J’aime beaucoup le chat de mes voisins, un sacré de Birmanie. Entre nous, aucun faux-semblant. Cela ne l’empêche pas de beaucoup communiquer par des miaulements dont les intonations expriment comme des mots. Je vous assure qu’il est doué de raison. C’est un être tout à fait raisonnable avec moi, ce que j’ai observé en essayant le plus possible d’aller dans le sens de ses volontés. M’ayant trouvé raisonnable à son égard, il l’a été en retour au mien. Les gens croient qu’il m’obéit, mais ce n’est pas cela, car nous sommes sur un total pied d’égalité. Il m’est arrivé de le prendre dans mes bras pour le ramener chez lui alors qu’il ne le voulait pas, et il faut avoir vu ses deux grands yeux ouverts en ma direction comme pour me dire « nous sommes deux êtres raisonnables, n’est-ce pas ? » Quand c’est comme cela, je le lâche, et il rentre tout seul ! Son regard est alors d’une limpidité et d’une grandeur vraiment merveilleuses, d’une grande beauté qui m’émeut profondément, à moins que cela soit de la grâce ?
Qu'est-ce que la beauté ? Dans son Hippias majeur, Platon traite de ce qu’est le beau en soi. Le dialogue est entre Socrate et le sophiste Hippias qui, pendant tout le temps que se déroule celui-ci, apparaît prétentieux, vénal, et constamment à répondre à côté aux questions de Socrate. Finalement, la conversation se conclut sans réponse à leur questionnement. Sauf qu’à un moment, Hippias, critiquant ceux qui décortiquent la réalité, exprime quelque chose qui me semble être la définition même du beau : que les objets concrets de la réalité possèdent naturellement grandeur et continuité. Voilà ce qu’il dit (traduction provenant de cette page) : « vous détachez le beau de tout le reste pour voir ce que c’est, et vous coupez ainsi chaque objet par morceaux dans vos discours ; de là vient que tout ce qu’il y a de grand et de vaste dans les choses vous échappe. »