Mode féminine en octobre 1786 !

Les Petits-maîtres de la Mode

Cette estampe, dessinée par Claude-Louis Desrais (1746 – 1816, ici écrit : « Derais ») et gravée par « Duhamel » (1736 – après 1800), provient du numéro du 1er octobre 1786 de la revue de mode intitulée Cabinet des Modes, ou les Modes Nouvelles, décrites d’une manière claire & précise, & représentées par des Planches en Taille-douce, enluminées.

Cette femme est dessinée avec un caraco « à l’Innocence reconnue ou à la Cauchoise ». Un caraco est une sorte de veste très près du corps. Son nom est tiré d’un fait-divers du jour, les vêtements (coiffures comprises) de l’époque prenant souvent des appellations associées aux nouveautés retentissantes (évènements marquants, pièces de théâtre ou œuvres en vogue, etc.). Ici il s’agit de l’acquittement d’une jeune femme grâce aux prouesses de son avocat M. Cauchois. Ce caraco est « de Pékin lilas », le pékin étant une étoffe de soie rayée de bandes mates et brillantes alternant. Il est « garni de deux collets, de revers & de parements de Pékin vert pomme. » Il se boutonne grâce à l’adjonction d’une pièce cousue, ressemblant à une pièce d’estomac. Les boutons, larges, sont « de nacre de perle blancs ».

Au-dessous de ce caraco, « la Femme porte un petit corset, ou un gilet, si l’on veut, de Pékin blanc.

Son jupon est de Pékin vert pomme ; il est garni d’un volant de pareille étoffe, à tête renversée.

Sur son col est un ample fichu en chemise de gaze-linon, à deux collets, dont celui de dessus est fait comme les collets de frac d’homme.

Sa tête est couverte d’un chapeau-feutre couleur queue de serin, garni tout autour des bords d’un épais & long plumet noir, où se détachent milles pointes de plumes couleur feu. La forme profonde de ce chapeau est garnie sur le devant d’une sorte d’aigrette en rubans roses, à liseret blanc. Le tour de la forme est garni jusqu’au faîte de rubans pareils.

La Femme est frisée toute en grosses boucles, dont trois lui tombent en flottant sur le sein. Derrière, ses cheveux sont noués, avec une épingle à la Cagliostro, en gros catogan, à bout frisé retombant. » Cagliostro (1743 – 1795) était un Italien fameux dans la France de cette époque, comme Casanova (1725 – 1798) mais par pour les mêmes raisons, si ce n’est leur penchant pour l’escroquerie.

« À ses oreilles pendent des boucles à la Plaquette.

Elle porte des souliers roses, falbalassés de ruban noir.

Elle tient de sa main droite son éventail ; & de la gauche, tombée par derrière, elle tient son mouchoir. »

Cette tenue suit la vague de simplification qui s’amorce à cette époque et donne après la Révolution de 1789 les robes (on devrait dire « tuniques ») à l’antique. Cette petite-maîtresse ne porte pas de robe mais seulement une jupe : un « jupon ». S’il y a un panier dessous, ce qui n’est pas certain, il est très discret, et le corset n’est plus obligatoire, pouvant être remplacé par un « gilet ». Le caraco n’est pas un vêtement compliqué non plus, de même que les engageantes aux avant-bras et la parure de la gorge (fichu à deux collets). Le chapeau est certes volumineux et raffiné de gros rubans et de plumes, mais ne nécessite pas une longue préparation pour être posé sur la tête. Quant à la chevelure, elle n’est bouclée qu’à partir de la nuque, ce qui est moins compliqué à réaliser qu’une mise en plis sur tous les cheveux par exemple. Les tissus sont d’une certaine finesse : pékin, gaze et linon. Le tout forme un agréable ensemble, cependant peu chaud pour la saison (début octobre), mais pouvant être agrémenté d’un mantelet ou même d’un manteau, par contre pas d’une redingote qui ne pourrait s’ajuster au tronc vêtu d’un caraco déjà très ajusté.

Merveilleuses & merveilleux