Photographies : Frontispice et page de titre de Le Caractère de l'Honnête-Homme. Morale. Dédié au Roi. Par M. l'Abbé de Gérard (Paris, Amable Auroy, 1688). La gravure a pour légende : « Les Entretiens de Philemon, et de Théandre, sur la Philosophie des gens de Cour. Morale. ou Le Caractère de l'honnête-homme et du Chrétien. » Cette édition est la seconde, la première datant de 1682 (Paris, veuve S. Huré). Quant à son auteur, d'après « A.. Péricaud l'aîné » (Notes et documents pour servir à l'histoire de Lyon …, Roanne, imprimerie de Ferlay, 1858-1860) : « Il est à présumer qu'Armand de Gérard est le même que l'abbé Gérard auquel on doit La Philosophie des gens de Cour, Paris, 1680, in-12, et Le Caractère de l'honnête-homme, Paris, 1682, in-12. V. les P. de 1688 ... »
L'honnête homme est une personne d'honneur et de probité ayant, comme le dit l'édition de 1762 du Dictionnaire de L'Académie française, « toutes les qualités sociales & agréables qu'un homme peut avoir dans la vie civile. » Il semble naître avec l'époque moderne, qui débute avec la fin du Moyen-âge. Il est un des nouveaux modèles de la civilité à partir du XVIIe siècle. Il se distingue de l'aristocrate qui lui est gentilhomme, courtisan et suit des préceptes courtois et galants. Sa morale n'est pas non plus celle d'un homme d'église. Il s'apparente davantage à l'humaniste plus austère qui se mue au XVIIIe siècle en philosophe des Lumières. Il s'inscrit dans l'épanouissement de la raison : concept premier de l'époque moderne. S'il se confond parfois avec le gentilhomme, il n'en est pas obligatoirement un. Il est davantage issu d'une morale bourgeoise : le bourgeois étant lié à la cité et donc plus particulièrement à la civilité. A une époque où la royauté représente l’État et le pouvoir sur terre, la noblesse est l'exemple à suivre, et l'honnête homme et l'homme de qualité se mélangent souvent avec le gentilhomme qui, comme son nom l'indique est un noble (voir article Le gentilhomme).
Le sieur Faret (Nicolas Faret : 1596-1646) publie en 1630 : L’Honnête Homme ou l'Art de plaire à la Court [orthographe de l'époque]. Il y décrit les qualités que l'honnête homme doit posséder : être noble, avoir une grâce naturelle, une éloquence du corps, de l’âme, des gestes et de la parole, des qualités d’esprit, de la culture, une connaissance des excellentes manières et en particulier celles de la cour, être un homme de bien, savoir converser, être courtois, doux, avoir de la civilité, être galant, avoir de la probité, être élégant, habillé avec justesse et propreté … D'autres auteurs traitent ce sujet au XVIIe siècle. Antoine de Courtin (1622-1685) écrit plusieurs traités destinés à l’honnête homme comme son Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes gens (1671) qu’il prolonge d’une Suite de la Civilité Française ou Traité du Point-d’Honneur et des règles pour converser et se conduire sagement avec les Incivils et les Fâcheux (1675), car comme il le fait remarquer en préambule : les maximes d’honnêteté et de bienséance seraient suffisantes « si on pouvait se promettre une paix & une douceur réciproque parmi les hommes », mais « il est visible aussi qu’il ne suffit pas pour converser avec le monde d’être civil, honnête, obligeant, & bienfaisant envers ceux qui le sont ; mais qu’il faut encore savoir supporter les indignités & les injures de ceux qui ne le sont pas ». Au XVIIe siècle, l’honnête homme doit être cultivé, se verser dans les sciences et préfigure le philosophe des Lumières. Charles Le Marquetel de Saint-Denis, seigneur de Saint-Évremond (vers 1613-1703) écrit un Jugement sur les Sciences, où peut s’appliquer un honnête homme. Au XVIIIe siècle les livres ayant pour sujet l'honnête-homme sont encore plus nombreux, et continuent de l'être au XIXe. Celui intitulé La Religion sans prêtres, ou Le Catéchisme de l'Honnête Homme (Paris, 1790), visible ici, met clairement la raison au dessus de la religion.
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