L’exposition Du Nô à Mata Hari, 2000 ans de théâtre en Asie, qui se déroule au Musée Guimet du 15 avril au 31 août 2015, offre un survol du théâtre asiatique avec de très beaux objets. Le sous-sol est assez féérique avec ses masques, marionnettes et costumes multicolores. La rotonde (bibliothèque du musée) du premier étage rappelle les débuts de Mata Hari (1876-1917), dans ce lieu même ou Émile Guimet (1836-1918) aménagea pour la première représentation publique de celle-ci un temple hindou. Le second étage est consacré aux images d'acteurs japonais à travers des estampes du XVIIIe siècle du kabuki qui est la forme épique du théâtre japonais traditionnel. J'aurais aimé retrouver dans cette exposition Thangtong Gyalpo (1385-1464 ou 1361-1485), 'le roi de la plaine de la vacuité', créateur du théâtre tibétain. Mais c'est tout de même un beau voyage offert par cette exposition, que l'on peut poursuivre en baguenaudant doctement ou pas au milieu des oeuvres asiatiques exceptionnelles de la collection permanente du musée.
Ceci me donne l'occasion de faire le parallèle entre le théâtre oriental et l'occidental. On pense que ce second a rarement été religieux, contrairement au premier qui l'a été le plus souvent. Pourtant l'origine du théâtre occidental l'est. Il est né durant l'Antiquité de rituels liés à Dionysos. Il a gardé cette vocation liturgique pendant toute l'Antiquité, un autel (comme à l'église) placé au milieu de celui-ci le rappelant. Au Moyen-âge il réapparaît dans les églises, puis sur son parvis et sous la forme de mystères chrétiens. Finalement c'est la Renaissance qui, en redécouvrant le théâtre antique aux XVe/XVIe siècles, oublie son caractère religieux et abandonne le masque qui est porté pendant toute l'Antiquité et au Moyen-âge. Le masque reste lui très présent dans le théâtre asiatique quand le maquillage ne le remplace pas. Il représente le plus souvent une divinité ou un être légendaire. Dans le théâtre antique il est en particulier en relation avec les ancêtres. Il sert aussi de talisman afin d'éloigner les négativités, cristallisant en lui toutes les passions en les exprimant de manière cathartique (purification des passions par leur exagération). Cette fonction cathartique est aux fondements du drame. Le théâtre médiéval suit cela en représentant la passion du Christ et son 'mystère'. Le cœur des églises lui-même rappelle la scène du théâtre antique avec ses trois portes (la Trinité) et son autel. Le rituel anthropophage de l'eucharistie et la communion est le moment culminant de cette passion.
J'ai écrit plusieurs articles dans ce blog sur le sujet du masque. Ils sont visibles ici : Sortir masqué ; De l'abandon du masque et de la mesure ; La personne, le personnage et la mode ; Masques, mascarades, mascarons.
Photographies : Costumes de l'exposition.