Philosophie de l’élégance XIX : Doulce France (la douceur)

Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessus : Page de Recueil de pièces en prose Les plus agréables de ce Temps (1657). Sur ce livre voir aussi ici.

La méchanceté est le principal problème sur cette terre. De nombreuses folies peuvent se guérir d’elles-mêmes par cette simple prise de conscience que leur problème majeur est la méchanceté et que de s’en extraire guérit. Comme le dit le philosophe grec Antisthène (445 – 365 av. J.-C.) que j’ai déjà cité à la fin de cet article, le meilleur apprentissage qui soit est de désapprendre le mal.

En apparence il peut sembler plus doux de garder les yeux fermés, mais ce n’est qu’une illusion, car alors on se cogne de partout et se fait mal, ce qui n’est pas le cas quand on a les yeux ouverts. Le philosophe Bion de Borysthène disait que la route des enfers est facile à suivre, car on y va les yeux fermés. Je me permets d’ajouter que l’enfer lui n’a rien de facile et plaisant. Évidemment voir est le véritable repos, la substantifique moelle de la décontraction. Pour certains, se détendre est extrêmement difficile… ce qui est un paradoxe, non ? La vue qui englobe tout de son regard en une seule fois ne peut être méchante, car elle ne juge pas : Elle voit ; elle contemple ; elle agit. Cette vue au-delà même du fait de voir c’est peut-être ce que certains sceptiques appellent « douceur » (πραότητα, voir ici les traductions fort intéressantes de ce mot). La partie sur Pyrrhon (Πυρρων) de Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres de Diogène Laërce (IIIe siècle) se finit ainsi : Τινὲς δὲ καὶ τὴν ἀπάθειαν ἄλλοι δὲ τὴν πραότητα τέλος εἰπεῖν φασι τοὺς σκεπτικούς. « Quelques auteurs prétendent que la fin de l’homme, pour les sceptiques, est l’impassibilité ; suivant d’autres, c’est la douceur. » Voilà le message que je me permets de placer pour vous dans mon étui à billet doux !

Ci-dessous : Étui ancien à billet doux.

Merveilleuses et merveilleux

Évidemment, être doux ne consiste pas à caresser un monstre ou de la monstruosité, ou à être d’une mièvrerie imbécile. À la douceur doit être ajoutée de la sagesse, ce qui donne du plaisir dans la communion. La douceur n’est pas une chose toute prête qui s’applique. Au contraire elle est adaptation intelligente, ouverture. Si on place un pansement trop petit sur une plaie, cela ne fait qu’ajouter au mal, et une douceur inappropriée peut alors être ressentie comme une agression… Et puis il y a les ceux qui salissent la douceur : Se disant qu’ils ne risquent rien les plus méchants en profitent pour la piétiner et les moins violents pour étaler leur laideur. Ils ne comprennent pas quand la douceur leur présente leur reflet dans le miroir… car à leurs yeux, elle n’a alors plus rien de douce. À cela s’ajoute la douceur que l’on n’écoute pas, parce que l’on préfère écouter ceux qui sont durs et font du bruit… ceux qui font peur.

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