Philosophie de l’élégance IV

Merveilleuses et merveilleux

Un des bonheurs de la philosophie, est de permettre de vivre avec soi-même en société, en gardant notre liberté, même quand cette société nous prive de certaines fondamentales, comme c’est le cas de nos jours. C’est un peu comme lorsque l’on souhaite franchir un champ d’épines ; il y a plusieurs solutions pour cela : Par exemple, on peut se frayer un chemin en enlevant épine après épine ; ou bien on le passe rapidement, sans encombre, en se munissant de chaussures avec une semelle très épaisse. La philosophie apporte ces chaussures et nous fait traverser les vicissitudes plus sereinement, voire tout à fait sereinement.

Dans cet article, j’envisage quelques notions plus mystérieuses qui font l’élégance, comme le charme ou le je-ne-sais-quoi…

LE CHARME. Le mot « charme » viendrait du latin carmen (formule magique, incantation, poème, chant, prédiction…). Les Camènes sont des nymphes aux chants prophétiques et poétiques. Dans le terme de « charme », il y a l’idée d’une certaine forme de pouvoir sur l’autre apporté par un comportement naturel ou fabriqué. Dans le premier, cela se fait grâce à des dons naturels bien mis en valeur. Par contre, dans ce second cas, il s’agit de forcer l’appréciation. On emploie une tekhnê (τέχνη), un art de vivre, d’où les nombreux traités sur le “savoir vivre” qui fleurissent aux XIXe et XXe siècles.

LE JE-NE-SAIS-QUOI. Dans le charme, il y a une idée de magie, alors que dans le je-ne-sais-quoi, toutes les ordonnances qui font la beauté ne semblent pas intelligibles à l’être humain, même si celui-ci peut les utiliser.

LA GRÂCE. Dans la notion de grâce, se tient plus qu’une simple idée de magie ou de je-ne-sais-quoi, mais celle de divin. Ce mot viendrait du latin gratia, dont la définition est à peu près la même. Le mythe des trois Grâces est particulièrement beau. Il en est question plusieurs fois dans ce blog, par exemple dans cet article intitulé De la grâce et de la tenue.

LE MERVEILLEUX. Le merveilleux, quant à lui, fait davantage référence au surnaturel ou à la surprise. Les religions font beaucoup appel à lui, ce qui montre combien il peut être un réconfort. Il ouvre le champ des possibles, rend l’horizon plus vaste et illumine.

LA FANTAISIE. Selon moi, il y a deux éléments de l’élégance sur lesquels beaucoup de personnes se méprennent de nos jours. Le premier est de croire que la politesse est quelque-chose de figée, servant à cacher des défauts et qu’elle est acquise (elle serait un dû). Le second est que la fantaisie n’est pas élégante mais une folie. Je reviendrai plus tard sur le sujet de la politesse. Concernant la fantaisie, elle est indispensable à l’élégance, au moins dans l’esprit. C’est pour cette raison que j’apprécie beaucoup de parler de ces ‘marginaux’ que sont les petits-maîtres, car chez eux, il y en a énormément, beaucoup de création. Ils ont le don d’apporter un certain merveilleux dans la vie… un supplément d’âme. La fantaisie est ce petit plus qui illumine la clarté ou éteint la morosité. Elle est une des multiples expressions de la joie. Elle exprime aussi la confiance dans le présent et l’avenir, car pouvoir se la permettre est un gage de liberté.

UN SUPPLÉMENT D’ÂME. En conclusion de cet article, je pense qu’il est important de chercher à toujours faire un peu mieux, d’apporter un supplément d’âme…

Merveilleuses & merveilleux