Le Louvre propose une nouvelle exposition du 19 juin au 22 septembre intitulée Masques, mascarades, mascarons, présentant une centaine d’œuvres provenant des collections des départements antiques et modernes du Louvre et d’autres grands fonds.
Le sujet du masque mériterait une plus belle exposition ; surtout que le Louvre possède des centaines (peut-être des milliers) de témoignages d'époque parfois monumentaux, datant depuis la plus haute Antiquité jusqu'au XIXe siècle. Je m'attendais à plus de représentations de Thalie (la muse de la Comédie), de Melpomène (celle de la tragédie), d'acteurs et poètes questionnant le masque, d'armoires à masques (voir article Sortir masqué), de Mystères médiévaux (pièces de théâtre chrétiennes), de charivaris, de bals masqués, de masques portés par les élégantes et élégants d'avant le XIXe siècle, de mascarons monumentaux, d'objets d'art médiévaux où les mascarons sont nombreux etc. Et les exemples d'autres civilisations (africaine, japonaise ...) ? Pour s'en tenir à l'occidentale : le masque est à sa source. Son approche permet d'aborder une des origines de notre civilisation dans le concept de représentation. Que s'est-il passé pour qu'il disparaisse au théâtre ? L'exemple des images des pièces de l'auteur comique romain Térence (190-159 av. J.-C.) est intéressant. Elles suivent une tradition iconographique datant d'au moins le Ve siècle avant Jésus-Christ, qui se prolonge à peu près jusqu'au XIVe siècle après J.-C. À partir de cette époque, le masque des personnages des manuscrits de Térence se fond dans le personnage. Pourquoi ? Pourquoi la Renaissance italienne qui redécouvre l'Antiquité et son théâtre ne retrouve pas le masque (qui reste cantonné au registre populaire de la commedia dell'arte) ? Pourquoi le théâtre français du XVIIe siècle qui cherche à imiter les anciens l'oublie ? Pourquoi au XXe siècle les charivaris disparaissent, ainsi que les grands bals masqués, le carnaval parisien le plus important du monde etc. ? Pourquoi à ce même siècle, l'architecture abandonne les mascarons présents depuis la Haute Antiquité ?
J'ai écrit dans ce blog plusieurs articles sur le sujet du masque visibles ici : Sortir masqué ; De l'abandon du masque et de la mesure ; La personne, le personnage et la mode.
Le masque, la mascarade et le mascaron sont trois choses différentes. Le masque se substitue au visage et permet de jouer un autre personnage, ou le cache en gommant la personnalité. C'est aussi le nom que l'on donne à une personne masquée et/ou déguisée. La mascarade est une procession de masques. Le mascaron est un ornement représentant généralement un visage humain ou imaginaire. Les façades de l'architecture ancienne française en proposent d'innombrables exemples de même que les objets d'art. Cette pratique provient de l'Antiquité où il s'agit souvent de masques de théâtre comique ou tragique. Le masque antique le plus fréquent est caractéristique car avec une grande bouche servant de porte-voix à l'acteur qui déclame et chante. Ils sont le plus souvent grotesques, le rôle du théâtre étant d'accentuer la caricature ridicule ou tragique.
Durant la Haute antiquité, le masque est associé à des rituels, par exemple dionysiaques, qui se transforment progressivement pour devenir le théâtre. Il représente un personnage. Ce mot vient de personne, persona en latin qui signifie masque de théâtre, rôle, personnage. On n'utilise pas le terme de 'masque' dans l'Antiquité pour désigner celui que nous connaissons. Le terme français vient de l’italien maschera (masque) avec un radical préroman maska (noir). Ainsi masca en latin tardif, désigne aussi bien le masque que la sorcière, le spectre ou le démon. Au Moyen âge, en ancien français, masque veut dire sorcière, et mâchurer (aussi maschurer ou mascarer) noircir, barbouiller. Encore aujourd'hui, les parents disent à leur enfant tout barbouillé de nourriture ou le visage sale, qu'il est tout mâchuré. En ancien français une mâchurure (maschurure) est une peinture, un barbouillage ; et une mascarure une noircissure de visage.
Le sujet est d'autant plus intéressant, que les mascarades jouent un rôle très important dans la culture populaire. Comme je l'ai écrit dans l'article intitulé Le carnaval de Paris, le carnaval parisien est jusqu'au XIXe siècle le plus grand du monde. Les Français aiment beaucoup se déguiser, ce qui est une des raisons de leur engouement pour la mode. Le goût pour le maquillage en est aussi sans doute le résultat (voir l'article Une Duchesse très-fardée ...). Ils apprécient tout autant la joie et la liberté que leur donne le masque. Je ne parle pas ici du masque de théâtre qui abandonne la scène rapidement en France comme vu précédemment.
Photographie 1 : « Wenceslaus Hollar. L’Hiver. Eau-forte, retouches au burin. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild, 8860 LR. »
Photographie 2 : « Fragment de couvercle de sarcophage : Dionysos et Ariane. Fin du IIe siècle ap. J.-C. Marbre. Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Ma 3478. » À gauche est représenté un masque tragique. Les masques dramatiques, comme le théâtre, sont une catharsis : une purification des passions par leur représentation caricaturale.
Photographie 3 : « Perino del Vaga. Trois mascarons vus de face, une tête d’aigle et une tête de lion ornementales vues de profil ; un homme nu vu de dos Plume et encre brune, lavis gris, papier filigrané lavé gris-beige. » Les trois mascarons sont des masques de théâtre antique comique, avec leur grande bouche en porte-voix.