Le carnaval de Paris.

Photographies 1 & 2 : Début du chapitre consacré au Chicard du tome 2 de Les Français peints par eux-mêmes (1841).

Photographie 3 : « Costume d'Arlequine. » Illustration de La Vie élégante : littérature, voyages, beaux-arts, modes, sport ... (tome second, 1883).

D'après Wikipédia, le carnaval parisien est à son apogée le plus grand du monde. Déjà durant l’Antiquité, carnavals et autres saturnales sont dans le calendrier. L’usage du masque est commun dans le théâtre et d’autres rituels en particulier liés à Dionysos ou Bacchus. Comme c'est le cas avec la Comédie, la Tragédie ou la Satyre, le carnaval a une fonction de catharsis. Au Moyen-âge, les mascarades et autres charivaris sont très fréquents, et se jouent jusque dans les églises. La fête des Innocents (ou Fête des Fous) en est un exemple. Le carnaval parisien est attesté dès le XVIe siècle. Il est dans la continuation des fêtes médiévales. Il dure plusieurs semaines en hiver. Tout le monde court au bal. C’est un moment très festif, libre et parfois libertin. Un passage de Des Mots à la mode … (1692), de François de Callières (1645-1717), décrit un courtisan racontant sa rencontre galante avec une femme lors du dernier carnaval dont il ne sait pas qu’elle est mariée à son interlocuteur. Restif de la Bretonne donne des exemples de bals masqués datant du XVIIIe siècle. Il suffit alors de suivre dans la rue des masques pour se retrouver au milieu de l’un d’eux à faire une contredanse. Cette ambiance rappelle les cortèges de jeunes gens durant l’Antiquité qui se font accompagnés la nuit de musiciens parfois masqués pour se rendre d’un lieu de fête à un autre ou pour retrouver quelque courtisane qui offre un banquet privé ; et qui ivres s’exhibent dans les rues où très tôt dans la fraîcheur du matin encore sans soleil les ‘honnêtes’ citoyens se rendent à leurs premières visites. Le Bal de l’Opéra, donné à l’occasion du carnaval dès le XVIIIe siècle à raison de deux par semaine durant cette saison, est un bal costumé de l’aristocratie très prisé, se tenant dans la rue Louvois, pas très loin du Palais-Royal. Les costumes occupent aussi les nombreuses guinguettes aux portes de Paris (aux barrières), à l’extérieur de la capitale. Le point culminant du carnaval est le mardi gras. C’est en 1822, à cette période, à la barrière de Belleville, au sortir des guinguettes, qu’un cortège est organisé spontanément sous l’impulsion du Cirque Moderne pour rentrer dans Paris : c'est la descente de la Courtille qui se reproduit plusieurs années consécutives. Durant le carnaval de Paris les classes s’estompent et tout le monde danse et se déguise. On choisit le bal qui convient le mieux parmi de nombreux. Le carnaval est une fête 'cathartique' où certains aspects rigides de l’élégance sont battus en brèche ou même oubliés. Au XIXe siècle, les personnages importants de ces festivités sont Chicard, Pierrot, Domino, Arlequin(e), Débardeur et bien d’autres.

Photographie 4 : Une illustration du chapitre consacré au Chicard du tome 2 de Les Français peints par eux-mêmes (1841).

Le chicard est le maître des lazzi, c'est-à-dire des plaisanteries de théâtre, des bouffonneries qui allient mouvements et gestes burlesques. On appelle parfois ‘lazzi’ un mauvais plaisantin. Chicarder signifie danser à la manière d’un chicard. Un chapitre du tome 2 de Les Français peints par eux-mêmes (1841) décrit ce personnage. En voici quelques extraits : « Chicard, lui, s’est coulé et infusé tout entier dans le moule-carnaval. Là où tant d’autres, des profanes, des plagiaires, n’avaient vu que matière à entrechats et à police correctionnelle, il voit, lui, foudre de danse, regard d’aigle, matière à ovation, royauté vivante à improviser et à conquérir. […] Ce n’est que pendant le carnaval qu’on peut observer le chicard ; le reste de l’année, il rentre plus ou moins dans la catégorie de viveur […] le bal où l’on ne danse pas, mais où l’on roule et tourbillonne ; là vous le verrez, ou plutôt vous ne le verrez pas ; mais vous le devinerez ; on vous en montrera dix, et ce ne sera pas lui ; enfin, au milieu d’un cercle de curieux, d’une avalanche de pierrots, de débardeurs, de corsaires, vous découvrirez une pantomime sublime, des poses merveilleuses, irréprochables au point de vue de la grâce, des moeurs et du garde municipal. Callot et Hoffmann, Hogarth et Breüghel, tous les fous réunis ensemble, des prunelles dévorantes, une force comique incalculable, Sathaniel en habit masqué, un costume ou une furie qui résume les physionomies dansantes de tous les peuples, le punch Anglais, le pulcinella napolitain, le gracioso espagnol […] il a créé sa contredanse-chicard […] ce serait une hérésie de chercher Chicard et ses compagnons dans des bals vulgaires […] le masqué que Chicard privilégie de sa présence est donc véritablement consacré, c’est une vogue assurée ; la foule sera là, foule artistique et costumée qui cache souvent un blason et plusieurs quartiers de noblesse sous la veste du malin ou le paletot du pêcheur. […] Mais comment décrire l’ensemble de cette réunion vraiment unique qui ferait pâlir les nuits les plus vénitiennes, les orgies les plus seizième siècle. Imaginez des myriades de voix, de cris, de chants ; des épithètes qui volent comme des traits d’un bout de la salle à l’autre, des ovations, des trépignements, un pandémonium continu de figures tour à tour rouges, violettes, blanches, jaunes, tatouées ; et les quadrilles où l’on ne distingue qu’un seul costume, une flamme qui s’élance, tournoie et voltige ; une folie, un éclat de rire qui dure une nuit […] un tableau qu’il faut renoncer à peindre, car la parole ne reproduit ni le reflet volcanique du vin de Champagne, ni les rayons d’or et d’azur du punch enflammé […] Vous demandez dans quel lieu Chicard prend ses danseuses […] partout enfin où l’on choisit ses passions d’un mois, ses maîtresses d’un jour, ses plaisirs d’un moment. […] Ce n’est pas une danse, c’est encore une parodie ; parodie de l’amour, de la grâce, de l’ancienne politesse française, et, admirez jusqu’où peut aller chez nous l’ardeur de la dérision ! parodie de la volupté ; tout est réuni dans cette comédie licencieuse qu’on nomme le chahut. […] le danseur, ou plutôt l’acteur, appelle ses muscles à son secours ; il s’agite, il se disloque, il trépigne, tous ses mouvements ont un sens, toutes ses contorsions sont des emblèmes […] foule animée qui parle de tout et surtout d’amour ; les protestations et les railleries s’entrechoquent, un calembour coupe court à une déclaration, un serment se déguise sous un coq-à-l’âne. " – Donnez-moi votre adresse. – Je suis retenue jusqu’à la douzième. – Je vous prendrai à la sortie du bal. – Va pour le petit verre. »

Photographie 5 : « Chez Edouard & Butler - " Monseigneur, c'est tout à fait pour vous. " - " Ravissant !   Il ne me manquera que mon turban ! ... " » Lithographie originale en couleur, éditée en 1909 ou 1910. Extrait de l'album Monte Carlo. Dimensions : 500 x 330 mm (toute la feuille).

Les bals masqués sont un divertissement très prisé en France jusqu’à la seconde guerre mondiale. Il s’en donne dans les plus hautes sphères de la mondanité. Mais les bals de carnaval ne sont pas que l’affaire des adultes. Au XIXe siècle, et sans doute avant, on en organise (parfois de somptueux) pour les enfants.

Photographie 6 : « Domino. » Illustration de La Vie élégante ... (tome second, 1883). 

Merveilleuses & merveilleux