Toilettes sèches et malpropretés contemporaines

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses et merveilleux

Ci-dessus : Doubles pages de mon livre Les Petits-maîtres du style, de l’Antiquité au XIe siècle, auto-édition de 2017, avec des illustrations de toilettes de dames grecques de l'Antiquité. Cliquer sur les images pour un agrandissement.

Dernièrement je me posais la question de savoir comment les hommes préhistoriques se lavaient. La baignoire n’était pas encore inventée, il me semble, et encore moins l’eau courante. Pourtant ils devaient être eux aussi confrontés à des questions d’hygiène. D’une manière générale, quand on est au milieu des éléments (la terre, l’air…), de la vie, la question de l’hygiène est une des préoccupations majeures après celles de boire, de se protéger du froid et de manger. La plupart des mammifères se lavent, par exemple avec la langue, prennent des bains de boue, s’associent à d’autres animaux qui les débarrassent de leurs parasites, etc.

Peut-être les hommes préhistoriques utilisaient-ils déjà des plantes contenant de la saponine, comme la saponaire (personnellement je me lave le visage uniquement avec cette plante et parfois les cheveux), le lierre grimpant, et d’autres produits comme les œufs, la cendre (on réaliserait un savon avec de la cendre blanche de bois et de la résine de résineux, la cendre étant encore utilisée dans les campagnes françaises pour laver le linge il y a de cela plus d’un siècle), la terre (comme chez les animaux, et il nous en reste les soins de beauté à l’argile), la poudre de racine d'angelique (pour se laver les cheveux à sec, même usage avec la farine), des minéraux comme le talc et sans doute d’autres substances oubliées pour une toilette 'mouillée' ou sèche.

Si depuis l’Antiquité on use beaucoup des bains, et les thermes en sont un témoignage, comme ceux romains gigantesques construits à Paris dont sont conservés encore des vestiges, autrefois on faisait aussi usage de la toilette sèche aujourd’hui presque totalement négligée. Sous l’Antiquité, autour de la Méditerranée particulièrement, l’huile parfumée le permettait. On se massait avec, puis l’enlevait avec un grattoir. On faisait cela notamment avec de l’huile d’olive, après avoir fait des exercices physiques. De même les cheveux étaient enduits d’huiles parfumées. En France, dans l’Ancien régime, et particulièrement aux XVIIe et XVIIIe siècles, on utilisait aussi pour se laver des vinaigres parfumés pour le corps, et des poudres elles aussi parfumées pour les cheveux. On faisait beaucoup usage du linge de corps que l’on changeait souvent, et qui absorbait en quelque sorte la sueur et la saleté. On se frictionnait la peau avec du linge propre, que l’on parfumait parfois avec une lotion. Citons aussi le talc, les divers laits de toilette et de soins, et autres onguents.

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On appelle « toilette sèche » toute toilette dans laquelle l’eau n’est pas utilisée, mais des huiles, parfums, vinaigres, talcs, argiles, laits… ainsi que certains ustensiles comme le grattoir et le linge de toilette.

Si de nos jours la toilette sèche n’est plus d’actualité, c’est en particulier que notre monde est beaucoup plus sale, mais d’une saleté plus diffuse, plus profonde et portée par diverses pollutions qui atteignent tous les Éléments. Si on a fait de grandes avancées hygiéniques, comme l’eau courante (la chaude particulièrement), on a aussi beaucoup reculé en ‘inventant’ de nouvelles formes de saletés (nanoparticules, gaz et autres poussières produites par la vie moderne, nourriture frelatée et polluée, pesticides et autres produits chimiques dangereux, etc.).

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L’aseptisation de notre environnement est une nouvelle forme de saleté, et on a perdu toute mesure dans ce domaine. Durant l’épisode de la crise orchestrée autour du covid, j’ai été très surpris de voir que les épiceries bios, leur personnel et la majeure partie de leur clientèle étaient très virulents dans l’obligation du port du masque, le lavage des mains avec une lotion antiseptique, etc. Pourtant le bio est censé revenir à des pratiques plus naturelles et saines, abandonner les pesticides et autres procédés qui aseptisent la terre et tue le vivant !?!! Et j’ai rencontré cela chez les grandes enseignes bios comme chez les épiceries indépendantes.

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Actuellement, la conception de l’hygiène est loufoque et même dictatoriale… sans mesure et respect des particularités individuelles et de la diversité qui fait la vie. On aseptise, javellise, bétonne, ‘bitumise’, rend ‘électrogaga’ la population. Il semble y avoir dans l’être humain une facilité à glisser vers une sorte de fascisme de la voie unique et faussement universelle. Le vivant ou naturel qui n’est pas humain ou domestiqué est souvent le premier suspecté quand un problème surgit. Pourtant l’être humain contemporain est un véritable fléau pour la nature et lui-même, avec ses multiples pollutions dont certaines déjà évoquées. Et puis il y a la saleté intellectuelle, morale et spirituelle (de l’esprit) où là aussi notre monde contemporain est exemplaire, et que la crise orchestrée autour du covid a révélé de manière lumineuse.

Il est indispensable que nous redevenions propres !

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O
Agréable et intelligent ce petit texte ! Et je fais amende honorable en écrivant cela car je suis moi-même de ces maniaques à la javel excessive... Cela me questionne : pourquoi ai-je ce besoin de tout désinfecter et cette ambition hygiénique de plus en plus importante ? Je crois que cela est lié à mes angoisses du corps et aux angoisses en général, ainsi qu'à un besoin de contrôle. Ca s'est aussi aggravé quand je suis arrivée en Île-de-France : l'extérieur que j'y ai trouvé est devenu pour moi un parangon de crasse et je n'envisage même plus de porter dans ma chambre ce que j'ai porté dans les transports en commun. Je crois que ce besoin de tout nettoyer est un besoin de créer un bouclier entre soi et un monde extérieur perçu comme de plus en plus angoissant et agressif.
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L
Merci pour ce témoignage honnête. Peut-être est-ce moins un problème individuel qu’un problème de société : d’une perte de repères sains. En même temps, chacun contribue à son niveau. La solution n’est certainement pas de répondre à la déshumanisation par de la déshumanisation. Ce qui m’étonne le plus est que personne ne semble noter la laideur, le ridicule et même l’horreur de toutes les pratiques faussement hygiéniques de notre époque. Que faire face à « un monde extérieur perçu comme de plus en plus angoissant et agressif » ? Peut-être avoir de la mesure.
Merveilleuses & merveilleux