Cet article fait suite à celui de la semaine dernière analysant la première partie (Création artistique, titre I : articles 1 à 17 bis) du Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine tel que voté en première lecture à l'Assemblée nationale. Je vais maintenant m'intéresser à la seconde section de ce texte, celle qui concerne le patrimoine, l'archéologie et l'architecture.
LE TITRE II est sur les « DISPOSITIONS RELATIVES AU PATRIMOINE CULTUREL ET À LA PROMOTION DE L’ARCHITECTURE ».
Son CHAPITRE I est intitulé : « RENFORCER LA PROTECTION ET AMÉLIORER LA DIFFUSION DU PATRIMOINE CULTUREL ». L'ARTICLE 18 A inclut dans le Code du Patrimoine « le patrimoine immatériel » qui s'ajoute donc à « l'ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique » (article L1). L'ARTICLE 18 B est sur l'importation et l’exportation d'oeuvres d'art. L'ARTICLE 18 crée le label « Fonds régional d’art contemporain » (FRAC). Nous sommes là dans une politique de l'art contemporain, structurée, élitaire, centralisée au niveau gouvernemental. La commission scientifique nationale des collections n'a plus seulement « pour mission de conseiller les personnes publiques ou les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d'art contemporain », dorénavant le ministre chargé de la culture attribue des labels FRAC. L'ARTICLE 18 BIS A ajoute une mission aux musées de France. L'ARTICLE 18 BIS a une fonction d'actualisation. L'ARTICLE 18 TER indique que « La conservation des archives numériques peut faire l’objet d’une mutualisation entre services publics d’archives ». L'ARTICLE 18 QUATER est sur « Les archives produites ou reçues par les communes de moins de 2 000 habitants. » L'ARTICLE 18 QUINQUIES protège un peu plus l’intégrité des archives classées. L'ARTICLE 19 permet au ministre de la culture d’interrompre de manière exceptionnelle des travaux de restauration engagés sans autorisation ou en violation des prescriptions de l’instance scientifique et d'engager les mesures nécessaires. Il donne aussi la possibilité à l'État de mettre « en demeure un propriétaire défaillant en cas de péril des collections et faire procéder d’office aux travaux nécessaires ». L'ARTICLE 19 BIS demande un rapport annuel sur les œuvres spoliées et récupérées.
LE CHAPITRE II « RÉFORMER LE RÉGIME JURIDIQUE DES BIENS ARCHÉOLOGIQUES ET DES INSTRUMENTS DE LA POLITIQUE SCIENTIFIQUE ARCHÉOLOGIQUE » commence avec un long ARTICLE 20 (auquel s'ajoute l'ARTICLE 20 BIS) qui modifie profondément le livre V du Code du Patrimoine relatif à l’Archéologie. Je n'ai pas étudié cet article dans ses détails mais espère que les instances archéologiques le feront.
Le CHAPITRE III prétend « VALORISER LES TERRITOIRES PAR LA MODERNISATION DU DROIT DU PATRIMOINE ET LA PROMOTION DE LA QUALITÉ ARCHITECTURALE ». Les articles 21 à 27 changent profondément le livre VI du Code du Patrimoine relatif aux monuments historiques, sites et espaces protégés, et le livre VII relatif à l’outre-mer. L'ARTICLE 21 crée un nouveau label du Ministre de la Culture pour les sites patrimoniaux publics ou privés ouverts au public. L'ARTICLE 21 BIS suggère un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine dont l'argent irait vers le patrimoine. L'ARTICLE 22 change le titre du livre VI du Code du Patrimoine de « Monuments historiques, sites et espaces protégés » en « Monuments historiques, cités historiques et qualité architecturale ». La notion de 'sites' (historiques) disparaît au profit des 'cités historiques' que ce projet de loi crée. L'ARTICLE 23 donne plus de pouvoir à la Commission nationale des cités et monuments historiques. Sa composition, les conditions de désignation de ses membres et ses modalités de fonctionnement sont précisés par un décret en Conseil d’État. Il est créé des zones dites « tampons » délimitées autour des biens du patrimoine mondial tel que défini par les Nations Unies patrimoine. Ces zones sont délimitées par « l’autorité administrative ». L'ARTICLE 24 change de nombreuses parties de la section sur les « Monuments historiques » du Code du Patrimoine. La « Commission nationale des monuments historiques » devient la « Commission nationale des cités et monuments historiques » La protection des immeubles aux abords de monuments historiques est totalement changée. Il est crée une section pour les « Domaines nationaux ». Cet article fabrique donc les « Cités historiques » qui remplacent les monuments naturels et les sites dont les règles relatives à leur protection sont fixées au titre IV du livre III du Code de l’Environnement. Ne sont classés ainsi que les villes, villages ou quartiers ayant une valeur historique. La notion de 'sites' patrimoniaux et historiques était beaucoup plus large. De plus la multiplication des désignations, des exceptions..., le manque de simplicité des réglementations... tout cela est préjudiciable à la protection de notre environnement patrimonial. L'ARTICLE 25 modifie le titre IV du livre VI du Code du Patrimoine. De « Espaces protégés », il devient « Dispositions pénales et sanctions administratives ». La notion « d'espaces protégés » disparaît ici. Les « secteurs sauvegardés » sont remplacés par les mots : « cités historiques » ce qui n'est pas du tout la même chose. Disparaissent aussi les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (outils des communes et des établissements publics de coopérations intercommunales) et les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine. L'ARTICLE 26 invente le label de « qualité architecturale ». Il est suivi par les ARTICLES BIS, TER, QUATER, QUINQUIES, SEXIES, SEPTIES, OCTIES, NONIES, DECIES, UNDECIES, DUODECIES, TERDECIES, QUATERDECIES, qui ont le mérite de nous faire un peu réviser notre latin. Je ne vais pas les étudier plus profondément car tous concernent des dispositions très diverses. « L’ARTICLE 27 modifie le livre VII du Code du Patrimoine relatif à l’outre-mer, afin de tirer les conséquences des dispositions de la présente loi dans les collectivités ultra-marines. »
Le TITRE III : « HABILITATIONS À LÉGIFÉRER PAR VOIE D’ORDONNANCE » (ARTICLES 28 à 30), laisse le Gouvernement légiférer en dehors du Parlement et de débats dans des domaines importants. Dans l'ARTICLE 31 cette habilitation concerne « le code de la propriété intellectuelle et le code du patrimoine s’agissant du droit des collectivités ultra-marines ».
Le TITRE IV touche les « DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES » (ARTICLES 32 à 46).
Le mercredi 14 octobre, la Commission Culture du Sénat a désigné sur ce projet de loi deux rapporteurs : M. Jean-Pierre Leleux (Les Républicains) et Mme Françoise Férat (Union des Démocrates et Indépendants - UC). Pour le moment aucune audition n'est programmée au niveau de la commission, ce qui signifie que le texte ne passera pas avant plusieurs semaines pour sa première lecture au Sénat (rappelons qu'il y en aura deux).