Les vieux Beaux.

La mode du XVIIIe siècle est d'un grand raffinement. Les petits-maîtres et autres incroyables représentent une des extrêmes de celle-ci. Ainsi sont-ils souvent critiqués. Une des caricatures les met en scène à un âge avancé. C'est le cas dans la comédie d'Alexandre Guillaume Mouslier de Moissy (1712-1777) intitulée Le Vieux Petit-Maître en Province (photographie 1). Cette pièce provient du troisième tome d’Ecole dramatique de l'homme édité pour la première fois en 1770 (comme le tome second alors que le premier date de 1769). L’histoire est celle d’un « galant de profession » de plus de cinquante ans, qui cherche à se marier avec une de ses connaissances passées (une ancienne coquette de province) ou sa fille pour leur argent. Comme on le constate ici, et comme d’autres documents le prouvent, le petit-maître est un style d’élégant typiquement parisien. De plus tous les coquets français sont des galants appréciant particulièrement la bagatelle et s’enorgueillant de nombreuses conquêtes féminines ; si bien que dans le cas de ce vieux petit-maître, cela lui fait oublier son âge et désirer une jeune fille de vingt ans, plus que la mère de celle-ci qu’il aurait cependant pu avoir. Du coup il ne séduit ni l’une ni l’autre malgré le bel-esprit dont il se targue. C’est finalement un homme plus rustre mais plus jeune qui se marie avec la première. Le caractère rugueux de ce voyageur est lui aussi critiqué.
Dans la gravure de 1804 intitulée Les Galants Surannés ou Les Petits Papa à la Mode (photographie 2), Debucourt caricature des hommes d’un certain âge jouant les incroyables et courtisant des merveilleuses.
Une autre estampe du début du 19e siècle (photographie 3), ayant pour titre Le Jeu du Diable et d’un auteur inconnu, représente des personnes âgées cherchant à se divertir comme les jeunes. Trois générations s’amusent. Un couple est de l’ancien temps, habillé dans le goût passé et s’essayant à un jeu moderne que les jeunes maîtrisent. Dans le second duo, une jeune fille est habillée en merveilleuse. On remarque son décolleté qui montre sa poitrine presque entièrement. Sur certaines gravures représentant des merveilleuses, les tétons sont même apparents. C’est alors la mode à l’antique où la nudité n’est pas cachée comme le révèlent des représentations sur les murs des maisons romaines autour du Vésuve que le XVIIIe siècle exhume. On comprend pourquoi à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe d’aucuns appellent ces jeunes filles habillées (ou déshabillées) à la nouvelle mode des inconcevables ! Le jeune homme représenté sur la gravure suit le nouveau goût du début du XIXe. Dans le Dictionnaire de l'Académie française (Firmin Didot frères, 1835), le jeu du diable est décrit comme « Une sorte de double toupie que l’on fait tourner rapidement sur une corde attachée à deux baguettes, et qui ronfle avec beaucoup de bruit. ». Au bas de la gravure une chanson l’illustre : « Air des Fraises / On joue à ce jeu charmant / Lorque L’on est aimable / Vieillard en vain L’imitant / Envoie tout en murmurant / Au Diable, au Diable, au Diable. »
On parodie aussi les dandies lorsqu’ils sont jeunes. Avec l’élégante, cela se fait parfois de façon scabreuse. C’est déjà le cas au XVIIIe siècle avec les petites-maîtresses ou les merveilleuses dont les manières et les tenues sont copiées par certaines filles de joie comme celles du Palais Royal. Le parallèle est alors d’autant plus facile à faire que les élégantes d'origine expriment ouvertement une certaine liberté dans leurs tenues. C’est en particulier au XIXe siècle, dans le commun un peu rustre, que l’on donne aux partenaires des dandies français des noms d’allumeuses comme : cocodettes (féminin de cocodès pour parler d’une fille aux mœurs légères et aux manières et tenues provocantes), dégrafées, frôleuses etc. Mais comme l’écrit Louis-Sébastien Mercier (1740-1814) au sujet du Palais Royal : « Là sont les filles, les courtisanes, les duchesses & les honnêtes femmes, & personne ne s’y trompe » (voir article
Récapitulatif de l'exposition Modes anciennes). Evidemment, on s’éloigne petit à petit des précieuses du 17e siècle, des femmes de lettres et d’esprit du 16e ou des dames du Moyen-âge. La montée de la bourgeoisie au 18e et son règne au 19e relègue au grenier la préciosité et l’ancienne mode dite péjorativement des céladons (terme désignant des vieux à la mode passée, amateurs des romans comme Astrée d’Honoré d’Urfé).
Voilà pour ce qui est de la caricature. Nous n’y reviendrons plus. Enfin espérons-le ! Au revoir le grotesque ! Même les masques grimaçant de la Comédie Nouvelle de Térence et autres sont lassants (voir articles :
Le théâtre antique et les conventions … classiques … et Sortir masqué). Si le burlesque et le tragique sont un des fondements de la condition humaine, laissons maintenant la place à l’intelligence et la finesse … à la beauté …
Détail de la gravure : Les Visites de Philibert Louis Debucourt (1755-1832), datant du début du XIXe siècle, avec des merveilleuses et des incroyables.
Merveilleuses & merveilleux