Le rastafarien et le rastaquouère ont des noms qui se ressemblent mais sont plutôt opposés. Cependant, tous deux ont une connexion sud-américaine et un rapport avec la mode.
Commençons par le RASTAFARIEN. Son nom vient de « rastafari » qui signifierait en amharique (langue des Amharas, une peuplade éthiopienne) plus ou moins « tête créatrice » et indiquerait un prince. Le rastafarisme est une religion afrosémitique (ayant pour origine Sem, fils de Noé) considérant Hailé Sélassié Ier (1892 – 1975, aussi appelé « ras Tafari Makonnen »), « rois des rois » (Negusse Negest) de l’Empire d'Éthiopie, comme le nouveau messie. Il s’agit d’une religion judéo-chrétienne principalement basée sur l’Ancien Testament, avec ses propres spécificités.
C’est par la Jamaïque, indépendante de l’Angleterre depuis 1962, et la mode reggae que le rastafarisme se fit connaître mondialement. Le reggae provient du ska et du rocksteady et de leurs rudeboys (voir article sur les skinheads). Ces modes jamaïcaines ont beaucoup influencé certains jeunes Anglais de l’époque. Si le ska et le rocksteady n’ont pas une inspiration religieuse, le reggae si. Bob Marley (1945 – 1981) est le plus connu des musiciens de reggae. Il fit son premier disque en 1963, mais devint rastafarien plus tard, vers 1966. C’est dans les années 1970 que ce mouvement se répandit dans le monde entier, du fait des liens entre la Jamaïque et l’Angleterre, de la langue anglaise utilisée, de l’après mouvance hippie (ou « baba » en France) ainsi que du succès des mouvements jamaïcains précédents, comme le ska. Au sujet des hippies, lors du fameux Festival de Woodstock de 1969, Bob Marley n’était pas encore célèbre mais aurait participé, non pas comme chanteur et musicien mais comme vendeur de petits colliers de perles afin de se faire un peu d’argent.
Même si d’autres genres musicaux sont apparus en Jamaïque après le reggae, ce dernier est resté d’actualité jusqu’à aujourd’hui, avec ses sound systems et DJ. On nomme « RASTA » celui qui écoute du reggae, s’habille aux couleurs de la Jamaïque, porte une chevelure longue, lavée mais pas coiffée (les dreadlocks) et fume de la marijuana. L’apparence des rastas et surtout de certains rastafariens fait penser à celle de yogis indiens, qui eux aussi laissent pousser leurs cheveux, vivent plutôt nus qu’habillés et fument de l’herbe.
Personnellement, je trouve dommageable quand des organismes ou autres religions tentent de phagocyter un mouvement de mode, ce qui finalement est très rare. Les religions notamment sont plus ou moins toutes contre les modes. La plupart encouragent une vêture simple, pauvre, unie et cachant le corps. Le monde des apparences est honni : sa futilité, son impermanence, les soins apportés au corps, aux parures et la mise en valeur de la personne. La bure monacale, le voile religieux, l’habit rapiécé du Bouddha permettent aux religieux de sortir de la vie mondaine, tout en étant confortable, car à part pour les contrissions, l’habit religieux l'est généralement, ainsi que protecteur… Mais pour en revenir aux mouvements de mode, évidemment que chacun fait ce qu'il veut, et je ne dois pas, parce que je refuse le sectarisme devenir moi-même sectaire.
Pour ce qui est du reggae et des rastas : Il s'agit d'un mouvement à part entière, très original, authentique et amoureux des rythmes. Je n'ai pas trouvé de documentaires valables, selon moi, sur les mouvements issus de la Jamaïque (ska, reggae, etc.), mais dans l'un on a employé le mot de « pureté ». Je crois que c'est la pureté qui fait la force et l'ouverture qu'elle implique qui fait l'intelligence. Dans tous les cas, on peut dire que les rastas et le reggae représentent un jalon important des mouvements de mode du XXe siècle en Occident, et encore davantage tous ceux provenant de la Jamaïque, et encore davantage tous ceux issus de l'immigration forcée vers les Amériques et les multiples rythmes qui se sont rencontrés, réinventés et dont les échos raisonnent toujours aujourd'hui. Cependant, après le reggae, la Jamaïque n'a rien inventé de très nouveau, et s'est mise à se complaire dans une sorte de surenchère de la vulgarité, à l'opposé du rastafarisme... quoique le rasta est ou semble être bien au-delà de ce genre de considération.
Ci-dessous : Photographie que j’ai prise dans la rue d’une peluche rasta abandonnée et qui m'a inspiré cet article.
Au XXe siècle, beaucoup de modes furent importées des Amériques, tels le tango, le jazz, le ragtime, le foxtrot, le charleston, le one-step, le swing, le rock’n’roll, le ska, le reggae, le rap, la salsa, etc.
Ci-dessous : Le texte de cette « chanson danse » (cliquer sur l’image pour voir la partition avec les paroles) fait référence à une danse brésilienne « la pampille », soi-disant de Bahia. Je n’ai trouvé aucune référence sur celle-ci, et sans doute elle a été entièrement inventée par l’auteur. Cependant, cette composition témoigne de l’importance des rythmes sud-américains au début du XXe siècle en France. Elle a d’autres intérêts : Le personnage représenté sur la première de couverture prouve que les années folles commencèrent avant la guerre de 1914-18. Cette partition est datée de 1912 ! La jeune femme a déjà les cheveux courts, un chapeau cloche, une jupe laissant voir les genoux, et elle semble accomplir le charleston ou une danse qui y ressemble. Sur les années folles et leurs prémisses voir cet article, cet autre et celui-ci. Il est à noter que les danses où on lève la jambe, parfois très haut et gesticule énormément n’étaient pas nouvelles. Au XIXe siècle, déjà la polka et surtout le cancan et quelques autres danses pouvaient s’accomplir de manière très acrobatique (voir par exemple cet article), et cela même avant le XIXe siècle. En fait, on avait autrefois une très grande richesse de pratiques de danses.
Dans la seconde partie du XIXe siècle, on appelait en France et en particulier à Paris, « RASTAQUOUÈRE » un Sud-Américain étalant sa richesse de façon très ostentatoire. C’était le début du bling bling (l’argent ne fait pas le goût). Le nom aurait été donné en Amérique latine à des négociants. En France, il avait une connotation amusée et se rapportait au commencement du tourisme venu des Amériques, les premiers de ces touristes étant bien sûr riches.
Pour conclure cet article, je souhaite insister sur le caractère merveilleux et 'légendaire' du rastafarisme. De nombreuses cultures évoquent une terre promise, un royaume caché, un libérateur et des contextes divers et fabuleux. Tout cela n'est pas si éloigné de chacun… et même très très proche. Ne serait-ce qu'en nous se cachent des trésors que nous ne soupçonnons même pas.