À proprement parler, le terme de « gothique » se réfère aux Goths, peuplade germanique, constituée des Ostrogoths et des Wisigoths, qui envahit une partie de l’Europe à la fin de l’Antiquité et au Haut-Moyen Âge. À partir de la Renaissance, ce terme est utilisé péjorativement pour désigner la culture qui la précède, née au XIIe siècle dans le Royaume de France, et que l’on appelle lors de son rayonnement dans toute l’Europe : Francigenum opus, c’est-à-dire « Art français » (voir cet article notamment). À partir du XIVe siècle la Renaissance italienne est la nouvelle modernité ; le mot « gothique » devient le synonyme de « barbare », faisant référence à tout ce qui est ainsi considéré, comme dans le domaine de la mode à ce qui est ancien, passé de mode. Alors qu'aux XVIIe et XVIIIe siècle on appelle donc « modes gothiques » des modes passées de mode, au milieu du XVIIIe l'Angleterre crée le néogothique dans un mouvement très nouveau : le romantisme. Durant la Révolution française, ceux que l'on appelle « les noirs », souvent de jeunes aristocrates, s'habillent tout de noir afin d'exprimer leur mécontentement face aux massacres révolutionnaires. Ils marquent les débuts d'un mouvement de résistance face à la nouvelle culture qui se met en place et qui est rapidement qualifiée de « bourgeoise » par une partie de la jeunesse post-révolutionnaire française dite « romantique ». Dès la première moitié du XIXe, le gothique, c’est-à-dire le Francigenum opus, revient à la mode en France, et certains jeunes romantiques s'habillent et vivent à la façon du Moyen-Âge (voir mes livres sur les petits-maîtres). À partir du début des années 1980, les modes dites « gothiques » reprennent des vêtements du XIXe, notamment chinés aux puces, et le noir est de rigueur. Cette fois cela s'inscrit dans un mouvement post-punk anglais dit new-wave (nouvelle vague) qui, face à la décadence de la société moderne ne proposant plus de futur valable, se tourne vers des modes passées voire fantomatiques. Cette mode est à l'opposé de la new-wave second degré, lisse et purement technologique, bien qu'étant dans la même démarche critique. Par la suite, on observe que souvent le second degré s'efface face au purement glauque. Mais des mouvements comme le steampunk et la visual kei ou la gothic lolita japonaise (voir cet article) redonnent de la vigueur et de la fraîcheur à l'esprit gothique des adolescents et jeunes adultes de la fin du XXe siècle et du début du XXIe. Ces mouvements sont encore en vigueur, et la dentelle et autres froufrous toujours d'actualité, comme ils l'ont constamment été depuis la fin du Moyen Âge. Plus que jamais, face à la technologie qui gère nos vies et face à la soupe mondialiste, il faut chercher à être de plus en plus fin, comme on l'est à l'époque du Francigenum opus qui est aussi celle de la fin'amor, abandonner toutes les grossièretés ainsi que les faux-semblants, et conserver cette capacité à créer du merveilleux.
Ci-dessous : Une femme de la fin du XIXe siècle, au temps des gommeux. Des éléments de ce genre de vêtement sont repris par les filles gothiques post-punks (à partir de vers 1978).
Ci-dessous : Photographies de gothiques, nouveaux romantiques et steampunks provenant de trois livres : 50 ans de looks (Ouvrage collectif, Nova, 2004), Street Culture 50 years of subculture style (de Gavin Baddeley, 2014) et Style Tribes The fashion of subcultures (de Caroline Young, 2016).