Photographie 1 : Vue actuelle de la Tour Jean sans Peur (1409-1411). Classé monument historique en 1884, cet édifice est un des derniers vestiges civils du Moyen Âge à Paris. © photographie : Jean René Gendre.
Photographies 2 et 3 : 'Bonnes et mauvaises manières de boire du vin' : Valère Maxime, Faits et dits mémorables des Romains, Bruges, vers 1475, Malibu, J. P. Getty Museum, ms. 43.
Le Moyen âge est une époque phare dans l'histoire de France et des beaux-arts. Cette période dure mille ans : du Ve siècle au XVe. Cela représente le double de temps de ce qui nous sépare de lui jusqu'à aujourd'hui. On imagine les changements qui s'y sont produits ; évolutions dont la France est l'initiatrice principale. Deux renaissances de l'Occident s'y produisent (avant celle du XVe siècle qui est italienne) : la carolingienne au IXe siècle et celle du XIIe (siècle du francigenum opus [voir l'article Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus], des troubadours, de la chevalerie, des grands centres monastiques ...).
Les monuments de cette époque sont très présents dans l’hexagone, en particulier les églises romanes (Xe au XIIe s.) et gothiques (XIIe au XVe s.). Les édifices civils sont plus rares. La Tour Jean sans Peur construite au début du XVe siècle (photographie 1) à Paris en est un exemple. Toute l’architecture a été conservée. Il manque juste les pavements et peintures multicolores, les tentures précieuses, les meubles d'époque et la courtoisie, pour s'y retrouver pleinement. Mais des expositions photographiques régulières nous y rappellent les mœurs de cette période. Celle qui se déroule en ce moment jusqu'au 11 novembre 2012 est intitulée Le vin au Moyen-âge et présente le rôle majeur de cette boisson à cette époque ; aliment qui comme l'olive, le blé, le thé, le café ou le chocolat est civilisateur. Durant l'Antiquité c'est d'abord l'olivier, le blé puis le vin qui accompagnent les empires grecs et romains. L'élixir de Dionysos (puis Bacchus) et le pain sont la base de l'alimentation et du culte chrétien qui se propage dans tout l'Occident. Le chocolat est celui des empires des Amériques du sud et centrale (aztèques, mayas ...). Le café est le breuvage des Lumières du XVIIIe siècle et le thé de la colonisation anglo-saxonne etc.
Au Moyen-âge, en Occident et durant les siècles qui suivent, le vin est une boisson majeure. Lorsqu'on lit les livres de pharmacopée d'alors elle s'avère être primordiale, notamment dans la fabrication de médicaments. Elle permet d’aseptiser quelque peu une alimentation qui ne connaît pas les règles d'hygiène actuelle. C'est un élément commercial de premier ordre ; et sa culture apporte la prospérité. Toutes les classes sociales l'apprécient. A doses raisonnables, il procure la joie. C'est une boisson païenne et biblique. Tout un service lui est associé. « Par souci de pureté, le vin de messe exige un service attentif et requiert une vaisselle d’or : burette, passoire, calice au large pied, petite cuillère, pipette liturgique. » nous dit l'exposition. « Lors d’un festin, le vin est servi au dernier moment suivant un cérémonial parfois complexe. Ainsi, à la cour de Bourgogne au XVe siècle, au moins trois personnages sont requis : huissier de salle (chargé de quérir l’échanson), échanson (porteur d’une coupe) et sommelier (porteur des pots d’eau et de vin et goûteur). Les vins sont appréciés frais et oxygénés et pour cette raison, versés de haut. Chez les puissants, la vaisselle (hanaps, verres, coupes...) ainsi que les vins d’apéritifs et autres boute-hors (vins signalant qu’il est temps de prendre congé) sont disposés sur des dressoirs. Les traités de bonnes manières se diffusent à partir du XIIIe siècle. On y apprend à boire le coude collé au corps et à petites goulées (pour les femmes). Mais les bonnes manières n’empêchent pas l’hôte de s’amuser parfois aux dépens de ses invités : il existe des pots surprises qui ont un goulot factice mais des trous bien réels placés en dessous, qui laissent s’échapper la boisson sur les pieds de l’invité ! »
On peut contempler de ces services de table en ce moment au musée national de la Renaissance du château d'Ecouen qui présente une exposition de vaisselle d'usage en argent de la Renaissance découverte en 2006 dans un champ par deux habitants de Pouilly-sur-Meuse, en Lorraine. Celle-ci s'intitule L'invention d'un trésor : vaisselles précieuses de la Renaissance et se déroule jusqu'au 2 juillet 2012 tous les jours sauf le mardi dans les appartements de Catherine de Médicis.
Cette vaisselle transmise sur plusieurs générations date de la fin du XVe siècle à la seconde moitié du XVIe. Elle n'est pas celle que l'on dispose alors sur des dressoirs, exécutée par les plus grands orfèvres du temps, et servant avant tout à montrer le goût et la richesse de leur propriétaire. Elle est simple, d'usage courant, ce qui la rend d'autant plus rare, car on a alors l'habitude de faire fondre ce genre d'argenterie afin de la faire exécuter par des artisans plus à la mode. L'orfèvrerie civile de la Renaissance étant très rare, ce trésor est sans équivalent en France. Il est composé de trente et un objets d'argent en partie dorés et ciselés, réalisés dans quatre foyers de production : Paris, Reims, Châlons-en-Champagne et Strasbourg.