Une histoire de la cravate depuis le XVIIe siècle jusqu'à aujourd'hui.

Photographies : Cravates de la fin du XVIIe siècle : 1678 (Mercure galant), 1688 (L'Art de plaire dans la conversation), XVIIe siècle ('Cavalier en Escharpe').

cravates 2femmes 300Si certain trouvent le port de la cravate monotone, c'est qu'ils ne savent pas que ce nom désigne un nombre considérable de différentes variétés ; qu'elle se noue d'une infinité de manières, et qu'il existe autant de matières, couleurs, motifs et de formes qu'il y a de sortes de tissus (ou rubans) …

Le terme de cravate est défini dans la première édition (1694) du Dictionnaire de l'Académie française : « CRAVATE. s. f. Sorte de mouchoir fait de toile ou de taffetas qui entoure le col, & tient lieu de collet. Cravate de toile. cravate de taffetas. cravate à dentelle. » Si ce mot est fréquent dans la seconde moitié du XVIIe siècle, je ne l'ai pas trouvé dans la littérature d'avant 1650, sans doute parce que ce sont les collets qui sont alors à la mode. Comme on le voit sur les premières photographies, les cravates de la seconde moitié du XVIIe siècle ressemblent alors à des rubans noués autour du cou, le plus souvent semble-t-il en dentelle.
Photographies
: Cravates pour femmes au XVIIIe siècle.

Les femmes portent aussi des cravates, en particulier au XVIIIe siècle. Du reste, ce n'est qu'à partir de la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1832-1835) que la cravate est définie comme un élément de l'habit proprement masculin : « CRAVATE. s. f. Mousseline, batiste, ou autre étoffe légère que les hommes se mettent ordinairement autour du cou, et qui se noue par devant. Cravate de mousseline, de soie. Cravate de taffetas noir. Cravate blanche. Cravate noire. Cravate de couleur. Le noeud, les bouts d'une cravate. Mettre sa cravate. » Pourtant, à cette époque, certains tissus de la garde-robe féminine portés autour du cou sont toujours appelés 'cravates'.

Photographie : Cravate (122 cm de longueur et 16 au plus large) pour femme en dentelle de soie de Chantilly faite main aux fuseaux, datant de la seconde moitié du XIXème (Napoléon III).  Motifs assez rares pour une telle technique de dentelle de noeuds et rubans entrelacés se prolongeant par des pompons. Il pourrait aussi s'agir de barbes qui sont des bandes de toile ou de dentelle qui pendent à certaines coiffures des femmes et en particulier au XVIIIe siècle aux cornettes. Il semblerait que les barbes sont alors d'étiquette à la cour.

Photographies : Cravates et jabots au XVIIIe siècle.

A cette époque, la cravate est aussi d'usage chez les hommes. Souvent on préfère entourer le cou plusieurs fois avec, sans laisser pendre un morceau sur le torse car on met à cette place un jabot qui est de toile et/ou de dentelle et que l'on attache par ornement à l'ouverture d'une chemise.

Photographies : Cravates à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe.

La cravate est un des éléments de la tenue des incroyables de la fin du XVIIIe siècle. Durant le directoire et dans les années proches, elle se finit souvent par de la dentelle que l'on fait passer en dessous du tissus qui entoure le cou pour la laisser tomber jusqu'à peu près la hauteur des seins.

Photographies : Cravates de la première moitié du XIXe siècle.

Photographie : Détail d'une estampe d'une revue de mode de 1845 avec deux sortes de cravates à la mode à cette époque.

Au XIXe, la tenue masculine étant beaucoup plus sobre, c'est dans les détails que s'exprime surtout la subtilité et en particulier dans l'art de la cravate. Un livre de 1831 exprime cela de façon quelque peu parodique : L'Art de mettre sa cravate de mille et une manières, Enseigné par Principes, précédé de l'histoire de la cravate, depuis son origine jusqu'à ce jour ; de considérations sur l'usage des cols, de la cravate noire et des foulards ; et suivi d'une liste par ordre alphabétique, des marchands de cravates, de foulards, de cols, etc., par le bon Emile de l'Empesé, Membre de la plupart des Sociétés les plus à la mode de la capitale, orné de figures explicatives du texte et de portraits représentant trois époques de la cravate, onzième édition, Paris, chez Jacques Ledoyen, libraire, Palais-Royal, Galerie d'Orléans, n°16, 1831. (Voir le livre ici : http://books.google.fr/) Voici quelques passages : « Aucun habitué des classiques Tuileries, du musqué boulevard des Italiens, voire même du docte Luxembourg, ne révoquera en doute l'utilité de l'Art de mettre sa cravate, puisqu'elle apprend à connaître celui qui la porte. Il est une vérité, c'est que la cravate d'un homme de génie ne ressemble nullement à celle d'un petit esprit […] La cravate est un thermomètre sur lequel le degré de goût et d'esprit d'un fashionable doit être jugé. […] De la façon primitive dont est préparée une cravate dépend l'exécution de sa mise et l'entente de son nœud. […]

Photographies : Cravates dans la seconde moitié du XIXe siècle.

La cravate vient sans doute de ce goût très français pour les rubans et les dentelles. Au XVIIe siècle et au XVIIIe, femmes et hommes s'en mettent de partout. A la fin du XVIIIe et au début du XIXe, la cravate enveloppe plusieurs fois le cou et peut monter jusqu'au bas du nez, couvrant menton et parfois la bouche. La cravate suit aussi la mode des cols (ou le contraire). Elle se confond parfois avec le foulard et d'autres morceaux de tissus que l'on place autour du cou. Alors qu'elle semble aujourd'hui d'une forme unique, on peut en vérité, tout en restant dans un style 'sobre' la varier de bien des façons. Après le Directoire, au début du XIXe siècle, les hommes ne portent que très rarement de la dentelle à leur cravate.

Photographies : Deux cravates du début du XXe siècle (vers 1920). Celles-ci ne se nouent pas mais s'accrochent autour du cou ou au devant du col. Ce genre est assez court, car il est d'usage à cette époque de porter un gilet.

Photographie : Lithographie de vers 1910. La cravate ici est sans doute le même genre que l'exemple ci-dessus de couleur marron) Il s'agit là des prémices de celle qui se porte pendant toute la seconde moitié du XXe siècle : assez étroite dans les années 50, large dans les années 60 et 70, à nouveau étroite par la suite, avec évidemment toujours de nombreuses variantes.

L
Je ne suis pas très fier d'avoir écrit cet article. J'en ai composé un autre sur le sujet, de bien meilleure qualité, visible ici :<br /> http://www.lamesure.org/2019/04/aux-origines-de-la-cravate.html
Répondre
Merveilleuses & merveilleux