Photographies 1 (ensemble et détails) : Petite gravure (in 8°) du XVIIIe siècle provenant sans doute d'un livre représentant un couple chez un chausseur. On remarque que les chaussures ici représentées sont à talons larges pour les hommes et à aiguilles pour les femmes.
La chaussure occupe une place importante dans la mode française. Au Moyen-âge, à certains moments celle-ci se porte pointue, longue et retournée chez les jeunes élégants avec parfois au bout un visage ou une autre figure plus ou moins grotesque. L'habit de l'homme avec ses culottes offre la jambe aux regards et en particulier le pied. La chaussure est donc un élément important de la panoplie de l'homme galant. Un portrait très connu de Louis XIV de pied nous le montre portant des chaussures à talons rouges. Il semblerait qu'il lance cette mode et que seule la cour a le droit de porter de tels souliers. C’est à partir de ce moment et surtout sous la Régence (1715-1723) qu’on appelle ‘talons rouges’ les petits-maîtres appartenant à la cour ; mais aussi (et cela est attesté dans des textes du XIXe siècle) un homme en vue et aimé pour sa prestance. Un exemple de cet emploi se lit dans un texte d’Alfred de Musset (1810-1857) intitulé ‘Mademoiselle Mimi Pinson : Profil de Grisette’. Comme il est de coutume chez les étudiants, un habitué du quartier latin nommé Marcel invite deux grisettes : « il fit savoir à mademoiselle Zélia qu’il y avait le soir gala à la maison, et qu’elle eût à amener mademoiselle Pinson. Elles n’eurent garde d’y manquer. Marcel passait, à juste titre, pour un des talons rouges du quartier latin, de ces gens qu’on ne refuse pas ». Le terme peut donc s’appliquer à d’autres milieux que ceux de l’aristocratie.
Photographies 2 (ensemble et détail) : Gravure du XVIIIe siècle de Chaponnier Boilly intitulée 'La Comparaison des petits Pieds' (le titre n'est pas visible sur cette gravure qui a été découpée). Deux femmes pendant la seconde toilette comparent leurs pieds pour savoir laquelle a les plus petits, pendant qu'un chausseur leur fait essayer des modèles ; enfin c'est sans doute ce que fait l'homme représenté bien qu'il semble presque allongé dans l'entrebâillement de la porte, et que les femmes soient particulièrement négligées voir dénudées : la poitrine et les mollets (même un genou !) apparents.
Chez la femme on regarde son pied mignon ; ce qui est entre autres choses une caractéristique de la jambe élégante du XVIIIe siècle. A cette époque les femmes portent des chaussures à talons qui soulignent la petitesse des pieds. A la fin de ce siècle, la mode à l'antique amène celle des souliers à talons bas. Cependant les représentations de galantes et galants d'alors les montrent, bien que portant des chaussures plates, le plus souvent sur la pointe des pieds. Dans Les Nuits de Paris (1788-1794) Restif de la Bretonne (1734-1806) se plaint plusieurs fois de cet usage nouveau : « c'est en ce moment, dis-je, qu'une mode insensée fait baisser, élargir les talons des chaussures des femmes ! ». Alors que dans cet ouvrage l'auteur dévoile son caractère plein de compassion, il semble que lorsque le sujet en vient aux chaussures des dames il perde complétement pied comme le montre ce chapitre consacré aux talons hauts et bas : « HAUTS TALONS. En m'en retournant, je me trouvai dans la rue Saint-Louis : La gelée rendait le pavé sec et propre. Je vis une Femme charmante sortir d'une grande maison : - Je marcherai (dit-elle à l'Homme qui lui donnait la main). Et le carrosse les suivit. Comment pouvez-vous marcher ? (lui dit l'Homme), avec des talons aussi élevés ? - Je m'appuie, ou je marche seule, comme il convient à une Femme de marcher, sans précipitation. Je croirais être chaussée en Homme, si j'avais des talons bas : Depuis que j'ai vu, au Palais-royal, une très Jolie personne, n'avoir plus l'air que d'une Tâtillon, en se chaussant presqu'à plat, j'ai pris en horreur les talons bas. D'ailleurs, ils nous rendent la jambe désagréable. J'osai m'approcher en ce moment : - Madame a bien raison ! Voyez, Monsieur, quelle grâce a cette marche noble, et quelle majesté donnent à Madame deux ou trois doigts de plus. Je crois qu'on me fit l'honneur de me prendre pour un Voleur ! Quoiqu'il en soit, l'Homme quitta le bras de la Dame, se mit en défense, et se rapprocha de la voiture : La Dame marchait seule ; et jamais je n'ai vu tant de grâces, de noblesse et d'aisance. Je continuai : - Tout, dans les Femmes, doit avoir un sexe, l'habillement, la coiffure, la chaussure, surtout la chaussure, qui doit être d'autant plus soignée que c'est en elle-même, la partie la moins agréable de l'habillement. II est très important pour les mœurs, très important pour les Femmes, que leur habillement tranche avec le nôtre ! Elles perdraient de leurs attraits par le rapprochement : Mais supposons qu'elles n'en perdissent pas, et qu'elles communiquassent au contraire leur charme de sexe à l'habillement des Hommes ! Il en résulterait un grave inconvénient pour les mœurs ... Ceci est une chose dont la Police devrait se mêler : Qu'elle permette toutes les modes, à la bonne heure, mais qu'elle ordonne, que toute Dame, qui rapprochera son vêtir de celui des Hommes, soit traitée en Catin par le Guet & les Commissaires. J'ai vu hier une Femme en talons larges et plats ; je l'aurais battue, si je pouvais battre une Femme. Elle était crottée comme un Barbet. C'est que les talons larges renvoient plus de boue. Nos Aïeules parisiennes adoptèrent jadis les talons élevés et pointus, par goût pour la propreté. Elles étaient plus sages que leurs Petites filles, qui, d'après des conseils anonymes ont baissé leurs talons, dans le temps où le pavé est broyé plus que jamais, par les voitures ; où les inutiles canaux que la sottise et la cupidité placent sous toutes les rues, en font des mares ; c'est en ce moment, dis-je, qu'une mode insensée fait baisser, élargir les talons des chaussures des Femmes ! Jeunes Sylphides ! croyez-en votre Admirateur éclairé, vous devez éviter tout ce qui profane votre parure, en la rapprochant de l'habillement des Hommes ; tout ce qui vous matérialise, en déformant votre jambe et votre pied ! ... Ici la Dame m'interrompit : - N'êtes-vous pas le Hibou de la Marquise de M**** ? - Oui, Madame. - Hé ! Monsieur ! (dit-elle à l'Homme), il n'est pas méchant. On arriva. La Belle-dame me présenta la main, que je baisai. On rentra. »
Photographie 3 : Détail de la gravure au pointillé de Louis Darcis d'après Carle Vernet (1758-1836) datant de 1796 et titrée « Les Mérveilleuses ».
Photographie 4 : L'article intitulé 'Les Pieds' de Le Furet des salons nous renseigne sur le pied mignon (renommé internationalement) de la parisienne. Le Furet des salons est un petit opuscule de mode de 6,6 x 4,5 cm, de vers 1825, contenant de courts articles sur la mode du temps.
Voici le texte de ce passage : “Les Pieds. On dit que telle femme a une physionomie spirituelle, un air voluptueux, une taille élégante. Une jolie jambe, un joli pied, sont, à mon avis, ce qu'il y a de plus adorable dans une jolie femme. Les Parisiennes ont, dans le monde entier, la plus haute renommée pour les pieds mignons et les souliers bien faits. C'est à Paris que toutes les beautés de l'Europe veulent se faire chausser ; et c'est là seulement qu'elles peuvent apprendre à marcher avec grâce et vitesse.”
Photographie 5 : Détail de la planche 19 de 1802 provenant du Journal des Dames et des Modes ou d'une copie d'époque. Nous avons là un pas de danse.