Ci-dessus : Homme en carrick, un très long manteau de style redingote à plusieurs collets. Cette gravure date du Premier Empire, et plus précisément de 1812. Ce jeune homme a les cheveux courts coiffés à la Titus… à la manière romaine. Il porte un chapeau bicorne, une cravate blanche nouée en oreilles de lièvre (voir ici), un jabot, deux ou trois gilets comme c'est la mode alors, une culotte sombre, des bas rayés et de petites chaussures à talon bas. Ses gants sont jaunes (voir ici).
J’ai déjà écrit quelques articles sur la formation de l’habit masculin contemporain, comme celui intitulé Aux origines de la cravate, qui offre, je crois, une vision claire et complète de son histoire. Je vais ici évoquer ce qui constitue le costume de base de la tenue masculine aujourd’hui : le manteau, la veste, la chemise, le pantalon, le tricot de corps, la culotte, les chaussettes et les chaussures, éléments que l’on retrouve sur tous les continents même dans des formes traditionnelles.
Le seul élément qui a presque disparu de la mode occidentale, mais encore présent dans des pays comme l’Inde, l’Afrique, l’Extrême-Orient ou l’Amérique du Sud, est le drapé. En Occident, LE MANTEAU en est un héritage, bien que cousu, alors que le manteau ne l’était pas, comme l’himation grec ou le pallium romain (encore en usage dans l'église catholique) et la toge. La chlamyde était un manteau plus court antique. Le haut Moyen-Âge a conservé ces coupes de vêtements. D’autres genres de manteaux étaient utilisés, déjà très employés chez les Gaulois et avant comme la saie (sayon, sagon en gaulois et sagun en latin). Au bas Moyen-Âge on a commencé à former des manches au manteau par l’intermédiaire de la ceinture. En cherchant à rendre ces manches de plus en plus amples et longues, on a créé des manteaux beaucoup plus cousus, comme la houppelande. Les tuniques de dessus, avec manches, devinrent aussi manteaux. Au bas Moyen-Âge, tuniques et manteaux s’appelaient « robes ». Le terme fut conservé pour la tunique féminine de dessus à l’époque moderne, à partir de la Renaissance. Jusqu’au XVIIIe siècle, on a conservé ces deux styles de manteaux : le simple (drapé) et le cousu. Le premier est resté jusqu’au XXe siècle sous la forme de la cape, et le second est toujours en usage aujourd’hui.
LA VESTE, quant à elle, est dans le prolongement de sortes de justaucorps portés au bas Moyen-Âge et du pourpoint, qui étaient cousus, de même un peu du manteau court. Au XVIIe siècle elle portait le nom de « justaucorps », puis de veste, jaquette, frac, etc. Comme de nos jours, elle pouvait être un vêtement que l’on portait en extérieur sous le manteau en périodes froides, ou comme manteau court et léger quand il faisait plus chaud.
Sous la veste se trouve le plus souvent la chemise, avec parfois au-dessus de cette dernière LE GILET. Celui-ci était très en usage dans l’habit masculin dès le XVIIe siècle, et un élément de l’habit français du XVIIIe siècle presque indispensable. Le mot « gilet » aurait été employé en France à partir du XVIIe. Il viendrait de l’arabe jalikah, désignant une « sorte de camisole sans manches » dérivé du turc yelek. Dans la citation prise ici, on trouve le mot « camisole » qui serait issu de l’occitan camisòla désignant une petite chemise et en usage dès le XVIe siècle dans le nord de la France.
Le mot chemise viendrait du gaulois camisia, mot passant en latin puis dans l’ancien-français. LA CHEMISE a pour ancêtre la première tunique (celle de dessous s’il y en avait une autre au-dessus), et en particulier le chiton qui était une tunique courte (coupée au-dessus des genoux). Elle était directement en contact avec la peau. Il s’agissait donc d’un élément précieux de la panoplie qui devait être conservé très propre. Pour cette raison elle était, il me semble, tout le temps blanche jusqu’à l’apparition des chemises courtes du prêt-à-porter. Et on en changeait très souvent. Si son aspect était à peu près le même pour tous, la finesse du tissu qui la composait faisait la différence, de même que les aménagements faits au niveau du cou, de la poitrine et des poignets, parfois délicatement ouvragés de passements et de dentelles. En souhaitant en ajouter et/ou la rendre d’une apparence davantage amidonnée, on a créé des éléments s’accrochant à la chemise, comme la collerette, la fraise, le faux-col, le jabot, les faux-poignets, etc. La qualité et la blancheur de la chemise se dévoilaient non seulement à ses extrémités, mais aussi à d’autres niveaux, notamment en créant dans le vêtement de dessus ce que l’on appelait « des crevés ». Au XXe siècle, la généralisation du prêt-à-porter lui a fait d’abord progressivement perdre son caractère de vêtement de corps, en mettant sous elle un tricot de corps, et en créant la chemise boutonnée du bas jusqu’en haut et plus courte. Elle prit différentes couleurs, se para de motifs… Aujourd'hui, des chemises du genre tunique se vendent toujours, non seulement dans des boutiques de vêtements anciens, mais on en trouve aussi des neuves chez des marchands orientaux et extrême orientaux notamment. Il s’agit d’un vêtement de base très hygiénique et permettant de nombreux usages et modulations aussi bien masculins que féminins : linge de corps, chemises de nuit, de costume, de travail, de loisir, etc.
L’origine du pantalon est à la fois récente et très ancienne. Oui c’est possible ! On a commencé à utiliser LE PANTALON en France à la fin du XVIIIe siècle. Auparavant on portait une culotte. On ne le trouvait que dans la tenue de certaines corporations, comme les nautes (bateliers) parisiens. Les révolutionnaires, venant du peuple ou cherchant à en imiter les manières, étaient appelés des « sans-culottes », car ils ne portaient pas la culotte mais le pantalon et d’autres habits de travailleurs comme la blouse, la carmagnole, les sabots… D’après le site du CNRTL, le terme de « culotte » serait présent dès le début du XVIe siècle, mais surtout courant au XVIIIe siècle, avec parfois encore celui de « chausses » et « haut-de-chausses ». Ce dernier se déclinait et prit d’autres noms plus éphémères selon les modes. Les chausses quant à elles ont une origine antique et sans doute gauloise et celte. Elles étaient très portées au Moyen-Âge. Il s’agissait sans doute d’abord d’une chaussure de tissu montant jusqu’au-dessus des genoux et retenue par des lanières nouées autour des jambes. Au bas Moyen-Âge, lorsque les habits devinrent davantage cousus, elle couvrit les jambes et le bassin. La braie était aussi courante durant le Moyen-Âge. Son origine était aussi antique et gauloise, ou celte en général. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui un « pantalon », et véritablement son ancêtre.
Le bas-de-chausses n’a pas disparu avec la culotte, mais on parlait davantage de « bas ». LA CHAUSSETTE en est une réminiscence. Il s'agit d'une petite chausse, ou plutôt d'un petit bas-de-chausses ne couvrant plus que le pied et montant plus ou moins haut en dessous du genoux.
LA CHAUSSURE a un nom aussi issu de la chausse. Cette dernière pouvait avoir une semelle cousue. D'après le CNRTL, on appelait déjà chaucëure « tout ce qui sert à envelopper le pied »… comme aujourd'hui.
Le terme de « culotte » est lui aussi resté ; mais LA CULOTTE ne désigne plus actuellement que le linge de corps couvrant le bassin, bien que l’ancienne culotte et son nom sont encore en usage en équitation.
LE MAILLOT DE CORPS serait apparu quant à lui au tout début du XXe siècle, remplaçant progressivement la chemise comme linge de corps.
Et oui, rien ne vient de nulle-part !