Lorsque l’on écoute les économistes et les politiques et les êtres humains en général, on a l’impression qu’il n’existe qu’une seule richesse : la possession, et que dans la possession, celle de l’argent surpasse toutes les autres. Cela est tellement vrai, que de nos jours on aide surtout les banques, mise tout sur la création monétaire et ne pense que marchés, CAC 40 et autres indices boursiers… Même le travail, idée sur laquelle toute la société moderne post Ancien régime s’était fondée, n’a plus de valeur. Seul l’argent compte, l’argent pour l’argent ! Et cet argent que l’on crée à partir de rien, on le donne en très grande majorité aux plus 'riches' et leurs sociétés qui brassent surtout du vent. Ce sont des jeux de pouvoir, et en cela l’exemple des GAFAM aux États-Unis est édifiant.
La richesse de l’élégance est bien au-delà de l’argent. Beaucoup d’élégants l’ont même méprisé. Du reste, dans tout l’Ancien Régime et encore jusque dans les années 1970 en France, il était d’extrême mauvais genre d’en parler. Je me souviens qu’encore enfant, c'était toujours le cas. Le terme de « bourgeois » était très péjoratif autrefois, non seulement chez les aristocrates mais aussi dans les autres classes de la société. Au XIXe siècle, ce mot était une insulte chez les petits-maîtres, comme les Romantiques (Nouvelle France), et en général chez les artistes. Si vous n’appréciez pas quelque chose, vous affirmiez que c’était d’un style bourgeois et tout était dit !
Tant qu’on ne verra comme richesse que l’argent, notre société n’évoluera pas et continuera sa régression. Les autres richesses sont multiples. Il y en a que l’on a toujours considérées comme allant de soi, mais qui aujourd’hui sont très détériorées, comme l’air que l’on respire (de plus en plus pollué) ou le soleil (de plus en plus agressif du fait de la pollution)… La terre était par contre un sujet de guerres et l’eau une préoccupation quotidienne pour beaucoup. Une terre et une eau saines sont des richesses incommensurables. Le savoir est une richesse extrêmement importante : Une personne peut mourir d’une maladie simplement par ignorance, alors que la plante qui peut la guérir pousse devant sa porte. Les diversités sont une autre forme de l’abondance, et celles-ci n’ont fait que diminuer au profit d’une culture (invoquant notamment une pseudo diversité) et d’une pensée uniques. L’amour est une autre richesse (dont l'amitié, etc.), ainsi que la paix, la santé, la raison, le patrimoine, la valeur humaine et bien d’autres qui ne s’acquièrent pas par l’argent… tout au contraire…
La crise orchestrée autour du covid aura mis en avant plusieurs choses, dont la pauvreté de ceux qui sont soi-disant riches. Plus vous êtes ‘riche’, plus vous avez du mal à abandonner cette fausse richesse. Il y a la pauvreté même de la vie sociale humaine : Il suffit de voir les gens s’obligeant à mettre un masque médical et se comporter en gendarmes pour pouvoir conserver un métier, une vie de famille, partir en vacances, etc. Pour cela, on les dirait prêts à faire un pacte avec le diable ! Bien sûr notre corps nous impose des contraintes ; mais pourquoi en ajouter d’autres ? La plupart de ce que nous considérons comme des nécessités et des richesses sont tout le contraire : ce qui nous enfonce dans une pauvreté bien pire que celle que nous fuyons. Évidemment, il est nécessaire de ne pas juger, mais je dis cela pour justement sortir de cette misère. Nous avons chacun besoin de peu, le reste n’étant que partage de la richesse… et non pas de la misère bien sûr ! La richesse engendre naturellement la richesse. Si cela devient impossible, alors restons raisonnablement pauvres. Notre liberté de choix est un indicateur de cette richesse dans la pauvreté. Je ne pense pas, comme le Christ, que la personne riche en possessions doive abandonner cette abondance matérielle pour suivre la ‘véritable’ richesse (selon lui sa doctrine et Dieu). Je pense simplement que la possession ne doit pas la laisser sombrer dans une misère plus profonde que celle d’être pauvre. Encore une fois, il n’est pas question de préceptes, de dogmes définitifs, mais de mesure. Certains signes nous donnent des indications concernant notre état. Et de toute évidence les pays dits riches sont devenus pauvres !
Ceci dit, la richesse est entièrement relative. Elle est conditionnée d’abord par des éléments physiologiques qui changent selon les espèces et les individus. Elle l’est ensuite par des effets culturels et de mimétisme. Enfin la rareté compte. Dans le terme de « richesse » se tient une idée de superflu. Là aussi c’est relatif, car ce qui est essentiel pour certains est du superflu pour d’autres. Par exemple, personnellement je n’ai jamais pu m’habituer au métro ou à la vie en appartement ; alors que d’autres s’accommodent très bien de ce moyen de transport et de ce genre de logement. On distingue donc le nécessaire du superflu. La nécessité est selon Thalès la chose la plus puissante, car elle vient à bout de tout, elle triomphe de tout. Sans le nécessaire, qui je le dis une nouvelle fois n’est pas le même selon les êtres, on souffre voire meurt. Et si on peut s’habituer à beaucoup de choses, et même très mauvaises, on ne peut survivre dignement, ou même survivre tout court, sans le nécessaire.
Pour la plupart il est difficile de simplifier leur vie et d’éviter les méchants. La cause en est peut-être, dans le premier cas que nous ne connaissons pas la mesure, notre mesure, et dans le second que nous sommes constamment entourés du désir des autres qui réveille le nôtre dans une noria qui, si elle n’est pas une danse gérée harmonieusement est un enfer. Comme le disent des philosophes aussi bien occidentaux qu’orientaux : l’ignorance engendre le désir qui mène à la colère qui crée l’ignorance et ainsi de suite. Diogène Laërce écrit que, d'après Épicure, les malheurs des êtres humains viennent de la haine, de l'envie ou du mépris, et que c'est grâce à la raison que l'on peut éviter ces travers (Source). Je trouve le terme de « mépris » meilleur que celui d’« ignorance », car le contraire du premier mot implique de la compassion, une attention à la vie.
Ce que je dis là peut sembler un peu dur. Pourtant je ne voudrais être que douceur. Les dogmes, les discours ne nous apprennent rien. Le mieux qu’ils puissent faire c’est de nous apporter du réconfort. D’après Diogène Laërce (toujours... je le lis et relis depuis des mois y trouvant toujours davantage), pour certains philosophes sceptiques la fin de l’Homme est la douceur : πραότητα (traduction de πραότητα). J’ai déjà parlé de la douceur dans cet article, notion particulièrement importante dans la France de l’Ancien Régime et dans le domaine de l’élégance.
Quand j’étais jeune, même enfant, je ne considérais rien de plus important que de distraire les autres. Cela me semblait bizarre, mais je ne voyais rien d’autre de bon à faire. Aujourd’hui je le pense toujours… et cela me semble toujours aussi étrange… De nos jours, le simple fait de distraire peut être considéré comme un acte subversif, si on ne le fait pas dans la norme, si on ne suit pas le passe, qu'il soit sanitaire ou autre, et nous nous enfonçons toujours davantage dans la misère du pauvre monsieur riche.
Photographie ci-dessus : Gravure du début de la fin du XVIIIe siècle : « LE RICHE DU JOUR OU LE PRÉTEUR SUR GAGES. Je prête, Madame, à mes Concitoyens à deux cents pour cent d’intérêts. » « Gravé par J. L. Julien » (Laurent Joseph Julien (17… – 1805). J'ai déjà présenté cette estampe dans un autre article de ce blog. Un jeune paysan a pris, durant le Directoire, les habits modernes d'un incroyable pour se faire prêteur sur gages et ruiner la vieille femme d'Ancien Régime déjà famélique qui est dépossédée de ses derniers bijoux.