La pierre conserve la mémoire des êtres humains depuis des dizaines de milliers d’années… si ce n’est davantage. L’Île-de-France possède une quantité impressionnante de roches et de pierres gravées, d’autant plus prodigieuse qu’il y a aucun doute que la très grande majorité a disparu sous le poids de l’urbanisation effrénée et diverses carrières de pierres plus ou moins récentes parsemant cette région, tout cela ayant détruit beaucoup de sites et autres témoignages préhistoriques, d’autant plus que ces derniers sont très discrets. J’en ai découverts en me promenant en forêt, puis grâce au travail de l’association Gersar.
Pour moi, ces témoignages sont d’autant plus intéressants qu’ils rejoignent mes principaux centres d'intérêts. Tout d’abord, ils sont en étroit rapport avec la nature, et c’est au milieu d’elle que la plupart subsistent aujourd’hui. Ensuite, ils sont emprunts de spiritualité, ainsi que d’un autre regard sur le monde, plus profond que celui contemporain accaparé par les écrans. Ils sont plus à l’écoute de la vie et de tout ce qui nous entoure : le ciel, la terre, le sous-sol, les éléments, les animaux, les plantes, etc. Ils comblent aussi la passion que j’ai pour la recherche, les témoignages du passé, nos ancêtres et les objets d’art en général. Enfin, ils apportent du merveilleux, du rêve. En un mot : ils donnent de l’« espoir ».
La pierre fait le lien entre le ciel et le monde souterrain, surtout quand elle est dressée. Elle fait office de miroir, reflétant les mondes célestes et les univers souterrains, l’extérieur et l’intérieur. Elle permet de voir les révolutions des astres et leur incidence sur nous, ainsi que l’intérieur de notre corps, de nos organes et l’état dans lequel ils sont. C’est du moins ce que j’ai appris dans un rêve que j’ai fait récemment. Du reste, lorsque l’on désirait se guérir d’une maladie, on gravait certains pierres que l’on plaçait dans des lieux sacrés, comme une source…
Les gravures sur roches et pierres que l’on rencontre en Île-de-France sont toujours très schématiques et la plupart du temps formées de traits et de cupules (petits creux en forme de cercle). Les motifs sont basiques et récurrents, comme ceux des alphabets. D’après moi, nous sommes dans de l’écriture, et il est aisé de faire des comparaisons avec ce que nous considérons comme les premières écritures. Nous sommes là aux fondements même des arts : de l’écriture, de la poésie, des arts graphiques…
L’exposition Pierres secrètes : Mythologie préceltique en Forêt de Fontainebleau, qui a lieu jusqu'au 30 décembre prochain au musée de la Préhistoire d'Île-de-France à Nemours, insiste sur les aspects figuratifs de ces gravures, mais lorsque l’on contemple celles-ci in-situ, on est surtout impressionné par leur nombre et ce qui ressemble à du récit, je le répète : ce qui est selon moi une véritable écriture. J’évoque déjà cela dans un chapitre de mon livre intitulé : Écologie du sentiment, Promenades sur une année aux rythmes naturels des forêts d’Île-de-France.
Comme images figuratives se retrouvant régulièrement et visibles dans cette exposition, on trouve des dieux comme Cernunnos (le dieu à cornes de cerf), une déesse, des animaux et certains objets rituels, ainsi que des figures humaines, dont celle du laboureur avec sa charrue et son couple bovin.
Connaître ce patrimoine et sa valeur est important, ne serait-ce que pour le conserver car, je le répète, il est peu impressionnant extérieurement mais d’une grande richesse intérieure.