La bona maneira

Les Petits-maîtres de la Mode

S’il existe de petits riens, il y en a aussi de grands, et puis des riens qui sont tout, car il est des royaumes beaucoup plus précieux que nos croyances, qui agissent directement sur la réalité pour en faire une ambroisie, un or sublimé, par quelques mots simples mais magiques, par ce que l’on peut appeler « une manière ». Les façons et les modes, par leurs mignardises, nous disent aussi sur ce royaume pour qui sait entendre.

Ce sont des réminiscences d’un âge d’or où le désir n’existe pas, seulement le plaisir, non plus que la confusion ou la souffrance expressions d’esprits et de corps malades.

La transmission écrite n’est pas le seul genre de transmission. Il y a aussi la transmission orale, et celle d’esprit. Cette dernière est plus de l’ordre de ce que les poètes appellent leur muse. Elle peut surgir à la vue d’une œuvre d’art, d’une architecture, d’un paysage, d’une personne… elle peut venir d’un sentiment, d’une compréhension, etc.

L’univers courtois donne des exemples de cette manière, de cette bona maneira, mais il n’est pas le seul. Personnellement, je suis très sensible à une véhiculée dans le monde rural… non seulement à travers la nature mais aussi un esprit particulier qu’il est difficile de décrire car tout entier dans un présent ‘sublimé’, d’où mon amour de la terre que je foule et que j’aime connaître, découvrir notamment à travers sa vie : ses plantes sauvages en particulier. Cela n’a pas été consigné dans des textes, mais ceux de la poésie courtoise (des cours) en donnent des exemples.

Cette poésie courtoise semble surgir de nulle part au XIIe siècle, avec Guilhem IX duc d'Aquitaine et de Gascogne (1071 – 1127), comme les contes pour enfants apparaissent avec Charles Perrault à la fin du XVIIe siècle. Pourtant ces écrits viennent de beaucoup plus loin, de la terre qui les voit naître, tout en ayant un caractère universel, se plaçant au croisement de multiples réalités ayant une même base, un socle commun. Dans le premier cas, il s’agit de l’amour du beau et du bon (et du bien) et dans le second d’un univers de magie particulier. Pour les deux, ces récits marquent un grand changement, une sorte de perte, d’où la nécessité de consigner par écrit afin d’en garder la mémoire.

De même, l’univers de la petite maîtrise n’a jamais été consigné par écrit jusqu’à présent. Il était tellement imprégné dans la société française, que le besoin ne s’en faisait pas ressentir : Cela allait de soi. Le sujet semblait même beaucoup trop léger pour être retenu, même s’il était porté par toutes les classes de la société, depuis les rois et les reines jusqu’aux particuliers. Pourtant, les rythmes qu’il porte sont importants : courtoisie, galanterie, élégance, beauté, invention, modernité, fantaisie, etc.

Merveilleuses & merveilleux