n'en sait rien ; ils mourront sans rien obtenir. Le courtisan qui vous a salué dans la rue , ne vous reconnaît plus au lever ou à la messe. Que de gens ont broyé inutilement le pavé de la route de Versailles ! Plus d'un courtisan meurt éthique devant l'objet qu'il poursuit & qu'il adore. Ces courtisans oisifs que l'intérêt dévore, / Vont en poste à Versailles essuyer des mépris, / Qu'ils reviennent soudain rendre en poste à Paris. / Volt. Le jour que l'on nomme un ministre : c'est le plus grand génie qui ait jamais existé ; rien n'égale sa pénétration, son désintéressement ; l'éloge est outré ; il ne peut l'entendre sans rougir, tout retentit de ses louanges. A quelque temps de là il chancelle ; le dédain, le blâme, l'aigreur attaquent sa personne & ses opérations. On n'a plus rien à attendre de lui, on le déchire avec fureur. Le ministre le lendemain de sa nomination se trouve, des parents qu'il n'a jamais vus, & des amis qu'il ne connaît pas. On démêle sur toutes ces physionomies de cour, l'inquiétude que tout l'apprêt du visage ne déguise pas parfaitement ; le ris n'est pas vrai & les caresses sont contrefaites. Le courtisan s'exerce en tout temps à nuire à la réputation de ceux qu'il ne connaît pas, pour savoir mieux nuire à la fortune de ceux qu'il connaît. Cela s'appelle pelotter en attendant partie. »

Le courtisan, de par son statut et sa fréquentation se doit d'être élégant et raffiné. Celui du XVIIe siècle est un personnage tout aussi habillé que la dame de qualité bien que de vêtements différents (voir l'article La Dentelle et l'habit masculin). Les courtisans portent autant de dentelles, de rubans et d’habits fins que les dames de qualité ; tellement que les rois essaient parfois de restreindre ces usages quand ils participent à la fuite de l'argent du royaume dans l'achat de produits étrangers. Voir à ce sujet l'article intitulé Edits de Louis XIII imposant aux français une mode plus sobre. Dans Des Mots à la mode et des nouvelles façons de parler … (1692), François de Callières (1645-1717) explique quelques-uns des arts des courtisans : manières de nouer les cravates et rubans, de porter les perruques jusqu’à la ceinture, d’agencer meubles, bijoux, babioles, « de régler tous les ustensiles d’une toilette, de bien choisir & de bien ranger des porcelaines, des miroirs, des lustres & des girandoles, du choix de leurs boucles & de leurs agrafes de diamants, de leurs bagues, de leurs étuis, de leurs petits flacons de poche, de leurs boîtes à vapeurs, à pastilles, de leurs cannes garnies d’or et de pierreries, & surtout du choix important de leurs tabatières à ressort, & de la manière ingénieuse de les ouvrir, & de les refermer d’une main, ainsi que de celle d’y prendre du tabac de bon air, pour me servir de leurs termes, de le tenir quelque temps entre leurs doigts avant de le porter à leur nez, & de renifler avec justesse en l’y recevant ; enfin de tout ce qui compose ce noble exercice que nous voyons aujourd’hui si florissant en France, & qu’on a appelé plaisamment l’Exercice de la Tabatière … » A cela s’ajoute de nombreuses manières de langage dont c’est le sujet du livre. On retrouve certains des courtisans dans les cabarets, les maisons de jeu et autres lieux de plaisirs. Mais c’est une caricature, et tous ne sont pas comme cela. La plupart sont versés dans la vraie politesse, très cultivés, aimant les cercles, fréquentant les ruelles (voir l’article Les Précieuses et les femmes de lettres), versés dans les sciences, les arts, la politique … : « il y en a plusieurs de grande qualité qui sont très sages & très polis », issus de familles illustres, versés dans la chevalerie ... Évidemment, les armes sont la grande occupation des courtisans qui sont des nobles et donc des gens de guerre. Voici quelques autres passages de ce livre : « de savants, de sages Courtisans, / On en voit de polis, de fins, de complaisants, / D’habiles, de discrets, d’enjoués, d’agréables, / On en voit de galants, tendres, touchants, aimables, / Qui font naître partout la joie & les amours / Toujours cherchant à plaire & qui plaisent toujours. Mais on y trouve aussi bien des âmes communes … »

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L'admirable

L'admirable est un genre de coquette du XVIIe siècle : « les admirables qui n'ont rien de merveilleux que le nom » écrit l’abbé d’Aubignac (1604-1676) dans son Histoire du temps ou relation du royaume de coquetterie extraite du dernier voyage des Hollandais aux Indes du levant (1654).

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Les Ennuyées de Longchamp

LesEnnuyeesdelongchampdecoupe400lmPhotographie : « Les Ennuyées de Longchamp. » « Le Bon genre, N°18. » Cette gravure représente des merveilleuses à Longchamp (sur Longchamp lire ici) à un moment où il n'y a personne. Les personnages sont du début du XIXe siècle ; mais l'estampe est sans doute plus récente.

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Le trottin

Trottinprendrelebrassouslapluie300lmPhotographie : Carte postale du tout début du XXe siècle représentant un trottin (semblant porter une jupe-culotte : la dernière mode de l'époque) et un homme la courtisant. Le texte est le suivant : « Sous le Parapluie. » « 4. - Veuillez, accepter mon bras ; je pourrai ainsi mieux vous protéger contre l'averse. »
C'est article suit un autre où il est question du trottin : Les petites mains de la mode française 1 : les grisettes, cousettes et trottins. Le trottin est un terme familier du XIXe siècle et de la première moitié du XXe qui désigne une ouvrière (souvent de mode) qui fait les courses. Certains « petits trottins » sont des jeunes filles particulièrement mignonnes, que l’on trouve représentées portant de grands sacs multicolores élégants dont certains ressemblent à (ou sont) de grandes boîtes à chapeaux rondes souvent avec des motifs (rayures …).
Photographies suivantes : Série de quatre cartes postales de la série « L'Arroseur » avec un tampon datant de 1805.
« 1 » « Trottinant menu, D'un air ingénu, Un trottin s'en allait chez un client connu. »
« 2 » « Soudain, sans le voir, D'un jet d'arrosoir, Un jardinier frippa [ainsi écrit] son coquet jupon noir. »
« 3 » « Un jeune gommeux, Peut-être amoureux, S'approcha pour blâmer le jardinier honteux. »
« 4 » « dans les différends, Soit petits ou grands, Gardez-vous de vouloir accommoder les gens. »

trottinetgommeuxassemblage300lm© Article et photographies LM

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La fauvette

fauvetteetpinson300lmLa fauvette est une jeune femme d’apparence délicate, à l’allure gracieuse et à la voix harmonieuse.

Victor Hugo dans Les Travailleurs de la mer (1866) donne à plusieurs types de personnes assez délicates des noms d’oiseaux. Voici comment il décrit la fauvette : « la petite fille persiste dans la jeune fille, et c'est une fauvette. On pense en la voyant : qu'elle est aimable de ne pas s'envoler ! Le doux être familier prend ses aises dans la maison, de branche en branche, c'est-à-dire de chambre en chambre, entre, sort, s'approche, s'éloigne, lisse ses plumes ou peigne ses cheveux, fait toutes sortes de petits bruits délicats, murmure on ne sait quoi d'ineffable à vos oreilles. Il questionne, on lui répond ; on l'interroge, il gazouille. On jase avec lui. Jaser, cela délasse de parler. Cet être a du ciel en lui. »
Dans Hommes et bêtes : Physiologies anthropozoologiques mais amusantes (Paris, Amyot, 1862), Galoppe d'Onquaire (Jean Hyacynthe Adonis Galoppe d'Onquaire) nous apprend qu'il est aussi donné ce nom par le public parisien pour « rendre hommage à une chanteuse gracieuse, mais d'un ordre secondaire ».
Photographie : Chromolithographie de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe représentant : « Fauvette et Pinson ».

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Souliers en faïence du XVIIIe siècle

12marseilleveuveperrinPhotographie 1 : Paire de chaussures en faïence de la manufacture de la Veuve Perrin de Marseille, du XVIIIe siècle, d'une longueur de 14 cm « ornées d'une boucle rehaussée d'un filet rose, leur talon à fond jaune. Décor d'un branchage vert sur le dessus, et filet jaune sur les bords. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.

La maison Villanfray & Associés propose, lors de la vente aux enchères généraliste à Drouot-Richelieu du lundi 15 octobre prochain, une collection de souliers en faïence du XVIIIe siècle. Le catalogue est visible ici. Ceux qui s'intéressent à la mode trouverons là des exemples de formes anciennes. On remarque que les chaussures féminines ont généralement un talon haut et fin ; que l'avant insiste sur la petitesse du pied et se termine généralement en une petite pointe relevée. Les motifs de tissu rappellent qu'à cette époque c'est un matériau utilisé pour la fabrication de souliers. Pour les hommes le talon n'est pas pointu, le pied plus long, et le bout de la chaussure rond ou carré.

J'ai déjà écrit un article sur Le pied mignon et sur les Chaussures cirées.
10-11Photographies 2 et 3 : A gauche, chaussure en faïence de Moustiers, du XVIIIe siècle, d'une longueur de 12 cm, « à talon jaune ornée d'un noeud en relief. Décor polychrome de larges branchages fleuris et fleurettes. Filets bleu et vert sur les bords. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
A droite, chaussure  en faïence de la manufacture de Fauchier de Moustiers, du XVIIIe siècle, d'une longueur de 13 cm, « à talon à fond jaune, surmontée d'une boucle en relief. Décor camaïeu vert et manganèse de fleurettes rehaussé d'une bande à croisillons imitant le tissu. Filet manganèse sur les bords. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
6-9Photographies 4 et 5 : A gauche, chaussure en faïence de Moustiers de la manufacture d'Olérys , du XVIIIe siècle, d'une longueur de 15 cm « à talon rehaussée d'une boucle. Décor polychrome sur le dessus d'un large bouquet de fleurs stylisées et fleurettes. Pointillés et filet jaune sur les bords. » La boucle est le système d'attache des souliers de l'époque. © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
A droite, chaussure en faïence de la manufacture de Fauchier de Marseille, du XVIIIe siècle, d'une longueur de 12,5 cm,« à décor en camaïeu manganèse de bouquets de roses et fleurettes sur fond blanc. Elle est ornée d'une boucle en relief soulignée d'un filet jaune. Filet de pointillés imitant la couture. Talon à fond manganèse. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
7DelftPhotographie 6 : Paire de mules en faïence de Delft du XVIIIe siècle, d'une longueur de 12 cm « à décor polychrome d'imbrications imitant le tissu, flanquée sur le devant d'une marguerite jaune, filet jaune sur les bords. » On le voit le pied féminin doit être petit : pied mignon accentué par la forme de la chaussure. Le système d'attache est intéressant. © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
8DelftsnoeudsPhotographie 7 : Deux chaussures en faïence de Delft du XVIIIe siècle, d'une longueur de 13 cm « à décor de bandes polychromes à l'imitation du tissu ornées sur le dessus d'un large noeud en relief souligné de chaque côté d'une marguerite formant boutonnière. Talons à fond bleu. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
1-2Photographies 8 et 9 : A gauche, chaussure en faïence du Nord, du XVIIIe siècle, d'une longueur de 17 cm, « à talon et bout carré, décor camaïeu bleu de filets et motifs stylisés rehaussées d'un noeud vert en relief. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
A droite, chaussure en faïence de Lille, du XVIIIe siècle, d'une longueur de 16,5 cm, « à talon à rabat ornée d'une boucle en relief. Décor camaïeu bleu de lambrequins fleuris et cornes d'abondance. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
3-5Photographies 10 et 11 : A gauche, chaussure en faïence de Delft, du XVIIIe siècle, d'une longueur de 15 cm, « pointue à talon ornée d'une boucle. Décor camaïeu bleu de fleurs, feuillages et enroulements. Frise de pointillés imitant les coutures. Boucle en léger relief, cernée d'un filet jaune. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.
A droite, chaussure en faïence de Moustiers du XVIIIe siècle, d'une longueur de 14 cm « à talon jaune et décor de rayures bleues et filets jaunes imitant le tissus. » © Catalogue de la vente du 15/10/2012 de Villanfray & Associés.

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L'inconcevable

inconcevablea300lmPhotographie de gauche : L'histoire de cette gravure est intéressante à conter et montre combien d’incroyables découvertes peuvent se faire. En lisant un texte sur les modes d’autrefois je vois indiqué le nom d’inconcevable parmi d’autres. Je découvre ensuite cette gravure que je me procure pensant que l’inconcevable de la légende (« C’EST INCONCEVABLE Tu n'es [écrit "n'est"] point reconnaissable ») est le jeune homme représenté, et qu’il s’agit d’une autre façon d’appeler les muscadins ou les incroyables. Mais en faisant une recherche pour cet article, je me suis rendu compte que le sujet de cette estampe est la jeune fille, et qu’on nomme ainsi une personne habillée à l’antique à la fin du XVIIIe siècle. Cette mode est en totale rupture avec celle qui la précède. Les robes à paniers, les corsets, les hautes coiffures sont abandonnées. Le changement est radical et vraiment inconcevable ! Les jeunes filles se donnent des allures de statues antiques. Après le premier Empire (1804-1815), dans les années 1820, les corsets redeviennent de rigueur ainsi que les robes de plus en plus larges. Il faut attendre le début du XXe siècle et l'époque de couturiers comme Paul Poiret ou Coco Chanel pour qu’une nouvelle révolution se fasse dans la mode féminine ... une révolution qu'on attend toujours dans la mode masculine ... Cette gravure semble être de J. P. Levilly actif à partir de 1792. Elle montre que cette jeunesse là n’est pas coupée du populaire. Elle n’est pas obligatoirement 'dorée' comme on le dit souvent, mais qu’elle possède sans conteste une richesse qui lui est propre : celle que seul son âge peut offrir.
Durant la Convention (1792 - 1795) et le Directoire (1795 - 1799), on désigne comme 'inconcevable' une jeune femme s’habillant à l’antique. « On eut les « merveilleuses », et au delà des merveilleuses, les « inconcevables » ; on jura par sa paole victimée et par sa paole vete … » Victor Hugo, Quatre-vingt-treize, 1874.
La mode à l’antique que représente l’inconcevable commence surtout au milieu du XVIIIe siècle avec la propagation des gravures reproduisant les peintures murales et autres objets d’art découverts à Pompéi, Herculanum … Il en résulte, dans les vêtements, une tendance à plus de sobriété mais aussi un autre genre d’audace vestimentaire. Tous les beaux-arts reprennent les motifs et sujets de l’Antiquité. Les Lumières eux-mêmes s’inspirent des philosophes et savants de cette époque, et la Révolution y trouve ses valeurs. L’Antiquité est synonyme de modernité. Les merveilleuses adoptent ces modes excentriques, et un peu avant et surtout après la Révolution s’habillent de transparentes robes à l’antique, à la ceinture haute, avec de grands chapeaux à brides. Les vêtements ne sont plus amples pour les femmes : ce qui leur donne des allures élancées. L’accoutrement est moins riche, beaucoup plus simple. Le terme d''antiquomanie' est déjà utilisé au XVIIIe siècle mais s'écrit 'anticomanie'.

coiffureantiquean9-300lmComme son titre l’indique, la comédie intitulée La Mode ancienne et la mode nouvelle de P. - Charles Gaugiran - Nanteuil, datant de 1803, fait se confronter la tendance moderne antiquisante à l’ancienne : avec une petite-maîtresse qui est « une franche coquette », « Qui des modes du jour incessamment raffole », « qui de donner le ton dans le pays se pique » ; et sa belle soeur qui au contraire « Ne trouve rien de beau que le siècle passé », et tient « depuis mille ans, à sa mode gothique ». Il est intéressant de remarquer que quelques années plus tard, à partir des romantiques, la mode gothique et médiévale remplace l’anticomanie. Les cafés eux-mêmes changent leurs décors d’inspiration pompéienne pour un style médiéval ou mélangeant les deux, tout en apportant une distinction à l’anglaise. Cette petite maîtresse aime le style anglais, les jardins à l’anglaise, les hommes de style anglais (voir la définition de l’anglomane) ; et elle-même s’habille à l’antique : « On ne reprendra plus, vous l’espérez en vain, / Et le double panier et le vertugadin ; / Sous le costume antique, une femme jolie / Aime mieux rappeler Cléopâtre, Aspasie. » Elle fréquente les artistes en cheveux (coiffeurs) et ceux en bijoux (bijoutiers) ; habite une chambre à l’antique ; possède des meubles à l’antique ; a à sa disposition une jolie servante ; suit la mode ; fréquente des garçons aux cheveux coupés à la Titus ; s’habille en Diane ou en Vénus ; a une compagnie nombreuse ; donne des bals ; joue la comédie ; adore la vie parisienne. Voir la définition de la merveilleuse.
Leur aspect, à la pointe de la mode, les place en avant-garde et donc tout de même très en phase avec la Révolution baignée d’antiquomanie. Les inconcevables peuvent être considérées comme plus provocantes que les merveilleuses comme leur nom l’indique. Puis toute 'la jeunesse dorée' suit cette mode. Tous les arrivistes s’habillent en incroyables ou merveilleuses, adoptent les modes anglaises et l’anticomanie. L’aspect courageux et d’avant-garde, ce que certains appellent ‘folie’, laisse la place à la mode. Les choses se mélangent, et vouloir donner une définition de ces élégants est certes assez présomptueux. Mais l’intérêt que je trouve dans tout cela est en particulier dans le rythme et les plaisirs qui en découlent, telle une symphonie bien orchestrée, une danse bien mesurée …
Photographie de droite : Dans cette gravure du Journal des Dames et des Modes, datée de l’An 9 (1800), le texte indique : « Coiffure Antique ornée de Perles. Robe à taille longue ». Il s’agit de l’estampe 320. La tunique est cintrée haut, comme c’est la mode à l’époque. Elle a des motifs en feuilles de chêne, alors que le châle (ou plutôt schall) a des fleurs et des feuilles d’acanthe.

© Article et photographies LM

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Le parfumé

Le nom de 'parfumé' est une appellation peu utilisée mais que l’on trouve cependant pour parler d’un type d'élégant de la fin du XIXe siècle, un peu après le gommeux (voir articles 1 & 2) et pendant le poisseux.

© Article LM

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La benoitonne

LUniversIllustreNov1865detail-300lmPhotographies LUniversIllustreNov1865detail1-300lmdu dessus et de gauche : Illustration de la première page de L'Univers illustré, N° 487, du mercredi 22 novembre 1865, ayant pour sujet la nouvelle pièce jouée en première représentation le 4 novembre 1865 au « Théâtre du Vaudeville. - La Famille Benoiton, par M. Victorien Sardou ; acte 1er, scène XII ; dessin de M. Lix ... ».
Photographie de droite : Page de titre de La Famille Benoiton de Victorien Sardou, onzième édition, Paris, Michel Lévy frères, 1866.
C'est en observant l'image centrale de l'assiette du XIXe siècle visible dans l'article Le gandin que j'ai vu pour la première fois le nom de benoitonne associé à ceux de petits-maîtres de ce siècle.
La benoitonne désigne une coquette, jeune, originale, moderne, libre dans ses expressions, toujours à la mode et très élégante. Son nom est emprunté à la pièce de Victorien Sardou (1831 - 1908) La Famille Benoiton représentée pour la première fois, comme indiqué ci-dessus, au mois de novembre 1865. C'est alors la mode de la crinoline elliptique, aplatie sur l'avant et s'allongeant à l'arrière dans ce qu'on peut désigner comme les débuts de la tournure. Ces robes laissent parfois voir les chevilles ou au contraire balaient le sol en une traîne plus ou moins longue. Ces deux genres sont représentés sur l'affiche de la pièce (cliquer ici : Théatre du Vaudeville [...], La Famille Benoiton, 1865). 

LaFamilleBenoitonTitre300lmaOn est sous le second Empire, à l'époque de Napoléon III qui règne de 1852 à 1870 : le dernier souverain français avant la Troisième République, une démocratie qui perdure jusqu'à aujourd'hui. C'est le temps d'un certain faste : de l'Opéra Garnier etc.

La famille Benoîton est moderne, avec une mère qui n'est jamais chez elle et qu'on ne voit pas de toute la pièce, son époux un bourgeois important et leurs enfants : un garçon qui joue à la bourse aux timbres, un autre qui est un gandin, et trois filles mariées pour l'une et en âge de l'être pour les deux autres, toutes particulièrement coquettes mais nullement légères.
La benoitonne (on dit aussi « une Benoiton ») est une jeune bourgeoise aux habitudes princières, pleine de joie de vivre et versée dans les plaisirs de la mode qu'elle suit dans ses « toilettes, manières, langage ! ... ». Son nom n'est pas employé de manière péjorative pour des mœurs 'dissolues' comme parfois pour la cocotte, la cocodette ou la petite dame. C'est une sportswoman, aimant les chevaux et les courses, les promenades dont celles en canot. Elle apprécie l'art. Son extravagance vestimentaire est surtout due à son goût pour la nouveauté et la mode. Elle porte des chapeaux assez originaux, des robes magnifiques … des toilettes pour chaque circonstance. Une benoitonne est une fille « dans le mouvement » comme on dit alors, totalement dédiée à la mode et à une forme de luxe, qui dépense beaucoup pour cela et vivant dans une certaine insouciance, sans pour autant délaisser sa famille comme c'est le cas par contre pour la mère dans la pièce.
On dit « une toilette benoitonne » pour désigner une toilette recherchée.  « Benoitonner » et « benoitonnerie » sont des termes qui désignent cette façon d'être. Il semblerait que cette pièce lance véritablement une mode vestimentaire et un style, à moins qu'elle n'en soit que la conséquence.
LeJournalIllustre300lmPhotographies : Illustration de la première page de Le Journal illustré, n° 97 « du 17 au 24 décembre 1865 », ayant pour légende :  « Les toilettes de la famille Benoiton. Dessin de H. de Hem. - Voir page 402.) » A la page 402 on lit :
« Ah ! Je vous y prends, chère lectrice. Cette fois, pour sûr, le Journal illustré aura réuni plusieurs jolies têtes groupées au-dessus de sa première page !
Les toilettes de la famille Benoîton !
Que de cancans on en a fait ! Que de désirs, en province, de contempler ces toilettes ébouriffantes dont parlaient tous les journaux !…
Eh bien, elles sont d'une extrême simplicité, ces toilettes ; d'une extrême simplicité ; jugez-en :
Mademoiselle Jeanne Essler, cette sympathique artiste, aux yeux profonds, à la gracieuse et caractéristique figure, porte une robe de soie blanche garnie de plumes de paon et d'un oiseau rare nommé kouroucou, qui a laissé l'une de ses ailes à la souple ceinture de la charmante actrice.
Une coiffure ornées de chaînes noires s'enroulant au cou est due à Félix ; c'est à dire qu'elle est d'un goût exquis et fait fureur. On peut l'appeler coiffure à l'esclavage.
Madame Fargueil, notre éminente et tragique comédienne, porte une robe lilas à grande queue. La robe se découpe en dents ornées de lisérés blancs sur un immense volant rayé blanc et lilas. C'est une toilette du meilleur goût due au ciseau de madame Hardy.
Mademoiselle Manvoy ne se contente pas d'être une perle de grâce et de beauté ; elle s'est armée de pied en cap en mousquetaire, pour enlever las salle.
Un justaucorps de satin bleu d'acier foncé, tout orné de guirlandes d'acier, laisse échapper de ses crans, bordés de fers à cheval, une jupe de satin rayé aux couleurs de Gladiateur. Les manches sont pareilles ; le tricorne est orné de plumes rouges et bleues ; les bas sont rouges, la bottine est noire. Rien de plus éblouissant que les perles d'acier semées sur tout cela … rien … sinon les beaux yeux qui brochent sur le tout. Madame Chanal-Laferrière a signé la toilette.
On connaît la beauté gracieuse de mademoiselle Léonide Leblanc … qu'en dire de neuf ? Prenons-la par la robe, puisqu'elle nous prend par les yeux … Une robe collante en soie blanche, à bouquets détachés, se relève sur une sous-jupe verte, au moyen de deux immenses têtes de chevaux brodées en couleurs naturelles et garnies de brides ornées de perles.
Une toque anglaise, en velours vert, accompagne ce gracieux costume qu'a réalisé madame Goldbert.
Illustre Sardou, vous vous êtes fait bien du tort en choisissant deux si jolies demoiselles Benoîton … On a oublié leur rôle … les femmes, pour se rappeler leurs toilettes, les hommes, pour se souvenir de leur beauté.
H. de HEM. »

LeJournalIllustreIllustration500lm© Article et photographies LM

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Habits du XVIIIe siècle

Si le XVIIIe siècle m'était conté : Grâce à cette vidéo du musée des Tissus de Lyon, revenons sur cette exposition, et savourons une partie de la magnifique collection de ce musée. Rappelons aussi l'article du blog consacré à cela : Le goût du XVIIIe siècle : une très grande finesse.

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Aperçus de la mode française

modes200lmPhotographies 1 et 2  : Histoire des Modes Françaises, ou Révolutions du costume en France, Depuis l’établissement de la Monarchie jusqu’à nos jours. Contenant tout ce qui concerne la tête des Français, avec des recherches sur l’usage des Chevelures artificielles chez les Anciens de Guillaume-François-Roger Molé (Amsterdam et Paris, chez Costard, Libraire, rue Saint-Jean-de-Beauvais, 1773). Première édition. Ce livre contient une histoire 'Des Cheveux des Français', une autre 'De la Barbe des Français', des 'Recherches sur les Chevelures artificielles des Anciens' et une 'Histoire des Perruques'. Il est consultable ici.
Photographie 3 : Page d'almanach du XVIIIe siècle.
La mode occupe une place fondamentale dans la société française et cela depuis très longtemps. Le mot 'mode' vient du latin 'modus'. Les définitions de ces deux termes se ressemblent et englobent aussi bien des notions de mesure, de manière (dont celle de s'habiller), de genre … et restent dans le temps semblable à la contemporaine. Il ne s'agit donc pas d'un concept récent. La mesure est une notion importante de la mode française dans toutes les acceptations du terme, notamment dans son aspect musical. Il s'agit de rythme, d'être dans un rythme (voir article intitulé Le bon ton & le bon genre), en harmonie avec la vie et ses changements.

La mode est très présente durant l'Antiquité, évoluant aussi bien dans le domaine des vêtements, que des parures, coiffures, chaussures, couleurs, manières etc. La grecque influence particulièrement la romaine. Durant le Moyen-âge, elle continue son évolution. Il semble qu'en ancien français le terme 'meuf' désigne la même chose. Au XIVe siècle le mot 'mode' est dans le vocabulaire et sa définition comprend toujours la manière de se comporter, de s'habiller et de se parer en suivant le goût du moment. Dans la pièce de vers 1450 intitulée Sottie du gaudisseur et du sot on lit : «  Quelque chose que l'on en dye, / Tousjours seray mignon et gay, / Aussi gent comme ung papegay, / Fringant a la mode qui court »
Le caractère collectif et civil de la mode est un aspect primordial de compréhension de son importance. Un proverbe souvent cité dans les textes du XVIIIe siècle dit que « Les fous inventent les modes, et les sages les suivent. » Ne pas être à la mode n’est donc pas considéré comme avisé en France, même chez ceux qui pensent que ce sont les insensés qui créent les nouvelles tendances. Antoine de Courtin (1622-1685) écrit dans son Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes gens  (1671) modesdoublepage300lmque « c’est sous cette maîtresse absolue qu’il faut faire ployer la raison, en suivant pour nos habits, ce qu’il lui plaît d’ordonner, sans raisonner davantage ; si nous ne voulons sortir de la vie civile. » Dans L’Ecole des maris (1661), Molière (1622-1673) fait tenir un discours semblable à Ariste : « Toujours au plus grand nombre on doit s’accommoder, / Et jamais il ne faut se faire regarder. / L’un et l’autre excès choque, et tout homme bien sage / Doit faire des habits, ainsi que du langage, / N’y rien trop affecter, et, sans empressement, / Suivre ce que l’usage y fait de changement. / Mon sentiment n’est pas qu’on prenne la méthode / De ceux qu’on voit toujours renchérir sur la mode ; / Et qui, dans cet excès dont ils sont amoureux, / Seraient fâchés qu’un autre eût été plus loin qu’eux ; / Mais je tiens qu’il est mal, sur quoi que l’on se fonde, / De fuir obstinément ce que suit tout le monde, / Et qu’il vaut mieux souffrir d’être au nombre des fous, / Que du sage parti se voir seul contre tous. » A cette époque, ce sont les fâcheux qui ne suivent pas la mode. Le Discours nouveau sur la mode est un poème datant de 1613 qui met en scène la déesse Mode. Celle-ci explique comment elle fait changer les manières de se coiffer de porter (ou de ne pas porter) la barbe, les moustaches, le chapeau, de s’habiller … L’importance accordée à la mode est à l’origine de la foison de petits maîtres. Dans la Réponse au réformateur de la mode qui court, datant de 1613, l’auteur critique la mode d’une manière qui pourrait l’être aujourd’hui : « L’un dira […] celui-ci est trop mignon : celui-là tient trop compte de lui : l’autre, ce n’est pas à lui de porter cela. » Dans le dictionnaire de 1606 de Nicot intitulé Trésor de la langue française, il y est question de « mode ancienne », de « nouvelle mode », de « vivre à sa mode » … Voici le début de la définition que propose la première édition (1694) du Dictionnaire de l’Académie française (l’orthographe est adapté comme c’est le cas la plupart du temps dans les citations des XVIIe et XVIIIe siècles que je fais ici) : « MODE. s. f. La manière qui est, ou qui a été autrefois en vogue, sur de certaines choses qui dépendent de l'institution & du caprice des hommes. Nouvelle mode. Vieille mode. Mauvaise mode. Mode ridicule, extravagante. Cela était autrefois à la mode. La mode en est passée. La mode n'en est plus. Inventer des modes. Suivre la mode. Se mettre à la mode. Être à la mode du pays où l'on est. Un habit à la mode. Une étoffe à la mode &c. On revient aux vieilles modes. C'est un mot qui est fort à la mode. Être esclave de la mode. Les caprices, les bizarreries de la mode. On dit, qu'Un homme, qu'une femme est fort à la mode, pour dire, qu'un homme, qu'une femme est fort au gré de la plupart du monde. On dit prov. que Les fous inventent les modes, & que les sages les suivent ... » Dans ces définitions du XVIIe siècle, on distingue très nettement les modes anciennes et nouvelles. Plusieurs ouvrages répertorient celles passées. C’est le cas au XVIIIe siècle dans des livres et des revues d’époque comme par exemple dans celui du début de cet article, de Guillaume-François-Roger Molé : Histoire des Modes Françaises, ou Révolutions du costume en France, Depuis l’établissement de la Monarchie jusqu’à nos jours. Contenant tout ce qui concerne la tête des Français, avec des recherches sur l’usage des Chevelures artificielles chez les Anciens (1773). Les revues ne présentent pas toujours que des vêtements ou des coiffures mais aussi des intérieurs ou des voitures. Lors des parades de Longchamp, ce ne sont pas que des toilettes qui sont déployées mais tout un équipage. Tous les arts décoratifs inventent et suivent les nouvelles modes.
modesv1780hommes300lmLa mode se diffuse à partir de Paris par divers moyens. L'un des premiers est la promenade et autres fauchages de persil (voir l'article intitulé Le Cours : L'empire des oeillades, l'un des lieux de l'élégance française où l'on fauche le persil, le Cours-la-Reine, les Champs Élysées ...) qui sont les ancêtres des défilés de mode. Les lieux de promenade huppés comme le Cours, les boulevards, le Palais Royal, le bois de Boulogne (Longchamp), certains jardins comme celui des Tuileries, ainsi que la vie de cour, les théâtres et autres fêtes ... fournissent des défilés vivants. La capitale étant un centre couru dans le monde, et les français aimant beaucoup voyager, la mode française se répand. Les desseins sont un autre moyen, parmi les plus anciens, pour divulguer rapidement une mode. Viennent ensuite les gravures particulièrement nombreuses dès le XVIIe siècle (voir l'article Des gravures de mode du XVIIIe siècle) ; puis les livres et les revues. Une autre manière est d’envoyer des poupées habillées. Certains articles du Mercure galant, datant du XVIIe siècle peuvent être considérés comme les premiers articles de mode, de même pour les illustrations. On y parle de celle de la prochaine saison ; on en profite pour faire de la publicité pour des fabricants et marchands ; on décrit les images. Mais c'est le XVIIIe siècle qui invente véritablement la publication de mode. Voir à ce sujet les articles intitulés Les périodiques de mode : du 'Mercure galant' au 'Magasin des modes nouvelles françaises et anglaises' et Le Journal des Dames et des Modes. Par la suite les revues de mode ne font que croître. Un autre genre de revue de mode est l’almanach  (voir l'article Les almanachs de mode du XVIIIe siècle). C’est sous Louis XV que ceux-ci prennent la forme de petits (voir très petits) livres. Ce sont des calendriers auxquels sont ajoutées de multiples informations dont certaines sur la mode. Le genre d’almanach dédié à la mode disparaît peu à peu à la Révolution. Les revues de mode continuent à évoluer et se diversifier au XXe siècle au rythme des nouvelles modes. Avant les photographies (puis la télévision et Internet), l’estampe est le meilleur support de leur divulgation. Ces images offrent des exemples de coiffures ou d’habits à la mode du jour ou des années précédentes. Elles sont envoyées en province et dans le monde entier pour servir de références aux marchandes de mode, coiffeurs ... et aux particuliers.

© Article et photographies LM

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