Cet article fait suite à celui intitulé Le pied mignon et le talon rouge.
C'est sans doute à l'époque de Louis XIV que l'on donne le nom de 'talons rouges' à certains élégants en référence aux chaussures portées par Louis XIV (1638-1715) et ses successeurs : Louis XV (1710 - 1774) et XVI (1754-1793). Il semble donc que ce soit à partir du Roi Soleil que l'on désigne de cette manière les courtisans élégants de l'époque de Versailles. Ce château possède des représentations de ces trois rois avec de tels talons dans des peintures dont des exemples similaires de la même époque peuvent se rencontrer dans d'autres musées et endroits. On peut contempler un portrait de Louis XIV de 1702 par Hyacinthe Rigaud ici, un autre de Louis XV du second quart du 18e siècle du même peintre ici, et un portrait de Louis XVI de l'atelier d'Antoine François Callet datant de 1778 ici.
Dans son livre intitulé : Bibliothèque des petits-maîtres, ou mémoires pour servir à l'histoire du bon et de l'extrêmement bonne compagnie (« Au Palais-Royal, Chez la petite LOLO, Marchande de Galanteries, à la Frivolité », 1762 - la première édition date de 1761 -), Fr. Charles Gaudet donne, sans que cela soit l'objectif, une définition du talon rouge de la première moitié du XVIIIe siècle : « Les Petits-Maîtres, ces gentils poupins, n'ont plus de talons rouges, plus d'eau de Chypre, plus de teint d'emprunt, plus de vestes chargées des débris d'un magasin de modes, plus de montres garnies de tous les colifichets de la Fresnaye, ni plus de carrosses à glaces sur les côtés. Ils parlent peu, & parlent bien. Ils ne trompent plus de femmes par des cajoleries banales : ils n'impriment plus leurs lettres, & n'en montrent plus ou les portraits, ou quelques boucles de cheveux. On ne les voit plus rouler sur les boulevards dans de lestes cabriolets, à travers des nuées de poussière. On ne les voit plus aux spectacles, papillonner de loges en loges, faire les singes par les trous de la toile, lorgner, insolemment les plus honnêtes femmes, leur sourire sans les connaître, traverser vingt fois le théâtre, tracasser les actrices dans les foyers, assister à leurs déshabillé, & les mener ensuite, vêtues en nymphes, faire collation par-delà les barrières. Les subalternes de leur ordre, insectes pétulants, ne tapagent plus avec des fiacres ; on ne les voit plus se ranger en haie vis-à-vis des portes des spectacles, & se pencher à mi-corps, pour critiquer plus à l'aise les jambes des femmes qui descendent de leurs équipages ; on ne les voit plus exciter étourdiment des flux & reflux dans le parterre, y souffler l'esprit de prévention & de cabale, & y ajourner les Auteurs à leur tribunal. On ne les voit plus aux promenades se tenir sous le bras ; y attendre impatiemment le coucher du soleil, pour voltiger dans des allées retirées, y conter, à la faveur de l'obscurité, mille gaudriolles à ces chauves-souris de Cythère, dont les appas, aussi dangereux que délabrés, sont à un taux si mince ; & se jeter ensuite dans un café, pour y faire frugalement leur souper d'une carafe d'orgeat, ou d'une bavaroise au lait, suivant la saison. »
© Article et photographie LM