La rue est un des lieux où, de tout temps, s’expriment la mode, la sociabilité en général et bien sûr le gandisme. Toutes les rues ne se valent pas. Certaines se goûtent comme un bon vin, un délicieux mets. L’air n’y est pas le même dans toutes… D’aucunes font glisser en elles des souffles bénéfiques, plutôt chauds en hiver et frais en été… Comme dans le corps, il est important que les vents puissent circuler librement parmi les bâtiments. Si aujourd’hui on construit de manière anarchique, c’est beaucoup moins le cas autrefois.
Les lieux et les choses qui s’y trouvent (magasins, cafés, habitations, bureaux, places, jardins, statues, arbres, etc.) lui ajoutent à son caractère, et bien sûr les gens qu’ils amènent. La rue a un parfum… entendu dans le sens d’air, qui se rapporte aussi à son histoire. C’est ce parfum, cet esprit, que je trouve dommage de détruire pour quelque chose de moindre valeur. Mais sans bel et bon esprit que deviendrait le monde ? Chassé d’un lieu, il se déplace donc, et c’est particulièrement intéressant de constater comment les souffles de la mode et du bon ton notamment ont glissé d’un endroit à un autre dans Paris.
Comme pour toutes choses, il faut aborder la rue avec mesure. Par exemple, le SDF la vivra comme une sorte d’enfer de solitude au milieu de la foule, où le froid peut même tuer. Par contre, l’air apporté par les saisons et par ce dont je viens de parler précédemment, peut être un véritable délice pour le fin promeneur.
Aujourd’hui, cet air est mis à rude épreuve comme avec la pollution, les ondes électromagnétiques ou les nanoparticules, avec ces gens qui parlent à leur téléphone portable oubliant ceux qui les entourent, que l’on retrouve même à discourir ‘seuls’ dans les cafés, les restaurants, pianotant sur des ordinateurs, coupés du monde, même dans des lieux de sociabilité. Et puis les individus courent toujours plus, d’un point à l’autre du globe, et sont partout sans être nulle part.
Du coup, bien sûr, la flânerie disparaît, elle qui était pour certains une véritable philosophie (voir les « flâneurs », « flâneuses », « museurs », « museuses », « musards » et « musardes » dans Les Petits-maîtres de la mode). Même le lèche-vitrine est beaucoup moins important, les grandes surfaces et enseignes internationales ayant remplacé ou fait s’évaporer une très grande partie des magasins qui prenaient du soin dans leurs vitrines, toutes différentes. La rue est aussi moins sensuelle qu’elle ne l’était. On s’y accoste, s’embrasse, stationne, se tient par le bras, par la main… beaucoup moins.
Les nouvelles technologies changent aussi la donne, dans la mesure où elles ont la possibilité de submerger nos sens très rapidement, sans nous donner le choix, la possibilité de les tourner ailleurs si on le souhaite.
Mais ne soyons pas trop pessimistes. La rue reste aussi un beau théâtre, surtout certaines, avec de la vie, de la joie, du rythme, un lieu de communication, de prestances, d’inventions vestimentaires, de fantaisies et de beautés… Enfin elle peut le redevenir…