Collectionneur d’estampes

L’estampe ancienne de qualité est une œuvre d’art à part entière et un témoignage du temps passé : de l’histoire, de l’histoire de l’art, etc. On distingue deux grands types : celles faisant partie d’un ouvrage et celles publiées pour elles-mêmes. Au milieu on peut ajouter les séries d’estampes, parfois reliées entre elles ou incorporées à un cahier pouvant contenir quelques pages de descriptions. Celles publiées pour elles-mêmes étaient collectionnées ou bien placées sur les murs comme décorations, souvent encadrées, ou bien encore utilisées, comme pour les cartographies. Il est toujours très dommageable de détacher ou découper une estampe d’une parution, et même de découper l’estampe même. Je dis cela, car j’ai constaté que dans l’exposition, intitulée Graver la lumière, l’estampe en cent chefs-d’œuvre et se déroulant en ce moment au musée Marmottan Monet, la plupart des gravures anciennes ont été découpées au ras de l’image. Cela enlève beaucoup de leur valeur. Cela a été fait pour des estampes réputées, comme celles d’Albrecht Dürer (1471 – 1528) et beaucoup d’autres. Alors pourquoi ? Celles-ci étaient-elles abîmées ? Je ne pense pas, car de toutes les façons elles ont toutes été ‘lavées’ et sont en bon état. Petit digression : Personnellement je ne lave jamais mes estampes, me contente de les entreposer dans du papier ‘barrière’ et dans des cartons aussi à ph neutre, etc. Celles qui sont vraiment attaquées, je les calfeutre pendant quelques semaines dans un carton étanche dans lequel j’ajoute du papier contenant quelques gouttes (pas de contact direct avec l’estampe bien sûr) d’huile essentielle de thym et de l’alcool. L’autre chose très importante est de conserver dans la pièce où on les entrepose une température (entre 18° et 20°) et une humidité (entre 45 % et 55 %) constantes. Alors pourquoi avoir découpé ces images ? Pour les encadrer ? Cela non plus n’est certainement pas la raison, car les passe-partout servent justement à encadrer et mettre en valeur les estampes sans les amputer. Je pense que si elles ont été découpées à ras et contrecollées sur du papier ou du carton récent, c’est pour cacher les tampons de provenance des collections dont elles ont fait antérieurement partie. Ce n’est qu’une hypothèse, mais je n’en vois pas d’autre pour le moment hormis la pure stupidité. Quoi qu’il en soit, j’écris cet article pour demander aux collectionneurs de ne pas découper les estampes anciennes. Il s’agit de documents artistiques et historiques même si beaucoup sont accessibles de nos jours à des petits budgets. Pour ma part, j’ai réalisé ma collection quasiment sans argent… en chassant les affaires, et surtout en m’intéressant à des domaines et artistes oubliés. Les conserver et en prendre soin, est un travail plus difficile que de se les procurer, et de plus de longue haleine. L’autre difficulté est de trouver le moyen de les divulguer (personnellement je le fais par internet, même si j’aimerais encore davantage les exposer) et de les transmettre. Je n’ai pas encore réussi à résoudre ce dernier point, n’ayant trouvé personne ayant la tête (l’intelligence), le coeur (l’amour) et les ‘tripes’ (la persévérance) pour cela. Une dernière chose, si vous souhaitez vous servir de vos gravures comme décoration et si vous avez la finance pour cela, faites-les encadrer dans un cadre de l’époque de la gravure… ou au moins l’imitant, et surtout n’exposez jamais une gravure au soleil ou même sous une lumière électrique trop forte, la lumière étant un des quatre facteurs de détérioration, avant même la température et l’humidité, mais après bien sûr une catastrophe (déchirure, feu, dégât des eaux, etc.). Je le répète, conserver et transmettre, cela est plus difficile que d’acquérir.

Photographies ci-dessus : Ces deux petites gravures sont les premières que j’ai achetées… pour 5 €. Elles proviennent d’un livre du XVIIIe siècle. Parfois les gravures ont été sorties d’un ouvrage très tôt, même à l’époque, ou ont été éditées non seulement dans les livres mais aussi à part par l’éditeur. Ici il semble bien que ces gravures pleine-page ont été détachées de leur livre d’origine par une personne peu scrupuleuse... à moins que le reste du livre ait été très endommagé et irrécupérable.

Photographies ci-dessous : Cette autre gravure du XVIIIe siècle est la première que j’ai présentée dans ce blog, et une de mes premières acquisitions. Gravure provenant de Suecia Antiqua et Hodierna (1690 – 1710) d’Erik Joonsson Dahlberg (1625 – 1703). À l’époque, je cherchais à vendre, ce que j’ai abandonné de faire pour ne plus que collectionner.

Merveilleuses & merveilleux