Les mouvements de modes à partir de 1900 jusqu'à aujourd'hui (I)

Un mode et une mode sont une manière, une façon, pour la première davantage une technique du faire, et pour la seconde une coutume ancienne ou nouvelle. Toutes deux mettent en action des rythmes que l’on imite ou invente. La mode est généralement considérée seulement sous son rapport au costume, à la manière de s’habiller, alors que sa définition est beaucoup plus grande et englobe tous les rythmes mis en branle : musique, danse, langage, costume, lieux, décoration, art, littérature, etc.

La mode est donc avant tout mouvement. Rien de bien original à dire cela, car tout bouge constamment ! Elle est aussi et avant tout une affaire de jeunes gens, d’adolescents et de jeunes adultes entrant en indépendance et prenant leurs marques dans la société, dans un élan neuf et novateur. Leur regard sur la société est plus vif que celle des adultes et sans a priori sur ce qu’elle propose. Il est aussi moins ‘paranoïaque’, plus audacieux et plus libre. Le jeune est dans la période de sa vie où il se libère et s’autonomise… ce qui n’est pas une mince affaire… Il a besoin d'une certaine légèreté. Les modes qu’il lance ou suit sont généralement en ‘opposition’ avec ce qui précède directement, tout en suivant un fil conducteur qui est celui du changement.

Certains ‘jeunes’, particulièrement créatifs ou/et audacieux n’hésitent pas à donner un coup de pied dans le panier de crabe et bouleverser les us et coutume, tout en s’auréolant du prestige et du succès de leur jeunesse, pleine de sève. C’est ainsi que tout au long des siècles de l’histoire occidentale, et sans doute d’autres peuples, on suit cette filiation depuis l’Antiquité. Ces jeunes prennent des noms et attitudes différents selon la génération à laquelle ils appartiennent. Citons le kallopistês et la kallopistria chez les Grecs de l’Antiquité, le trossulus et la trossula chez les Romains, la damoiselle et le damoiseau du Moyen-Âge, le mignon et la mignonne du XVIe siècle, la petite-maîtresse et le petit-maître du XVIIe, la merveilleuse et le merveilleux du XVIIIe, le gommeux et la gommeuse du XIXe…

Pour s’épanouir, ces mouvements ont besoin d’être dans une société riche, au sommet de sa gloire, et où les arts peuvent fleurir grâce à un mécénat important et de qualité, ainsi que ce fut le cas dans la Grèce et l’Empire romain de l’Antiquité, ou la France du Moyen-Âge à la Révolution… et encore un peu au XIXe siècle.

Dans la France du XXe siècle, les mouvements de modes furent de moins en moins imaginatifs et la plupart d’inspiration anglo-saxonne. Le prêt-à-porter et la fin des tailleurs, couturières et autres bottiers de quartier sonnèrent le glas de l’invention de rue, et les guerres de 1870, 1914-18 et 1939-45 affaiblirent énormément la France.

Pendant ce temps, les nouveaux rythmes d’Outre-Atlantique et surtout d’Outre-Manche conservaient de l’invention, de la fantaisie, de la fête, du merveilleux et du style. De 1950 à 1990, en Occident Londres était le lieu où les contrastes étaient les plus frappants et les créations de rue les plus merveilleuses, avec dans les années 1950 les teddy boys et les modernists (mods), dans les années 60 le swinging London, la pop psychédélique et les skinheads, dans les années 1970 les glam rockers (ou glitter rockers) et les punks, pour ne citer que quelques mouvements ; et il suffisait de se promener dans certains quartiers de Londres au début des années 80 pour nager dans un feu d’artifice de fantaisies variées et très stylisées (skas, new-waves, batcaves, revivals mods, psychobillys, funs, new romantics, revivals punks, etc.). On restait dans la lignée des euphuists, macaronis, dandys et autres fashionables. Un Anglais pourrait remonter cette filiation sur des siècles, comme je l’ai fait pour les petits-maîtres français dans mes livres. Cela est vrai aussi pour d’autres pays.

Si Anglais et Américains ont porté le flambeau dans la seconde partie du XXe siècle, on sombra dans un nihilisme qui ne fit que s’amplifier, le no future punk passant dans la new-wave, le grunge, la techno, le metal et même une jeunesse en burqa écoutant du rap avant de se laisser masquer passivement et très massivement aujourd’hui. Mais la vie n’étant que mouvements, les choses changent et changeront… La question c’est avec ou sans les êtres humains ? Sans doute avec… mais à quel prix ??

Illustration : Regard, porte de la lumière dans l’obscurité. Création personnelle LM.

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