Photographie ci-dessus : Illustration par Bertall de La Comédie de notre temps (1874 – 1876) avec un ancien romantique : « ANCIEN JEUNE FRANCE 1838. Souvenirs et regrets du vrai libéralisme, de la jeunesse vraie, du vrai chapeau. » Le libéralisme n'a évidemment rien à voir ici avec la doctrine économique, le mot exprimant à cette époque tout ce qui tourne autour de la liberté.
Autres exemples ci-dessous provenant de la même source.
Les illustrateurs français de la mode du XIXe siècle sont nombreux, mais les ‘meilleurs’ sont rarement classés comme des illustrateurs de mode, car polyvalents et à la pointe du progrès des dernières techniques de diffusion.
Durant ce siècle, la lithographie est un de ces nouveaux procédés. Elle est plus adaptée pour prendre la mode sur le vif, dans le mouvement. Au XIXe, elle n’est pourtant jamais employée par les journaux de mode qui lui préfèrent la gravure. C’est donc dans des revues publiant des caricatures que l’on retrouve ces témoignages.
Dans mes articles sur les « Drôles de pistolets », je présente plusieurs de ces artistes. J’ai donné l’exemple d’Alfred Grévin (1827 – 1892) (voir ici et ici) , de Cham (1818 – 1879, voir ici), de Félix Nadar (1820 – 1910) ici et de Charles Vernier (1813 – 1892) ici.
Avant ces lithographies, certains artistes du même genre publient par l’intermédiaire de la gravure des dessins sur les mouvements de la mode du moment, comme Horace Vernet (1789 – 1863), Carle Vernet (1758 – 1836), Louis-Marie Lanté (1789 – 1871) et Georges-Jacques Gatine (1773 – 1824), voir ici.
M. d’Arnoux, dit Bertall (1820 – 1882), réalise à la fois des gravures en particulier pour des journaux de mode et des lithographies pour d’autres revues. Il fait le lien entre des anciens illustrateurs de mode comme H. Vernet ou L.-M. Lanté (voir lien précédent) et les nouveaux utilisant la lithographie. Il est aussi un des pionniers de la photographie et réalise des portraits qui donnent une idée des modes d’alors.
La photographie ci-dessous, réalisée par l’atelier de Bertall (peut-être par le dessinateur lui-même), pourrait être celle d’un gentil homme tel que Cham les dessine (voir l’article Drôles de pistolets III : Les « gentils hommes » de 1846 !). Il en a plusieurs caractéristiques : Les cheveux frisés (ici artistiquement ondulés), la barbe et la moustache très fournies, la cravate un peu grosse nouée à l’horizontal et le pantalon et le gilet à motifs géométriques, généralement des carreaux mais ici des pois. Ce cliché est un portrait-carte, une carte de visite (voir cet article sur le sujet de ces cartes) que l’on se fait faire avec sa photographie, réalisé par l’atelier Bayard & Bertall, « rue de la madeleine N°15 bis » à Paris. D’après la BNF, il s’agit d’un « Atelier de photographie formé par Bertall et Hippolyte Bayard au début des années 1860 jusqu’à 1866 ». J’ai acheté cette carte de visite pour le personnage, et ai été très agréablement surpris de constater, a posteriori en regardant le dos de celle-ci, qu’elle provenait de l’atelier du caricaturiste de modes !
Les œuvres de Bertall sont les premières à avoir suscité mon intérêt pour les représentations des merveilleux du XIXe siècle en dehors des traditionnelles revues de mode, en particulier son livre en trois tomes La Comédie de notre temps, le troisième étant intitulé La Vie hors de chez soi, publiés de 1874 à 1876. On peut les lire ici : tome I, tome II et tome III. Cet ouvrage est vraiment dans l’esprit de la petite maîtrise parisienne du XIXe siècle, avec un amour pour ces petits riens qui produisent les gens, et en particulier les merveilleux… qui composent des vies qui jouent leur spectacle avec leur propre fantaisie, empruntée à un air du moment faisant de chacun un comédien et un spectateur afin de savourer le plus entièrement possible cette comédie du temps, de la modernité… une modernité qui passe vite, se renouvelant tout le temps, mais laissant derrière elle des sourires de chiffon si bien croqués par Bertall, avec des traits simples mais d’une grande finesse, et un véritable amour de la vie parisienne et des Parisiens, en particulier des plus originaux qui mettent du chic dans des petits riens qui ensemble forment un grand et beau tout. Ce sont des réminiscences des hautes notions du rythme de l’Ancien Régime et de son panache, feu d’artifice continuel, qui s’éteint progressivement au XIXe siècle, ne laissant que quelques étincelles, aujourd’hui complètement mortes, mais dont des braises sont toujours présentes dans le cœur de certains. De toutes les façons, comme dit le Petit Prince, une sorte de petit-maître enfant blondin imaginaire : On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.