La caricature de mode suit non seulement les nouvelles modes, mais aussi l’évolution des techniques de diffusion de l’image. À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, la gravure est à son apogée et les merveilleuses et les incroyables sont un thème que les gens apprécient, car synonyme de nouveauté et de fantaisie. À partir de 1817, le calicot bénéficie particulièrement du développement de la lithographie, et devient le nouveau sujet dans le vent que l’on représente. Par la suite, les journaux consacrés à la caricature véhiculent toutes sortes d’images des nouvelles modes, particulièrement celles des cocottes, cocodettes et autres crevettes et petits crevés au temps des crinolines du Second Empire (1852 – 1870). Ensuite et jusqu’à la fin du XIXe siècle, ce sont les gommeux qui prennent la relève. Ce sont les nouveaux jeunes gens en vogue que l’on dépeint notamment dans des revues, livres, chansons et sur les partitions de ces dernières. Aujourd’hui, le gommeux et la gommeuse sont oubliés, contrairement à d’autres petits-maîtres comme les merveilleuses, les incroyables ou les zazous. Pourtant, c’est peut-être sur eux que j’ai trouvé le plus de documents d’époque pour ma collection.
Ci-dessous, quelques-unes des partitions du dernier tiers du XIXe siècle que j’ai récoltées, j’espère pour votre bonheur. Je parle de « bonheur », car l’univers des petits-maîtres est celui de la joie ! Ces chansons évoquent surtout le gommeux de la seconde génération (voir mes livres), car beaucoup plus caricatural que celui d’origine (plus chic), et très apprécié des chansonniers du café-concert, dont certains prennent les tics, comme c’est le cas pour les gommeuses, avec quelques chanteuses gommeuses célèbres dont plusieurs sont présentées dans cet article. On dit que ces gommeuses et gommeux de cabarets sont des « comiques excentriques ».
Le texte de la chanson Le Pantalon de casimir, ci-dessous, est intéressant, car il met en scène un mannequin, tel qu’il en existe jusqu’au début du XXe siècle, que les couturiers, tailleurs, modistes, etc. envoient dans les lieux à la mode, notamment les promenades, pour présenter leurs dernières nouveautés (Longchamp, boulevards, etc.). Ici, il s’agit d’un mannequin homme, exhibant un pantalon de casimir. Les mots et les expressions employés témoignent aussi un peu de la manière de parler des gommeux. Voici des passages de cette chanson : « Tempo di Polka. Cris dans la coulisse. Hip ! Hip ! Hourrah ! Hip ! Hip ! Hourrah ! (Il entre après les cris et dit) C’est bien, manants ! C’est bien ! 1. Vous vous dit’s en m’voyant ainsi, / Dans cette culotte équivoque : / Mais pourquoi donc as-tu choisi / Un pantalon aussi baroque ? / Figurez-vous qu’un grand tailleur / M’habille à l’œil et pour la peine / Il faut qu’avec ça j’m’promène / Dans tout Paris qui chante en chœur : / Ah ! quel chic a / C’pantalon là ! / Ah ! Ah ! Ah ! / Quand on l’verra, / Chacun dira : / Ah ! Ah ! Ah ! / Ah ! quel chic a / C’pantalon là ! / Ah ! Ah ! Ah ! / Quand on l’verra, / Chacun dira : / Ah ! Ah ! Ah ! 2. Dans la gomme c’est moi qui fais loi, / Faut croire que mon chic n’est pas mince ; / J’ai du galbe, et voilà pourquoi, / Les modes nouvelles moi je les lince. [ainsi écrit] / Je m’suis fait mannequin ambulant. / Aussi sur l’boulevard quand je passe, / De mes jamb’s quand on voit la grâce, / Chacun s’écrie, en les voyant : Ah ! quel chic a & […] 6. Si l’on vant’ mon chic fameux / C’est que j’m’en rapporte aux cocottes / Dans l’monde entier y’en a pas deux / Pour porter comm’ moi les culottes. / Bref ! On m’encense en prose, en vers, / Moi qui jadis n’étais d’un rustre, / Maintenant je suis un illustre ! / C’n’est qu’un cri dans tout l’univers : / (Cris de coulisse) Hip ! Hip ! Hurrah ! (au public) Là les entendez-vous ? (On chante en chœur dans les coulisses pendant qu’il chante gaîment et prétentieusement) / Ah ! quel chic a & ».