Photographies : Almanach allemand de l'année 1779 (Zachenbuch zum Nuken und Bergnugen, Goetingen, J. C. Dieterich).
Voici un article qui fait suite à plusieurs autres dont celui du 22 juin 2009 intitulé Promenades. Il est le résultat de l'acquisition d'un almanach d'outre-Rhin de 1779 contenant de nombreuses gravures avec des thèmes tirés de la mode et de la civilité françaises. Si les estampes sont d'une médiocre qualité, les sujets sont très intéressants. L'une d'entre elles est intitulée « La petite Maîtresse à la Promenade » (première image de droite) et présente une jeune femme portant une des fameuses coiffures à étages à la mode à cette époque. Celle-ci tombe jusqu'au bas des reins et remonte pour constituer au dessus du visage un volume aussi haut que le buste dans son entier. Une autre image, intitulée « La promenade », expose une petite maîtresse moins excentrique mais charmante avec son bâton, son chien qu'elle tient dans ses bras et sa cambrure qui souligne son petit nez en trompette. J'ai largement parlé des promenades à la mode à Paris dans d'autres articles ; de la façon dont on 'fauche le persil' et les 'yeux' comme dans : Lorgner et oeillades, et Le Cours : L'empire des oeillades, l'un des lieux de l'élégance française où l'on fauche le persil, le Cours-la-Reine, les Champs Élysées ... Voici ici un extrait de Tableau de Paris (seconde moitié du XVIIIe siècle) où Louis-Sébastien Mercier décrit la beauté de certains des regards que l'on peut rencontrer en se promenant : « Promenades publiques. […] On s'aperçoit dans toutes ces promenades, que les femmes ont grand besoin de voir & d'être vues. L'OEIL fait à lui seul presque toute la physionomie. Point de visages gracieux, quelques réguliers qu'ils puissent être, sans l'expression du regard. On rencontre de ces fronts polis & colorés qui font des figures fort insipides, faute de l'œil qui n'exprime pas quelques qualités de l'esprit. L'œil doit être transparent comme le diamant. Une certaine langueur douce le rend bien plus beau que ne fait la vivacité. L'œil ne doit prendre aucune forme géométrique. Les yeux ronds ou absolument oblongs, ou saillants ont peu d'agrément. Comme c'est l'âme qui fait le regard & que les belles âmes sont en petit nombre, les beaux yeux sont assez rares. Il y a le feu de la jeunesse qui, à un certain âge, leur prête du brillant ; mais l'on reconnaît que ce sont des yeux passionnés, & non des yeux qui aient l'expression du sentiment. LORSQUE les plumes flottaient sur les têtes de nos belles, c'était un coup-d'œil fort agréable que de contempler du haut de la terrasse des Tuileries tous ces panaches mobiles & ondoyants, qui brillaient parmi les flots de promeneurs […] » Une seconde estampe de cet almanach est intitulée "La Promenade" et présente un couple et ses enfants dans cette occupation.
Une autre gravure a pour titre : « Le petit Maître allant en bonne fortune » et montre un jeune élégant dans l'accoutrement caractéristique : habits à pois, chapeau assez volumineux, cadenette, cravate, canne …, en action de se promener et faire de galantes rencontres. La sixième édition (1835) du Dictionnaire de l'Académie française donne une définition de la 'bonne fortune' qui est la suivante : « Bonne fortune, en termes de Galanterie, se dit Des faveurs d'une femme. Il se vante d'avoir eu cette bonne fortune. Il a eu beaucoup de bonnes fortunes. Un homme à bonnes fortunes. Aller en bonne fortune. Être en bonne fortune. » La définition de l'édition de 1765 du même dictionnaire donne : « BONNE FORTUNE, se dit en termes de Galanterie, pour signifier Les bonnes grâces d'une femme. Il est aimé des Dames, il a eu beaucoup de bonnes fortunes. C'est un homme à bonnes fortunes. Aller en bonne fortune. » Au XVIIIe siècle, l'expression 'aller en bonne fortune' signifie donc aller cueillir les faveurs des dames.
Comme nous venons de le voir, il y a de nombreuses façons de se promener : faucher le persil, aller en bonne fortune … muser etc.. Divers mots sont employés pour désigner les personnes qui aiment baguenauder comme les museurs et les museuses qui musent, musardent, flânent, et qu'on appelle aussi musards et musardes (aujourd'hui on dit plus volontiers flâneurs et flâneuses).