En France, au 18eme siècle, sous des aspects badins on théorise sur des thèmes inconnus ailleurs, comme « le je ne sais quoi » ou « le bon ton ». On se pose la question de ce « je ne sais quoi » qui permet à certains et à ceux qui les côtoient de transcender le commun en affichant une subtile beauté qui transporte littéralement l'âme vers des horizons brillants. On cherche quels sont les éléments de cette sociabilité propre aux français d'alors à travers leurs belles manières, le bon ton, l’histoire des mœurs de ce pays. On se met en quête de l’Age d’or, affiche le moment présent comme comparable aux temps des anciens et même supérieur à lui car actuel. On s’inspire de nouvelles influences : d’un Orient lointain à travers une Chine idéalisée, d’une Amérique avec son or et ses eldorados. On redécouvre l’Antiquité : son art, sa culture, ses écrivains, ses arts décoratifs grâce à l’archéologie. On répertorie dans des encyclopédies et invente le futur. On ‘utopise’, et s’éprend tellement de ce qu’est cette époque que chacun se met à rêver pour lui-même et croire en ses droits. La porte de la liberté ouvre alors à tous un espace immense dans lequel s’engouffre la Révolution.
Photographie : Crousaz, Jean-Pierre de (1663-1750), Traité du Beau, Où l'on montre en quoi consiste ce que l'on nomme ainsi, par des Exemples tirés de la plupart des Arts et des Sciences, nouvelle édition, revue, corrigée, et augmentée par l'auteur, tome second sur 2 volumes in-12, Amsterdam, L’Honoré & Chatelain, 1724, 10 x 16,5 cm. La première édition date de 1715. Elle est en un seul volume et du même éditeur : L’Honoré, Amsterdam. Le tome deux de cette nouvelle édition contient uniquement des ajouts par rapport à la première édition : chapitre XI ‘De la Beauté de l’Eloquence’, chapitres XII & XIII ‘De la Beauté de la Religion’.
Le beau se dévoile aussi à travers le style. La finesse du style s’exprime dans la langue, non pas seulement dans son emploi correct, mais aussi dans la capacité d’invention, d’adaptation, de sublimation. Au-delà du savoir du verbe, le style se révèle dans la poésie et la connaissance des rythmes. Ceux-ci s’ajustent, s’harmonisent et élèvent l’âme. La dureté, les contraintes, sont des obstacles à l’élévation, comme le sont la bassesse ou le manque de subtilité. Sans plaisir, il n’y a pas de bons rythmes. La pure intelligence trouve sa matérialisation dans la beauté, dans le style, dans la langue … Le titre du livre de l’Abbé de Bellegarde que nous présentons : Réflexions sur l’Elégance et la Politesse du Style, est particulièrement intéressant dans son usage des termes ‘élégance’ et ‘politesse’. La langue est une convention propre à une communauté. On en use dans un souci de communication, d’échanges. La politesse est le trait le plus naturel de cette préoccupation d’ouverture à l’autre. L’élégance est l’expression du plaisir qui en découle. Il ne peut y avoir de véritable beauté du style, que ce soit dans la langue ou ailleurs, sans harmonie, c'est-à-dire sans les autres rythmes : ceux de la pensée, des gestes, du savoir … Une personne qui formule de belles choses avec une âme mauvaise ne procure pas de joie ; et si elle arrive à plaire sur le moment, elle laisse un goût amer par la suite. L’élégance du style est donc affaire de subtilité. Derrière la futilité des styles, des modes et des apparences, se blottit la sagesse ; comme elle le fait dans les œuvres d’art et une éducation fine.
Photographie : Bellegarde, M. l’Abbé de (1648-1734), Réflexions sur l’Elégance et la Politesse du Style, quatrième édition, La Haye, Antoine van Dole, 1735. Bien que cette édition ne soit pas du temps de son auteur, dérogeons une nouvelle fois à la règle que nous nous sommes donnée pour vous présenter ce livre.
Photographie : Bellegarde, M. l’Abbé de (1648-1734), Réflexions sur l’Elégance et la Politesse du Style, quatrième édition, La Haye, Antoine van Dole, 1735. Bien que cette édition ne soit pas du temps de son auteur, dérogeons une nouvelle fois à la règle que nous nous sommes donnée pour vous présenter ce livre.