C’est impressionnant toutes les libertés qui nous sont confisquées progressivement, et l’apathie de la majorité des Français sur le sujet. Nous ne sommes ni en démocratie ni dans un pays libre. Beaucoup des habitants de l’Hexagone ne méritent même pas le nom de « Français » qui veut dire « franc », « libre », car ils sont pervers et veules. Nous sommes dans un véritable totalitarisme larvé (ce que le sociologue Michel Maffesoli appelle un « totalitarisme mou »), d’autant plus impressionnant qu’il utilise la technologie à des fins liberticides. Il est certain qu’aujourd’hui des policiers (voire des agents privés) peuvent vous identifier dans la rue avec leur téléphone portable et la reconnaissance faciale. Cela est évident parce que ceux qui gèrent par la force doivent utiliser toujours les nouveautés, selon une avancée paranoïaque qui donne ses limites aujourd'hui déjà présentées dès la seconde guerre mondiale avec le nucléaire. Et c’est cette peur de la perte du pouvoir qui crée cette [in]humanité malade et liberticide. Cette société s’est fondée depuis l’Antiquité sur l’esclavage. Le mondialisme lui a permis de faire semblant de l’abandonner, en coupant le monde en deux, avec les pays riches et les plus pauvres. Maintenant le monde est devenu tellement petit, que l’on crée une nouvelle forme d’esclavage, une troisième que l'on pourrait appeler de « l’esclavage doux », une servitude plus ou moins volontaire comme dirait de La Boétie (1530 – 1563, voir ici), à travers une dictature technologique mondialisée qui divise entre un monde constitué au plus des trois-quarts de néo-esclaves et des autres qui les dirigent. Pourtant ces derniers sont et seront eux aussi confrontés à ces technologies qu’ils mettent en place et aux pollutions qu’ils contribuent à générer. Travailler aujourd’hui consiste trop souvent à être un néo-esclave, alors qu’il n’y a pas si longtemps on disait que cela apportait la liberté. Depuis quelques années, les professions libérales le sont de moins en moins (dernièrement la médecine en donne un exemple), et quasiment aucun métier est libre aujourd’hui… alors que dire des gens !
Je répète souvent cette phrase de Pierre-Joseph Proudhon (1809 – 1865) : « L’anarchie c’est l’ordre sans le pouvoir ». Nous avons besoin d’ordre pour le bien vivre ensemble, mais personne doit prendre le pouvoir sur quiconque. De la même manière un enfant a besoin de ses parents pour vivre, mais ces derniers ne doivent pas faire usage de cette ‘dépendance’ de leur progéniture pour en faire leur jouet et projeter sur elle toute leur misère. Dans la devise de la République française, c’est ce que l’on appelle « l’égalité » et « la fraternité ». L’ordre apporte de l’harmonie afin que le concert de notre société soit le meilleur possible, le plus divin, réjouissant… Nous élisons des chefs d’orchestre pour qu’ils gèrent le plus excellemment possible cet orchestre. Ils ne doivent pas prendre le pouvoir et s’en tenir aux prérogatives qui leur ont été données afin que chacun puisse jouir de sa liberté, et décider par lui-même pour ce qui concerne son individualité. Il faut bien séparer ce qui est du domaine d’un bien être collectif et d’un bien être individuel. Chacun est son propre maître, et peut faire ce qu’il veut si ce n’est forcer l’autre à faire ce qu’il ne veut pas. Tout collectif doit donc accepter les gens marginaux si ceux-ci n’entravent pas cette liberté collective dans laquelle a été établie la confiance du groupe, et réciproquement.
Notre société s’est archaïquement fondée derrière l’idée du sacrifice : sacrifices humain, animal et rituel aux époques anciennes, jusqu’à l’ère chrétienne qui a perpétué cela avec ses martyres et l’eucharistie qui rejoue un rituel d’anthropophagie où on se nourrit du corps et du sang du Christ, symbolisés par les éléments les plus fondamentaux de la société, fabriqués : le pain et le vin. Dans l’aristocratie même cette notion était très présente, les aristocrates étant des gens de guerre n'hésitant pas à exposer leur vie. Cette idée de sacrifice est restée dans la société française toute entière jusqu’à nos jours, et beaucoup considèrent que ceux qu’ils élisent doivent aller au sacrifice. Du coup ce sont surtout les méchants, les stupides, les voleurs et les menteurs qui s’y collent. Nous devons sortir de cette idée de sacrifice et chérir les gens compétents que nous mettons en avant pour gérer l’ordre commun le mieux possible dans les domaines où ils excellent. Mais nous ne devons jamais sacrifier pour cela notre liberté. Nous ne devons suivre personne, simplement accepter ce qui est juste, la justice étant l’ordre. Comme l’écrit Michel de Montaigne (1533 – 1592) : « […] qui suit un autre, il ne suit rien, il ne trouve rien, voire il ne cherche rien. Non sumus sub rege ; sibi quisque se vindicet [« Nous n’avons pas de roi ; que chacun dispose librement de soi-même. » Sénèque]. » Michel de Montaigne ajoute : « […] nous le [l’être humain] rendons servile et couard, pour ne lui laisser la liberté de rien faire de soi. ». Une société qui rend servile et couarde sa population est triste et décadente. Montaigne cite encore Sénèque : Paucus servitus plures servitutem tenent. Peu d’hommes sont enchaînés à la servitude ; un grand nombre s’y enchaînent. La plupart des philosophes ont réfléchi sur la société et la vie idéales. Certains ont même rédigé des lois pour leur Cité. Ils se sont impliqués dans ce domaine, se sachant les meilleurs en cela, comme un virtuose apporte sa dextérité à la beauté d’un orchestre. Pour ma part, je pense que le nombre des lois détermine l’état d’une société. Une accumulation est un signe de la corruption de cette société où ses individus ne savent pas se diriger eux-mêmes. On crée des lois lorsque les citoyens sont incapables de vivre ensemble individuellement. Le nombre de loi est le miroir du nombre de gens corrompus et imbéciles qui constituent cette société. Je ne parle pas ici bien sûr de ce qui est du domaine de la simple technicité.
La liberté est un signe de l’élégance, de même que l’ordre : l’ordre harmonique. La liberté et l’ordre, ce dernier pouvant aussi être appelé « goût », font l’élégance. Dans la mode on évoque l’invention et l’imitation. On imite ce qui nous semble bon, et invente le bon qu’il nous manque… Chaque individu et chaque collectivité vivant constamment dans le mouvement, cette inventivité et cette inspiration se doivent constamment d'être présentes et remises au ‘goût du jour’.
La liberté n'a pas de limites, et c'est dommage que certains, au nom de la liberté, lui en donnent par leur folie ou leur méchanceté.
La politesse même devrait être l'expression de la liberté. La politesse française n’est pas hypocrite, cauteleuse ou servile, mais franche et émancipée : Elle est honnête. Considérer que chacun doit être poli avec tout le monde, même vis-à-vis de fielleux, de fourbes ou de méchants, cela n’est pas de la politesse mais de la lâcheté et laisse rentrer la barbarie. Il ne s’agit pas de se confronter à eux, mais de les éviter, ou si on ne le peut au moins de ne pas se courber servilement. L’honnêteté est essentielle à la politesse, sinon cette dernière ne sert trop souvent qu’à cacher la laideur.
L’honnêteté en politesse permet de savourer véritablement cette dernière. Elle n’est pas un assujettissement, un enchaînement à une morale et des dogmes figés, mais l’expression d’une harmonie profonde… pas de façade. Ce qui est figé est mort. Réapprenons à être Français : francs, libres et courtois.
Comme le disait le philosophe Ariston de Chios (né au IVe siècle av. J.-C.) : « Le souverain bien consiste à vivre en se tenant à égale distance du vice et de la vertu ».