Les arts décoratifs et les sciences du XVIIIe siècle sont florissants. Les objets mesurant le temps sont parmi ceux qui synthétisent le mieux le mariage de ces deux éléments en une harmonie qui redouble la beauté de ces oeuvres. Il en résulte la plupart du temps une grâce où les contraires s'assemblent et se fondent. Les formes sinueuses du XVIIIe siècle s'insinuent dans la finesse des mécanismes. Les volutes rocailles imaginaires soutiennent le parfait agencement du fonctionnement industrieux. La raison scientifique rejoint l'âme créatrice ; la connaissance retrouve l'imaginaire. Le rythme des rouages s'écoule au fil de l'art. L'horloge embrasse l'espace sur sa mesure en un flottement musical cadencé ; elle le condense en une marche calquée sur l'univers, ou plutôt sur la danse de la terre parmi les étoiles. Les anciens disent que l'art est une imitation ... la montre imite le temps ; le montre, et place au milieu de ce gigantesque mouvement l'homme qui semble pouvoir le tenir dans sa main. Certaines montres du XVIIIe siècle et d'avant sont des objets d'une extrême finesse. Le Louvre en expose parfois des exemples magnifiques, des condensés de beauté, des gouttes de vie cristallisée dans son rythme.
La galerie Wanecq (www.wanecq.com) propose les cartels de la photographie ci-dessus. Les deux premiers possèdent un socle. L'un est d'époque Régence (1715-1723), en marqueterie de bronze et d'écaille. Le second est d'époque Louis XV (qui règne jusqu'en 1774). Il est de « forme violonée », « marqueté en contrepartie de motifs de branchages fleuris en corne teintée verte, rouge, bleue et en étain ». L'ornementation est de bronze ciselé et doré, avec au sommet un cartouche feuillagé sur une petite terrasse rocaille ajourée. Les épaulements sont agrémentés de rinceaux ainsi que les pieds et le socle. La porte est décorée d'une applique à motif de branchages sur fond de chicorée. Le cadran émaillé est de Patris à Bruxelles. Quelques détails de cet objet sont présentés dans la photographie de fin d'article. Les deux autres sont du même auteur : Jean-Joseph de Saint-Germain (1719-1791) dont la passion pour la botanique se retrouve sur ces exemples. L'un est en bronze « ciselé et doré de forme mouvementée à décor d’agrafes feuillagées, de lys, tournesols et roses. » Le tournesol symbolise l'astre solaire, la rose l'amour et le lys la pureté et la royauté. Il a un cadran émaillé avec des chiffres romains pour les heures, arabes pour les minutes, et des aiguilles en bronze doré, comme pour l'autre cartel d'époque Louis XV. Ce dernier est en bronze ciselé et doré, de style rocaille avec un décor de rinceaux feuillus portant des fruits, avec sur la partie basse un cartouche.
Si le temps passe, il est difficile pour l'homme d'en avoir une notion précise sans recourir à des instruments. Le petit-canon du Palais-Royal est une de ces références, car il tonne tous les jours à midi précise jusqu'en 1911. On peut y lire l'inscription : « horas non numero nisi serenas » (« Je ne compte que les heures heureuses »). C'est en 1786 que l'horloger Sieur Rousseau l'offre au jardin. Les jours de soleil, une loupe est censée allumer la mèche. Alfred De Musset (1810-1857) écrit dans un article du journal Le Temps du 27 octobre 1830 : « les provinces ! Qui se règlent toujours sur Paris avec plus d'exactitude que la montre d'un pédant sur le canon du palais-royal ». Une autre manière d'ajuster sa montre est de le faire à partir d'un régulateur : une horloge de référence dont le mécanisme est précis sur plusieurs jours. Il s'agit généralement d'une horloge de parquet, plus au moins d'une hauteur d'homme, avec un corps (le cabinet) en bois et un mécanisme à poids avec un balancier battant la seconde. On en trouve chez les horlogers et les grandes maisons aristocratiques et bourgeoises. Elle est souvent finement ouvragée comme dans l'exemple de la photographie qui appartient à la galerie Wanecq. Ce régulateur de parquet est d'époque Louis XV (circa 1755) en « placage de satiné dans des encadrements d’amarante et des filets de bois de rose. » La boîte, de « forme violonée sur plinthe », est ornée de bronzes rocailles fleuris dans leur dorure d’origine. Le mouvement entraîne un mécanisme sur huit jours. Le cadran est un disque de métal sur fond de bronze doré guilloché, avec des chiffres arabes pour les minutes, des chiffres romains pour les heures, des aiguilles pour les heures, les minutes, et une trotteuse en acier bleu. « L’échappement à chevilles de type Lepaute » marque « les heures et les demi-heures sur timbre ». Cadran et platine sont signés 'Ageron, Paris'. L'estampille 'B. Lieutaud' est inscrite derrière la tête du régulateur et en bas de la caisse. »