Les Amazones et les garçonnes.

Dans La Prétieuse ou le Mystère des Ruelles (1656-8), l'abbé Michel de Pure écrit : " La plus grande des douceurs de notre France, est celle de la liberté des femmes ; et elle est si grande dans tout le Royaume, que les maris y sont presque sans pouvoir, et que les femmes y sont les souveraines. "

Certaines d'entre elles sont appelées 'amazones'. On dénomme ainsi déjà au XVIIe et aux siècles suivants les jeunes femmes qui montent à cheval et affichent leur indépendance. Le terme est assez courant. La Galerie des Modes (1778-1787) en présente une image avec le texte : " La prudente Amazone en costume au grand Figaro s’avançant d’un air circonspect vers le bosquet où doit se trouver son amant : mais prenant garde d’être aperçue. " Une autre image décrit " La boudeuse Alviane Vêtue d’une Redingote à l’Amazone ". L'amazone est la tenue courante de la cavalière, car elle est spécifique à l’équitation. Les amazones prennent parfois les habits des hommes ce que fait remarquer Louis-Sébastien Mercier dans un chapitre consacré au punch de son Tableau de Paris (1781) " depuis un an, les femmes qui ont pris nos redingotes, nos catogans, nos baguettes, nos souliers, boivent l’eau-de-vie … " . Elles portent toujours une robe ; mais la tenue d'équitation permet des fantaisies masculines. Au siècle des Lumières, certaines s'arrogent parfois des éléments d’habits d’hommes, comme le fraque, la redingote. Les inconcevables et les merveilleuses affichent publiquement leur liberté dans leur accoutrement. Leurs tenues sont transparentes laissant voir leurs formes ; elles abandonnent le corset repris par la suite, se font couper les cheveux courts, ont de très larges décolletés pouvant laisser apparaître la poitrine dans son entier (ce qui se fait aussi avant) et vivent une libération qui s’apparente à celle du début du XXe siècle quand le célèbre couturier Paul Poiret (1879-1944) supprime à nouveau le corset vers 1906/8. Alors que le mobilier Directoire et Empire est remis à la mode, il lance une collection de robes inspirées des merveilleuses. Plusieurs images du début du XXe siècle (vers 1910) représentent des élégantes habillées en homme, ou avec des pantalons … avec comme texte : " Suprême chic ", " Copurchic " ou " Dernier chic ".

Pendant (et déjà un peu avant) la guerre et les années folles qui suivent (vers 1920), les jupes sont raccourcies, les vêtements plus pratiques, les cheveux courts reviennent à la mode. Les femmes travaillent, fument, boivent pilotent des avions, conduisent des voitures … Le féminisme, les nouvelles modes, la libération de la femme et l’égalité des sexes apportent un nouveau style : la garçonne. Elle est le symbole d’une véritable émancipation que les années folles exercent dans un mouvement où le nu s’affiche sans vergogne et la femme se libère … presque complètement … l’arrivée de la pilule contraceptive (autorisée en France en 1967) étant le dernier jalon. La garçonne est associée aux années 1919-1929. Son pendant américain est la flapper. Elle porte des cheveux courts coupés au carré, des robes aux dessus des genoux, les bras nus, des bijoux art-déco ... Elle est émancipée, autonome, boit, fume, conduit des automobiles, se trémousse sur le charleston et d’autres danses venues des États-Unis, fréquente les clubs de jazz, sort, affiche un féminisme et une joie de vivre communicative, voyage, fait du sport, se fait fi des convenances et des manières guindées et étriquées, vit en union libre, affiche ses préférences sexuelles … La mode garçonne émerge à Paris, aidée par de grands couturiers comme Coco Chanel. La femme n’affiche plus les courbes d’autrefois marquées par le corset, mais au contraire une silhouette longue et droite. Grande nouveauté : les genoux sont découverts ! Les changements vestimentaires sont très nombreux, le maillot de bain, le pyjama, les vêtements pour le sport (sportswear …), les bijoux, les accessoires nouveaux comme l'étui à cigarettes ou le fume-cigarette … La femme prend des éléments de la garde-robe masculine ; et certaines s’habillent en homme et portent un chapeau melon, une cravate ou un noeud papillon, des boutons de manchettes, une canne, un monocle … En 1922, Victor Margueritte (1866-1942) publie le roman La Garçonne sur une femme aux moeurs libres qui fait scandale.

Photographie 1 : Petite gravure du XVIIIe siècle dans un médaillon avec le " chapeau à l'Amazone ".

Photographie 2 : " L’AMAZONE. – Posant pour le cheval. - " Bertall, La Comédie de notre temps, 1874.

Photographie 3 : Carte postale du début du XXe siècle (vers 1906) avec une femme portant « La Jupe-Culotte « A l'Amazone » » : les débuts du pantalon chez les femmes.

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