Les petits-maîtres allemands

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessus et ci-dessous : Gravure de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe représentant des « Alleman[d]s ».

Merveilleuses et merveilleux

Pour commencer sur les petits-maîtres allemands, évoquons Karl Lagerfeld (1933 – 2019), qui est sans doute le plus grand représentant allemand de la mode de la seconde partie du XXe siècle… jusqu’en 2019.

L’Allemagne a sa tradition élégante. Je me suis rendu compte qu’une bonne partie est liée aux militaires. On connaît l’importance de la chevalerie dans l’histoire de ce pays, et son sens développé de valeurs comme l’honneur, mais aussi l’élégance. Les représentations de soldats allemands des XVe et XVIe siècles nous dépeignent des personnes s’habillant à la dernière mode et de façon très originale. Ce goût est sans doute beaucoup plus ancien et se perpétue par la suite. Le film néo-zélandais intitulé Jojo Rabbit (2019, adaptation du roman Le Ciel en cage Caging Skies – de Christine Leunens), en donne un aperçu humoristique et émouvant en montrant comment cela se poursuit même chez les nazis, à travers deux militaires gradés qui se dessinent des habits et qui en portent un exemple à la fin du film, au moment où pour eux il n’y a plus d’espoir… que celui de mourir. Évidemment c’est du cinéma, mais cela recoupe avec les documents anciens. Il y a dans la culture allemande un sens esthétique profond qui s’exprime de toutes les manières : dans la musique, la littérature, le théâtre, le cinéma (je trouve les films expressionnistes allemands d’un esthétisme souvent époustouflant), les mœurs, etc. Ce film fait aussi référence aux contestataires allemands face au régime fasciste. Vers 1935, l’Allemagne a ses adeptes du swing et du hot-jazz, qui forment une swingjugend (« jeunesse swing ») qui poursuit son goût pour le jazz et la dérision pendant la guerre, comme au même moment les zazous en France et ailleurs en Europe.

Photographies ci-dessous du film ci-avant cité.

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On apprend aussi sur la mode française et européenne à la fin du XVIIIe siècle à travers les almanachs et autres revues de mode allemands. J'en possède quelques-uns, dont des almanachs du Gotha de la fin du XVIIIe siècle, largement consacrés à la mode (un exemple ici).

Ci-dessous : Pages d’un almanach allemand de 1779. Les légendes des illustrations de cet ouvrage sont en allemand ou en français et allemand. Voir d'autres pages ici et ici.

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Ci-dessous : Double-page du même almanach. Ici la légende des images est en français, langue alors à la mode dans toute l’Europe. À gauche : « Le petit Maître allant en bonne fortune ». À droite : « la petite Maîtresse à la Promen[ade]. »

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Les Allemands possèdent de nombreux noms désignant des beaux, dont la plupart anciens ou très anciens, ce qui prouve la vitalité de l’élégance dans ce pays. Le terme allemand de geck est assez ancien. Il s‘agit d‘un petit-maître affecté et cherchant à être très élégant. Un modenarr est un maniaque de la mode, faisant étalage de ses vêtements, essayant de dépasser les autres par la délicatesse de ses habits. Le geck est considéré comme ridicule à cause de cela, on dit aussi modegeck. Le mot fant est encore plus ancien et vient de infans qui veut dire « garçon ». Le stutzer est un pimpant. On trouve comme autre synonyme le nom de laffe qui veut aussi dire « cuillère ». Le stenz est un homme assez vaniteux, très à cheval sur son apparence et ses manières. Le gigerl est très attaché à ses vêtements et est aussi assez vaniteux. Un autre, de plus arrogant, est le lackaffe. Un fatzke est un gandin ; on parle aussi de pinkel. Un pomadenhengst est un pommadin, un gommeux. Ce nom est utilisé de façon moqueuse afin de désigner un jeune beau usant exagérément de pommade afin d’avoir une coiffure masculine très lisse.  Ce genre de coiffure est à la mode dans la première moitié du XXe siècle.

Ci-dessous : Gravure provenant d’une revue de mode allemande de la fin du XVIIIe siècle, reprenant en partie ou peut-être en totalité plusieurs gravures de mode françaises et représentant des merveilleuses et des incroyables.

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Le schnösel est un genre de fils à papa, une jeune personne aisée par naissance, assez arrogante, égocentrique et snob… Ce nom semble être inventé au XIXe siècle. Le yuppie, quant à lui, que l’on retrouve aussi en Allemagne, est né aux États-Unis dans les années 1980 et travaille. Il s’agit d’un young urban professional, ayant une profession considérée comme de la classe moyenne supérieure lui permettant de se comporter avec une certaine insubordination. Les Allemands utilisent pour désigner les petits-maîtres du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui des termes que l’on retrouve notamment en France et dans d’autres pays, comme : playboy, beau, dandy, adonis, snob, elegant… Le beau et l’adonis sont des jolis garçons. Le schönling est aussi un joli garçon, un jeune homme séduisant. Originellement ce nom désigne un poisson méditerranéen particulièrement beau et coloré.

Ci-dessous : Page d’un post-incunable du XVIe siècle, écrit en allemand, avec à gauche sans doute un militaire habillé à la mode de l’époque : chapeau avec panache coloré, début de la fraise comme ornement du cou, manteau-cape avec un côté plus long que l’autre, des chausses rayées, une braguette servant de bourse, des chaussures à bout court et carré (l’exact inverse des poulaines qui sont à la mode avant)…

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Merveilleuses & merveilleux