Photographies : Pages du Feuilleton du Journal des débats de l'an 10 (1802).
J'ai acquis dernièrement un petit livre de 252 pages contenant toutes les parutions journalières du Feuilleton du Journal des débats depuis le 3 messidor (deuxième moitié du mois de juin) de l'an 10 (1802) jusqu'au vendredi 30 fructidor (17 septembre : fin de l'année du calendrier républicain) de la même année. Y sont relatées les actualités de théâtres, opéras, jardins et autres distractions. On y lit notamment des critiques de théâtre (comme la comédie Turcaret) et des articles de mode.
En ce début du XIXe siècle le quartier à la mode se situe entre les Champs Élysée et Saint-Lazare où se trouve le jardin de Tivoli, avec au milieu les boulevards.
LE JARDIN DE TIVOLI. On y apprend que dans les jardins de Tivoli sont donnés occasionnellement des « amusements champêtres », des « fêtes extraordinaires » et que de « petits théâtres » y sont ouverts. Voici un article du 14 thermidor de l'an 10 : « TIVOLI. Rien de plus galant, rien de mieux ordonné ni de mieux exécuté que la fête qui eut lieu dimanche dans ce joli jardin. Le temps était superbe, l’assemblée très nombreuse et parfaitement composée ; on remarquait entre autres beaucoup d'étrangères dont la mise contrastait assez avec celle de nos Françaises : elles ont paru charmées de la beauté de l'illumination. Il est vrai qu'il est difficile de présenter un plus beau coup d'oeil. Tant que ce jardin délicieux offrira des jeux variés, des tours de force et d'adresse, et des danses où la meilleure compagnie ne dédaignera pas de figurer, comme dimanche, l'administration pourra compter sur de brillantes recettes. La fête a été terminée par un feu d'artifice, dont quelques parties n'ont pas été tout-à-fait bien exécutées ; mais, en général, il a été brillant et a satisfait les amateurs. » Je parle un peu du jardin de Tivoli dans l'article intitulé Récapitulatif de l’exposition Modes anciennes - suite -
LE HAMEAU DE CHANTILLY. Les fêtes champêtres du hameau de Chantilly sont aussi à la mode alors. Cet endroit n'est autre que l'actuel palais de l’Élysée où se trouve aujourd'hui le chef de l’État (voir la fin de l'article Les oublies) et où se donnent après la Révolution de somptueuses fêtes avec des bals dans les locaux, des fêtes champêtres et des feux d'artifice dans le jardin.
LE CAFÉ FRASCATI. Le café Frascati (voir article intitulé Le café Frascati) est alors « le centre des modes ». Au 6 messidor de l'an 10, on y voit des « têtes tondues à la Titus », des « voiles de dentelle servant de coiffure », « des demi-fichus de dentelle » : « Frascati est actuellement le centre des modes ; à la fête du 3, les têtes tondues à la Titus, les voiles de dentelle servant de coiffure et les demi-fichues de dentelle, posés en marmottes et balafrant les joues, étaient en majorité ; venaient ensuite les coiffures en cheveux nattés et relevés avec un peigne, ou fixés par une épingle, les paysannes de dentelle, posées bien en devant, les chapeaux de paille noire et les bonnets de fantaisie, en satin blanc. Les châles étaient de cachemire, ou un ample fichu de dentelle en tenait lieu. Plusieurs robes avaient la taille basse, une garniture de tulle au corsage et des manches larges. Après le blanc, le bleu-de-ciel, le noir et le rose étaient les couleurs dominantes. Pour les garnitures des tuniques, il y avait économie d'agréments et profusion de dentelles. Presque toutes les robes étaient à longue queue. Dans la toilette ordinaire, les capotes à coulisses, en taffetas gros-vert, lilas, jonquille ou rose, sont encore de mode ; quelques mèches de cheveux paysans qui s'échappent de dessous ces capotes, indiquent que la manie de se faire tondre à la Titus a gagné les élégantes de toutes les classes. Les cheveux des tempes et ceux du front, exceptés de la coupe fatale, sont maintenant huilés avec plus de profusion et bouclés avec plus de soin que jamais. Les centres des peignes, formant le diadème et les têtes ovales des épingles sont maintenant ornés de camées et sculptés sur des coquilles. La cornaline, blonde ou blanche, que l'on continue d'employer en bijoux, est quelquefois remplacée pour les plaques de colliers par ces camées-coquilles. »
LE JARDIN DES CAPUCINES. Dans le jardin des Capucines s'y jouent des spectacles équestres et dans la cour des Fantasmagories de Robertson. Les fantasmagories sont des spectacles d’illusions d’optique très à la mode à la fin du XVIIIe siècle. Dans un article sur le sujet Wikipedia explique en quoi consiste une séance de fantasmagorie de Robertson.
LE PAVILLON DE HANOVRE. Comme l'explique Wikipedia : « Le pavillon de Hanovre est édifié entre 1758 et 1760 par l'architecte français Jean-Michel Chevotet (1698-1772) dans les jardins de l'hôtel d'Antin, appartenant au maréchal de Richelieu, rue Neuve-Saint-Augustin (actuellement boulevard des Italiens). Il est démonté en 1932 pour permettre la construction d'un immeuble de bureaux et remonté dans le parc de Sceaux. » Ce lieu situé sur les grands boulevards parisiens est à la mode en ce temps des merveilleuses et des incroyables.
Le Feuilleton du Journal des débats appartient au Journal des débats (le nom change dans le temps : Journal de l'Empire etc.) qui paraît de 1789 à 1944. Comme semble le montrer l'exemple ici, celui-ci est intégré à ce périodique.
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