Photographies : En me promenant en vélo près de chez moi j'ai remarqué que l'on détruisait des bâtiments sur le boulevard Richard Lenoir au niveau de la rue Moufle. Il y avait notamment une sorte d'immense hangar ancien. Dernièrement, il ne restait plus qu'un joli bâtiment sans doute du XIXe siècle que j'ai pris en photographie en espérant qu'on ne le supprime pas (image à gauche ci-dessus). Peine perdue, quelques semaines plus tard il n'était plus là (à droite). Voilà ce qui est écrit sur le panneau du chantier : « Maître d'ouvrage : Mairie de Paris. Maîtrise d'oeuvre : Direction des Espaces verts et de l'Environnement Service du Paysage et de l'Aménagement […] Ici, après la démolition des bâtiments un espace de 5 000 m2 sera aménagé. Ce jardin permettra de créer un espace de respiration dans ce quartier. Calendrier de réalisation Printemps-été 2015 : démolition – Automne 2015 : ouverture d'un jardin éphémère – 2017 : aménagement du jardin – 2018 : ouverture du jardin. » La photographie de gauche a été prise le 30 août 2015 et celle de droite le 24 octobre 2015. Avec la disparition du charmant bâtiment on remarque que les deux clochers de l'église derrière sont affublés chacun d'un immense filet. Dans Paris de plus en plus de bâtiments se retrouvent ainsi ficelés. J'écrirai plus tard un article sur ce sujet.
Des démolitions comme celle des photographies j'en vois régulièrement. Elles se font sans bruit. Beaucoup sont entreprises par la mairie de Paris, par exemple pour construire des logements sociaux de mauvaise qualité. Quand on ne détruit pas tout, on garde les façades et avec de la chance quelques éléments de l'intérieur, ou alors dénature le lieu en le bétonnant etc. La mairie de Paris, comme d'autres villes et l’État ne semblent avoir comme préoccupations architecturales que de faire du neuf ou de vendre.
Les textes comme le Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine sont surtout de l’esbroufe. Dans la réalité on ne respecte pas assez les architectures anciennes de qualité dont on devrait prendre soin comme on le fait pour les objets d'art. Même des bâtiments classés sont détruits. Seulement dans ces cas les architectes font toujours attention de garder les façades et parfois quelques éléments intérieurs afin de 'sauver les apparences'. Mais les dégâts sont irrémédiables. Voici à nouveau une liste de quelques-unes de ces atteintes à notre patrimoine parfois avec l'approbation de ceux-là même qui se targuent de le défendre dans ce projet de loi.
Comme je l'ai déjà dit : de nombreux bâtiments classés ont été presque totalement détruits. Rien que pour ces dernières années à Paris on compte par exemple :
- Le Musée de l'Homme (1937), intérieur partiellement détruit et entièrement 'contemporanisé' en 2015.
- La Samaritaine (un des premiers grands magasins du XIXe siècle) presque entièrement détruite. Seules les façades du bâtiment principal et quelques murs sont conservés. Les travaux ont lieu en ce moment (2015).
- La Médiathèque Françoise Sagan (XIXe siècle). Le bâtiment a été entièrement détruit en 2015 jusqu'aux sous-sols, sauf les façades et deux escaliers.
- La Piscine Molitor (1929) a été entièrement détruite (sauf les façades) et reconstruite en 2014.
Je n'ai pas fait d'enquête précise sur ce sujet. Il s'agit juste de ce que j'ai remarqué lors de mes visites de vernissages pour la presse ou lors de mes promenades en bicyclette dans Paris. Ces deux dernières années on pourrait en ajouter sans doute beaucoup d'autres et pour les années précédentes aussi.
Il est prévu d'endommager d'autres lieux classés :
- L'Hôtel du grenier des Saint-Augustin (XVIIe siècle) va être transformé en locations de luxe et 110 m2 détruits ;
- L'Hôtel Lambert (rare hôtel particulier du XVIIe siècle qui était resté presque intact) est en train d'être modernisé (électricité, plomberie, ventilation).
- L'Hôtel Crillon (XVIIIe) en travaux est aujourd'hui posé sur plusieurs étages de béton constitués de garages, piscine, salle de sport etc. Il n'existe sans doute plus aucune des fondations d'origine. Des planchers vont être partiellement démolis peut-être pour un énième ascenseur) sur les six étages etc.
- Le Quadrilatère Richelieu (composé du Palais Mazarin, de l’hôtel Tubeuf, de la galerie Mansart et de deux édifices abritant la Bibliothèque royale) est en travaux, et plusieurs centaines de m2 de cet ensemble sont en train d'être détruits.
- Démolition partielle du jardin des serres d'Auteuil.
- À L'hôtel des Monnaies (XVIIIe-XIXe) on est en train de démolir 2080 m2.
Des bâtiments prestigieux ont été vendus ces dernières années par l’État ou des collectivités publiques à Paris :
- Hôtel Kinsky (XVIIIe s.), bradé par l'État à une famille princière du Qatar en 2006 pour la moitié de son estimation.
- Hôtel de Broglie (XVIIIe s.), cédé en 2013.
- Hôtel de Clermont (construit en 1708), vendu.
- Hôtel de Fleury (XVIIIe s.), livré à une société foncière.
- Hôtel de Miramion (XVIe-XVIIe siècles, inscrit au titre des monuments historiques en 1926) a été vendu par l'APHP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris) ;
- Garde-meuble de Louis XVI à Versailles...
Que dire de Versailles qu'on modernise (jardin contemporain construit dans celui de Le Nôtre...) ou le Louvre dont on externalise toutes les réserves à Liévin, que l'on 'vend' en partie au Qatar et qui ressemble de plus en plus à un centre commercial ?
En province la situation n'est pas meilleure. Les collectivités publiques vont jusqu'à confier à des fondations privées le patrimoine de villes entières comme à Belfort en 2012 ou Abbeville en 2015. Je sais ceux qui lisent régulièrement mon blog vont dire que je me répète... mais pour certains de ces sujets il me semble que je suis le seul à en parler.
Nous devons dès à présent conserver les bâtiments âgés comme on le fait des objets et oeuvres d'art. Ce sont des témoignages de notre passé irremplaçables et des êtres qui les ont construits, décorés, utilisés, qui ont forgé la grandeur de Paris et de la France. S'il est plus facile de détruire que de conserver, il est par la suite difficile de vivre dans un néant sans passé, sans amour des êtres et de leurs oeuvres qui nous ont précédés, et d'envisager un futur serein.