Si le musée de Sèvres est un grand musée de l’histoire de la céramique, possédant une fabuleuse collection, et sa manufacture perpétuant un certain savoir-faire, sa direction, depuis déjà quelques années, cherche à être moderne, même quand ce ‘moderne’ est souvent nul et parfois glauque voire très glauque. La nouvelle exposition que cette institution propose, intitulée Formes vivantes et visible jusqu’au 7 mai 2023, semble ne pas déroger à cette règle que l’on retrouve dans de nombreux autres musées de France qui paraissent avoir honte de leur patrimoine ancien, pour lequel pourtant des tonnes de touristes du monde entier se déplacent et viennent admirer. Je dis cela en me basant seulement sur le dossier de presse, car je n’ai pas encore vu l’exposition.
Si j’en parle, c’est que son thème est un sujet important dans la céramique française, depuis le mythique Bernard Palissy (XVIe siècle), en passant par le style rocaille (XVIIIe siècle) et les assiettes à décors naturels, comme celles composées d’après des dessins de Pierre-Joseph Redouté (1759 – 1840), et bien d’autres que l’exposition présente. Alors sans doute cela vaut-il le déplacement… sinon pour voir ou revoir les objets de la collection permanente.
Pour en revenir à l’art contemporain, il serait temps que les principaux acteurs publics du domaine de l’art en France, s’intéressent à des artistes cherchant l’excellence, développant une véritable intelligence, sachant dialoguer avec le passé comme avec le présent tout en inventant le futur, et privilégient le contenu plutôt que le contenant. Pour le moment, ce que disait le philosophe Jean Baudrillard, (1929 – 2007) est toujours d'actualité : « L’art contemporain est nul. »
On constate la même dynamique dans la dernière exposition du musée du Louvre sur l’histoire de la nature morte, un autre sujet intéressant, que j'ai vue. J’écoutais dernièrement la ou une commissaire de l’exposition dire qu’elle trouvait l’expression de « nature morte » pas belle, et qu’elle lui préférait le terme de « choses ». Du coup, cette exposition s’intitule Les choses : une histoire de la nature morte (jusqu’au 23 janvier 2023). Franchement, « les choses »… cela me semble pire. Une fleur coupée est-elle une chose ? Pour ce genre d'exposition, employer le terme de « choses » me semble aussi laid que d'user de « machins » ou de « trucs ». Au moins dans « nature morte », il y est fait référence à la vie : la nature et la mort, deux éléments qui en font partie intégrante. Alors que les choses sont totalement mortes… C’est dans l’air (pollué) du temps et de tous les morts-vivants avec leurs masques chirurgicaux, les vies digitalisées et asservies, les va-t-en-guerre de la macronie débilitante, etc.
Les photographies ci-dessus et ci-dessous sont issues du dossier de presse de l'exposition Formes vivantes.
Ceci dit, la pourriture fait partie de la vie et permet sa régénération, comme nous le dit une oeuvre de l’exposition sur les natures mortes. Il s’agit du tableau de Balthasar van der Ast (1593 – 1657 d’Utrech dans les Pays-Bas), intitulé Fruits, coquillages et insectes (image ci-dessous, mais la photographie ne remplace jamais la peinture et particulièrement ici n'en est qu'un pâle reflet) où la lente décomposition des fruits et les ‘attaques’ des insectes sont rendues avec maestria. En contemplant certaines de ces peintures on pense aux raisins peints par Zeuxis (464 – 398 av. J.-C.) rendus avec tellement de vérité que les oiseaux cherchaient à les picorer.
Ces natures mortes sont encore bien en vie, nous permettant aujourd’hui de contempler l’adresse des peintres anciens, d’apprécier leurs traits, leurs couleurs, tout ce mouvement, toute cette vie artistique figés dans le temps. Elles sont vivantes aussi par leur sujet le plus souvent tiré de la vie quotidienne. La main de l’homme y est autant présente que celle de l’artiste… ainsi que celle de la nature… une nature le plus souvent domestiquée, ce qui fait se poser la question de savoir si la domestication de la nature par l’homme n’est pas une œuvre de mort, surtout quand elle devient le but ultime ?
Comme l’illustrent les œuvres anciennes présentées dans cette exposition, les natures mortes étaient un moyen pour les artistes d’exercer, d’éprouver et de révéler leur dextérité. Et franchement, cela est confondant ! Mis à part la plupart des œuvres contemporaines et quelques choix anciens, des dizaines de chefs-d’oeuvre exposés régalent le regard et l’âme ! C’est dans de tels moments que je suis heureux de vivre à Paris, surtout que les expositions avec des sujets et des œuvres de qualité voire exceptionnelles reprennent après la crise orchestrée autour du coronavirus.
Un autre élément donne de la vie à ces natures ‘mortes’ : la symbolique généralement inscrite dans ce genre d’oeuvre qui enseigne et donne à penser. Cela nécessite souvent une transmission permettant de mettre en lumière le discours de l’artiste. Dans les bouquets et couronnes de fleurs, généralement les couleurs, le choix des végétaux, voire des animaux, et leur nombre signifient et forment un discours visuel.
Ci-dessous : Bouquet de fleurs par Savery Roelandt (1576 – 1639, né à Courtai dans l’actuelle Belgique).
Ci-dessous : Guirlandes, fleurs et papillons, attribuée à Juan Arellano (1614 – 1676 Espagne).
Puisque je parle beaucoup de mode dans ce blog, voici un des tableaux de l’exposition qui montre l’originalité et la qualité des chapeaux masculins du XVe siècle et de la première moitié du XVIe. La finesse du rendu par le peintre de la matière de ces couvre-chefs n’est pas visible sur la photographie ci-dessous. Il est de Marinus van Reymerswaele (vers 1495 – après 1567, Pays-Bas du Sud) et intitulé Les collecteurs d’impôts.
Même les artistes de rue font dans la nature morte, comme la Polonaise NeSpoon qui compose des graffiti dans la dentelle ! La photographie ci-dessous à été prise à côté de chez moi le dimanche 20 novembre 2022.