Le théâtre, c'est de la poésie : le verbe qui se fait action … qui rassemble … du mouvement mis en rythme pour du plaisir pur … le geste, la voix, les mots ... mesurés … la vie sublimée et réinvestie par l'humain qui en cadence la respiration … la connaissance de cette humanité transcendée et dansée … et mieux que tout : une distraction qui rend plus heureux, plus sage, qui apaise par la catharsis, qui relativise chaque chose, raisonne, moralise et qui fait aimer. Si depuis le Moyen-âge la religion chrétienne semble bannir les acteurs, ce sont pourtant les clercs qui propagent l'oeuvre du dramaturge comique Térence (vers 190 – vers 159 av. J.-C.) et se servent de ses oeuvres pour enseigner un latin de qualité aux jeunes élèves. Ils transmettent aussi une tradition iconographique, ininterrompue depuis l'Antiquité jusqu'au XIIe siècle, des images de la Comédie nouvelle antique et en particulier celles des pièces de Térence, sur au moins 1400 années ; une tradition où chaque geste, chaque mouvement, chaque masque, chaque attribut, chaque vêtement, est scrupuleusement codifié, tel un langage magique (cela reste du théâtre et du plaisir) qui agit (actio) ... une rhétorique qui accompagne par le mouvement les mots d'une langue humaniste d'une profondeur insondable et d'une légèreté qui l'est tout autant. La Comédie est une part importante de notre société occidentale telle qu'elle ne l'est nulle part ailleurs dans le monde, et cela depuis la Haute antiquité. Oubliée aujourd'hui, l'oeuvre de Térence est pourtant la plus publiée en Occident après la Bible jusqu'au XIXe siècle. Elle est de la lignée d'un théâtre dont le verbe est bâtisseur d'empires, commençant avec Ménandre (empire grec hellénistique), se prolongeant avec Térence (empire romain), Shakespeare (Angleterre) et Molière (France)… autant de royaumes qui propagent un verbe rassembleur, une parole nouvelle … une vision de la vie comme l'est chaque langue. J'ai déjà écrit un long article sur Le théâtre antique et les conventions … classiques … et un autre sur le masque (Sortir masqué) dans lesquels il est question de Térence. Et maintenant quel est le verbe qui portera le XXIe siècle, ce troisième millénaire ?
Photographies : Illustrations d'un livre du XVIIIe siècle avec trois des six pièces de l'auteur comique romain Térence : Publii Terentii Afri, Comoediae Sex, Ad Optimorum Exemplarium Fidem Recensitae. Accesserunt variae Lectiones e libris MSS. & Eruditorum Commentariis depromptae, Tomus I, Lutetiae Parisiorum, Apud Natalem Le Loup & Jacobum Merigot, 1753, Cum Approbatione & Privilegio Regis. 254 pages. In-12 (15 x 9 cm). Tome I avec les comédies en latin : Andria, Eunuchus, Heautontimorumenos, avec argumentaires et prologues, une Vie et un Éloge de Térence. Reliure d'époque. Frontispice par De Lafosse (Jean-Charles Delafosse : 1734-1789) d'après Hubert Gravelot (1699-1773), médaillon de Térence sur page de titre par Jacques Philippe Lebas (1707-1783) d'après H. Gravelot. Trois vignettes par De Lafosse, une par Dominique Sornique (1708-1756), deux par J. P. Lebas, toutes d'après H. Gravelot. Elles représentent des putti ayant des occupations. Une gravure illustre chaque pièce. Une est de De Lafosse, une autre de D. Sornique, une autre de P. Lebas, toutes d'après H. Gravelot. Jolis culs-de-lampe (avec notamment des masques de comédie et une représentation de Ménandre dans un médaillon) et lettres illustrées.