« Ne touchons pas à ça ! » Première page de couverture d’une partition du second tiers du XIXe siècle. Les cocottes, cocodettes et autres crevettes se maquillent beaucoup, comme dans l'Ancien Régine, de blanc, de rouge et s'ajoutent des mouches sur le visage. Du reste on est encore dans l'Ancien Régime, à sa toute fin avec le Second Empire (1852 - 1870), ce qui n'est plus le cas pour la cocotte représentée ici et dont les habits sont de vers 1890 (robe à strapontin qui donne un effet 'retroussé') . Dans le dernier tiers du XIXe siècle, elles font aussi ressortir leurs yeux en les entourant de noir, ce qui donne des visions très pittoresques, peu naturelles mais très stylées. Cette chanson serait de 1873. Les auteurs des paroles sont Félix Baumaine (1828 – 1881) et Charles Blondelet (1820 – 1888), et la musique est d’Émile Duhem (1848 – 1918).
Parler des petits-maîtres m’apporte de la gaieté, de la fantaisie et de l’humour. Je trouve dans ce sujet plein de vie, de l’invention, de la créativité, du merveilleux et de l’élégance. La nouveauté propre à ces merveilleux renseigne aussi sur ce qui les précède, notre passé, et sur ce que sont la beauté, l'élégance et d'autres beaux éléments, un peu comme le négatif d’une photographie qu’il suffit de développer pour y voir une image claire. C’est une étape vers un domaine plus chargé d’élégance.
Les premiers dans un nouveau genre de petits-maîtres sont toujours éloignés de ceux qui les copient et ternissent leur image, et de ceux qui les critiquent, peut-être par jalousie de leur jeunesse, de leur beauté, de leur courage de s’afficher différemment… C’est le cas pour les premières de celles que l’on appelle les « cocottes », qui sont des jeunes et jolies femmes à la mode, indépendantes et libres ou souhaitant afficher une certaine liberté. Leurs manières sont vues par beaucoup comme provocantes, voire un signe de mœurs légères. Elles sont vite imitées par toute une ‘jungle’. Mais il ne faut pas confondre.
Il faut rappeler qu'au XIXe siècle, la vie des femmes est loin d'être facile, et que beaucoup veulent exposer de plus en plus leur indépendance, ce qui ne plaît pas à certains hommes qui préfèrent les voir comme de simples objets de leurs vouloirs. Les premières féministes font leur apparition, entraînées par les bas-bleus, les lorettes, les grisettes, les vésuviennes et beaucoup d'autres dont je parle dans mes livres.
Ci-dessous : « L’éducation d’Ernestine ». Image de la série « Fantaisies parisiennes, par A. Grévin. » La cocotte est souvent caricaturée comme étant vénale, attirée par l'argent.
« 24 Mars 1867 » « A. Dumas Fils ». Sur un panneau est inscrit : « Grande fabrique de rosières d'occasion réparations réhabilitations etc. etc. ». Alexandre Dumas fils (1824 – 1895) invente le mot de « demi-mondaine », et évoque ce genre de femmes dans plusieurs de ses romans et pièces de théâtre. La cocotte est rapidement assimilée à ce demi-monde.
« Facétieux sans le vouloir. – Laissez passer la volaille !!! », de la série « Balivernes, – par A. Grévin. » du Petit journal pour rire.
Je le répète, les petites-maîtresses et les petits-maîtres sont souvent moqués, surtout bien sûr par les caricaturistes. Leurs manières ne sont pas du goût de tout le monde. Il faut rappeler que ce sont des adolescents ou des jeunes adultes. Ils sont donc souvent assez libres voire entreprenants en amour. C’est de leur âge ! Mais cela ne marche pas obligatoirement toujours bien, en particulier lorsqu'ils sont hors de leur milieu… Quelques caricatures se moquent de petits-crevés n'ayant pas le même succès en ville et à la campagne, où les jolies femmes peuvent être farouches... mais pas toujours bien sûr !
Ci-dessus : Sur cette carte postale envoyée en 1921, un godelureau petit crevé tente sa chance auprès d’une jolie Normande : « - Vous créyez qu’ça prend, M. le godelureau ?… Allez dont dire ça à vos “crevées” de ville !… » Si on appelle « crevés » ou « petits-crevés » certains jeunes élégants, leurs homologues féminins sont généralement nommées « crevettes », et il est plus rare d’entendre « crevées ».
Ci-dessous, un élégant, trop entreprenant au goût d’une paysanne, reçoit une gifle : « Allez donc avec vos cocottes de parisiennes, enjoleux ! » Assiette de Creil et Montereau, d'entre 1840 et 1876, de la série « Nos bons villageois » (n°5). Toute ma collection d’assiettes du XIXe siècle sur la mode et ses petits-maîtres est visible ici. La caricature de mode n'est en effet pas seulement présente dans des revues ou estampes, mais aussi sur des céramiques, notamment sur les assiettes dites « parlantes » du XIXe siècle, en suivant un procédé qui d'après cette page de Proantic : « consiste à graver un motif sur une plaque puis à le reporter sur une pièce par transfert ».